jeudi 28 mars 2013

"Oser l’exode" de la société de travail vers la production de soi.


Entretien avec André Gorz


AVT_Andre-Gorz_8699.jpegPar Yovan GILLES sur le site « Les périphériques vous parlent » (mis en ligne en 1998).

Les périphériques vous parlent : Dans votre dernier ouvrage Misères du Présent, Richesses du Possible, faisant allusion au livre de J. Rifkin La Fin du Travail, vous affirmez quant à vous : « Il ne s’agit pas du travail au sens anthropologique ou au sens philosophique. (...) Il s’agit sans équivoque du travail spécifique propre au capitalisme industriel » Pouvez-vous développer pour nous cet argument ?
André Gorz : Au sens anthropologique, on appelle habituellement « travail » l’activité par laquelle les humains façonnent et transforment leur milieu de vie. C’est d’abord la malédiction biblique : le monde n’est pas naturellement propice à la survie des humains, il n’est pas « un jardin planté pour eux », disait Hegel. La vie humaine est « improbable », écrivait Sartre, elle rencontre cette improbabilité comme un ensemble d’adversités, de maladies, de raretés. Au sens philosophique, le concept de travail englobe les dimensions multiples de l’activité humaine. La philosophie grecque distinguait le travail-corvée - ponos - qu’il faut accomplir jour après jour pour entretenir le milieu de vie et produire sa subsistance. C’est aussi bien le travail ménager que le travail agricole, dont les hommes, dans les sociétés traditionnelles, se déchargent sur les femmes et les esclaves. Après le ponos, il y a la poiesis : le travail de l’artisan, de l’artiste, du « producteur ». Le travail comme poiesis n’est plus, à la différence du ponos, asservi complètement aux nécessités et aux contraintes matérielles de la subsistance. Il peut s’en émanciper en devenant création, invention, expression, réalisation de soi. C’est cette dimension du travail qui intéresse avant tout Hegel et ensuite Marx : le travail par lequel je m’individualise, me fais personne, inscris dans la matérialité du monde l’idée que je me fais de ce qui doit être.
Enfin, il y a le travail comme praxis, que Hannah Arendt appelle « l’agir » (Handeln). La praxis est essentiellement l’activité non utilitaire qui tend à définir les conditions et les normes de la « bonne vie ». Cela comprend le débat politique et philosophique, la réflexion, l’enseignement, une grande partie de ce qu’on appelle aujourd’hui le « relationnel » et la « production de sens », l’Eros.
Il peut sans doute y avoir des chevauchements et des interpénétrations entre ces dimensions de l’activité humaine. Elles se distinguent par leur sens, leur intentionnalité beaucoup plus que par leur contenu. Élever un ou des enfants par exemple comporte du ponos - des besognes fastidieuses continuellement à refaire - mais n’est pas réductible à cela ; ou alors la finalité, le sens du travail éducatif en tant que praxis a été perdu.
L’important, c’est que, dans ces définitions, le travail est quelque chose qu’on fait dans un but dont on est conscient. Or le capitalisme n’a pu se développer qu’en abstrayant le travail de la personne qui le fait, de son intention, de ses besoins, pour le définir en soi comme une dépense d’énergie mesurable, échangeable contre n’importe quelle autre et dont les prestataires, les « travailleurs », sont à beaucoup d’égards interchangeables. Le « travail abstrait », « travail sans plus », inventé par le capitalisme, est une marchandise que le patron achète et dont il détermine souverainement la finalité, le contenu, les heures et le prix. C’est un travail qu’il donne à faire à un travailleur qu’il paie. Le salariat est donc la complète dépossession de la personne active : elle est dépossédée du résultat ou produit de son activité, de son emploi du temps, du choix des finalités et contenus du travail, et des moyens de travail que les employeurs, à la fin du 18ème siècle, ont commencé à monopoliser pour pouvoir contraindre les gens - les tisserands en premier - à travailler pour un patron et pour tuer toute possibilité d’auto-production, d’auto-activité.
C’est en ce sens que le travail dont nous parlons quand nous disons que nous « avons » et « n’avons pas » un travail, est une invention du capitalisme. Longtemps, le salariat a été perçu comme une forme d’esclavage, et « l’abolition du salariat » était encore au programme de la CGT il y a une trentaine d’années. Pendant le récent mouvement des chômeurs, j’ai entendu un militant CGT dire : « C’est vrai, demander du travail, c’est aussi demander à être exploité. »
Si nous prenons « travail » au sens propre de faire, réaliser, agir, créer, peiner, le travail ne peut jamais manquer. Contre le chômage, ce qu’il faut alors exiger, c’est non pas qu’on nous « donne » du travail à faire, mais qu’on abolisse la monopolisation des moyens de travail, des moyens de production par le capital, en sorte que nous puissions nous réapproprier le travail, ses moyens et son résultat. Nous les réapproprier collectivement et aussi, pour partie, individuellement. C’est de cette réappropriation qu’il est question chez le jeune Marx quand il écrit que le communisme, c’est l’élimination du travail (salarié) et sa « transformation en auto-activité ». Cette réappropriation a été pratiquement impossible jusqu’ici en raison de la subdivision du travail productif en spécialités cloisonnées. Elle devient techniquement possible avec l’informatisation et l’automatisation. Par celles-ci, la création de richesses demande de moins en moins de travail (salarié), distribue de moins en moins de salaires. Ce qui est produit de manière pleinement automatique ne pourra finalement être distribué, vendu, acheté, que si le pouvoir d’achat distribué n’est plus le salaire d’un travail. L’idée d’un « revenu social » ou de minima sociaux garantis inconditionnellement va dans ce sens. La revendication par le mouvement des chômeurs et précaires d’un minimum garanti égal aux trois quarts du SMIC est un pas très important dans cette direction.
P.V.P. : La lutte contre un chômage endémique aboutit au contraire à renforcer la place du travail-emploi dans la société. Bien plus qu’un paradoxe, il s’agit d’une contradiction que vous soulignez lorsque vous écrivez qu’un nouveau système se met en place « contraignant tous à se battre pour obtenir ce travail que par ailleurs il abolit ». Selon vous quel est le sens de cette contradiction : la peur de décrocher d’un avenir qui s’éternise - vous dites « oser l’exode » - ou bien une résignation générale à une nouvelle organisation mondiale du travail, vouée à sacrifier des pans entiers de populations dans le cadre d’incessantes restructurations industrielles ?
