samedi 28 mai 2016

Toulouse - La Cartoucherie Habitat participatif : comment familles et seniors vont vivre ensemble

Une opération d'habitat participatif de près de 90 logements va sortir de terre au sein de l'écoquartier de la Cartoucherie. Grâce au dynamisme des futurs habitants de la Jeune Pousse, au travail de l'AERA, à l'engagement de la SA de Chalets, cette initiative que j'ai défendue pendant le précédent mandat se concrétise. La première pierre est posée et elle est riche d'espoirs et de promesses. C'est sans doute l'opération la plus importante, par sa taille, en France. Elle mixe l'accession à la propriété, le logement social, les valeurs écocitoyennes, la mixité sociale et générationnelle. L'objectif que j'avais défini dans l'écoquartier était d'atteindre 10 % de logements réalisés par ce montage participatif. Espérons que la municipalité saura lancer de nouveaux appels à projets pour permettre à d'autres personnes de bénéficier de cette possibilité d'habiter différemment à Toulouse et dans l'agglomération.

Source le Dépêche du midi

Les futurs habitants de la première résidence 100 % habitat participatif de Toulouse ont posé sa première pierre hier à la Cartoucherie. Parmi les 89 logements, 17 sont dévolus à la première coopérative d'habitants de la région.
Ils s'appellent Thomas, Chantal, Ludovic, Pierre, Rachel ou Françoise, ils sont 21, âgés de 0 à 80 ans, et ont choisi d'habiter différemment. Dans 18 mois, ils emménageront dans la résidence les «Quatre Vents», dont la première pierre a été posée hier dans le quartier de la Cartoucherie. Une résidence particulière, où chacun occupera son propre appartement, mais qui sera équipée de nombreux locaux communs : chambres d'amis à chaque étage, lave-linge, grande pièce de 55 m2 avec atelier de bricolage, jardin sur le toit… La liste peut encore s'allonger à l'infini, puisque tous ces habitants ont fait le choix de vivre la ville autrement. De partager tout ce qui peut l'être. Les 21 membres de la coopérative «Abricoop» sont enseignant, retraité, ingénieur, chauffeur, ou parent au foyer, et ils ont dessiné leur immeuble et leurs appartements avec l'architecte du lieu. C'est l'un des avantages de l'habitat participatif.

«C'est aussi de longues soirées de travail, des week-ends à se réunir pour discuter de tout : couleur des murs, taille des prises, équipements», raconte Thomas, l'un des piliers du projet.
«Nous voulons sortir du chacun chez soi. Partager nos connaissances, que les jeunes aident les vieux pour les tâches trop physiques, que les vieux aident les enfants à faire leurs devoirs», évoque Chantal, une autre «abricoopine».
Après cinq ans de travaux en commun, la première pierre a été un moment d'émotion. «C'est la concrétisation de nos envies, nous allons suivre le chantier de près», avoue Thomas. «Cet habitat participatif, je souhaite que la communauté continue de l'encourager», a déclaré Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse et président de la Métropole. «Nous allons continuer à développer ce type d'habitat, qui réintroduit du lien social», a affirmé le directeur général du groupe «Les Chalets», Jean-Paul Coltat. Le groupe a déjà inauguré deux résidences «participatives» à Balma et Ramonville, et travaille sur des projets à Toulouse-Bellefontaine et Balma. Avec l'avantage pour les habitants de pouvoir, en plus, profiter de l'accession sociale à la propriété. Une initiative rafraîchissante.

La première pierre de «Quatre Vents» posée hier

La première pierre de l'ensemble «Quatre vents» a été posée hier dans le nouveau quartier de la Cartoucherie à Toulouse, en présence du maire de Toulouse et président de la Métropole, et du directeur général du groupe Les Chalets. Il est situé dans la première tranche du quartier, à proximité d'immeubles déjà habités, et du futur groupe scolaire. L'ensemble comprend 89 appartements, dans quatre bâtiments. C'est la troisième résidence comprenant de l'habitat participatif réalisée par le groupe Les Chalets, après Balma et Ramonville. Les habitants disposeront de pièces communes (pièce de vie, musique, chambre d'amis) et collaboreront pour l'entretien des espaces verts communs.
C. Dm.

La fille de la mutuelle (R)

Source : France culture

Lena travaille dans le centre d’appel d’une grande mutuelle d’assurance. Depuis l’intervention d’une société de conseil en management, les conditions de travail s’y sont terriblement dégradées, en même temps qu’est apparue une optimisation maximale de tout. Alors, Lena a claqué la porte.






  • 1ère diffusion le 4/02/2013
  • Reportage : Bahar Makooi
  • Réalisation : Assia Khalid (Vincent Abouchar)
Chanson de fin : "Golden phone" par le groupe Micachu - Album : "Golden phone".
Des nouvelles : Lena (nom d'emprunt) va mieux depuis qu'elle a quitté la mutuelle. Elle travaille désormais dans un restaurant parisien, directement en contact (humain) avec les clients. Elle peut leur parler, leur sourire... pour de vrai et sans avoir à leur mentir !

Contester sans modération

Le Monde Diplomatique

« La trace d’un rêve n’est pas moins réelle que celle d’un pas »

