Source : Breizh info
29/02/2016 – 13h00 Nantes (Breizh-info.com) – Les opposants à l’aéroport de Notre-Dame des Landes avaient appelé à une « mobilisation générale »
pour la manifestation du 27 février. Ils ont réussi leur pari : avec,
selon eux, plus de 50.000 personnes (15.000 selon la préfecture)
rassemblées sur la 2×2 voies Nantes-Vannes (RN165) au niveau du Temple
de Bretagne, ils sont non seulement plus nombreux que lors de la
manifestation sur le pont de Cheviré début janvier, mais réussissent la plus grande mobilisation depuis le début de la lutte.
Dans
le cortège, il y avait selon les organisateurs 45 tracteurs et plus de
1000 vélos, ainsi que plus de 3000 manifestants venus des quatre coins
de la France et de la Bretagne dans plus de 70 cars affrétés pour
l’occasion. Le matin vers 11 heures, près de 1200 manifestants – dont 42
tracteurs et les 1000 vélos – ont bloqué pendant une petite heure la
RN137 (axe Nantes-Rennes) au niveau du parc d’activité de l’Erette.
Après, ils ont traversé la ZAD d’est en ouest, à travers le bourg de
Notre-Dame des Landes, en passant par les routes que Vinci prévoit
d’élargir pour la desserte locale si l’aéroport se fait. A savoir la VC5
(Notre-Dame des Landes – Grandchamp) et la VC1 (Notre-Dame des Landes –
Le Temple via les carrefours des Ardilières, au nord de la ZAD, et du
Chêne des Perrières à l’ouest. Le cortège, qui a traversé le bourg de
Notre-Dame des Landes à 13 heures, était sur les lieux du rassemblement
au Temple à 14h.
Dans
la manifestation, la question du référendum sur Notre-Dame des Landes
était sur toutes les lèvres. Annoncé par François Hollande le 11
février, ce qui était une solution politique qui lui permettait de
tenter d’enterrer le sujet jusqu’à sa réélection se transforme en
imbroglio juridique et politique majeur. Daniel Monnier, paysan à
Avessac, présent ce matin à l’Erette (RN137) trouve que « ce n’est
pas une bonne idée. C’est totalement une façon de noyer le poisson,
cette histoire. François Hollande ne veut pas prendre de position avant
les présidentielles, puisqu’il n’a qu’une idée en tête, se faire
réélire ». Ce qui semble mal engagé, au vu de l’accueil plus qu’hostile que les agriculteurs ont fait au président au Salon de l’Agriculture. « Et
puis qui vote ? La Bretagne administrative ? Ils le financent bien cet
aéroport. Les départements limitrophes ? Ils en subiront aussi les
conséquences. Si on ne veut prendre en compte que ceux qui subiront les
nuisances, il faut faire voter les communes dans un rayon de 15 km
autour de la ZAD. C’est très réducteur, et faire voter la
Loire-Atlantique seule, c’est très réducteur aussi », poursuit Daniel Monnier, approuvé par ses collègues.
Gérard, de la Grigonnais, estime que pour le réferendum, « on
est en Bretagne, donc les cinq départements bretons historiques doivent
voter. Ainsi que la Vendée et l’Anjou, ils sont à proximité aussi et
concernés par le transfert de l’aéroport nantais. » Il s’inquiète de la « guerre de communication à venir », et de « la
bonne information des gens. La question a aussi son importance. Par
exemple, « voulez-vous un aéroport dans votre jardin » ou plus
sérieusement, « voulez-vous le transfert de l’aéroport de Nantes à
Notre-Dame des Landes, et la fermeture d’Airbus ? ». Le périmètre de
la consultation reste stratégique, et faire voter des électeurs
éloignés de la ZAD ne signifie pas forcément qu’il y aura plus de votes
favorables. « Il y a eu des sondages faits pendant les régionales. Il
n’y a qu’en Loire-Atlantique qu’il y a un soutien plutôt majoritaire à
l’aéroport, de l’ordre de 60%. Sur la région des Pays de Loire, c’est
nettement mesuré, et au niveau national, ils sont à 60% contre, les
sondés. Voilà pourquoi Ayrault et Valls insistent pour limiter la
consultation au 44 ».
Juste à côté, un couple de manifestants venus du Morbihan tient à protester contre la sévérité de la justice à l’encontre des opposants qui ont tenté de bloquer le périphérique le 12 janvier dernier. « C’est
deux poids deux mesures. Les agriculteurs ont bloqué la RN 165 dans le
secteur de la Roche-Bernard et Arzal trois jours de suite [le 24, le 25 et le 26 janvier ] et
il n’y a pas eu un flic. Nous, nos enfants bloquent le périphérique 4
minutes, et hop, garde à vue, fouille, inculpation pour rébellion et
entrave à la circulation ». Même s’ils ont été relaxés pour la
rébellion et qu’ils n’ont que 200 € d’amende avec le sursis – le
procureur demandait 1000€ en jours-amendes – « il y a quand même cinq
semaine de fourrière à payer, les véhicules étant confisqués jusqu’au
procès, et 6 points sur le permis ont été pris tant aux conducteurs
qu’aux propriétaires du véhicule, pour complicité. Quand on voit que
taxis et agriculteurs multiplient les blocages sans être inquiétés, il y
a de quoi être songeur ».