A.G. : Je ne vois pas les choses de cette façon. Je pense que dans une société où l’emploi devient de plus en plus précaire, de plus en plus discontinu, où le travail salarié stable et à plein temps cesse d’être la norme - ce qui est le cas pour 45 % des Allemands, pour 55 % des Britanniques et des Italiens, pour environ 40 % des Français - et où, à l’échelle d’une vie, le travail ne représente plus qu’un septième ou un huitième du temps de vie éveillé après l’âge de 18 ans, les détenteurs du pouvoir économique et politique craignent par-dessus tout une chose : que le temps hors travail salarié puisse devenir le temps dominant du point de vue social et culturel ; que les gens puissent s’aviser de s’emparer de ce temps pour « s’employer » à y faire eux-mêmes ce qu’eux-mêmes jugent bon et utile de faire. Avec le recul du poids du travail salarié dans la vie de tous et de chacun, le capital risque de perdre le pouvoir sur les orientations culturelles de la société. Il fait donc tout pour que les gens, et principalement les plus ou moins jeunes, demeurent culturellement incapables d’imaginer qu’ils pourraient s’approprier le temps libéré du travail, les intermittences de plus en plus fréquentes et étendues de l’emploi pour déployer des auto-activités qui n’ont pas besoin du capital et ne le valorisent pas.
Nous avons donc affaire, en France plus encore que dans les pays voisins, à une campagne idéologique très soutenue pour verrouiller, pour tuer l’imagination sociale, pour accréditer l’idée que le travail salarié est la seule base possible de la société et de la « cohésion sociale », que sans emploi, on ne peut rien faire, ne peut disposer d’aucun moyen de vivre « dignement » et activement. Nos minima sociaux sont misérables. On accrédite l’idée qu’un droit à un revenu découplé d’un emploi est de l’assistanat, comme si les centaines de milliers d’emplois partiels à salaire partiel, créés tout exprès pour « insérer » des chômeurs - les insérer dans quoi ? s’il vous plaît - n’étaient pas de l’assistanat sous une autre forme tout aussi humiliante, puisqu’on dit en quelque sorte aux plus ou moins jeunes chômeurs : « En vérité, on n’a aucun besoin de vous, de votre force de travail ; on va vous rendre service, on va vous occuper un peu en vous payant un peu. » C’est quoi, un travail qu’on vous donne à faire pour vous rendre service ?
En réalité, c’est le capitalisme qui se rend service de cette façon. Il fait subventionner des employeurs pour qu’ils aient la bonté d’employer des gens au rabais. Il veille à ce que les gens se conçoivent comme ne pouvant être que de la force de travail sur un marché de l’emploi, et que, s’ils ne trouvent pas d’employeur, ils n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes, c’est-à-dire au fait qu’ils ne sont pas assez « employables ». Tout le discours dominant fait comme s’il n’y avait pas des causes systémiques, structurelles à la contraction du volume de travail rémunéré, comme si les stages formation, les stages en entreprise etc. allaient, en rendant les gens plus employables, leur assurer un emploi.
En réalité, ces stages ont une fonction idéologique inavouée : ils consolident et développent l’aptitude à l’emploi au détriment de l’aptitude au temps libre, et cela dans un contexte où il y a de moins en moins de travail-emploi et de plus en plus de temps libéré. On fabrique méthodiquement des gens incapables de se concevoir comme les sujets de leur existence, de leur activité et de leurs liens sociaux, des gens qui dépendent totalement de ce que des employeurs privés ou publics leur donnent à faire. Et puis on ne leur donne rien à faire de consistant, rien que des boulots d’assistés. Il y a de quoi les rendre enragés.
« Oser l’exode », ça veut dire d’abord percer à jour cette stratégie de domination qui jette les gens dans une dépendance à l’égard de l’emploi plus totale que jamais, alors que l’emploi devient totalement aléatoire ; et qui veut dire ensuite exiger non pas de l’emploi - « du travail » - mais la possibilité de vivre en l’absence d’un emploi, pendant les intermittences de l’emploi, grâce à un revenu de base inconditionnellement garanti. J’ajoute : ce revenu de base doit être compris non pas comme ce qui vous dispense de rien faire, mais au contraire comme ce qui vous permet de faire plein de choses bonnes, belles et utiles qui ne sont pas rentables du point de vue de l’économie capitaliste de marché, ni susceptibles d’être homologuées, standardisées, professionnalisées.
P.V.P. : Il s’agit aujourd’hui de sortir d’une notion du travail dont la norme est celle du salariat, unique source de statut social. Vous proposez le projet d’une société où « la production de soi » occuperait une place prépondérante. Le passage du travail « aliéné » à une réappropriation par l’homme de son propre travail dans un cadre social, implique donc un changement de mentalité radical. Ce dernier nécessite pour les individus l’apprentissage d’un savoir-être alors que dans le cadre du taylorisme, l’homme en tant que simple utilité de la production, était réduit à son savoir-faire. À votre avis, ce changement se fera-t-il « naturellement », au prix d’une adaptation peut-être douloureuse ou, au contraire, dépend-il d’une volonté politique, d’une réflexion très large à l’échelle de la société, voire encore de la mise en œuvre par les citoyens eux-mêmes d’une pédagogie adaptée ?
A.G. : Ce ne peut pas être l’un ou l’autre ; ce ne peut être que l’un et l’autre. Le changement de mentalité, la mutation culturelle s’opèrent déjà depuis pas mal de temps. C’est un cheminement d’abord souterrain sur lequel il existe des enquêtes et témoignages passionnants chez les Anglais, les Allemands, les Nord-Américains. Le retrait vis-à-vis du travail-emploi, le refus de s’y investir, l’aspiration à d’autres modes de vie d’activité, de rapports sociaux, de priorités dans la vie, tout ça est très répandu en France aussi, chez les plus ou moins jeunes surtout, mais il n’y a pas chez nous un journal comme The Idler en Angleterre qui reflète l’énorme mouvement multiforme des gens qui refusent de « s’insérer » dans une société qu’ils vomissent et qui (avec la devise "fuck work") refusent le « travail de merde ».
Ceux qu’on appelle « les exclus » ne sont pas tous des victimes qui ne demandent qu’à être « réinsérées », ce sont aussi des gens qui choisissent une vie alternative, en marge de la société. Mais s’ils sont marginaux, c’est parce qu’ils sont condamnés à n’être que des individus, donc impuissants à rien changer. Si vous avez cinq millions de personnes qui refusent cette société à titre individuel, ça ne va pas la changer. Mais si vous avez un mouvement qui regroupe tous ceux qui entendent travailler moins et consommer et vivre autrement, et qui les regroupe dans le but politique de militer pratiquement pour un changement de la façon de vivre, de produire et d’être ensemble, alors vous avez une traduction des choix individuels en choix collectifs dont l’énoncé va déclencher des débats, des conflits, s’inscrire dans l’espace public, obliger à la prise en compte de questions jusque-là négligées et faire évoluer le niveau de conscience.
Notre tâche, la vôtre, la mienne, celle des intellectuels, c’est de proposer cette traduction en projet collectif d’une multiplicité de choix, de rébellions, de tâtonnements, d’expérimentations, et de stimuler par cette traduction la prise de conscience de ce qu’un autre monde, une autre société sont possibles et désirables. C’est ce que Guattari, les Italiens, appellent « la production de subjectivité ». Il s’agit de faire prendre conscience de possibilités que le discours dominant cache. Il s’agit de libérer l’imagination, le désir. La parole, l’écrit, les activités culturelles, la musique, le théâtre, le cinéma sont essentiels à cette libération, à cette fécondation. Si nous ne savons pas exprimer ce que nous sentons, nous sommes incapables aussi de vouloir et d’agir en conséquence.
