dimanche 30 septembre 2018

A Colombes, le frigo solidaire est prié de quitter le trottoir

Source : le Parisien

Adeline Daboval @adaboval


Colombes, boulevard Charles-de-Gaulle, vendredi 6 juillet 2018. Taous Bacha, gérante du commerce Halfresh a été contrainte de retirer son frigo solidaire du trottoir parce qu’elle ne disposait pas de l’autorisation d’occupation du domaine public. LP/Adeline Daboval

La gérante du magasin Halfresh l’avait installé devant son commerce, boulevard Charles-de-Gaulle. La mairie lui a demandé de le rentrer, évoquant les plaintes de riverains.

Cet après-midi-là, le petit réfrigérateur paré de bois abrite trois plaquettes de petits-suisses aux fruits, un paquet de yaourts et deux sachets de chips de manioc. Ces produits à date courte ou légèrement au-delà de la date d’utilisation optimale sont mis à la disposition gratuitement des personnes qui en ont besoin et peuvent se servir librement.
Mais depuis deux semaines, ce frigo solidaire, comme il en existe déjà notamment à Paris, a quitté le large trottoir du boulevard Charles-de-Gaulle, dans le quartier du Petit-Colombes. Il s’est retranché derrière la porte d’entrée vitrée d’Halfresh, magasin de surgelés et de produits frais halal. Les policiers municipaux sont venus indiquer à la gérante qu’elle ne disposait pas d’autorisation légale pour le laisser sur le trottoir.

« J’ai été emballée par le concept »

« Quand j’ai vu le concept des frigos solidaires sur les réseaux sociaux, j’ai été emballée par le concept, se souvient Taous Bacha, à la tête du magasin Halfresh. J’ai régulièrement des yaourts et des fromages qui approchent de la date de péremption, mais pas assez pour qu’une association caritative vienne les chercher avec un camion frigorifique. »
En février, la jeune femme prend rendez-vous avec la mairie pour présenter son projet. « La personne qui m’a reçue a paru intéressée. Elle m’a demandé de lui envoyer des photos et des documents par mail. » Dans la foulée, Taous Bacha lance une cagnotte participative et récolte 1 300 € en avril, grâce à 55 donateurs. « Je n’avais plus de nouvelles de la mairie. Mais j’ai installé le frigo en mai, explique la chef d’entreprise. J’ai informé les voisins qu’ils pouvaient déposer des produits et en prendre en libre-service, et ça a commencé à bien marcher. »
Après un mail du syndicat de copropriété de l’immeuble qui évoque « de nombreuses plaintes », Taous Bacha reçoit donc la visite de la police municipale, qui lui demande de rentrer le frigo à l’intérieur du magasin. « Ce n’est plus en libre-service si c’est à l’intérieur, regrette la gérante de Halfresh. Les gens peuvent être gênés. Je suis vraiment déçue car ça aurait dû être une réussite : on est dans un écoquartier, avec de la mixité sociale, de grands trottoirs et beaucoup de passage. »

« Pas sur le trottoir »

A la mairie (LR), on assume cette décision. « Nous avons reçu des plaintes de riverains. Pour utiliser le trottoir, il faut une autorisation d’occupation du domaine public. Et ce commerce n’en avait pas ». Mais l’autorisation n’est manifestement pas l’obstacle majeur : « Le boulevard Charles-de-Gaulle est un secteur tendu à cause du trafic de drogue et des fusillades, poursuit-on à l’hôtel de ville. Nous ne sommes pas contre le frigo solidaire, mais pas sur le trottoir. A l’intérieur du magasin, ça ne pose aucun souci. »
« Qu’est-ce qui peut être embêtant ? Ce frigo est tout petit, on ne gaspille pas et il est utile, regrette une mère de famille, qui habite 300 m plus loin. C’est une belle initiative, qui donne de l’espoir dans ce quartier. »
La présidente de l’association des Frigos solidaires est très étonnée. « En vingt frigos installés en six mois partout en France, devant une librairie, une aromathèque, un hôtel, un bar… c’est la première fois que nous sommes confrontés à ce problème, réagit Dounia Mebtoul. Les frigos sont tous sur le trottoir et les mairies ont toujours donné les autorisations car ils permettent de toucher des personnes qui entrent dans la précarité et ne sont pas aidées par les associations traditionnelles. »

Disco soupe à AUBAGNE

Disco soupe en Pays d'Aubagne :

 Mise en réseau d'acteurs locaux afin de proposer des événements anti gaspi, sociaux et solidaires dans la cité ..