En France, l’opposition à la réforme du code du travail et l’occupation des places par le mouvement Nuit debout ont convergé dans le refus d’une vision étriquée de la politique : évanouissement des espérances collectives dans le trou noir électoral, aménagement à la marge de l’ordre social. Assiste-t-on à la fin d’un cycle marqué par des revendications toujours plus limitées et jamais satisfaites ?
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Poids de quartz et balance en cuivre, Mohenjo-Daro (Pakistan), 2300-1500 av. J.-C.
Bridgeman Images
Demander peu et attendre beaucoup : dix-huit ans après la création de l’association Action pour une taxe Tobin d’aide aux citoyens (Attac), en juin 1998, le prélèvement de 0,01 % à 0,1 % sur les transactions financières inspiré par l’économiste James Tobin pour « jeter du sable dans les rouages » des marchés tarde à voir le jour (lire « En attendant la taxe Tobin »). La forme édulcorée que négocient sans enthousiasme les cénacles européens rapporterait une fraction du montant (plus de 100 milliards d’euros) initialement escompté.
Mais, au fait, pourquoi avoir placé la barre si bas ? Pourquoi avoir tant bataillé pour l’introduction d’une si légère friction dans la mécanique spéculative ? Le confort du regard rétrospectif et les enseignements de la grande crise de 2008 suggèrent que l’interdiction pure et simple de certains mouvements de capitaux parasitaires se justifiait tout autant.
Cette prudence revendicative reflète l’état d’esprit d’une époque où le crédit d’une organisation militante auprès d’un public urbain et cultivé se mesurait à sa modération. Avec l’effondrement de l’Union soviétique, la fin de la guerre froide et la proclamation par les néoconservateurs américains de la « fin de l’histoire », toute opposition frontale au capitalisme de marché se trouvait frappée d’illégitimité, non seulement aux yeux de la classe dirigeante, mais aussi auprès des classes moyennes désormais placées au centre du jeu politique. Pour convaincre, pensait-on, il fallait se montrer « raisonnable ».
Certes, la fameuse taxe infradécimale — 0,1 % — présente dans son inaboutissement même une vertu pédagogique incontestable : si l’ordre économique s’obstine à refuser un aménagement aussi modique, c’est qu’il est irréformable — et donc à révolutionner. Mais pour provoquer cet effet de révélation, il fallait jouer le jeu et se placer sur le terrain de l’adversaire, celui de la « raison économique ». L’idée d’un ordre à contester avec modération s’imposait en France avec d’autant plus d’évidence que l’initiative politique avait changé de camp. Depuis le tournant libéral du gouvernement de Pierre Mauroy, en mars 1983, non seulement la gauche a cessé d’avancer des propositions susceptibles de « changer la vie », mais les dirigeants politiques de toutes obédiences font pleuvoir sur le salariat une grêle de restructurations industrielles, de contre-réformes sociales, de mesures d’austérité budgétaire. En l’espace de quelques années, le rapport à l’avenir bascule.
La révolte des sidérurgistes de Longwy contre les fermetures d’usines en 1978-1979 traçait, par son inventivité, l’épure d’une contre-société (1). Celle tout aussi massive des ouvriers du fer en 1984 ne caresse plus le rêve de transformation sociale. L’heure des combats défensifs a sonné, au début des années 1980 en France comme en Allemagne après la mise au pas de l’opposition extraparlementaire, en 1985 au Royaume-Uni après l’échec de la grande grève des mineurs. Il s’agit dès lors de rendre la vie un peu moins dure, de se retrancher pour atténuer le rythme et l’impact des déréglementations, des privatisations, des accords commerciaux, de la corrosion du droit du travail. Indispensable préalable, la sauvegarde des conquêtes sociales dicte son urgence et s’impose peu à peu comme l’horizon indépassable des luttes.