Cette libération de l’imagination et du désir est à la fois nécessaire au capitalisme dans l’actuelle phase de mutation et potentiellement mortelle pour lui. Son problème, c’est de stimuler l’autonomie, la créativité des gens et, en même temps, de la contrôler, de se l’asservir. En somme, d’obtenir que les gens se produisent librement mais qu’ils effectuent cette libre production d’eux-mêmes sur ordre, dans les limites qui leur sont tracées, pour maximiser le profit de « leur » entreprise.
Nous entrons dans une ère où le savoir, la connaissance sont les principales forces productives et la forme principale du capital fixe. L’accumulation, la concurrence sur les marchés, se font principalement par le capital-savoir. À l’échelle de la société, nous passons beaucoup plus de temps à produire du savoir qu’à le mettre en œuvre de façon productive. Nous passons beaucoup plus de temps à nous produire, c’est-à-dire à développer nos capacités et compétences, qu’à produire nos productions. Ce sont les capacités communicationnelles, relationnelles, cognitives, affectives, imaginatives que nous développons en dehors de notre temps de travail immédiat qui nous permettent de réaliser en deux heures de travail direct davantage que nos grands-parents en 20 ou 40 heures.
Il devient donc de plus en plus absurde de ne payer les gens que pour le temps passé à mettre en œuvre leurs compétences. Et si les détenteurs du savoir - virtuellement nous tous - s’apercevaient finalement que la forme principale du capital, c’est eux qui la détiennent, mieux : qu’ils sont le capital, la nécessité de rentabiliser ce capital au maximum n’aura plus aucun sens. En effet rien ne m’oblige à m’exploiter, à « m’autovaloriser » au maximum. La production de soi pourra cesser d’être le moyen de l’accumulation et de l’enrichissement monétaire pour devenir fin en elle-même.
P.V.P. : Le consommateur est aujourd’hui le sujet-objet du marché. Parler du temps libre, du loisir, c’est faire référence le plus souvent à un temps vide consacré à la réparation de la force de travail ou au divertissement. Aussi le citoyen est-il la plupart du temps « programmé » pour se conduire avant tout en consommateur dans un espace de vie complètement cloisonné. La transformation du temps libre en temps libéré, c’est-à-dire en un temps employé à autre chose qu’à perdre sa vie à la gagner, exprime donc un changement qualitatif au plan culturel. Chaque citoyen pourrait disposer de ce temps libéré comme d’une opportunité pour construire un nouvel espace de vie. Mais, la plupart du temps ce temps libre est ressenti comme une source d’angoisse et de dénuement, en premier lieu par les chômeurs eux-mêmes.
A.G. : Oui, en effet, parce que la construction de nouveaux espaces de vie serait, dans les conditions politiques actuelles, une aventure solitaire, une soustraction de soi à la collectivité, et non une entreprise collective à mener tous ensemble. Rien ne valide socialement le projet d’une telle construction ; par aucun signe la société ne dit aux gens : faites-le, la collectivité met des lieux, des espaces, des moyens à votre disposition, dans les quartiers, dans les communes. Cette société refuse d’envisager l’existence de chômeurs qui ne soient pas malheureux, qui ne soient pas demandeurs d’emploi, qui ne vivent pas comme une privation d’emploi le fait d’être ne serait-ce que temporairement sans un job.
P.V.P. : Pierre Gilles de Gennes affirme : « Si nous arrivons à un enseignement qui ne présente pas aux jeunes le monde comme construit mais comme à construire, à ce moment nous marquerons un point considérable ». Selon vous, l’éducation publique a-t-elle un rôle à jouer par rapport à cette perspective ? Nous pensons par exemple à une transformation de la vocation de l’université, surtout préoccupée actuellement de « coller aux besoins des marchés. »
A.G. : Cette transformation est de toute évidence nécessaire. La chose a été parfaitement exprimée par les étudiants allemands au cours de leur grève de novembre-décembre 1997. Au départ, cette grève était motivée par la misère croissante des universités, dont les moyens ne cessent d’être rognés sous prétexte qu’elles produisent bon an mal an des centaines de milliers de diplômés « inemployables », au lieu de dispenser du « savoir utile ». Du savoir utile à qui ? À quoi ? À qui ferait-on croire qu’il suffit de fabriquer des masses de gens immédiatement « employables » pour que tout le monde trouve un emploi ? Le problème à résoudre n’est pas celui de l’inadaptation des diplômés au marché du travail, mais comme l’écrit une étudiante berlinoise, Sandra Janssen, celui de « la contraction du marché du travail ». Comment la société doit-elle préparer les jeunes à cette « contraction continuelle du marché du travail » ? En faisant exactement le contraire de ce que font les gouvernements : c’est-à-dire en acceptant que les études, les diplômes ne peuvent déboucher sur des carrières ni garantir un emploi, que leur but ne peut plus être utilitaire et fonctionnel. Leur but doit être de donner aux gens un accès libre inconditionnel, illimité à la « culture » (Bildung, en allemand), c’est-à-dire de leur permettre d’acquérir les moyens qui les rendent capables de s’orienter dans ce monde éclaté, d’y produire et inventer eux-mêmes les repères, les règles, les buts, les liens qui leur soient propres et leur soient communs. Selon la formule du président des étudiants de Bonn, Oliver Schilling : « Nous ne voulons pas être des individus fonctionnellement programmés. Nous devons combattre la réduction des gens en outils aux mains du capital. » Le droit de tous d’accéder « sans restrictions à la culture la plus large possible » est indispensable « à la survie d’une société démocratique à l’ère du sous-emploi permanent. Il faut préparer le citoyen à assumer de façon créative son inutilité économique ». Tout cela implique évidemment aussi un revenu de base garanti inconditionnellement à tout citoyen.
P.V.P. : Cette remarque à notre sens pose la question de la « créativité citoyenne » face aux déjà-là s’incarnant aussi bien à travers la gestion bureaucratisée des affaires publiques qu’à travers un cadre de vie obsolète promu par les idéologies du marché. Quelle consistance donneriez-vous à cette créativité citoyenne, c’est-à-dire à une recherche fondamentale à engager par tous les citoyens pour concevoir un autre cadre de société ? Ne pensez-vous pas que des lieux, des espaces devraient être fondés pour permettre une auto-formation des citoyens sur tous les terrains de la vie sociale, de la production de la culture ? Si, oui, comment les voyez-vous ?