Of courge ?

Entité liée au collectif Aubagne en transition et au réseau Disco Soupe http://discosoupe.org/

Liaison évidente avec la vie associative aubagnaise et les motivés ..

Are you radis ?

Aïoli

 

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A (re-)lire aussi  

La soupe populaire : potion magique de résistance

samedi 29 septembre 2018

Un référendum pour l'Eau à Toulouse

Source : EauToulouse.fr

« Il paraît que chez vous à Toulouse quand vous ouvrez le robinet, un litre sur deux se barre dans la nature à cause de Veolia ! »
Teaser du copain François Ruffin (député de la Somme, fondateur et rédac’ chef du journal Fakir, réalisateur de « Merci patron ! ») pour le lancement de notre campagne pour un référendum d’initiative populaire sur l’eau à Toulouse !




Signez le référendum ici

jeudi 27 septembre 2018

Votre croissance nous n'en voulons plus !

Discours de François RUFFIN  à l'assemblée nationale

Monsieur le ministre, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les rapporteurs, nous voici donc en présence du projet de loi PACTE,  le plan d’action pour la croissance des entreprises.

Un langage vieux

En commission, nous avons, dans vos bouches, entendu tous les classiques. Monsieur le ministre, je vous cite  : « C’est le bon moment pour donner un nouvel élan à notre croissance » ; « C’est le bon moment pour renforcer la croissance » ; « C’est le bon moment pour libérer la croissance » ; « C’est le bon moment pour lever les obstacles à la croissance » ; « C’est le bon moment pour activer un levier de croissance ».
Je tiens à vous féliciter. Je me demande même où vous allez chercher tout ça : quelle rhétorique inédite, originale, franchement neuve !
 Il me semble que j’entendais déjà cela dans le ventre de ma mère : crise, croissance, crise, croissance… Valéry Giscard d’Estaing, j’ai vérifié, tenait déjà ce langage. Je le cite : « Les derniers indices font apparaître la reprise d’une certaine croissance. Donc, la France est en train de sortir de la crise ». Puis, alors que j’étais en culottes courtes, il y a eu François Mitterrand : « On attend, on  annonce encore pour le mois prochain,  dans deux mois, dans six mois, un retour à la croissance ».
Chirac reprenait le même refrain, en mode volontariste : « La croissance, il faut la faire, elle est entre les mains de chacun d’entre vous. » Puis nous avons eu Nicolas Sarkozy. Vous avez oeuvré, monsieur le ministre, à ses côtés pour aller chercher « avec les dents » un point de croissance supplémentaire. Selon lui, « ll faut qu’on libère les forces de croissance ». François Hollande, lui, a comme d’habitude brillé par son conformisme : « Il n’y aura pas de croissance sans confiance. Il n’y aura pas de confiance sans croissance. » Jusqu’à l’actuel président, Emmanuel Macron, qui nous a, depuis Versailles, causé comme le faites, monsieur le ministre, de croissance durable et de croissance partagée. Il a sonné le tocsin : « Nous devons à présent libérer les freins à la croissance des entreprises ».
Voilà quarante ans que vous nous récitez ce catéchisme. Quarante ans que vous êtes dans l’incantation et dans l’invocation d’une puissance céleste : la croissance. Quarante ans que, sorciers à costume, vous nous faites du vaudou. Quarante ans que vous scrutez les statistiques comme les augures scrutaient, à Rome, les entrailles des oies, nous promettant éternellement la croissance.
Quarante ans que la croissance est votre croyance. Quarante ans que vous la guettez. Quarante que vous priez, mains jointes, pour son retour. Entre parenthèses, je me définis, comme d’autres se disent agnostique, comme « accroissant » : j’ai évacué ce paramètre comme j’ai évacué Dieu de mon champ de vision.
Et comment comptez-vous l’obtenir, aujourd’hui, cette croissance ? Avec de la  concurrence, des privatisations, de la simplification, des incitations, de la compétition, dites-vous. Vous avez beau les prononcer avec emphase, vous avez beau simuler l’enthousiasme, ce sont des mots-cadavres qui tombent de votre bouche, des mots déjà usés, des mots épuisés, des mots avortés, des mots mort-nés : croissance, concurrence, compétition, simplification. C’est donc ça, votre nouveau monde ? Que de très vieilles idées, avec de très vieux mots. Vous sonnez vide et vous raisonnez creux.
L’idée m’en est venue : Emmanuel Macron, pour moi, c’est un peu Dorian Gray. Vous avez évidemment lu ce roman d’Oscar Wilde dans lequel un jeune aristocrate se sent éternellement jeune. Il l’est d’ailleurs – son visage l’est – mais le soir, il retrouve son portrait qui vieillit et s’enlaidit à sa place. Il fallait à l’oligarchie un visage neuf pour une très vieille politique : ce fut Emmanuel Macron, ou le thatchérisme à visage poupin. Mais je suis sûr que le soir, quand il se regarde dans son miroir, il voit Giscard, il voit Pompidou, il voit les rides d’un très vieux monde qui radote : Croissance ! Croissance ! Croissance !