Définir ce que l’on désire vraiment

En 1995, à la veille de l’élection présidentielle, même les partis qui s’étaient réclamés du communisme se résignent à ne plus mettre en avant que des revendications comme l’interdiction des licenciements, l’augmentation du salaire minimum et la baisse du temps de travail dans un cadre salarial inchangé. Emmené par la Confédération générale du travail (CGT) et Solidaires, le mouvement victorieux de novembre-décembre 1995 contre la réforme de la Sécurité sociale conduite par M. Alain Juppé souleva un temps l’hypothèse d’un passage de relais d’une gauche politique exsangue à une gauche syndicale revigorée. La suite fut plutôt marquée par l’essor de l’altermondialisme.
L’approche internationale de ce mouvement, son calendrier de rassemblements et ses nouvelles manières de militer reposaient sur un principe distinct à la fois des affrontements idéologiques post-soixante-huitards et des indignations morales façon Restos du cœur : la contre-expertise, appuyée sur des analyses savantes bien faites pour convaincre des sympathisants plus familiers des amphithéâtres que des chaînes de montage. Avec ses économistes et ses sociologues, son sigle en pourcentage et ses déchiffrages, ses antimanuels et ses universités d’été, Attac se donnait pour mission de populariser une critique experte de l’ordre économique. A chaque décision gouvernementale affaiblissant les services publics, à tout accord de libre-échange concocté en douce par les institutions financières internationales répondaient d’impeccables argumentaires, des dizaines d’ouvrages, des centaines d’articles.
Qu’il s’agisse d’inégalités, de politique internationale, de racisme, de domination masculine, d’écologie, chaque secteur protestataire exhibe depuis cette époque ses penseurs, ses universitaires, ses chercheurs, dans l’espoir de crédibiliser ses choix politiques par l’onction de la légitimation savante. Cette critique, conjuguée à la dégradation des conditions de vie, a permis de mobiliser des populations politiquement inorganisées, mais qui se découvraient vulnérables à une mondialisation dont la violence se concentrait jusque-là sur le monde ouvrier.
Le mouvement, auquel Le Monde diplomatique fut étroitement associé, aura convaincu de son sérieux, remporté des victoires dans le monde intellectuel, dans les livres, dans la presse, et même percé l’écran des journaux télévisés. Il aura passé un temps infini à répéter des évidences tandis que ses adversaires, sans scrupules et sans relâche, mettaient en œuvre leurs « réformes ». Comme l’avait suggéré la vague contre-culturelle des années 1970, un ordre politique de droite s’accommode fort bien de best-sellers de gauche. Opposer sa bonne volonté savante à la mauvaise foi politique de l’adversaire aura sans doute rendu la critique plus audible. Mais pas plus efficace, comme en fera l’amère expérience, en 2015, le ministre des finances grec Yanis Varoufakis, dont les raisonnements académiquement homologués ne pesèrent pas bien lourd face à l’acharnement conservateur de l’Eurogroupe (2).
Sur la fresque idéologique qui couvre la période 1995-2015 coexistent deux éléments contradictoires. D’un côté, une repolitisation frémissante, puis bouillonnante, qui se traduit par une succession de luttes et de mouvements sociaux massifs : 1995 (Sécurité sociale), 1996 (sans-papiers), 1997-1998 (chômeurs), 2000-2003 (sommet de la vague altermondialiste), 2003 (retraites), 2005 (banlieues, campagne contre le traité constitutionnel européen), 2006 (étudiants précaires), 2010 (retraites à nouveau), 2016 (droit du travail), rejet des grands projets inutiles (en particulier depuis 2012). De l’autre, des institutions contestataires fragilisées : forces syndicales dos au mur, mouvement social tourné — ou détourné — vers l’expertise, partis de la gauche radicale enlisés dans les sables d’un jeu institutionnel discrédité. Le souffle, les espoirs, l’imagination et la colère des uns ne résonnent pas dans les slogans, les livres et les programmes des autres.
Tout se passe comme si trente années de batailles défensives avaient privé les structures politiques de leur capacité à proposer, fût-ce dans l’adversité, une visée de long terme désirable et enthousiasmante — ces « jours heureux » qu’avaient imaginés les résistants français au début de l’année 1943. Dans un contexte infiniment moins sombre, nombre d’organisations et de militants se sont résignés à ne plus convoiter l’impossible, mais à solliciter l’acceptable ; à ne plus aller de l’avant, mais à souhaiter l’arrêt des reculs. A mesure que la gauche érigeait sa modestie en stratégie, le plafond de ses espoirs s’abaissait jusqu’au seuil de la déprime. Ralentir le rythme des régressions : tâche nécessaire, mais perspective d’autant moins encourageante qu’elle fait ressembler l’« autre monde possible » au premier, en un peu moins dégradé. Symbole d’une époque, la précarité a déteint sur le combat idéologique — « précaire », du latin precarius : « obtenu par la prière »…
Assiste-t-on à l’achèvement de ce cycle ? La germination de mouvements observée sur plusieurs continents depuis le début des années 2010 a fait émerger un courant, minoritaire mais influent, las de ne demander que des miettes et de ne récolter que du vent. A la différence des étudiants d’origine bourgeoise de Mai 68, ces contestataires ont connu ou connaissent la précarité dès leurs études. Et, contrairement aux processionnaires des années 1980, ils ne redoutent guère l’assimilation du radicalisme aux régimes du bloc de l’Est ou au « goulag » : tous ceux qui, parmi eux, ont moins de 27 ans sont nés après la chute du mur de Berlin. Cette histoire n’est pas la leur. Souvent issus des franges déclassées des couches moyennes produites en masse par la crise, ils et elles font retentir au cœur des assemblées générales, des sites Internet dissidents, des « zones à défendre », des mouvements d’occupation de places, et jusqu’aux marges des organisations politiques et syndicales, une musique longtemps mise en sourdine.
Ils disent : « Le monde ou rien » ; « Nous ne voulons pas les pauvres soulagés, nous voulons la misère abolie », comme l’écrivit Victor Hugo ; pas seulement des emplois et des salaires, mais contrôler l’économie, décider collectivement ce que l’on produit, comment on le produit, ce qu’on entend par « richesse ». Non pas la parité femmes-hommes, mais l’égalité absolue. Non plus le respect des minorités et des différences, mais la fraternité qui élève au rang d’égal quiconque adhère au projet politique commun. Point d’« écoresponsabilité », mais des rapports de coopération avec la nature. Pas un néocolonialisme économique habillé en aide humanitaire, mais l’émancipation des peuples. En somme : « Nous voulons tout », ambition qui déborde si largement le champ de vision politique habituel que beaucoup l’interprètent comme l’absence de toute revendication.
Si placer la barre au ciel plutôt qu’au sol n’accroît pas d’un pouce les chances de réussite, ce déplacement présente un double intérêt. Confinée pour le moment sur les bas-côtés de la contestation et hostile par principe à l’organisation politique, la résurgence radicale influence les partis par capillarité, à l’instar du fil qui relie le mouvement Occupy Oakland — le plus ouvrier du genre aux Etats-Unis — aux militants qui soutiennent le candidat démocrate Bernie Sanders dans le cadre très institutionnel de la campagne présidentielle. Mais surtout, ce regain renforce les batailles défensives quand ceux qui les mènent dans des conditions difficiles peuvent à nouveau s’appuyer sur une visée de longue portée et, à défaut de projet tout ficelé, sur des principes de transformation qui illuminent l’avenir. Car vouloir tout, quand bien même on n’obtiendrait rien dans l’immédiat, c’est s’obliger à définir ce que l’on désire vraiment plutôt que ressasser ce que l’on ne supporte plus.
On aurait tort de voir dans cette bascule un glissement de l’action revendicative vers un idéalisme incantatoire : elle rétablit en réalité la lutte sur ses bases classiques. Que la gauche n’évolue plus qu’en formation défensive fait figure d’exception historique. Depuis la fin du XVIIIe siècle, les partis politiques, puis les syndicats, ont toujours tâché d’articuler objectifs stratégiques de long terme et batailles tactiques immédiates. En Russie, les bolcheviks assignent le premier rôle au parti et confinent les organisations de travailleurs au second. En France, les anarcho-syndicalistes intègrent « cette double besogne, quotidienne et d’avenir ». D’un côté, explique en 1906 la charte d’Amiens de la CGT, le syndicalisme poursuit « l’œuvre revendicatrice quotidienne (…) par la réalisation d’améliorations immédiates ». De l’autre, « il prépare l’émancipation intégrale, qui ne peut se réaliser que par l’expropriation capitaliste ».
Comme l’observait l’historien Georges Duby, « la trace d’un rêve n’est pas moins réelle que celle d’un pas ». En politique, le rêve sans le pas se dissipe dans le ciel brumeux des idées, mais le pas sans le rêve piétine. Le pas et le rêve dessinent un chemin : un projet politique.
A cet égard, les idées mises au clou par la gauche et réactivées par les mouvements de ces dernières années prolongent une tradition universelle de révoltes égalitaristes. En avril, un panneau destiné à collecter les propositions des participants à la Nuit debout, place de la République à Paris, proclamait : « Changement de Constitution », « Système socialisé de crédit », « Révocabilité des élus », « Salaire à vie ». Mais aussi : « Cultivons l’impossible », « La nuit debout deviendra la vie debout » et « Qui a du fer a du pain » — aux accents blanquistes.

Espoirs de convergence

Au-delà des socialismes européens, utopique, marxiste ou anarchiste, un pointillé thématique relie les radicaux contemporains à la cohorte des silhouettes insurgées qui hantent l’histoire des luttes de classes, de l’Antiquité grecque aux premiers chrétiens, des qarmates d’Arabie (Xe-XIe siècle) aux confins de l’Orient. Quand le paysan chinois Wang Xiaobo prend en 993 la tête d’une révolte à Qingcheng (Sichuan), il déclare qu’il est « las de l’inégalité qui existe entre les riches et les pauvres » et qu’il veut « la niveler au profit du peuple ». Les rebelles appliqueront sur-le-champ ces principes. Presque un millénaire plus tard, la révolte des Taiping, entre 1851 et 1864, conduira à la formation temporaire d’un Etat chinois dissident fondé sur des bases analogues (3). Tout comme en Occident, ces insurrections faisaient converger des intellectuels utopistes opposant de nouvelles idées à l’ordre établi et des pauvres révoltés décidés à imposer l’égalité à coups de fourche.
La tâche, de nos jours, s’annonce assurément moins rude. Un siècle et demi de luttes et de critiques sociales a clarifié les enjeux et imposé au cœur des institutions des points d’appui solides. La convergence tant désirée entre classes moyennes cultivées, monde ouvrier établi et précaires des quartiers relégués ne s’opérera pas autour des partis sociaux-démocrates expirants, mais autour de formations qui se doteront d’un projet politique capable de faire briller à nouveau le « soleil de l’avenir ». La modération a perdu ses vertus stratégiques. Etre raisonnable, rationnel, c’est être radical.
Pierre Rimbert

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(1) Lire Pierre Rimbert et Rafaël Trapet, « La Commune de Longwy », Le Monde diplomatique, octobre 1997.
(2) Lire Yanis Varoufakis, « Leur seul objectif était de nous humilier », Le Monde diplomatique, août 2015.
(3) Cf. « Les traditions égalitaires et utopiques en Orient », dans Jacques Droz (sous la dir. de), Histoire générale du socialisme, tome 1, Presses universitaires de France, Paris, 1972.
Article modifié le 11 mai 2016 pour ajouter la campagne contre le traité constitutionnel européen (TCE) au mobilisations de l’année 2005.