A.G. : Les universités ne sont pas un espace suffisant ni l’espace idéal pour développer une culture qui permette aux gens de s’émanciper de la logique de l’emploi. L’éducation à l’auto-activité, à l’autonomie, l’épanouissement des facultés artistiques, sensorielles, manuelles, intellectuelles, affectives, communicationnelles doit commencer beaucoup plus tôt - elle commence, en fait, dans les écoles maternelles françaises mais ne continue pas dans la suite de la scolarité. Il y a une coupure de plus en plus profonde entre la culture scolaire et la vie quotidienne. Je veux dire : nous n’avons plus de culture du quotidien, de culture du vivre, faite d’un ensemble de compétences communes à tous et qui permettent à tous de faire face aux situations de la vie de tous les jours. La quasi-totalité des compétences sont monopolisées par des professionnels, par les « professions invalidantes », comme les appelle Ivan Illich, et le dernier truc inventé pour créer de l’emploi consiste, selon un ministre, à inciter les gens qui gagnent convenablement leur vie à ne plus « perdre leur temps » à chercher leurs enfants à l’école, à changer un fusible, à laver leur linge à domicile ou à préparer leur petit déjeuner : il y a des services professionnels pour ça.
La révolution informationnelle porte en elle la mort programmée des spécialisations professionnelles et de la transmission de savoir formalisés. Elle ouvre sur l’auto-formation, l’auto-apprentissage, sur « l’apprendre en faisant », sur la déprofessionnalisation, sur la possibilité pour tous d’acquérir les compétences communes qui vous permettent de vous prendre en charge, de vous auto-produire dans le contexte matériel, technique, social, politique où vous vivez, et même de subvertir ce contexte. Elle ouvre sur la possibilité d’une culture commune beaucoup plus intuitive que les cultures professionnelles homologuées, sur la possibilité de ne pas dépendre des marchands et des spécialistes pour la satisfaction de vos besoins et désirs.
Pour que ces possibilités deviennent réalité, il faut que l’éducation sorte des écoles et lieux d’apprentissage, que la ville, le quartier, le bloc d’immeuble soient un espace éducatif parsemé de lieux pour l’auto-activité, l’auto-production, l’auto-apprentissage. Un germano-américain, Bergmann, est en train de créer ce genre de lieux aux États-Unis et en Allemagne. Il les conçoit comme des espaces où les gens sont sollicités, entraînés par l’offre d’une gamme qui devra être illimitée d’activités épanouissantes, des lieux qui donnent envie, avec des gens qui vous incitent à vous demander ce que vous rêvez depuis toujours de pouvoir faire mais n’avez jamais eu le temps, l’occasion, le courage de commencer.
En même temps, ces espaces, les « centres pour le nouveau travail »(1) offrent une gamme aussi étendue que possible de moyens d’auto-production à technologie avancée. N’importe qui peut apprendre en très peu de temps à y fabriquer ses vêtements, ses chaussures, ses meubles, à produire des aliments selon les méthodes mises au point il y a vingt ans dans les « maisons autonomes » nord-américaines. Bergmann estime que 70 à 80 % des besoins peuvent être couverts en deux jours de travail d’auto-production par semaine et que la multiplication de ces centres devrait faire naître une économie populaire parallèle, émancipée de la logique de l’emploi et de la domination des rapports d’argent. L’intérêt de la chose, c’est que ce projet est tout aussi valable et réalisable à Madagascar ou au Bangla Desh qu’à Berlin ou à Saint-Denis. Les Centres pour le Nouveau Travail permettent à une population à la fois de résister à la dictature du marché et au pouvoir du capital et à anticiper l’au-delà d’un capitalisme de plus en plus fragile, incapable d’assurer la survie d’une société et l’appartenance citoyenne des gens.(2)
P.V.P. : L’année prochaine nous co-organisons avec la ville de Saint-Denis les premiers Fora des Villages du Monde. Il s’agit de voir comment, au plan mondial, une culture plurielle peut constituer une alternative à la pensée unique, un « faire mouvement » que nous plaçons sous le signe du cum petere, « chercher ensemble », qui est le sens étymologique du mot compétition. Vous dites quant à vous : « seuls seront finalement entendus ceux qui veulent changer la face du monde ». À votre avis quel rôle les citoyens ont-ils à jouer dans ce changement ? Quelles sont, d’autre part, les contraintes qu’ils devraient se donner pour ne pas retomber ni dans une autre pensée unique, ni dans de vieilles manières de faire de la politique
A.G. : Je trouve très remarquable vos propositions pour la création d’Espaces Publics Citoyens, dans votre n° 9. Je pense comme vous. La « créativité citoyenne » s’épanouira plus ou moins vite selon le nombre, la visibilité, la qualité, l’accessibilité des espaces publics offerts aux expérimentations sociales, artistiques, culturelles, techniques à grande échelle. La garantie à tout résident d’un revenu social de base, dont il est de plus en plus question dans toute l’Europe, n’a de sens qu’accompagnée d’une prolifération des lieux d’auto-activité. Il faudra que chacun, chacune, soit sollicité et entraîné dans le foisonnement tout autour de lui de groupes, groupements, équipes, clubs, ateliers qui cherchent à le gagner à leurs activités écosophiques, politiques, artisanales, éducatives, etc. ; des espaces où se côtoient des ateliers de danse, des salles de musique, des gymnases, des « boutiques d’enfants », des « boutiques de santé » etc.. La ville comme laboratoire social, comme vous dites, et les espaces sociaux comme formes de la compétition coopérative (votre cum petere) que vous trouvez par exemple dans les clubs de judo, les orchestres, les troupes théâtrales : l’excellence de chacun est le but et le souci de tous - et inversement. « Le plein épanouissement de chacun est la condition du plein épanouissement de tous», disait le Manifeste du Parti Communiste. Vous retrouvez dans le concept d’intelligence collective, chez Pierre Lévy, une actualisation de la même idée.
P.V.P. : Patrick Braouezec, dans une interview accordée aux Périphériques dans le dernier numéro affirmait : « Si les partis politiques ne réussissent pas à faire leur révolution interne, alors cela veut dire que la forme parti est dépassée. » Comment voyez-vous l’émergence d’une nouvelle gauche aujourd’hui capable de se tourner résolument vers le devenir et « oser l’exode » ?
A.G. : Qu’est-ce qui peut agréger en un grand mouvement et dans une perspective commune les « révolutions moléculaires », comme les appelait Guattari, qui sont en cours dans tous les domaines ? Je vois trois aspects : 1° La compréhension théorique de la mutation que nous vivons, de sa portée à long terme, des impasses et des crises vers lesquelles elle se dirige. 2° Une vision des contours de la société post-capitaliste et post-marchande susceptible de succéder aux débris de la société salariale dont nous sortons. 3° La capacité de concrétiser cette vision par des actions, des exigences, des propositions politiques à la fois anticipatrices et plausibles, réalisables actuellement par des objectifs intermédiaires. Il y a un quatrième facteur : les pannes, les échecs, les risques d’implosion de plus en plus évidents auxquels conduit la mise en œuvre de l’idéologie économiste dominante. Les États-Unis et la Grande-Bretagne sont à la veille d’une récession, l’Extrême-Orient est en état de collapsus, en Europe le rejet de la « pensée unique » et de la politique unique imposée par le pouvoir financier mondialisé a gagné beaucoup de terrain en deux ans. Je crois qu’une nouvelle gauche ne peut être qu’une nouvelle extrême gauche, mais plurielle, non dogmatique, transnationale, écologique, porteuse d’un projet de civilisation.
Site « Les Périphériques vous parlent »

