Le blog de Myriam Martin conseillère régionale poret parole d'Ensemble
« Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité, finit par perdre les deux." Benjamin Franklin
Le vote a eu lieu
la semaine dernière, le vote sur la déchéance de nationalité et sur le
projet de loi de réforme constitutionnelle. Mme Carole Delga, présidente
de la région Languedoc Roussillon Midi Pyrénées et députée dans la
Haute-Garonne, s'est abstenue sur le premier vote mais a finalement voté
favorablement pour l'ensemble de la loi.
On
aurait pu espérer une abstention sur le vote de la loi de réforme de la
Constitution, Carole Delga n'ayant pas voté pour la déchéance de
nationalité et se disant elle-même, sur sa page facebook, « très
réservée sur ce sujet, considérant que celle-ci ne pouvait être
l’unique réponse à la situation du pays. Et l'égalité des sanctions
pour tous les français, prononcées par le juge, doit toujours être
défendue ».
Nous
ne pouvons que partager cette affirmation. En effet la déchéance de
nationalité n'est pas une arme contre les terroristes, c'est une mesure
injuste qui remet en question le principe du droit du sol, héritage
républicain de la Révolution Française. Il est bien dommage, du coup,
que Mme Delga, n'ait pas permis au groupe Nouveau Monde En Commun de
présenter le vœu que nous souhaitions soumettre à la nouvelle Assemblée
Régionale installée le 4 janvier dernier, et qui condamnait cette
déchéance de nationalité. Son motif (sic!) : le sujet ne relève pas de
la Région ! Argument imparable, cette question ne relève pas de la
Région mais bien du débat politique général que n'importe quel-le élu-e
de ce pays doit pouvoir mener dans une instance élue au suffrage
universel lorsqu’une question politique majeure se pose dans le pays !
Si
nous avions obtenu le droit de nous exprimer au sein de l'Assemblée
Régionale, nous aurions alors pu interpeller Mme Delga, non seulement
sur la déchéance de nationalité mais aussi sur la constitutionnalisation
de l'état d'urgence et de son vote en tant que députée. Mais même si
cette discussion n'a pas eu lieu à l'échelon régional, nous sommes en
droit de demander à Mme Delga des explications. Pourquoi ? Tout
d'abord, parce que Carole Delga a choisi de cumuler son mandat de
présidente de région avec celui de députée. Ensuite, parce qu'un-e élu-e
doit s'expliquer sur ses prises de positions. Enfin, parce que la
raison donnée par la Présidente de Région, dans son post sur Facebook ne
nous satisfait pas. En effet, Mme Delga nous dit : « Après
ces semaines de débats et de discussions, je considère, compte-tenu des
circonstances exceptionnelles auxquelles notre pays fait face et après
les nombreux échanges avec les citoyens sur ce sujet, qu’il est
nécessaire de faire primer l’unité de la Nation. C’est le sens de mon
vote en faveur de cette loi. »
Ainsi
« l'unité de la Nation » passerait par une loi qui donne tout le
pouvoir à l'exécutif pour décréter perquisitions et assignations à
résidence arbitraires - notamment, sur la base de simple soupçon – et
qui attribue des pouvoirs étendus au Préfet et à la police, au détriment
de la justice.
Le
problème c'est que les politiques menées ces deux derniers mois dans le
cadre de l'état d'urgence, ont démontré leur inefficacité dans la lutte
contre le terrorisme, comme leur bilan l’indique. Ces mesures ont été
utilisées essentiellement contre les mouvements sociaux avec
les assignations à résidence et l'interdiction des manifestations
pendant la Cop 21, avec une mise à l'index d'une partie de la population
victime d'une campagne raciste parce que musulmans ou supposés tels.
Mme Delga nous dit encore : « J’ai
toujours souhaité que notre pays se dote de plus amples moyens humains,
matériels et juridiques pour pouvoir se défendre et protéger les
Françaises et les Français. Le Pacte de sécurité annoncé par le
Président de la République constitue, avec notamment l’augmentation
importante des effectifs de policiers et de gendarmerie, un engagement
fort. »
Ainsi,
là encore, la protection de nos concitoyen-ne-s passerait par une
réforme constitutionnelle permettant de mettre aux mains des
gouvernants des mesures liberticides pour faire taire toute contestation
sociale. Mme Delga devrait ouvrir les yeux car c'est bien de cela
qu'il s'agit et non de la protection légitime de la population de ce
pays.
Mais
peut être que, finalement, Mme Delga a bien ouvert les yeux parce qu'à
la fin de son propos, alors qu'elle vantait quelques lignes plus haut
« le pacte de sécurité voulu par le président de la République, elle
rappelle « que
face au terrorisme, il nous faut une réponse globale en matière de
sécurité, mais aussi en matière d’éducation, de culture, et des
politiques publiques au plus près de nos concitoyens faisant mieux vivre
les valeurs de la République au quotidien. Face au terrorisme, la
France doit répondre en restant elle-même : ouverte sur le monde,
respectueuse de chacune et de chacun et des libertés, déterminée dans
ses principes d’égalité et de laïcité. »
Un peu contradictoire avec l'esprit de la réforme constitutionnelle voulue par Hollande et par Valls ! Une
France ouverte, respectueuse des libertés et faisant vivre ses
principes d'égalité, ne propose pas d'inscrire l’état d’urgence ad vitam
aeternam dans sa Constitution.
Mme
Delga a visiblement assumé cette contradiction entre sa vision de la
France et celle que veut nous imposer l'actuel exécutif. Encore une
question de « solidarité » avec le gouvernement ? Mais Mme Delga n'est
pas ministre, elle est députée et elle est présidente d'une région
qu'elle souhaite aussi fraternelle et ouverte¹. Elle tient ses mandats
des électeur-trice-s de cette région. Nous
aurions souhaité moins de solidarité avec le gouvernement et plus de
cohérence avec les déclarations que Mme Delga a faites.
Pour
nous, et j'en terminerai là, nous choisirons toujours l'état de droit,
car l'état de droit n'est pas un état de faiblesse. Bien au contraire.
C'est la fuite en avant sécuritaire, qui est un aveu de faiblesse.
Adopter les positions de la droite et l'extrême droite avec la déchéance
de nationalité et la constitutionnalisation de l'état d'urgence, c'est
faire courir un danger majeur à notre démocratie. Nous allons combattre
jusqu'au bout cette mesure et nous y opposerons, au contraire, un pacte
de solidarité pour plus d'égalité et de justice sociale.
Myriam Martin
¹ discours de politiques générales le 4, le 18 et le 21 janvier
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