JT TV NUIT DEBOUT 87 MARS


Tv debout lance son journal quotidien

TV DEBOUT – La TV Debout a lancé jeudi 26 mai son journal quotidien. Pour cette première édition, Mehdi et Nathalie ont fait un bilan des manifestations et des nombreux blocages de raffineries et autres entreprises. Ils ont parlé du blocage de la parution des journaux par la CGT, de la mise en examen du fils Balkany ou encore des tergiversations des hommes politiques sur l’assouplissement de la « Loi Travail ». 

Un JT qui donne une autre vision de l’actualité de Nuit Debout à retrouver tous les jours à partir de 20h30 en direct sur le YouTube de TV Debout. 

vendredi 27 mai 2016

CAFÉ -DÉBAT avec les Compagnons Bâtisseurs à TOULOUSE


Mardi 31 Mai à 18h30 au CCHa
5 rue St-Pantaléon, 31000 Toulouse
Métro ligne A - Arrêt Capitole

Les Compagnons Bâtisseurs gèrent et animent un Atelier Solidaire dans le quartier d’Empalot, à Toulouse.

Ce premier projet répond à 3 objectifs:

- Le développement social qui visant à favoriser l’amélioration du cadre de vie.

- Le développement économique avec la création d’une activité innovante au cœur du quartier d’Empalot, en impliquant les personnes les plus exclues dans l’amélioration de leur habitat.

- La protection de l’environnement à travers la baisse des consommations énergétiques.

Plus d'informations sur http://www.faire-ville.fr/ccha-culture/cafés-débats-du-ccha/

Habitat participatif Mas coop vous ouvre ses portes

Il fait bon vivre ensemble !À l'occasion des journées de l'habitat participatif en Europe, la coopérative d'habitants «mas coop» de Beaumont sur Lèze, vous ouvre ses portes samedi de 10h à 18h au 1171 route d'Eaunes.
À 11h : projection du film «l'habitat participatif : 1+1=3» avec des témoignages des acteurs des éco-quartiers de Strasbourg, suivi d'un moment d'échanges autour du verre du vivre-ensemble. Auberge espagnole pour un déjeuner convivial.
De 14h30 à 16h30, Bruno Thouvenin animera un atelier de sensibilisation à l'habitat participatif, avec au programme : «De quoi parle-t-on ? Un tour d'horizon des différentes formes de l'habitat participatif», «Par où s'y prendre pour démarrer un projet ? Les grandes étapes du processus» et «Quelles sont les principales questions à se poser avant de se lancer ?»
Contacter Cécile au064151 1326

En savoir plus sur http://www.ladepeche.fr/article/2016/05/26/2351962-habitat-participatif-mas-coop-ouvre-ses-portes.html#MgXyEZIZCi0icYFd.99

Vous en avez marre des blocages : lettre à votre patron !

https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhRlESkEq6oNdto982Hg15begLno9C-tSARNRchRa9buU5ppbVH_ndcX74Q-zlrVteEug19JP-YrNtU_uGrEZvvFo1T0j9Y-IS2_drOHkGA_rJC4bgQ5cQju0l2Z8ijaxaYZO9cgZeORm4/s1600/gre%25CC%2580ve.jpg

la manifestation dégénère totalement à Bruxelles: des policiers et des manifestants en sang !

« En Belgique, la loi « travail » s'appelle Loi Peeters. Le projet de loi du Ministre de L’Emploi Kris Peeters permettrait entre autres d'augmenter le temps de travail hebdomadaire à 45 heures, instaurer un contrat zéro heures ou créer un contrat intérimaire à durée indéterminée. Et comme en France, la mobilisation sociale et syndicale est au rendez-vous. »

Pour en savoir plus : https://blogs.mediapart.fr/…/bloquons-les-45-heures-loi-pee…

ll n'y a pas de hasard : nous « devons » tous nous mettre aux mêmes normes que les USA, pour accueillir par la suite le TAFTA.
Sauf que cette fois-ci, nous disons tous NON !
Tous contre ce système néolibéral !
Tous contre l'oligarchie !
Tous contre leur Nouvel Ordre Mondial ! (Sarkozy, tu as tort ; nous sommes nombreux à « s'y opposer » (pour celles et ceux qui ne savent pas ce qu'il a dit, voir https://www.youtube.com/watch?v=hnIRVXIfNEo))
Tous pour une Démocratie Participative !
Tous pour leur foutre au cul !
Et n'oubliez jamais ceci : « Un peuple uni ne sera jamais vaincu ! »

MaxSpiritus

NUIT DEBOUT ST GAUDENS


Le plan de mobilisation de l’intersyndicale contre la loi Travail : du 26 mai à fin juin


Source : Syndicollectif
Ci-dessous la prise de position de l’intersyndicale contre la loi Travail.
Un peu plus bas, l’appel du Comité confédéral national (CCN) de la CGT réuni les 24 et 25 mai 2016, les communiqués de la CGT-Force ouvrière et de l’Union syndicale Solidaires Communiqué CGT, FO, FSU, Solidaires, UNEF, UNL, FIDL

Toujours déterminé-es : Amplifier la mobilisation, faire respecter la démocratie !