Notes:
(1) Les Centres pour un nouveau travail (Centers for New Work) que Frithjof Bergmann développe aux États-Unis et en Allemagne offrent à des chômeurs la possibilité de découvrir, d'apprendre et faire ce que réellement ils ont toujours souhaité faire dans la vie, sans en avoir les moyens et l'occasion. Il leur donne la possibilité de réaliser leur vocation, mise au jour par une méthode patiente d'exploration, tout en autoproduisant à l'aide de technologies avancées une partie de leur subsistance et en accomplissant du travail rémunéré occasionnel. Leur semaine est organisée en trois tranches de deux jours — en "trois temps", comme dit Guy Aznar — consacrées à trois types d'activités.

(2)An interview with Frithjof Bergmann

Ecoutez le document audio d'André Gorz "Rompre avec les acquis sociaux du travail" ici

Appel à convergences des décroissants, antiproductivistes et anticapitalistes, en vue des élections de 2014


La croissance n’est pas la solution .... La croissance est le problème.

Ce sont plus d’une trentaine d’objecteurs et d'objectrices de croissance, venus des 4 coins de la France et représentants toutes les sensibilités de la décroissance politique, qui se sont retrouvés les 16 et 17 mars à Lyon pour anticiper les échéances électorales de 2014 : les municipales en mars, les européennes en juin.

Depuis 2009, à partir des élections européennes, les décroissant-e-s organisent un mouvement politique dont l'objectif est de construire ensemble d’autres mondes souhaitables et soutenables. Ils s'appuient sur une stratégie qui est formulée dans une plate forme de convergence. Cette stratégie écarte la voie de la prise de pouvoir préalable au changement, au bénéfice d’actions multidimensionnelles se fondant notamment sur les utopies concrètes.

L’objectif de cette première réunion était d’envisager, sans tarder, des outils communs, des groupes de travail, des échéances partagées. Il ne s’agissait donc pas de prendre des décisions, mais de mettre en place les moyens de construire ensemble ces futures décisions : formations, projet  et déclinaisons programmatiques, ressources documentaires, supports et plan de communication, dont le propos sera de rassembler autour d’une écologie sociale, anti-productiviste, anti-capitaliste, anticonsumériste.

