Source : Informaction
Un collectif de défense de l'utilisation des logiciels libres dans l'éducation a déposé un recours contre le partenariat signé fin 2015 entre Microsoft France et l'Éducation nationale. Ses avocats menacent de déposer plainte au pénal pour favoritisme contre la ministre Najat Vallaud-Belkacem si l'accord n'est pas annulé.
Décidément l’annonce en fin d’année dernière du « partenariat » signé entre Microsoft et l’Éducation nationale
ne passe pas. Alors que certaines associations de défense du logiciel
libre avaient choisi de publier un communiqué pour s’en indigner, ce qui
leur a valu récemment une lettre d’amour de Microsoft en faveur du Libre, d’autres ont choisi de passer à l’action.Un collectif de défense de l'utilisation des logiciels libres dans l'éducation a déposé un recours contre le partenariat signé fin 2015 entre Microsoft France et l'Éducation nationale. Ses avocats menacent de déposer plainte au pénal pour favoritisme contre la ministre Najat Vallaud-Belkacem si l'accord n'est pas annulé.
Le Conseil national du logiciel libre (CNLL), l’association La Mouette et l’association Ploss-RA ont ainsi formé un collectif intitulé EduNathon, pour contester la validité juridique de l’accord. Une procédure a été lancée ce vendredi, avec en filigrane la menace du dépôt d’une plainte au pénal contre la ministre Najat-Vallaud Belkacem.Le partenariat aurait dû en réalité être qualifié de marché public
L’accord avec le gouvernement prévoit en effet de mettre gratuitement à disposition Office365, Microsoft Azure Active Directory et d’autres outils de l’écosystème Microsoft auprès d’établissements scolaires, d’y former des personnels impliqués dans le Plan Numérique à l’École, ou encore d’aider à l’adoption d’outils d’éducation sur terminaux mobiles (avec y compris la fourniture d’outils d’adaptive learning qui se basent sur les data des élèves pour adapter les exercices), Or EduNathon estime qu’un tel accord est illégal, même s’il n’a pas de caractère exclusif.
Pour défendre sa cause le collectif s’est assuré du soutien de deux avocats qui connaissent parfaitement bien le droit des logiciels et des marchés publics, Jean-Baptiste Soufron et Bertrand Warusfel. Le premier fut secrétaire général du Conseil national du numérique (CNNum) jusqu’au début de l’année 2015, et membre du cabinet de Fleur Pellerin à l’économie numérique. Le second est docteur en Droit, grand spécialiste du droit de la propriété intellectuelle.
« Bien que cet accord soit qualifié de « partenariat », la nature des prestations proposées par Microsoft France au sein de celui-ci conduisent à penser qu’il aurait en réalité dû être qualifié de marché public, et qu’il aurait du être conclu à l’issue de la procédure normale relevant du Code des marchés publics », écrivent-ils dans un recours gracieux envoyé à la ministre de l’Éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem, dont Numerama a pu prendre connaissance.
Ils expliquent au gouvernement que l’ensemble des prestations couvertes par l’accord, qu’il s’agisse de la fourniture de produits, de services ou de formations, correspondent à des activités qui sont aussi celles de nombreuses entreprises et associations. Dès lors elles « n’auraient pas du être attribuées autrement que par une procédure de mise en concurrence », affirment-ils.
Entre autres, rappellent les deux avocats, « de nombreux entreprises et associations proposent des produits équivalents sans avoir eu l’occasion de formaliser d’offre autour de leurs propres solutions comme Scribus, GIMP, LibreOffice, InkScape, VLC, DarkTable, Linux Mint, etc. ».
Confronté à la colère des communautés du Libre, le ministère de l’Éducation nationale avait répliqué en décembre 2015 qu’il suffisait qu’elles fassent leurs propres propositions, si elles voulaient signer un accord similaire :
Mais le collectif EduNathon ne l’entend pas de cette oreille, et se veut même menaçant. « Pour mémoire, au-delà du risque d’annulation de la convention, le fait de s’abstenir de respecter la procédure de marchés publics pourrait être susceptible de constituer un délit de favoritisme », préviennent Me Soufron et Warusfel. Leurs clients demandent que le contrat soit annulé par le ministère. À défaut, ils déposeront une plainte, dans un premier temps auprès du tribunal administratif.
Dans un communiqué, les associations affirment que l’accord signé entre Microsoft et l’Éducation nationale aurait déjà produit des effets néfastes, puisque « de nombreuses directions d’achat du Ministère de l’Éducation revoient leurs catalogues pour privilégier désormais les produits Microsoft ».
La loi numérique et le logiciel libre
« En acceptant qu’un géant international du numérique fournisse gratuitement les mêmes services que ses compétiteurs locaux, en refusant de considérer qu’il s’agit de marchés ayant une valeur, le Ministère dévalorise d’un coup les années de travail de nombreux entrepreneurs et met en danger l’emploi de l’intégralité de ce secteur stratégique pour le futur », s’indignent les membres d’EduNathon.Adopté ce mois-ci par l’Assemblée nationale, le projet de loi numérique d’Axelle Lemaire comporte un article 9 ter ajouté par les députés qui dispose que « les services de l’État, administrations, établissements publics et entreprises du secteur public, les collectivités territoriales et leurs établissements publics encouragent l’utilisation des logiciels libres et des formats ouverts lors du développement, de l’achat ou de l’utilisation d’un système informatique ». Les éditeurs de logiciels propriétaires sont toutefois vent debout contre cet amendement, qui pourrait sauter lors de la lecture au Sénat au mois d’avril, ou être retoqué par le Conseil constitutionnel.
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