vendredi 20 mai 2016
Après plus de deux mois de mobilisation des salarié-es, des jeunes, des privé-es d’emploi et des retraité-es, la mobilisation se poursuit et s’amplifie comme le montre cette journée du 19 mai.
Cette semaine, le développement d’actions, de grèves dans de nombreux secteurs et de blocages pour obtenir le retrait du projet de loi travail et l’obtention de nouveaux droits, montre que la détermination reste intacte.
L’opinion publique reste massivement opposée à cette loi Travail et à l’utilisation autoritaire du 49.3 par le gouvernement.
Le gouvernement n’a pas d’autre issue que celle du dialogue avec les organisations qui luttent pour le retrait de ce projet de loi et pour être écoutées sur les revendications qu’elles portent. C’est pourquoi les organisations CGT, FO, FSU, Solidaires et les organisations de jeunesse, UNEF, UNL et FIDL en appellent solennellement au Président de la République.
Des secteurs professionnels sont engagés dans un mouvement de grève reconductible, d’autres vont entrer dans l’action. Les organisations appellent le 26 mai prochain à une journée nationale de grève, manifestations et actions.
Les organisations décident de renforcer l’action par une journée de grève interprofessionnelle avec manifestation nationale à Paris le 14 juin, au début des débats au Sénat. Elles appellent à multiplier d’ici là, sur tout le territoire, des mobilisations sous des formes diversifiées.
Elles décident également une grande votation dans les entreprises, les administrations et les lieux d’étude qui se déroulera dans les semaines à venir en parallèle au débat parlementaire afin de poursuivre avec les salarié-es et les jeunes les débats sur la loi Travail, obtenir le retrait de ce texte pour gagner de nouveaux droits permettant le développement d’emplois stables et de qualité.
La loi doit notamment préserver la hiérarchie des normes, élément protecteur pour tous et toutes les salarié-es.
Cette votation sera remise lors d’un nouveau temps fort qu’elles décideront prochainement.
Les organisations invitent leurs structures à poursuivre la tenue d’assemblées générales avec les salarié-es pour débattre des modalités d’actions, de la grève et de sa reconduction.
Elles se retrouveront rapidement pour assurer l’organisation et la réussite de ces mobilisations et initiatives.
Les Lilas, 19 mai 2016
Appel du CCN aux syndicats et aux militants de la CGT
La mobilisation contre le projet de loi Travail rassemble toujours plus de salariés et s’enracine durablement.
Le mépris et l’agressivité qu’exprime le gouvernement contre le mouvement social et les organisations syndicales parties-prenantes est inacceptable ! Interdictions de manifester, levées des piquets de grève, charges des forces de l’ordre : la volonté est bien de faire plier et d’étouffer le mouvement social. Cette perte de sang-froid est le signe d’un gouvernement aux abois ! La réponse des salariés ne s’est pas fait attendre : multiplication des décisions de grève et d’actions.
Le CCN rappelle que le droit de grève est un droit constitutionnel. Le CCN apporte tout son soutien aux salariés mobilisés. Il condamne unanimement la violence déployée par le gouvernement pour briser l’action collective des salariés, notamment dans le secteur pétrolier, à l’image de la répression violente qui s’est produite à Fos ce matin.
Dans le même temps, ce week-end, le gouvernement a été contraint de répondre à la revendication des salariés du transport concernant la rémunération des heures supplémentaires. Ce recul démontre que :
– la lutte paie et c’est une excellente nouvelle pour les milliers de salariés qui luttent pour le retrait du projet de loi travail. Cela doit évidemment encourager l’ensemble des salariés à rejoindre le mouvement.
– Le projet de loi a bel et bien un impact majeur sur le quotidien de tous les salariés, en particulier leur rémunération. Le gouvernement a été obligé de l’avouer : c’est le dumping social généralisé !
Elargir, durcir la mobilisation, c’est multiplier la tenue d’assemblées générales partout avec les salariés sur leur cahier revendicatif. Cela nécessite l’engagement de toute la CGT, militants, élus, mandatés et syndiqués.
Transformer leur opposition au projet de loi régressif, c’est impulser la votation citoyenne qui va être organisée dans les entreprises et les administrations mais aussi sur les lieux d’étude et dans les lieux publics, partout dans le pays.
Les organisations du CCN, réunies le 24 et 25 mai, appellent tous les syndicats à poursuivre et amplifier la mobilisation :
– ils multiplieront les assemblées générales avec les salariés pour décider des suites du mouvement ;
– ils créeront les conditions de la réussite des prochaines journées d’action : celle du 26 mai, la manifestation unitaire à Paris le 14 juin, et toutes celles qui seront proposées dans l’intervalle comme dès la semaine prochaine à la RATP, dans l’aviation civile, les Cheminots…
– ils inciteront les salariés et la population à participer à la votation citoyenne pour manifester leur opposition à la loi travail et imposer un code du travail du XXIème siècle.
Une nouvelle journée de mobilisation permettra la remise de cette votation pendant le débat parlementaire, après le 14 juin. C’est une nouvelle perspective pour permettre à encore plus de salariés, jeunes, privés d’emploi, retraités de s’engager dans la mobilisation.
Partout dans le pays, dans les entreprises, dans les administrations, les localités, de nombreuses initiatives sont menées pour amplifier la lutte et obtenir le retrait du projet de loi et l’ouverture de négociations porteuses de progrès social. Toutes ces actions doivent renforcer celles déjà engagées par de nombreux secteurs.
La victoire est à portée de main.
Montreuil, le 24 mai 2016

  • Communiqué de FO

    Force Ouvrière soutient la mobilisation et la multiplication des actions pour le retrait du projet de loi travail



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    Manifestation contre la loi Travail du 19 mai 2016 à Paris. Photographie : F. Blanc / FO Hebdo – CC BY-NC 2.0 – flickr.com/force-ouvriere

    La confédération Force Ouvrière apporte son soutien à l’ensemble des salariés en grève qui mènent actuellement des actions contre ce projet de loi.
    Le bras de fer continue face au comportement de blocage du gouvernement.
    C’est avec détermination à la fois dans l´action et en réclamant le dialogue que Force Ouvrière continue la mobilisation et appelle à l’amplifier.
    Les manifestations du 26 mai et la journée de grève interprofessionnelle et de manifestation nationale du 14 juin prochain seront autant de moments forts pour exprimer mécontentement et revendications.
    Force Ouvrière appelle l’ensemble des salariés à rejoindre les actions de ces deux journées.
  • Union syndicale Solidaires : Le 26 mai, avant et après, on continue, on renforce la grève !

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    L’intersyndicale nationale interprofessionnelle appelle à une nouvelle journée de grève et de manifestations le jeudi 26 mai.
    Sans attendre une semaine de plus, l’Union syndicale Solidaires soutient tou-tes les salarié-es déjà en grève reconductible et appelle à renforcer ce mouvement partout où c’est possible.
    Il en est de même pour la manifestation nationale du 14 juin : pour l’Union syndicale Solidaires, il ne s’agit pas d’en faire la perspective d’un enterrement du mouvement ; au contraire, en étendant et renforçant la grève, donnons-nous les moyens que ce soit la manifestation fêtant l’abandon du projet de loi Travail et qui aidera à imposer nos propres revendications et non plus celles des patrons !
    Plus vite nous frapperons fort et bloquerons l’économie et les profits des patrons et actionnaires, plus vite nous gagnerons !

