lundi 29 février 2016

Dix propositions pour le Code du travail

Source : L'Humanité
Photo : Patrick Nussbaum
Par Gérard Filoche, ex-inspecteur du travail. (et membre du PS)

À l’opposé du rapport Badinter, qu’il juge destructeur, l’ex-inspecteur du travail Gérard Filoche a réactualisé ses propositions pour moderniser le Code du travail dans un sens plus protecteur. Il en livre la synthèse pour l’Humanité.
Le rapport remis le 26 janvier par la commission Badinter signe la condamnation à mort du Code du travail construit depuis un siècle. Plusieurs fois passé gravement à l’acide des exigences du Medef depuis dix ans, il ne devrait pas être affaibli mais renforcé.

1. La première préoccupation est de réduire la durée réelle de la semaine de travail au plus près de la durée légale de 35 heures et de poursuivre vers 32 heures puis 30 heures. Le « temps de travail effectif » doit être défini comme le « temps où le salarié est subordonné à l’employeur ». Les heures supplémentaires, dont le contingent annuel doit être réduit à 100 heures, doivent redevenir exceptionnelles, elles doivent être majorées de 50 % pour les cinq premières et de 100 % pour les suivantes. La durée du travail légale annuelle doit être rétablie à 1 600 heures par an, le « forfait jour » abrogé. Les deux jours de repos consécutifs hebdomadaires, sauf cas de force majeure, doivent être rétablis. En cas de dérogation exceptionnelle, une majoration de 200 % doit être rétablie ainsi que pour le travail de nuit. Tout travail sera interdit aux enfants âgés de moins de 16 ans.
2. Stopper la précarité, en fixant par la loi un quota maximal d’intérimaires et de CDD égal à 5 % maximum des effectifs dans les entreprises de plus de 20 salariés, sauf dérogation préalable pour circonstances exceptionnelles. La loi doit augmenter l’indemnité de précarité d’emploi : à 25 % pour les CDD comme pour l’intérim. La durée d’un CDD doit être au minimum d’un mois et au maximum d’un an. Tout allégement des cotisations pour les emplois à temps partiel et précaires doit être supprimé. La loi doit encadrer le temps partiel avec un plancher réel de 24 heures.
3. Établir un nouveau contrôle administratif sur les licenciements. À nouveau, l’inspection du travail doit pouvoir suspendre la procédure dès lors qu’il y a « un doute manifeste » sur le bien-fondé du licenciement. Pour les licenciements collectifs, la « loi de modernisation sociale » de janvier 2002 devrait être rétablie et améliorée de façon à donner à la puissance publique les moyens d’interdire effectivement les délocalisations et licenciements ne reposant pas sur des difficultés économiques réelles et sérieuses. Pas de « rupture conventionnelle » sans un motif précis et sérieux.
4. Réguler la sous-traitance, avec trois mesures essentielles : rendre pénalement, civilement et économiquement responsable le donneur d’ordres ; aligner les conventions collectives des sous-traitants sur celle du donneur d’ordres le temps de l’exécution des marchés ; faciliter la lutte contre le faux travail indépendant et le prêt illicite de main-d’œuvre. Cela revient à abroger les lois qui ont encouragé les « découpes » d’entreprises et toutes les formes de recours à la sous-traitance dérégulée, aux pseudo-autoentrepreneurs ubérisés.
5. Redévelopper la démocratie syndicale et sociale. Les élections prud’homales doivent être rétablies et le système d’élections directes étendu à la gestion de toutes les caisses de protection sociale. Les élections professionnelles et celles des comités paritaires de la fonction publique doivent être organisées à date fixe le même jour, tous les deux ans au plus, dans chaque branche.
6. Renforcer les moyens et les pouvoirs des instances représentatives du personnel. Les CE devront sur certaines questions donner un « avis conforme » sans lequel l’employeur ne pourra imposer un certain nombre de décisions (embauche de précaires, heures supplémentaires, licenciements). Les conseils d’administration seront composés à 50 % de représentants élus et protégés des salariés. Les conseillers du salarié se verront augmentés en nombre, en moyens, crédit d’heures, avec la possibilité d’être saisis par les salariés là où il n’y a pas de délégués du personnel.
7. Développer l’hygiène et la sécurité au travail. Le taux d’exposition aux risques étant plus élevé dans les petites entreprises, il faut abaisser les seuils à 20 salariés, initier des CHSCT de sites et de branches, départementaux. Les CHSCT seront élus et non plus désignés, auront un budget et un statut propres, leurs membres seront formés et disposeront de crédits d’heures suffisants pour exercer leur mission. Une « obligation de faire » sera instaurée en matière d’hygiène et sécurité.
8. Stop aux discriminations. L’égalité salariale doit être établie partout sous peine d’astreintes et de lourdes sanctions financières. Les conventions collectives doivent comporter des chapitres obligatoires sur l’évolution des carrières, des qualifications, des niveaux, échelons et coefficients salariaux. Les femmes de retour de congé de maternité devront retrouver un poste similaire et seront protégées pendant dix-huit mois après leur retour de couches.
9. Pour une vraie Sécurité sociale professionnelle. Il s’agit de mettre en œuvre quatre droits fondamentaux constitutifs pour les salariés comme pour les chômeurs : le droit au reclassement ; le droit au revenu ; le droit à la protection sociale ; le droit à la formation continue. Les formations des demandeurs d’emploi doivent être rétribuées dans les mêmes conditions que le chômage : 75 % des derniers salaires. Cela impose la création d’un grand service public de la formation professionnelle doté des moyens nécessaires.
10. Renforcer les moyens de l’inspection du travail. Le nombre de sections d’inspection doit être au moins doublé pour permettre le respect des droits des salariés. Cette bataille pour un nouvel ordre public social doit être accompagnée d’un renforcement du droit pénal du travail : sanctions effectives plus fortes, directives aux parquets plus strictes contre la délinquance patronale.

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