Les élections sont une occasion pour les objecteurs et objectrices de Croissance (OC) de porter la radicalité de leurs analyses et propositions auprès de la société civile. C’est pour cela que notre première tâche a été de réorganiser l’Association des Objecteurs de Croissance (AdOC) : association de financement (AF-AdOC) et association politique (AP-AdOC) permettront d’asseoir juridiquement et financièrement notre démarche électorale, mais non électoraliste.
Les élections municipales sont sans conteste celles qui donnent tout leur sens à notre implication locale : dans les alternatives concrètes et les expérimentations minoritaires. Elles permettront de renforcer les projets d'alternatives existantes et d’en initier d’autres, pour sortir du carcan du productivisme et du consumérisme. Mais aussi d’avancer des propositions d’élargissement de la démocratie de proximité, de relocalisations de l’économie, dans une perspective de transition écologique et énergétique.
Les élections européennes seront l’occasion de renforcer une convergence de l’ensemble des mouvements OC à travers l’Europe, aux côtés des mobilisations sociales et écologiques, des expérimentations concrètes et des alternatives émancipatrices (en milieu urbain et en zone rurale), à partir d’une vision des services publics et de l’intérêt général reconsidérée autour de la gratuité et de la défense des biens communs. Car nous ne pouvons nous satisfaire d’une union économique européenne qui ruine les peuples, qui met en concurrence les territoires, qui détruit les solidarités, au profit d’une économie spéculative et financière. Nous tenterons d’offrir une visibilité à une échelle plus globale pour porter un projet politique de rupture radicale avec le capitalisme, initier la transition solidaire vers des sociétés écologiquement responsables, socialement justes, humainement décentes et politiquement démocratiques.

Une croissance illimitée dans un monde limité est une absurdité.

Si vous souhaitez dès à présent, participer à l’ensemble de la démarche, nous vous encourageons à prendre connaissance du contenu des débats, à nous contacter, s'inscrire, ou à nous soutenir financièrement.



decroissance-elections-coordination[A]lists.riseup.net


Relevé des prises de décisions

Compte-rendu de l'atelier "municipales"

Théatre forum : compagnie NAJE - programme Avril 2013

Des spectacles où s'inviter
Un stage de formation théâtre et thérapie
Nos ateliers et formations du mois
Des nouvelles du chantier sur la propagande
dont le spectacle sera le 31 mai et le 1er juin à Montreuil

et
Notre appel à contributions avec le kisskissbankbank
Merci aux premiers donateurs!
La collecte est bien avancée mais pas encore aboutie ! Pour mener à bien le chantier sur la propagande intitulé « Les bâtisseurs », nous avons besoin de vos dons. Car faire participer 50 citoyens ce n’est pas rien ! Nous sommes attachés à la gratuité de nos activités, mais ce pari a forcément un coût…
Notre objectif est de 10.000 euros, si nous n’atteignons pas cette somme, les dons seront rendus aux donateurs. Alors, vos contributions solidaires, petites ou grandes, selon vos moyens, seront les bienvenues pour combler le déficit de l'opération. 
 
 
Les  spectacles d'avril (gratuits) : 

Educateurs de prévention
(théâtre-forum joué par des éducateurs de prévention de l'association Espoir)
le 4 avril matin à Paris

Ca va chauffer !
 ( sur le changement climatique et développement durable)
le 6 avril 17h à St Chamond dans le cadre du forum éco cités
le 13 avril 17h à Fontenay sous Bois à la demande de la ville
  
Egalité garçons-filles
à la demande de la ville de Bretigny sur Orge
les 8 et 9  avril matin et après midi à Bretigny sur Orge pour des scolaires

Parentalité
le 9 avril au soir à Plaisir avec la FCPE  de Plaisir

Droit de vote des étrangers
à la demande de la LDH en partenariat avec la ville de Montreuil
le 12 avril soir à Montreuil
 
Participation des habitants
le 24 avril soir à la demande de la Ville de Montreuil 

Pour demander à être invité à un spectacle : mailto:fabienne.brugel@orange.fr
 
 

Le stage de formation théâtre et thérapie 

Il a lieu du 27 avril matin au 1er mai soir, à Aubervilliers (RER la Courneuve Aubervilliers).
Il est ouvert à tous. 
Deux possibilités pour y participer :  s'inscrire au titre de la formation professionnelle ou à sa propre initiative. 
16 personnes sont à ce jour inscrites, il nous reste donc quelques places. 

 
 
 
Nos ateliers et formations d'avril
 
* ARIFA de Clichy-sous-Bois avec ses médiatrices sociales et culturelles.
 
* Association Espoir, avec les travailleurs sociaux de l'association Espoir.
 
* Scop Voliges, avec des travailleurs sociaux de la Ville de Paris  en charge des questions de logement.
 
* Association Léa à Montreuil (création d'un spectacle avec des femmes et des jeunes faisant suite à l'atelier de parole qui fonctionne depuis plusieurs années).

* Ville de La Courneuve, avec les enfants du Conseil Municipal des Enfants. 

*  Ville de Villiers le Bel, avec le Conseil Municipal des Jeunes d'une part et avec les professionnels du Programme Eductif Local d'autre part. 

* Foyer Phare de Mennecy avec les jeunes et les éducateurs du foyer.

* ALSEA de Limoges, avec des scolaires.
 

Le chantier sur la propagande  "Les bâtisseurs" 
La propagande est à la démocratie ce que la violence est à la dictature. Noam Chomsky

L'écriture du spectacle est terminée. Elle s'est faite essentiellement en création collective.
Notre spectacle traite des outils de la propagande en général puis s'axe sur deux actions en cours : la résistance à l'aéroport de Notre Dame des Landes et la création de la scop des Fralibs. 
Nous n'avons pu intégrer dans le spectacle ni la monnaie sol-violette de Toulouse, ni lexpérience de l'accorderie de Chambery. Si nous l'avions fait, le spectacle aurait duré des heures. Nous tâcherons de mettre en scène ces expériences magnifiques dans un futur spectacle. 
Pour l'heure, nous en sommes au temps des répétitions et de la préparation au forum.
Nous souhaitons cette année faire déboucher le forum sur une ou deux actions concrètes à mener par ceux et celles qui constitueront les deux assemblées réunies les  31 mai au soir et 1er juin après midi. 
Nos amis contributeurs au kisskissbankbank sont invités à venir assister quand ils le veulent à une séance de répétition. 
 
Cette opération est menée en partenariat avec le CRL 10 grâce à l’appui financier de la Région Ile-de-France et de l’Acsé et, nous l'espérons par les contributions de ceux et celles qui nous soutiennent via le kisskissbankbank. 
 