La croissance ne fait plus le bonheur

Je voudrais ici porter une idée neuve en Europe : la croissance ne fait plus le bonheur. Un tableau fourni par l’Organisation des Nations unies le montre bien.
Que nous dit-il ? Que dans les premières phases du développement, la richesse apporte en effet aux pays un supplément de bien-être : l’espérance de vie s’élève très rapidement. C’est vrai dans les pays pauvres. Mais d’autres phases suivent : plus le niveau de vie augmente, plus le lien entre revenu et espérance de vie s’atténue. Il finit par disparaître entièrement  : à partir d’environ 25 000 dollars par habitant, la courbe ascendante devient horizontale.
Faisons maintenant un zoom sur les pays les plus riches.
Que remarque-t-on ? Eh bien justement, rien ! Dans les pays les plus riches, il n’y a plus de lien entre le niveau de richesse et le niveau de bien-être. Les pays se trouvent distribués de façon aléatoire : les États-Unis, le pays plus riche, ont une espérance de vie inférieure à celle l’Espagne et à celle de la Nouvelle-Zélande, et à celle de pays où le revenu par habitant est presque deux fois moindre ! Et on obtient les mêmes résultats, les mêmes courbes et la même incohérence si, à la place de l’espérance de vie, on prend tous les problèmes sanitaires et sociaux, comme la mortalité infantile, l’obésité ou les homicides.
Cela signifie une chose simple et essentielle : la croissance ne fait plus le bonheur. D’ailleurs, depuis quarante ans ans qu’on nous répète crise-croissance-crise-croissance, autrement dit depuis le milieu des années 70, le revenu par habitant en France a quasiment doublé. Mais pour le taux de bonheur, c’est-à-dire la proportion des personnes se déclarant heureuses, cela n’a rien à voir  ! Si vous regardez la courbe du revenu par tête de pipe, c’est-à-dire par habitant, et celle du taux de bonheur déclaré, elles sont complètement disjointes : le niveau de bonheur n’augmente plus, même si la croissance persiste.
Ce n’est donc plus, aujourd’hui, la croissance qui nous apporte un supplément de bien-être.