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Ken Loach offre tous ses films en visionnage libre sur YouTube

Source : Grazia

Quand la plupart des réalisateurs luttent contre les fuites sur internet, d’autres font du web leur allié. Le cinéaste britannique Ken Loach a choisi d’être de ceux-là et de couper l’herbe sous les pieds des hackers en mettant tous ses films en ligne. L’occasion de se replonger dans la filmographie de ce militant

 

En cinquante ans de carrière, Ken Loach a raconté de nombreux chapitres de l’Angleterre du XXe siècle, avec une nette préférence pour ceux que l’histoire a passés sous silence. "C'est important, aujourd'hui de faire entendre une autre voix. On ne peut pas aborder les crises politiques actuelles sans connaître celles du passé", expliquait-il à Télérama en juin 2014.
Depuis février 2015, il rend visible plus d’une dizaine de ses films sur YouTube, une façon de prendre à contre-pied le piratage illégal mais aussi l’élitisme culturel. Dommage cependant que, pour des raisons de droits, on ne puisse pas voir ses films dans tous les pays du monde (en France ou en Belgique par exemple)...
Retour en image sur quelques films qui l’ont érigé pour toujours au rang des colosses cinématographiques (et de quoi bien commencer l'exploration de sa filmographie)


Looking For Eric (2009)
It's a Free World (2007)
Le Vent se lève (2006) 
The Navigators (2001) 

Visionner ici
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A lire aussi :
Le Palmarès de Cannes 2016 : Ken Loach, Palme d'or pour "I, Daniel Blake"

L’encadrement du salaire des patrons rejeté à l’Assemblée

L'Humanité

Un projet de loi Front de gauche visant à imposer un écart maximum de salaire de un écart de 1 à 20 a été rejeté seulement une voix près, dans une Assemblée quasi vide. 18 députés ont refusé de légiférer malgré les scandales provoqués par les rémunérations indécentes des PDG du Cac 40.
« Comment un dirigeant d'entreprise, tel que le PDG de Renault-Nissan ou celui de SANOFI,  peut-il percevoir, quelles que soient ses qualités, une rémunération totale de 43 000 euros par jour, 365 jours par an ! Plus de 15 millions d’euros. Cela représente une échelle de salaire de 1 à 860 » expliquait mercredi à l’Assemblée Gaby Charroux, député Front de gauche. « Tandis que le SMIC a augmenté de seulement 68 euros en 4 ans, les rémunérations des plus hauts dirigeants d'entreprises n'ont cessé de croître dans des proportions inacceptables alors qu'ils mènent souvent des politiques sociales et salariales qui ne cessent de réduire l’emploi et de contenir les salaires. »
En conséquence, le groupe front de gauche proposait au vote ce jeudi un texte de loi visant à limiter l’écart des salaires dans une même entreprise de 1 à 20. Cette proposition a été supprimée en commission et de nouveau rejetée dans un hémicycle quasiment vide, par 18 voix contre 17. Une autre version du texte proposant simplement de limiter cet écart de 1 à 100 a également été rejetée. Pourtant, quarante personnalités de gauche, dont des responsables politiques parmi lesquels le premier secrétaire du Parti socialiste Jean-Christophe Cambadélis et le président PS de l'Assemblée nationale Claude Bartolone avait signé il y a tout juste une semaine un texte allant dans ce sens…

