Source : Telerama
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Tout s’apprend, même la désobéissance ! Un groupe militant, les
Désobéissants, propose au citoyen lambda des méthodes surfant aux
frontières de la légalité. En 2015, nous sommes allés suivre une
formation. A réviser dans le cadre de la Semaine internationale de la
Rébellion.
Sous les moulures du foyer des étudiants catholiques, deux groupes
se font face. En rang d’oignons, les manifestants s’avancent d’un pas
décidé, poing levé. « Pas d’animaux dans les labos ! »
scandent-ils, essayant de forcer le barrage d’ouvriers venus défendre
leur chantier. Empoignades. Invectives. Censés lutter contre la
construction d’un centre d’expérimentation sur les singes, les
défenseurs de la cause animale ne savent pas jusqu’où aller. « Si vous foncez sur la partie adverse en lui braillant à la figure, peu de chance qu’il sympathise avec votre cause », se marre alors le formateur, un peu en retrait. Tout le monde s’arrête, on refait le match. « Il faut que vous expliquiez votre démarche, que vous traitiez l’autre avec empathie, sinon c’est là qu’il y a violence ! »
Ils sont une quarantaine à s’être déplacés pour ce stage de « désobéissance civile » dans le centre de Strasbourg. Deux jours d’initiation à l’action directe non-violente, dirigés par Xavier Renou, du collectif Les Désobéissants. Tous les mois, cet ancien de Greenpeace se déplace en France ou à l’étranger pour diffuser une méthode clé en main, destinée à ceux qui, revenus des manifestations et des pétitions, cherchent des modes d’action alternatifs. « Il s’agit de revenir aux fondements du combat syndical, à l’esprit de la première CGT, qui a défendu le droit de grève au moment où il était interdit et qui a gagné tout ce dont nous bénéficions aujourd’hui », s’enflamme Renou. C’est en 2006 que l’ex-« sciences potard » crée le collectif qui deviendra la matrice d’un nouveau type de lutte. « Nous étions quelques années après les manifestations de Seattle, dans ce moment exaltant de développement de l’altermondialisme et des mouvements de faucheurs volontaires. Cela m’a donné envie d’adapter les méthodes de Greenpeace à tous les combats contre les injustices. » Aujourd’hui, l’association compte une vingtaine de permanents, un réseau de 12 000 adhérents et se mobilise tous azimuts : pour l’écologie, les droits de l’homme, le Tibet, les sans-papiers…
Mine de rien, cette simulation permet de confronter les ressentis, de faire réfléchir aux conséquences morales et matérielles des actions. « La bataille pour la légitimité passe par la conquête de l’opinion, qui ne doit pas nous assimiler à des casseurs », rappelle Xavier Renou. D’où la nécessité « d’agir pacifiquement, et à visage découvert ». Et d’utiliser des méthodes spectaculaires, ludiques, propices aux reprises médiatiques. En la matière, le désobéissant en chef fourmille d’idées : organiser des happenings devant des magasins, bloquer les caisses des supermarchés, égarer et disperser les documents du service financier d’une entreprise. On a vu les Désobéissants, déguisés en abeilles, mener des actions anti-Roundup (herbicide produit par Monsanto) dans les magasins Castorama ou orchestrer des pique-niques sauvages dans les supermarchés, chacun se servant dans les rayons sans passer à la caisse.
Ils sont une quarantaine à s’être déplacés pour ce stage de « désobéissance civile » dans le centre de Strasbourg. Deux jours d’initiation à l’action directe non-violente, dirigés par Xavier Renou, du collectif Les Désobéissants. Tous les mois, cet ancien de Greenpeace se déplace en France ou à l’étranger pour diffuser une méthode clé en main, destinée à ceux qui, revenus des manifestations et des pétitions, cherchent des modes d’action alternatifs. « Il s’agit de revenir aux fondements du combat syndical, à l’esprit de la première CGT, qui a défendu le droit de grève au moment où il était interdit et qui a gagné tout ce dont nous bénéficions aujourd’hui », s’enflamme Renou. C’est en 2006 que l’ex-« sciences potard » crée le collectif qui deviendra la matrice d’un nouveau type de lutte. « Nous étions quelques années après les manifestations de Seattle, dans ce moment exaltant de développement de l’altermondialisme et des mouvements de faucheurs volontaires. Cela m’a donné envie d’adapter les méthodes de Greenpeace à tous les combats contre les injustices. » Aujourd’hui, l’association compte une vingtaine de permanents, un réseau de 12 000 adhérents et se mobilise tous azimuts : pour l’écologie, les droits de l’homme, le Tibet, les sans-papiers…
“Il nous arrive d’avoir des patrons de PME ou des élus”
Ce jour-là, c’est donc une association de défense des animaux,
Animalsace, qui a sollicité le stage. On est loin de l'image sulfureuse
des militants radicaux. Ce type de formation est squatté par monsieur et
madame Tout-le-Monde. Des jeunes, des vieux, aux profils très
contrastés: des Anonymous à peine sortis de l’enfance, des
antinucléaires baba-cool, un agent de sûreté aérienne, une avocate en
droit du travail, une famille entière de médecins – le père, la mère et
la fille encore étudiante... « Il nous arrive d’avoir des patrons de PME ou des élus, explique Xavier Renou. Nous
avons par exemple été sollicités par le maire et les habitants d’un
village près d’Aurillac, qui voulaient défendre une forêt menacée par un
projet d’incinérateur. Nous les avons formés à l’occupation de la forêt
et, pour l’instant, celle-ci n’est toujours pas détruite. » Chacun
ses motivations : un des stagiaires cherche des outils pour lutter
contre le projet de contournement autoroutier de Strasbourg. Fraîchement
exclue de la SPA locale pour avoir dénoncé les pratiques d’euthanasie
dans certains refuges, une jeune femme cherche un moyen de toucher
l'opinion publique. Plus largement, ici, on cherche à « faire du
terrain », « connaître ses droits et savoir ce qu’on risque », «
apprendre à se défendre », « communiquer et agir de manière plus
efficace », « favoriser la convergence des luttes », « être non-violent
mais vraiment chiant ! ».