Répartir, tout de suite

Pourquoi, alors, vous accrocher à cette croissance ? Pourquoi marteler ce dogme ? Pourquoi êtes-vous, aujourd’hui encore, prêts à priver les salariés de cantine, à privatiser les aéroports et le Loto et à déréglementer les tarifs du gaz au nom de cette croissance ?
C’est que, pour les puissants, la croissance remplit une fonction, un rôle idéologique. Elle permet de dire aux gens : prenez patience, votre sort va s’améliorer – mais attendez d’abord la croissance. C’est un sédatif. C’est une camisole rhétorique.
Que proclame, par exemple, le président Macron? Que, comme on l’a encore répété à cette tribune, « sans croissance, il n’y a aucune chance d’avoir de la redistribution. » C’est faux. C’est archi-faux. C’est une imposture. On peut redistribuer. On peut redistribuer tout de suite. Et on peut redistribuer massivement.
Pourquoi, alors, un tel mensonge ? Parce que Macron est l’homme des 500 familles. Des 500 familles qui se gavent. Des 500 familles qu’on retrouve chaque année dans Challenges, qui est, vous le savez, ma lecture favorite. L’an dernier, ce magazine de l’économie écrivait : « Le constat saute aux yeux : le patrimoine des ultra-riches, en France, a considérablement progressé depuis deux décennies. La valeur des 500 fortunes a été multipliée par sept ! Des chiffres qui témoignent du formidable essor des entreprises au bénéfice de leurs actionnaires ». « Résultat : les ’’500’’, qui ne comptaient que pour l’équivalent de 6 % du PlB en 1996, pèsent aujourd’hui 25 % ! »
Mais cela, c’était l’an dernier : cette année, dans le nouveau classement de Challenges, ces 500 fortunes, qui pesaient l’an dernier 25 % du PIB, représentent aujourd’hui 30 % de ce même PIB ! Ils ont donc gagné 5 % en douze mois seulement.
Et ce qui manquerait, après tout ça, c’est la croissance ? Non, ce qui manque, c’est le partage. Le partage d’abord, le partage tout de suite ! Le gâteau devant nous est énorme, gigantesque : 2 300 milliards d’euros. Voilà le PIB de la France. Deux mille trois cents milliards d’euros ! Une richesse jamais atteinte ! Il y a de quoi déguster pour tout le monde, et même largement. Partageons ! Mais ce mot, partage, vous fait horreur. Partager : c’est pour les riches depuis toujours un cri d’effroi.
Votre raisonnement, alors, c’est-à-dire le raisonnement que l’on nous serine depuis quarante ans, c’est : on va faire grossir le gâteau,  comme ça, les pauvres auront plus de miettes, les riches auront un plus gros morceau et tout le monde sera content.
C’est une imposture. C’est une escroquerie.
Un économiste, ou un intellectuel, l’a d’ailleurs dit très clairement : « Il est un mythe savamment entretenu par les économistes libéraux, selon lequel la croissance réduit l’inégalité. Cet argument permettant de reporter ’’à plus tard’’ toute revendication redistributive est une escroquerie intellectuelle sans fondement. » Qui formulait cette brillante analyse ? Qui disait : n’attendez pas la croissance pour redistribuer ? Savez-vous, monsieur le ministre, qui a dit cela ?
Jacques Attali ! Mais en 1973… Depuis, il les a rejoints, les économistes libéraux. Il en a pris la tête, il a répandu cette escroquerie intellectuelle sans fondement. Il a conseillé Ségolène Royal avant de rejoindre Nicolas Sarkozy et de pondre ensuite, aux côtés d’Emmanuel Macron, ses 316 propositions pour libérer la croissance française, symbole de la pensée unique. D’une présidence à l’autre, cette escroquerie intellectuelle se perpétue donc.