Proposition de loi visant à encadrer les rémunérations dans les entreprises (n° 3680)
Intervention en séance publique
M. Gaby Charroux, rapporteur
Jeudi 26 mai 2016
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Madame la présidente de la commission des Affaires sociales,
Mes chers collègues,
Les inégalités de revenus sont devenues aujourd’hui dans notre pays un problème politique aussi bien qu’un problème social. La stagnation du niveau de vie des salariés depuis plusieurs années va de pair avec une hausse continue des rémunérations les plus élevées, comme si les dirigeants des grandes entreprises et certains salariés qui se voient attribuer des bonus ne vivaient plus dans la même société que leurs compatriotes.
Au Ve siècle avant notre ère, Platon estimait déjà que « le législateur doit établir quelles sont les limites acceptables à la richesse et à la pauvreté », et proposait alors un rapport de un à quatre.
De même qu’il lui revient d’exiger la fixation d’un salaire minimum, afin de garantir que les travailleurs puissent vivre dignement, le législateur doit encadrer les écarts de rémunération entre les membres d’une même communauté de travail. Il ne s’agit nullement de plafonner les rémunérations ou de porter atteinte aux droits de l’entrepreneur à tirer les fruits de son entreprise : il s’agit de s’assurer que les résultats de l’entreprise, et donc du travail de tous, soient répartis selon un écart qui ne soit pas indécent.
Longtemps, les dirigeants ont eu conscience de cet écart et modéraient leurs prétentions, mais l’évolution récente des pratiques nous oblige aujourd’hui à réagir. Une échelle des rémunérations de l’ordre de un à vingt a bien existé, il n’y a pas si longtemps. Cependant, en France, les dirigeants des entreprises du CAC 40 ont perçu l’année dernière en moyenne 4,2 millions d’euros, soit l’équivalent de 238 fois le SMIC annuel.
Preuve que ce problème éthique est désormais un problème politique, mais aussi un motif d’inquiétude économique pour les investisseurs, ceux-ci commencent à se préoccuper de cette inflation du montant des rémunérations des dirigeants : rien, et surtout pas les prétendues performances de certains managers, ne justifie ces écarts. Le principe du « say on pay », voulant que les actionnaires se prononcent sur les rémunérations des mandataires sociaux des entreprises, les encourage à s’interroger sur l’intérêt économique de ces rémunérations. Le fonds souverain norvégien a décidé, le 3 mai dernier, d’édicter des principes sur le niveau des rémunérations.
Face à ce constat, les mesures destinées à encadrer les écarts de rémunération, en fixant un plafond dans le secteur public ou en faisant appel à l’autorégulation, ont montré leurs limites. C’est pourquoi la présente proposition de loi vise à mettre fin aux écarts indécents de rémunération au sein de chaque entreprise.
L’augmentation des inégalités de revenus en France représente aujourd’hui un problème politique aussi bien que social, car elles ont singulièrement progressé au cours des dernières années.
Selon un rapport de l’O.C.D.E., publié le 13 novembre 2015, la situation de la France vis-à-vis des inégalités ne cesse de s’aggraver. Si les inégalités en France sont proches de la moyenne de l’O.C.D.E., entre 2007 et 2011, elles y ont augmenté plus nettement que dans les autres pays.
Par ailleurs les inégalités de patrimoine renforcent les inégalités de revenus.
Durant la crise, avec l’émergence des « emplois non standards », c’est-à-dire des contrats temporaires, du temps partiel et des travailleurs indépendants, le marché du travail s’est totalement redessiné. D’après le rapport, un tiers de la population disposant d’un emploi en France était dans l’une de ces situations en 2013. Ces personnes, ajoute l’O.C.D.E., « sont pénalisées en termes de rémunération par rapport aux personnes occupant des emplois standards ». Parallèlement, le pouvoir d’achat des salariés a stagné durant les dernières années. Les données de l’INSEE permettent de déterminer que le pouvoir d’achat du salaire moyen n’a progressé que de 6,7 % entre 2001 et 2013.
Les économistes de l’INSEE rappellent toutefois que tous les Français ne sont pas logés à la même enseigne. Les catégories socioprofessionnelles les plus élevées, dont les salaires augmentent plus rapidement que ceux des travailleurs les plus pauvres depuis la crise, en profiteront davantage.
Parallèlement, les rémunérations des dirigeants d’entreprise ont connu une progression bien supérieure, pour atteindre aujourd’hui des niveaux indécents. Dans son rapport sur la rémunération des dirigeants de sociétés cotées, publié en septembre 2015, le cabinet de conseil aux actionnaires Proxinvest a ainsi déterminé que « la rémunération totale moyenne des présidents exécutifs du CAC 40 repasse la barre des 4 millions d’euros pour atteindre 4,2 millions en 2014, soit une hausse de 6 % ».
Alors que ces dirigeants mettent en avant les performances de leurs entreprises pour justifier ces montants, il apparaît que la part des éléments liés à la performance économique reste limitée : « 40 % des présidents exécutifs n’ont pas de rémunération à long terme. » Votre rapporteur observe que les trois plus hautes rémunérations parmi les plus grandes entreprises françaises ont été attribuées sans que les indicateurs de performance de ces dirigeants d’entreprises soient particulièrement bien définis.
Économiquement, mais également socialement et écologiquement, rien ne justifie que ces dirigeants soient payés l’équivalent de 600 à 860 fois le montant du SMIC annuel.
Comme l’on décrit les économistes que nous avons auditionnés, les rémunérations des dirigeants sont aujourd’hui véritablement des biens positionnels, qui permettent à ceux-ci de se situer et de se classer les uns par rapport aux autres, en laissant croire que leur valeur et leur compétence sont caractérisées par une rémunération supérieure à leurs homologues. Elles ne sont plus la contrepartie d’un travail ou d’une compétence.
Si l’on admet, comme certains économistes, que la hausse des salaires des dirigeants provient du développement de la capitalisation boursière de ces dernières années, pourquoi les salaires des autres employés des entreprises n’ont-ils pas fait de même ?
L’encadrement des rémunérations présente des vertus économiques incontestables, notamment en termes de soutien à la consommation. La crise des subprimes est aussi le fruit de la richesse excessive des riches, en quête de rendements élevés pour leur énorme épargne disponible, et de la pauvreté des conditions de vie de millions de ménages qui avaient facilité la mise au point de produits financiers à très haut risque.
Les citoyens sont favorables à une limitation des écarts de revenus, et les jugements des Français sur les salaires « justes » ne sont pas loin de la norme de un à quatre avancée par Platon il y a vingt-cinq siècles. Dans une enquête menée en 1998 par Thomas Piketty, on demandait aux personnes interrogées quels devraient être, selon eux, les revenus mensuels respectifs d’un cadre supérieur d’une grande entreprise et d’une caissière de supermarché : les réponses moyennes étaient un rapport de 1 à 3,6, alors que l’écart réel des salaires moyens de ces deux catégories était au moins de 1 à 9. Contre toute attente, cet écart variait assez peu selon le revenu du répondant. Il n’existe donc pas de « fracture morale » en France sur cette question.
Je souhaite maintenant démontrer que les mesures destinées à encadrer les écarts de rémunération ont atteint leurs limites.
Le plafonnement des rémunérations des dirigeants des entreprises publiques ou aidées par l’État n’est pas suffisant. Les États-Unis n’ont pas hésité à plafonner les rémunérations dans les entreprises sauvées par l’État fédéral. Ainsi, l’administration Obama a imposé à partir de 2009 un plafond de rémunération globale maximale de 500 000 dollars, soit 384 000 euros, aux patrons et aux équipes de direction des établissements renfloués par l’État fédéral, c’est-à-dire, en premier lieu, à des banques et à des constructeurs automobiles. Par ailleurs, un principe de comparaison des rémunérations a été établi afin de tenter de dissuader les conseils d’administration d’avaliser des montants établis en dehors de tout référent. Ainsi, à partir de 2017, les sommes accordées aux patrons des 3 800 plus grosses entreprises américaines cotées devront être publiées et mises en regard avec le salaire médian de leurs salariés.
Plus près de nous, en 2013, le peuple suisse a adopté par référendum le principe d’un vote de l’assemblée générale sur les rémunérations des dirigeants et de l’interdiction des indemnités de départ, des primes d’entrée ou de vente d’entreprise.
De son côté, la France a mis en place un encadrement des rémunérations des dirigeants applicable aux entreprises publiques. Mettant en œuvre un engagement du Président de la République d’imposer « aux dirigeants des entreprises publiques un écart maximal de rémunérations de un à vingt », le conseil des ministres a approuvé le 26 juillet 2012 un décret sur les rémunérations des dirigeants d’entreprises publiques, les plafonnant à 450 000 euros.