“Etre non-violent mais vraiment chiant !”
Premier exercice : Xavier Renou scotche aux murs de la salle des
feuilles griffonnées (« je le ferais/je ne le ferais pas », « c’est
violent/ce n’est pas violent ») et demande à chacun de se positionner
dans l’espace en fonction de son adhésion ou non aux actions proposées.
Il s’agit de faucher des pommes de terres transgéniques plantées dans un
champ. La majorité se positionne dans le coin « je le ferais/ce n’est
pas violent ». Les minoritaires s’expliquent : « C’est agressif, ce serait comme arracher un portable des mains d’une personne ! » estime une dame. « Pour moi, c’est du vandalisme », dit
une autre. Deuxième proposition: se rendre sur un chantier, en pleine
nuit, pour mettre du sucre dans le réservoir d’un bulldozer. L’idée
amuse la majorité, qui ne réalise pas qu’au-delà du geste, supposé
potache, « les bulldozers risquent d’exploser, ce qui ferait des blessés ! », comme prévient le formateur. De la même manière, plusieurs stagiaires ne verraient pas d’objection à « retenir un patron dans son bureau, en vue d’obtenir des documents sur un licenciement collectif ». Le hic ? « Ce serait de la séquestration pure et simple », prévient l’avocate en droit du travail.Mine de rien, cette simulation permet de confronter les ressentis, de faire réfléchir aux conséquences morales et matérielles des actions. « La bataille pour la légitimité passe par la conquête de l’opinion, qui ne doit pas nous assimiler à des casseurs », rappelle Xavier Renou. D’où la nécessité « d’agir pacifiquement, et à visage découvert ». Et d’utiliser des méthodes spectaculaires, ludiques, propices aux reprises médiatiques. En la matière, le désobéissant en chef fourmille d’idées : organiser des happenings devant des magasins, bloquer les caisses des supermarchés, égarer et disperser les documents du service financier d’une entreprise. On a vu les Désobéissants, déguisés en abeilles, mener des actions anti-Roundup (herbicide produit par Monsanto) dans les magasins Castorama ou orchestrer des pique-niques sauvages dans les supermarchés, chacun se servant dans les rayons sans passer à la caisse.
La parfaite panoplie du désobéissant
Tout un panel d’interventions qui, pour ne pas dégénérer, nécessitent le respect de certaines règles. Pour former les novices, Xavier Renou organise des mises en situation concrètes : une occupation de mairie, chacun se répartissant des missions, puis une simulation de garde à vue, pour « éviter les pièges de l’intimidation policière et connaître les risques juridiques réels ». En bonus, le stage prévoit tout un tas de trucs et d'astuces pour asticoter la maréchaussée « sans se faire démonter la tête », car, rappelle Renou, « l’idée n’est pas de jouer aux martyrs ». C’est parti pour l’exercice du « corps mort qui bouge encore » (ou comment glisser entre les pattes de la police en se faisant traîner en même temps), suivi des figures du « petit train » ou de la « tortue » (stagiaires encastrés les uns derrière les autres ou imbriqués en cercle, de manière à ce que personne n’arrive à les déplacer). Sans compter de précieux conseils pratiques: « Pour vous enchaîner aux grilles, vous pouvez utiliser des menottes de sexshop. Le problème, c’est qu’elles sont généralement agrémentées de moumoute rose », rigole Renou. Une fois enchaîné, surtout « penser à mettre les clés dans sa culotte ». Et si on a envie de faire pipi ? « La combinaison de surf ou de plongée, la couche pour adulte, ou tout simplement se faire dessus ! »
“L’idée, c’est de redevenir des sales gosses, avec une visée politique !”
Ces techniques de « harcèlement démocratique » ne fonctionnent que si
le message est clair. Le stage s’achève donc sur un atelier médias.