L’urgence écologique

Mais l’escroquerie tourne aujourd’hui à la tragédie. Car enfin, et surtout, il y a la planète. Vous aurez beau habiller votre croissance de tous les adjectifs du monde – verte, durable, soutenable… – à qui ferez-vous croire que l’on va produire plus et polluer moins ?
C’est du bidon. C’est du baratin greenwashé. C’est du verdissement lexical. La vérité, et vous le savez, c’est que le gâteau PIB est aujourd’hui truffé de trucs toxiques, bourré de  glyphosate, pourri de plastique, et qu’il ne fait plus tellement saliver.
La vérité, et vous le savez, c’est qu’on en est déjà, en trente ans, à 30 % d’oiseaux en moins, 80 % pour les insectes volants, les papillons, les coccinelles. Et les prévisions montent à 95  % pour 2030, c’est-à-dire une disparition quasi-totale pour demain, en France !
La vérité, et vous le savez, c’est qu’on est déjà au-dessus de 1,5 degré de réchauffement climatique – au-dessus de 2 degrés et, sans doute, de 3 degrés. Les pôles fondent, et les glaciers avec eux.
La vérité, c’est que l’angoisse monte encore plus vite que le niveau des océans. Quel air, quelle terre, quelles mers allons-nous laisser à nos enfants ?
La vérité, c’est que tout cela, vous le savez, mais vous continuez comme avant, répétant « Croissance ! Croissance ! Croissance ! » comme si de rien n’était.
La vérité, c’est que votre oligarchie préfère les profits à la vie.
La vérité, c’est que vous êtes les dirigeants du pays, mais que vous le dirigez droit dans le mur écologique, droit au crash environnemental, droit à l’effondrement. On y va, on y fonce gaiement et le pied sur l’accélérateur : Croissance ! Croissance ! Croissance !
La vérité, c’est que vous êtes aveuglés, inconscients, délirants. Il faut d’urgence que les gens, le peuple, les masses, appelez ça comme vous voudrez, reprennent le volant, changent de direction, appuient sur le frein. À moi, à nous d’assumer cette rupture, de la proclamer, de la marteler : votre croissance, nous ne l’attendons plus, nous n’en voulons plus et même, elle nous tue !

Un avenir désirable

C’est une camisole, cette croissance. C’est une camisole pour la politique et c’est une camisole pour l’imaginaire, parce que tant qu’on espère la croissance, on ne porte aucune autre espérance. On prie, à genoux, en cadence, pour un monde révolu, alors que si ça se trouve, bien mieux s’ouvre à nous. Un avenir pas seulement vivable, mais désirable nous tend les bras, bien plus plaisant que votre vieux monde rabougri et ridé.
C’est un défi que l’épidémiologiste anglais Richard Wilkinson énonce ainsi : « C’est la fin d’une époque. Jusqu’ici, pour améliorer notre condition, il y avait une réponse qui marchait : produire plus de richesse. Nous avons passé un certain seuil, et ce lien est désormais rompu. C’était prévisible : si notre estomac crie famine, manger du pain est le soulagement ultime ; mais une fois notre estomac rassasié, disposer de nombreux autres pains ne nous aide pas particulièrement. Nous sommes la première génération à devoir répondre de façon plus novatrice à cette question : comment améliorer autrement la vie humaine ? Vers quoi nous tourner si ce n’est plus vers la croissance économique ? »
Eh bien, je réponds – nous répondons, avec Richard Wilkinson, avec Dominique Bourg, avec Hervé Kempf, avec Paul Ariès, avec Aurélien Barrau et, peut-être, avec Nicolas Hulot ; avec bien d’autres encore, nous répondons : moins de biens, plus de liens ! Nous répondons : consommer moins, répartir mieux ! Nous répondons : le partage, surtout, le partage, tout de suite. Nous répondons : égalité – l’égalité qui est au cœur du triptyque républicain Liberté, Égalité, Fraternité, l’égalité sans quoi tout s’écroule, l’égalité aujourd’hui oubliée, bafouée, chaque jour piétinée.
Aujourd’hui, vous m’écoutez comme un original, comme un marginal, bien assis que vous êtes sur vos certitudes – Croissance ! Croissance ! Croissance ! Mais un vent se lève. C’est même un orage, une terrible tempête, que moi aussi je redoute et qui viendra balayer votre assurance, qui viendra imposer une évidence : les fous, c’est vous – les fous qui prônez une croissance infinie dans un monde fini, les fous qui menez l’humanité à son suicide.
Heureusement, il reste quelques sages, des gens peut-être sans cravate, ou aux cheveux longs, ou au langage mal policé, mais des gens au fond infiniment plus raisonnables et qui préparent pour demain, pour notre pays, une autre espérance.
François Ruffin

François Ruffin

Né à Calais, j'ai grandi à Amiens. J'y ai fondé le journal Fakir, puis réalisé le film Merci patron !. Élu sous l'étiquette Picardie debout ! (FI, PCF, EELV, Ensemble), je continue à jouer tous les dimanche en vétéran avec l'Olympique amiénois et à m'occuper de mes deux enfants, de 5 et 8 ans, en garde alternée.