 
 
 
Visiter notre site : http://www.naje.asso.fr
Se connecter avec notre groupe facebook :http://www.facebook.com/NAJE.France
Nous contacter : fabienne.brugel@orange.fr et 06 82 03 60 83
 

Conférence Débat : Approche psychanalytique du capitalisme

CAFÉ PLUM

Café librairie arts vivants

Rue de Lengouzy - 81440 Lautrec (Tarn) - 05 63 70 83 30

Dimanche 07 avril à 10h30 - CONFÉRENCE / DÉBAT
APPROCHE PSYCHANALYTIQUE DU CAPITALISME par Jean-Lou Lenoir ,


Du lien social contemporain à l'art d'être sujet à notre époque. Positions théoriques, politiques et éthiques de la psychanalyse face au malaise dans la civilisation
La psychanalyse permet de penser des alternatives au discours dominant contemporain. En tant que pratique clinique qui s'attache à la singularité de chacun, la psychanalyse permet en effet d’adresser une objection au formatage massif (des institutions, des pensées et des façons de vivre) qu'impose le capitalisme pour subsister en réinjectant de l’éthique dans la pensée contemporaine ; plus précisément des positions révolutionnaires (le mot est de Lacan) qu'elle peut faire exister pour chacun.
Entrée libre

5è AG de la coopérative intégrale toulousaine

Samedi 30 Mars à la Chapelle à partir de 12h pour la 5ème AG de la Coopérative Intégrale de Toulouse!

L' autogestion - points de repères

Qu’est-ce que l’autogestion ? (1&2) Un peu d’histoire

Voir le reportage de TV Bruits 

 

  Le Bazar au Bazacle 2013

Le « BAZAR AU BAZACLE » Accueille la « FOIRE A L’AUTO-GESTION »  

Pour la convergence des luttes Du 29 avril au 5 mai 2013 à Toulouse Au parc des sports du Bazacle et à Utopia Débats, ateliers, musique, théâtre, animations, espace foire, librairie, restauration et buvette…
Entrée libre et participation libre et nécessaire pour les spectacles.

Le Bazar au Bazacle accueille cette année une foire à l’autogestion :
http://www.bazaraubazacle.org

Marseille : le contrat du siècle à l'eau

Source : Bakchich info.
 
Le gros lot de 3 milliards d'euros attend son gagnant...
Une certaine nervosité gagne depuis quelques semaines les géants de l'environnement - Suez, Veolia et la Saur -, sitôt que l'on évoque le nom de Marseille. Et ce n'est pas, pour une fois,la crainte d'éclaboussures judiciairesqui les indispose, mais le fait qu’un gros gâteau tarde à être découpé. Avec ses 3 milliards d'euros à distribuer sur 15 ans, ses 4 lots (trois pour l’assainissement, un pour la distribution) la nouvelle délégation de service public (DSP) «eau et assainissement» de la communauté Marseille Provence Métropole représente pour ces compagnies un enjeu majeur: il s’agit en effet de «la deuxième ou troisième DSP la plus importante de France», précise-t-on à la communauté urbaine, non sans fierté.
Des craintes de cocu
Mais la gourmandise des sociétés est quelque peu contrariée. Actée à l'été 2011 en conseil communautaire, la décision de renouveler au 1er janvier 2014 la gestion de l'eau sous forme de DSP n'a toujours pas abouti à un choix de délégataires. Prévue pour le 15 janvier, la remise du dépôt des offres a été successivement repoussée au 31 janvier, puis au 15 février, avant d'être finalement renvoyée au 2 avril. Des ajournements qui ont agacé les candidats. « Déjà nous n'avons eu que 4 mois et demi pour répondre au cahiers des charges et après nous avoir mis la pression pour être dans les temps, ce qui a nécessité la mobilisation de nos effectifs, MPM décide de décaler les remises d'offres», peste l'un des soumissionnaires, qui craint un nouveau report: « Entre l'analyse des offres, le choix de la CUM puis les négociations avec le président, et la période de tuilage, il faut des mois pour qu'une DSP se remette en place...Si le 2 avril n'est pas respecté, rien ne sera prêt pour le 1er janvier 2014».
Et les cauchemars de troubler le sommeil des cadres des multinationales. Par exemple un report de l'attribution à 2014, après des municipales qui pourraient dessiner une nouvelle majorité, plus favorable à telle entreprise, à la communauté urbaine. Pis : d'aucuns soupçonnent le président Caselli, candidat déclaré à l'investiture socialiste, de préparer un retour de la gestion de l’eau en régie publique - pour satisfaire des alliances politiques. Auquel cas : outre les – très – considérables sommes perdues dans la préparation de la DSP, le pactole s'envolerait, tout simplement. «On se sent comme des cocus du jeu politique», grince un soumissionnaire. Sans raison, jure Me Xavier Matharan. Conseiller juridique depuis 2011 de la communauté urbaine sur ce sensible dossier, l'avocat assure que les dates seront respectées. « Les reports ne sont dus qu'à un travail supplémentaire demandé aux services. La date du 2 avril sera respectée et le choix du Président Caselli sera soumis au conseil communautaire dans la première quinzaine d'octobre». Justement la date choisie par le  PS national pour tenir les primaires marseillaises : le début de l’automne s'annonce dense pour le Président Caselli.
 

Réforme bancaire, beaucoup de bruit pour presque rien ?

Hollande l’avait promis, il allait protéger les salariés, les petits épargnants qui déposent en banque leurs avoirs et leurs petites économies et donc, séparer les activités dites d’investissement de celles de dépôt. Cela devait mettre un frein à la spéculation puisque, allègrement, les banques se servent de l’argent des déposants à des fins lucratives à leurs dépens.

C’était là aller dans un sens plus radical que les ratios dits de Bâle II et Bâle III, tentant d’imposer aux banques, dans la durée, une réserve en caisse équivalent à 8% de l’ensemble des sommes circulant dans les banques. Et la panique aidant, ce n’était guère rassurant, pour les banques, si tous les «petits clients» retiraient l’ensemble de l’argent leur appartenant ! On n’était plus avant la crise où les banques françaises en 2007 avaient accumulé un gain de 48 milliards d’euros permettant de distribuer des bonus extravagants et autres revenus mirobolants à 9 000 traders et dirigeants français.

