Source : L'Humanité
Par
Gérard Filoche, ex-inspecteur du travail. (et membre du PS)
À l’opposé du rapport Badinter, qu’il juge destructeur, l’ex-inspecteur du travail Gérard Filoche a réactualisé ses propositions pour moderniser le Code du travail dans un sens plus protecteur. Il en livre la synthèse pour l’Humanité.
À l’opposé du rapport Badinter, qu’il juge destructeur, l’ex-inspecteur du travail Gérard Filoche a réactualisé ses propositions pour moderniser le Code du travail dans un sens plus protecteur. Il en livre la synthèse pour l’Humanité.
Le
rapport remis le 26 janvier par la commission Badinter signe la
condamnation à mort du Code du travail construit depuis un siècle.
Plusieurs fois passé gravement à l’acide des exigences du Medef depuis
dix ans, il ne devrait pas être affaibli mais renforcé.
1. La première préoccupation est de réduire la durée réelle de la semaine de travail
au plus près de la durée légale de 35 heures et de poursuivre vers 32
heures puis 30 heures. Le « temps de travail effectif » doit être défini
comme le « temps où le salarié est subordonné à l’employeur ». Les
heures supplémentaires, dont le contingent annuel doit être réduit à 100
heures, doivent redevenir exceptionnelles, elles doivent être majorées
de 50 % pour les cinq premières et de 100 % pour les suivantes. La durée
du travail légale annuelle doit être rétablie à 1 600 heures par an, le
« forfait jour » abrogé. Les deux jours de repos consécutifs
hebdomadaires, sauf cas de force majeure, doivent être rétablis. En cas
de dérogation exceptionnelle, une majoration de 200 % doit être rétablie
ainsi que pour le travail de nuit. Tout travail sera interdit aux
enfants âgés de moins de 16 ans.
2. Stopper la précarité, en fixant par la loi un
quota maximal d’intérimaires et de CDD égal à 5 % maximum des effectifs
dans les entreprises de plus de 20 salariés, sauf dérogation préalable
pour circonstances exceptionnelles. La loi doit augmenter l’indemnité de
précarité d’emploi : à 25 % pour les CDD comme pour l’intérim. La durée
d’un CDD doit être au minimum d’un mois et au maximum d’un an. Tout
allégement des cotisations pour les emplois à temps partiel et précaires
doit être supprimé. La loi doit encadrer le temps partiel avec un
plancher réel de 24 heures.
3. Établir un nouveau contrôle administratif sur les licenciements.
À nouveau, l’inspection du travail doit pouvoir suspendre la procédure
dès lors qu’il y a « un doute manifeste » sur le bien-fondé du
licenciement. Pour les licenciements collectifs, la « loi de
modernisation sociale » de janvier 2002 devrait être rétablie et
améliorée de façon à donner à la puissance publique les moyens
d’interdire effectivement les délocalisations et licenciements ne
reposant pas sur des difficultés économiques réelles et sérieuses. Pas
de « rupture conventionnelle » sans un motif précis et sérieux.
4. Réguler la sous-traitance, avec trois
mesures essentielles : rendre pénalement, civilement et économiquement
responsable le donneur d’ordres ; aligner les conventions collectives
des sous-traitants sur celle du donneur d’ordres le temps de l’exécution
des marchés ; faciliter la lutte contre le faux travail indépendant et
le prêt illicite de main-d’œuvre. Cela revient à abroger les lois qui
ont encouragé les « découpes » d’entreprises et toutes les formes de
recours à la sous-traitance dérégulée, aux pseudo-autoentrepreneurs
ubérisés.
5. Redévelopper la démocratie syndicale et sociale.
Les élections prud’homales doivent être rétablies et le système
d’élections directes étendu à la gestion de toutes les caisses de
protection sociale. Les élections professionnelles et celles des comités
paritaires de la fonction publique doivent être organisées à date fixe
le même jour, tous les deux ans au plus, dans chaque branche.
6. Renforcer les moyens et les pouvoirs des instances représentatives du personnel. Les
CE devront sur certaines questions donner un « avis conforme » sans
lequel l’employeur ne pourra imposer un certain nombre de décisions
(embauche de précaires, heures supplémentaires, licenciements). Les
conseils d’administration seront composés à 50 % de représentants élus
et protégés des salariés. Les conseillers du salarié se verront
augmentés en nombre, en moyens, crédit d’heures, avec la possibilité
d’être saisis par les salariés là où il n’y a pas de délégués du
personnel.
7. Développer l’hygiène et la sécurité au travail. Le
taux d’exposition aux risques étant plus élevé dans les petites
entreprises, il faut abaisser les seuils à 20 salariés, initier des
CHSCT de sites et de branches, départementaux. Les CHSCT seront élus et
non plus désignés, auront un budget et un statut propres, leurs membres
seront formés et disposeront de crédits d’heures suffisants pour exercer
leur mission. Une « obligation de faire » sera instaurée en matière
d’hygiène et sécurité.
8. Stop aux discriminations. L’égalité
salariale doit être établie partout sous peine d’astreintes et de
lourdes sanctions financières. Les conventions collectives doivent
comporter des chapitres obligatoires sur l’évolution des carrières, des
qualifications, des niveaux, échelons et coefficients salariaux. Les
femmes de retour de congé de maternité devront retrouver un poste
similaire et seront protégées pendant dix-huit mois après leur retour de
couches.
9. Pour une vraie Sécurité sociale professionnelle.
Il s’agit de mettre en œuvre quatre droits fondamentaux constitutifs
pour les salariés comme pour les chômeurs : le droit au reclassement ;
le droit au revenu ; le droit à la protection sociale ; le droit à la
formation continue. Les formations des demandeurs d’emploi doivent être
rétribuées dans les mêmes conditions que le chômage : 75 % des derniers
salaires. Cela impose la création d’un grand service public de la
formation professionnelle doté des moyens nécessaires.
10. Renforcer les moyens de l’inspection du travail.
Le nombre de sections d’inspection doit être au moins doublé pour
permettre le respect des droits des salariés. Cette bataille pour un
nouvel ordre public social doit être accompagnée d’un renforcement du
droit pénal du travail : sanctions effectives plus fortes, directives
aux parquets plus strictes contre la délinquance patronale.
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