Comment « vendre » les actions auprès des journalistes ? « Il faut leur proposer de l’inventif, du sexy ! » explique Xavier Renou. Pour lui, le monde de la presse se scinde en deux camps : « les journalistes amis » et « les journaliste hostiles ». Et, dans les deux cas, ce sont des feignasses : «
Comme tous les travailleurs, le journaliste peut aimer son métier, mais
aussi sa famille, ses loisirs. Plus vous lui mâchez le boulot, plus il
est content. Si on écrit nous-mêmes l’article, si notre communiqué
comprend déjà tous les éléments de langage, ce sera dans notre intérêt.
Bon, je dis pas ça pour Télérama, hein ! » Une approche
subtile comme les entrechats d’un mammouth en tutu, mais plutôt payante.
A coup d’actions médiatisées, de happenings rigolards, les
Désobéissants ont réussi à obtenir une véritable visibilité et, au fil
des années, quelques victoires : comme la réintégration de salariés sans
papiers d’une société de sous-traitance de la SNCF… Ils ont même eu «
l’honneur » d’intéresser (d’inquiéter ?) les autorités. « Des
gendarmes sont venus se planquer dans la luzerne pour nous observer, et
un type des renseignements a même infiltré l’un de nos stages ! »
Xavier Renou lui-même a fini, à coup d’actions polémiques, par imposer
un personnage de type poil à gratter ingérable. En se déguisant en
prisonnier de camp de concentration pour manifester contre la politique
d’immigration de Nicolas Sarkozy. Ou en balançant du faux sang à la
figure d’un Hubert Védrine impassible, afin de dénoncer les
responsabilités françaises dans le génocide rwandais… Cette démarche
très provoc ne fait pas l’unanimité. Dans les mouvances
altermondialistes, certains voient en lui un mercenaire de la
désobéissance civile, faisant beaucoup de bruit pour pas grand-chose et
multipliant les opérations marketées. Un agitateur épousant tellement de
causes que, dans le fond, il n’en défend aucune. Lui revendique son
mode d’action : « On propose des outils, ça ne veut pas dire qu’on
impose des règles. L’idée, c’est de redevenir des sales gosses, avec une
visée politique ! ».
SEMAINE DE LA REBELLION, MODE D’EMPLOI
C’est quoi : la Semaine internationale de la rébellion a été lancée par Extinction Rebellion, un mouvement né en Angleterre en octobre 2018 et qui depuis essaime dans de nombreux pays – parmi lesquels la France, l’Italie, l’Allemagne et les Etats-Unis. L’idée : mener des actions de désobéissance civile non-violente afin d’intensifier la protestation contre l’inaction politique en matière de lutte contre le changement climatique et la disparition des espèces. D’autres organisations environnementales ont annoncé qu’elles participeraient à cette semaine internationale de la rébellion.
C’est quand : la semaine internationale de la rébellion se déroule du 12 au 19 avril.
Quelles actions : Impossible de tenir un agenda précis. Car si certains collectifs communiquent depuis plusieurs semaines sur leurs prochaines actions pour s’assurer une médiatisation maximale, d’autres cultivent au contraire le secret, afin d’amplifier l’effet de surprise.
En France, citons une « action contre l’industrie du textile et la fast fashion » menée par Extinction Rebellion, qui s’est déroulée le vendredi 12 avril. Et « bloquons la République des pollueurs », une action en Ile-de-France organisée par les Amis de la Terre, ANV-COP21 et Greenpeace. Des actions de « swarming » (blocages éphémères de la circulation) sont annoncées à travers le monde… Marc Belpois
C’est quoi : la Semaine internationale de la rébellion a été lancée par Extinction Rebellion, un mouvement né en Angleterre en octobre 2018 et qui depuis essaime dans de nombreux pays – parmi lesquels la France, l’Italie, l’Allemagne et les Etats-Unis. L’idée : mener des actions de désobéissance civile non-violente afin d’intensifier la protestation contre l’inaction politique en matière de lutte contre le changement climatique et la disparition des espèces. D’autres organisations environnementales ont annoncé qu’elles participeraient à cette semaine internationale de la rébellion.
C’est quand : la semaine internationale de la rébellion se déroule du 12 au 19 avril.
Quelles actions : Impossible de tenir un agenda précis. Car si certains collectifs communiquent depuis plusieurs semaines sur leurs prochaines actions pour s’assurer une médiatisation maximale, d’autres cultivent au contraire le secret, afin d’amplifier l’effet de surprise.
En France, citons une « action contre l’industrie du textile et la fast fashion » menée par Extinction Rebellion, qui s’est déroulée le vendredi 12 avril. Et « bloquons la République des pollueurs », une action en Ile-de-France organisée par les Amis de la Terre, ANV-COP21 et Greenpeace. Des actions de « swarming » (blocages éphémères de la circulation) sont annoncées à travers le monde… Marc Belpois
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