Les années fortes évanouies, il fallait aussi entendre la défiance, voire rassurer l’angoisse des déposants.

De la promesse aux discours abscons

A défaut de vouloir socialiser les banques et, au surplus, à prétendre se montrer le bon élève de l’affairiste Union Européenne, Hollande dut en rabattre pour autant qu’il ait sincèrement pensé que la réforme n’était pas une manière d’appâter l’électeur de gauche.

Quand l’heure de l’action fut venue, les socio-libéraux se convainquirent qu’il fallait, par réalisme, faire preuve d’une «extraordinaire indulgence» (1) vis-à-vis du secteur bancaire. D’abord parce que celui-ci était ENORME, près de 4 fois le Produit Intérieur Brut ! Ensuite, parce qu’il était destiné à assurer de la liquidité à l’économie, même s’il ne lui octroyait sous forme de prêts que 10% de leur bilan (2), plus des ¾ relevant des «opérations de marché» lucratives. Liquidités ? Qu’est-ce à dire ? C’est la circulation du capital en quête de rentes, sous forme d’achats et de ventes d’actions. Fallait-il donc protéger les actionnaires propriétaires de parts d’entreprises, vendant leurs parts, en achetant d’autres en fonction de l’anticipation de gains mesurés en rendement actionnarial à deux chiffres ? Nos doctes gouvernants n’employèrent guère ces termes révélateurs. Ils préférèrent recourir à la notion absconse de teneur du marché, bref à défaut d’être con, il fallait comprendre que pour les actionnaires le marché devait bien se tenir afin de leur assurer le gonflement de leurs rentes. Alors, avec toute l’emphase de circonstance, Moscovici et Berger présentèrent leur solution trompe-l’œil : la loi allait imposer la filialisation des banques. 

La réforme ou comment «fouetter les banquiers avec un plumeau» (1)

Par la filialisation, il s’agissait, en apparence de «ranger» les activités spéculatives dans des filiales séparées, les dépôts des épargnants s’en trouvant ainsi sécurisés. Mais pas toutes… loin de là ! Il fallait être raisonnable : les hedge funds qui détiennent 20% des actifs financiers des banques, fallait pas y toucher ! Trop gros pour faire faillite. Or ces «banques de l’ombre» étaient bien celles-là mêmes  d’où était venue la «vérole spéculative» (1). Pour ne prendre qu’un exemple, BNP Paribas avait dû, lors de l’été 2007, fermer trois de ses hedge funds et en subir les pertes. Ainsi, les banques si peu allégées de leurs activités spéculatives devaient-elles encore et toujours disposer de la garantie de l’Etat pour, en cas de faillite, pouvoir les renflouer ? Et bien, oui ! Mais pas encore suffisant !

La holding chapeautant les banques et leurs filiales serait autorisée à intervenir pour sauver leurs filiales si, par quelques déconvenues dramatiques (dire «état de détresse» en langage socialo) elles faisaient faillite. Pour ce cas de figure, dit «hautement improbable», le projet de loi Mosco-Berger se veut rassurant. Cette holding ne pourrait utiliser «ses» fonds qu’à hauteur de 10 à 25% de «ses» actifs financiers, enfin, ceux des déposants. Eh ! 10% des actifs de BNP Paribas, c’est 7.5 milliards d’euros, 25%, 18.75 milliards ! Enorme ! De quoi accélérer la panique et, catastrophe oblige, de faire jouer la garantie de l’Etat ! Qu’à cela ne tienne, puisque les Français n’y verront que du feu ! Telle est la nature de l’entourloupe hollandiste

Quant à ceux, méfiants, qui y verraient anguille sous roche, une affirmation accolée à de la langue de bois saurait faire l’affaire : les transactions seront sécurisées par voie de «collétarisation» ou par «un dépôt de gage d’actifs d’une valeur équivalente». Du brouillard sémantique pour ne pas dire nettement ce qui se pratique déjà, à savoir que si vous ne remboursez pas votre prêt arrivant à échéance, vos biens, meubles et immeubles sont saisis à hauteur de votre créance, augmentée des intérêts de retard ! Il en est de même pour les banques et mêmes les Etats qui, endettés, vendent par privatisation le Bien public !

Les coups de fouet indolores

Filialisation, garantie de l’Etat, sécurisation, collétarisation… Le patron de la Société Générale a fait ses comptes et vendu la mèche : la réforme ne concernera que 1.5 % de ses activités. Quant aux «économistes atterrés» (3), leurs estimations globales font apparaître que les banques ne seront affectées… que sur 0.75 à 2% de leurs activités.

On en conviendra, cette rouerie qui se veut talentueuse n’abusera, en définitive, que les croyants intéressés par la prétendue vertu hollandiste. Et si par mégarde, un crack survenait, les pontifes s’en laveraient les mains. Les textes de notre sacro-sainte République ont tout prévu pour les déresponsabiliser. Deux grands argentiers sont seuls  habilités à nous faire les poches : le gouverneur de la Banque de France et le directeur général du Trésor, seuls, peuvent piocher dans le fonds de garantie des dépôts français pour sauver une banque ou un hedge fund. Et les Ponce Pilate s’en laveront les mains.

Somme toute, les banquiers rassurés peuvent continuer à pérorer. Assis sur le tas d’or des dépôts et de l’argent public dont ils continueront de disposer à leur gré, ils savent que même avec Hollande, même quand ils perdront, ils y gagneront et que tout sera fait pour «amortir leurs gamelles»(1).

Gérard Deneux, le 25 mars 2013


(1)   Les expressions sont de Frédéric Lordon, auteur notamment de «La crise de trop» édition Fayard
(2)   Je renvoie, ici, à mon texte précédent «Crise, quelles crises ? Origine et conséquences»
(3)   Collectif de chercheurs, experts en économie constitué à l’automne 2010 qui a fait paraître notamment le manifeste des économistes atterrés dans lequel ils font une critique des 10 postulats qui inspirent toujours les décisions des pouvoirs publics en Europe, malgré les cinglants démentis apportés par la crise et face auxquels ils ont mis 22 contre-propositions en débat.  www.atteres.org  


Sources pour cet article : Les analyses de Frédéric Lordon, de Michel Husson et autres «économistes atterrés»