« Si l’aéroport ne se fait pas, tant mieux »
Dans
le bourg de Notre-Dame, où rugit vers 13 heures le cortège des
tracteurs, Robert Sautin est sorti sur le seuil de sa maison. « Depuis
1974 je dis que l’aéroport ne doit pas se faire et je maintiens ma
position. A l’époque, toutes les communes avaient voté la ZAD, sauf à
Héric, où le maire avait refusé. Et bien on lui avait enlevé à l’époque
le bout de ZAD [zone d’aménagement différé, aire prévue pour l’aménagement de l’aéroport] prévu
sur sa commune. Si tout le monde avait fait pareil au lieu de se
coucher devant le pouvoir, la question aurait été réglée à l’époque ». Et il s’oppose au référendum : « ça ne servira à rien, sauf à diviser les gens ».
Près de l’église, le boucher n’est « ni
pour ni contre l’aéroport, j’en n’ai pas besoin pour vivre. Cela dit,
on est gouvernés par des connards. Maintenant que Notre-Dame des Landes
est mondialement connue, ce serait bien que Hollande et Valls viennent
ici, s’ils ont les couilles, pour discuter avec les gens. Mais ce n’est
pas dit qu’ils soient mieux accueillis qu’au salon de l’Agriculture. » Juste à côté, au bar, un client accoudé au comptoir explique qu’il habite la commune depuis 30 ans. « Si
l’aéroport ne se fait pas, tant mieux. Mais il va falloir décider que
faire après, et si ces gens qui se sont installés et ont accaparés des
terres peuvent rester. Pour moi c’est non », explique-t-il, en affirmant qu’il y a des « pressions. Tu mets un autocollant oui à l’aéroport sur ta voiture, t’es mal vu ». « Y
a des endroits de la commune qui ne sont pas rassurants. Par exemple,
je fais du vélo, aujourd’hui beaucoup de sportifs ont une GoPro. Dans
certains coins de la ZAD t’es immédiatement embêté car t’es pris pour un
flic ou un indic. Il faut réussir à sortir de cette situation et
ramener la paix ».
Il est quinze
heures. Autour de l’échangeur du Temple, des centaines de voitures sont
garées le long des routes de campagne étroites. La RD15 vers Fay de
Bretagne est fermée – jusqu’au bourg de Fay. Des dizaines de milliers de
personnes sont massées sur l’échangeur de la Croix Rouge à l’entrée du
Temple, sur le pont, sur la quatre-voies. Les allocutions de soutien se
succèdent, de la part de militants venus d’Alsace, du Québec, de
Francfort, de Stuttgart. La lutte contre les grands projets inutiles et
imposés est un problème mondial. Sylvain Fresneau ne nous cache pas sa
joie : « on attendait 20.000 personnes, on est plus que le double ! ». Juste à côté, José Bové renchérit : « ça vaut bien un référendum ! ». Quelqu’un s’inquiète si les opposants pourraient réunir plus de monde, Bové réplique immédiatement « il n’y a pas de maximum. Au Larzac on a été jusqu’à 300.000 ».
Interrogé sur le réferendum, José Bové estime que « pour qu’un projet fonctionne, il faut qu’il soit légal, légitime et moral. Aucune des conditions n’est réunie ». Après, « j’ai
entendu Hollande, il est dans l’embarras, il veut en sortir. Soit. Et
puis on entend Valls, qui dit que le référendum, c’est pour légitimer le
projet. On est en droit de se demander qu’est-ce que c’est que ce
bazar. Surtout qu’il n’y a aucune base juridique ». La seule solution, estime José Bové, « c’est que François Hollande ait du courage politique et abandonne la DUP [déclaration d’utilité publique] du projet ».
Nous
l’interrogeons sur l’absence d’autres ténors de l’écologie – notamment
d’Emmanuelle Cosse, devenue depuis ministre, et qui était présente il y a
un mois et demi lors d’un rassemblement organisé par les opposants à l’aéroport devant le tribunal de Nantes. « L’écologie, c’est ici qu’elle est »,
assène José Bové. Tandis que les manifestants fêtent leur triomphe,
caressés par les doux rayons d’un soleil rosi de plaisir, Sylvain
Fresneau se projette dans l’avenir : « maintenant, on va continuer à
vivre. Traire les vaches, semer les terres de la ZAD, travailler. Et
s’ils veulent donner un premier coup de pioche – ce qui reste
juridiquement impossible avant 2017 – on réunira encore plus de monde.
L’aéroport ne se fera jamais ! ».
Crédit photo : breizh-info.com
[cc] Breizh-info.com, 2016 dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine
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