Ils leur restent moins de deux mois pour se mettre d’accord. Et déjà, les discordes ne manquent pas entre syndicats et organisations patronales. Invités par le gouvernement à négocier une réforme systémique de l’assurance chômage, ils devraient trouver, ce mercredi, un nouveau sujet pour s’écharper : les intermittents du spectacle. Ces derniers, et surtout les règles d’indemnisation qui leur sont propres (les fameuses annexes 8 et 10 de la convention d’assurance chômage) seront au cœur de cette troisième séance de travail. Avec le risque craignent les intermittents, qui s’étaient réunis en assemblée générale le 12 novembre à Paris à l’appel de la CGT spectacle, de devenir les victimes collatérales de cette négociation dont le gouvernement attend 3 et 3,9 milliards d’euros en trois ans.
Ce mercredi, les partenaires sociaux du niveau interprofessionnel vont plancher sur le sujet : quel doit être l’effort fourni par les intermittents du spectacle ? Puis, ils fourniront une lettre de cadrage aux représentants des secteurs concernés en leur indiquant un objectif de «trajectoire financière». A charge pour eux de négocier alors d’éventuelles nouvelles dispositions. En 2016, les partenaires sociaux s’étaient déjà entendus pour modifier les règles des annexes 8 et 10 avec un objectif affiché de réaliser 185 millions d’euros d’économies en année pleine d’ici 2018. En parallèle, l’Etat s’était engagé à soutenir le secteur avec un «fonds de soutien à l’emploi» à hauteur de 90 millions d’euros en faveur de «la création d’emplois en CDI». Mais deux ans plus tard, les résultats sont en dessous de ce qui était escompté. Selon l’Unédic, ce précédent accord n’a permis, au premier trimestre 2018, de réaliser que 66 millions d’euros d’économies.

«Vaches à lait»

Un écart que les organisations patronales pourraient demander au secteur de combler. «Il y a une vraie agressivité du patronat sur ce sujet. Il veut reporter les économies sur le dos des travailleurs précaires et donc les intermittents du spectacle», alerte Denis Gravouil, de la CGT spectacle. Le cégétiste craint que le Medef en demande bien plus. «Il y a des choses à améliorer dans l’accord de 2016, mais il n’y a aucune raison de remettre le couvert sur les économies. Depuis 2003, les intermittents du spectacle ont dû faire beaucoup d’efforts. Là, c’est stop, on n’est pas les vaches à lait de l’assurance chômage», s’agace-t-il. A la CFTC, Jean-François-Foucard est plus tempéré quant aux attentes du Medef : «Il y a des chances qu’en fin de compte on reste, dans les grandes lignes, dans ce qui avait été convenu en 2016», note-t-il. Avec un climat social marqué par le mouvement des «gilets jaunes», nul doute, selon lui, que personne n’a intérêt à mettre encore plus de monde dans la rue : «Personne ne veut mettre le feu, non?»
Pour le syndicaliste de la CFTC, les deux prochaines réunions seront donc bien plus centrales. Chacun y défendra ses solutions. Côté syndicats, le scénario du bonus-malus, soit un système de modulation des cotisations sociales des employeurs en fonction de leur recours aux contrats courts, tient la corde. Les centrales ont, à ce titre été confortées par le président de la République qui a redit, début novembre, son intention de mettre en place un tel dispositif. A l’inverse, le patronat pourrait être davantage tenté par une autre piste aussi mise en avant par l’exécutif, par cette fois-ci du Premier ministre : la dégressivité des allocations versées aux demandeurs d’emploi, notamment aux salariés les mieux payés.
Autre proposition du Medef : une refonte totale de l’architecture de l’assurance chômage en la transformant en système hybride à deux étages, avec une partie «solidarité» gérée par l’Etat et une partie «assurantielle» aux mains des partenaires sociaux. Une parade qui pourrait être efficace pour s’éviter la mise en place du bonus-malus, d’autant que, pour l’heure, la CFDT n’a pas fermé la porte.
Amandine Cailhol