Dans le secteur privé, le recours à l’autorégulation a échoué.
L’engagement des représentants du patronat a reposé essentiellement sur la mise en place du principe inspiré du droit des sociétés anglo-saxonnes du « say on pay ». Il consiste à demander aux actionnaires réunis lors de leur assemblée générale de se prononcer par un vote, le plus souvent uniquement consultatif, sur le mécanisme de rémunération des dirigeants de leur entreprise. Le code de commerce prévoit actuellement que, si l’assemblée générale d’une société anonyme vote le montant global des jetons de présence que le conseil d’administration répartit entre ses membres, la rémunération des mandataires sociaux – président, directeur général et directeurs généraux délégués – est déterminée librement par le conseil d’administration.
En 2016, ces dispositions ont été volontairement appliquées par la plupart des grandes entreprises françaises pour la seconde fois. Force est de constater que cela n’a pas eu pour conséquence une autolimitation du montant des rémunérations proposées aux actionnaires par le conseil d’administration.
Dans le cas récent de la rémunération du président-directeur général de Renault, ce système consultatif a montré ses limites : le 29 avril dernier, quelques heures après le vote de l’assemblée générale ayant rejeté à 54,12 % les éléments de rémunérations dus ou attribués à M. Carlos Ghosn, le conseil d’administration de Renault a « approuvé le maintien de la rémunération décidée pour le président-directeur général pour l’année 2015. »
Devant cette attitude pourtant conforme à la lettre du code de l’AFEP-MEDEF, le président du MEDEF s’est déclaré publiquement « un peu choqué ».
Dans le cadre de l’examen du présent texte, j’ai organisé il y a 10 jours trois tables rondes : l’une regroupant les organisations syndicales représentatives – FO, la CFCT et la CGE-CFC ont pu y participer – l’une regroupant des économistes et spécialistes de la gouvernance d’entreprise, dont M. Gaël Giraud et Mme Cécile Renouard, coauteurs de l’ouvrage Le Facteur 12 : pourquoi il faut plafonner les rémunérations  ; et l’une regroupant les représentants du patronat, à savoir le Medef et le Haut Comité chargé de l’application du code AFEP-MEDEF.
Je constate qu’en quelques jours, les positions du patronat et du Gouvernement ont pu évoluer sur ce sujet : le patronat a proposé de revoir les règles du code AFEP-MEDEF, mais de manière uniquement cosmétique ; le journal Libération a lancé une pétition appelant à plafonner les rémunérations ; le chef de l’État et le gouvernement se sont déclarés prêts à légiférer ; je pense que la perspective de la discussion du présent texte n’est pas étrangère.
Il est aujourd’hui de recourir à la loi, et donc à une norme impérative s’appliquant à tous, car l’augmentation des rémunérations des dirigeants en 2015 montre bien que les promesses et les codes de bonne conduite ne sauraient à eux seuls constituer une réponse utile à ce problème de société que sont les écarts de rémunération. Cela justifie une proposition de loi ayant pour objet de mettre fin aux écarts indécents de rémunération au sein de chaque entreprise. C’est pourquoi le texte présenté prévoit un dispositif simple d’encadrement des rémunérations au sein de l’entreprise.
Le présent texte entendait donc apporter trois améliorations à la situation actuelle. La commission des Affaires sociales a supprimé le premier et adopté les deux autres.
L’article 1er proposait d’encadrer les écarts de rémunération au sein d’une même entreprise par un rapport allant de un à vingt. Cet écart maximal reprendrai celui proposé il y a plus d’un siècle par le milliardaire John Pierpont Morgan Senior, fondateur de la banque portant son nom, qui avait pour règle de ne pas prêter d’argent à une société dont le dirigeant était payé plus de vingt fois le salaire de ses ouvriers. Dans chaque entreprise, quel que soit son statut juridique – société privée ou toute autre forme de personne morale, mais également établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) –, le salaire annuel le moins élevé ne pourrait être plus de vingt fois inférieur à la rémunération annuelle globale la plus élevée, que celle-ci soit versée à un salarié ou à un dirigeant mandataire social non salarié. À titre d’exemple, dans les entreprises où le salaire minimal correspondrait au SMIC annuel, soit 17 599 euros bruts, la rémunération maximale annuelle ne pourrait dépasser 351 989 euros bruts. Cependant, ce qui nous importe, c’est bien de fixer dans la loi le principe de l’encadrement des écarts, le facteur de multiplication pouvant faire l’objet de discussion plus approfondie.
Ce mécanisme ne constitue cependant pas un plafonnement des rémunérations : le cas échéant, il permet à l’entreprise d’augmenter le salaire annuel le moins élevé pour rendre légale une rémunération maximale qui se retrouverait au-delà du plafond fixé, notamment du fait des modalités de calcul des éléments variables. Ainsi, lorsque la bonne santé et les performances de l’entreprise justifieraient le versement de bonus aux personnes les mieux payées, cette proposition de loi permettrait aux salariés de voir leur salaire augmenter à due concurrence, garantissant ainsi une meilleure répartition des richesses produites dans l’entreprise au profit du travail et donc, indirectement, de notre système de protection sociale.
Lors de l’examen du texte, la majorité de la commission des Affaires sociales a rejeté le principe de cet encadrement des rémunérations et supprimé cet article. Bien entendu, je le regrette et j’ai déposé un amendement de rétablissement.
Lors de l’examen en commission, plusieurs orateurs ont évoqué les « risques constitutionnels ».
À cet égard, je considère qu’un tel encadrement ne s’oppose à aucun principe constitutionnel. La liberté d’entreprendre, principe dégagé de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 par le Conseil constitutionnel en 1981 n’est pas atteinte par la présente proposition de loi. Celle-ci ne conduit nullement à plafonner les rémunérations de certains salariés ou mandataires sociaux ou à porter atteinte aux droits de l’entrepreneur à tirer les fruits de son entreprise : il s’agit de s’assurer que les résultats de l’entreprise, et donc du travail de tous, profitent à chacun. En cela, elle n’est pas d’une nature différente des autres règles légales de protection des conditions d’emploi des salariés, et notamment de celle prévoyant l’existence d’un salaire minimal afin de garantir que chaque travailleur puisse vivre dignement de son salaire. Par ailleurs, si l’on considérait que l’encadrement ainsi proposé des conditions de rémunération au sein de la même communauté de travail qu’est l’entreprise constituait une atteinte à la liberté d’entreprendre, le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de rappeler que « la liberté d’entreprendre n’est ni générale, ni absolue » et pouvait faire l’objet de limitations, lorsque celles-ci étaient « liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi ». Ce que confirme le constitutionnaliste Dominique ROUSSEAU.
En rétablissant une échelle de proportionnalité des rémunérations au sein de cette communauté de vie et de travail, sans limiter de manière fixe et autoritaire le montant maximal de ces rémunérations, la présente proposition de loi apporte une solution adaptée et proportionnée à un réel problème d’inégalité portant atteinte à la cohésion sociale.
Par ailleurs, afin de limiter les connivences entre dirigeants d’entreprise, notamment dans la détermination de leurs rémunérations, l’article 2 limite à deux, au lieu de cinq actuellement, le nombre de postes d’administrateur ou de membre du conseil de surveillance de société anonyme pouvant être exercé par une même personne physique. La pratique française de mandats d’administrateur croisés, et de cooptation entre membres des mêmes sphères et réseaux d’influence, favorise les échanges de bons procédés, chacun approuvant la rémunération proposée pour son président.
Enfin, en adoptant un de mes amendements, la commission des Affaires sociales a posé à l’article 3 le principe d’un vote contraignant de l’assemblée générale des actionnaires sur les rémunérations des dirigeants des entreprises, comme cela existe notamment au Royaume-Uni ou en Suisse. Cela permettrait que les rémunérations indécentes et ne reposant pas sur des critères de réussite satisfaits puissent être refusées par les actionnaires.
Mesdames et Messieurs, un consensus se construit sur la nécessité de légiférer pour garantir notre cohésion sociale et limiter les écarts de rémunération. On ne peut se satisfaire d’engagements peu contraignants du Medef qui n’est pas légitime pour édicter et appliquer à lui-même ses propres règles, en dehors de tout contrôle citoyen ou démocratique. Comme le remarque Françoise Deceunier-Defossez, « Les recommandations du rapport de l’Afep-Medef semblent avoir été acceptées […] pourtant je doute que leurs principes soient conformes aux règles démocratiques et aux aspirations de Montesquieu ».
Je vous remercie.