Un migrant se suicide au centre de rétention de Cornebarrieu, près de Toulouse

Par Mathieu Ferri, France Bleu Occitanie et France Bleu

Un jeune migrant s'est donné la mort ce vendredi au centre de rétention administrative de Cornebarrieu, au bord des pistes de l'aéroport Toulouse-Blagnac.La rétention administrative de ce Tunisien de 31 ans venait d'être prolongée. Il se serait pendu ce vendredi.
A l'intérieur du centre de rétention administrative de Cornebarrieu (illustration)
A l'intérieur du centre de rétention administrative de Cornebarrieu (illustration) © Maxppp - FREDERIC CHARMEUX
Cornebarrieu, France
Un jeune migrant s'est donné la mort ce vendredi au centre de rétention administrative (CRA) de Cornebarrieu, au bord des pistes de l'aéroport Toulouse-Blagnac.
L'information est confirmée à l'Agence France Presse par la préfecture de la Haute-Garonne. Elle avait été dévoilée un peu plus tôt par "Le cercle des voisins", une association de riverains opposée à l'existence du CRA.
"Une enquête judiciaire a été ouverte, cela relève désormais de la justice" a indiqué une source préfectorale, sans donner d'indication sur l'âge et la nationalité de la victime. Selon l'association "Le cercle des voisins du centre de Cornebarrieu", il s'agirait d'un Tunisien de 31 ans, arrivé au CRA vers le milieu du mois d'août.
Ce migrant, dont la rétention administrative avait été prolongée de 15 jours dimanche dernier, se serait donné la mort par pendaison ce vendredi vers 17h40. L'association évoque une "probable faille de sécurité" dû à un nombre "trop important de retenus". "Il y a trop de monde dans ce centre : les policiers sont débordés, tout le monde est débordé" peste "Le cercle des voisins".
Le CRA de Toulouse-Cornebarrieu a accueilli 1.069 retenus en 2017, selon le rapport annuel de la Cimade publié en juin.
Par :
Mathieu Ferri

mercredi 26 septembre 2018

Sur fond d’intervention policière, les mobilisations se poursuivent en Allemagne pour une sortie du charbon

Source : Bastamag

par
Mi-septembre, la police allemande a démarré l’évacuation des activistes qui occupent depuis six ans la forêt millénaire d’Hambach, au cœur de la Rhénanie. Le bois doit être rasé pour permettre l’agrandissement de la mine de charbon voisine, exploitée par le géant RWE, projet qui interroge l’avenir de la transition énergétique allemande. Dimanche dernier, des milliers de manifestants sont venus soutenir les occupants perchés dans les arbres. Suspendue après la mort accidentelle d’un photographe la semaine dernière, l’évacuation a repris dès lundi. De nouvelles actions de soutien aux activistes et pour l’arrêt du charbon sont prévues. Reportage.
« Du charbon retrouvé sous la cathédrale de Cologne. Évacuation immédiate par la police », affiche un manifestant sur une pancarte, dimanche 23 septembre en bordure de la forêt allemande de Hambach, située à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest de Cologne. Le message est bien-sûr ironique. Mais pour les activistes qui occupent les lieux depuis six ans, ce bois de 4200 hectares vieux de 12 000 ans est aussi précieux que l’édifice gothique du centre de la grande ville voisine. 7000 personnes sont venues manifester, sous une pluie battante et continue, pour les soutenir.
Ici, la forêt millénaire a un surnom : Hambi. « Hambi bleibt » (Hambi reste), chantent les manifestants dans le champs boueux, à l’entrée de la forêt. Depuis le 13 septembre, la police conduit une opération destinée à évacuer les lieux, et expulse manu militari les activistes qui ont érigé dans les bois un campement d’une vingtaine de cabanes dispersées et juchées dans les arbres. Une Zad « forestière », à la manière de celle de Bure ou de Notre-Dame-des-Landes en France, qui a tenu des années avant que les autorités régionales ne prennent pour prétexte d’absence de permis de construire et de défaut de sécurité incendie pour en ordonner sa destruction.

Balade en forêt sous escorte policière

Personne n’est dupe : l’enjeu est de laisser la voie libre au groupe énergétique allemand RWE pour commencer les travaux de défrichage de la forêt. « Hambi » doit bientôt disparaître pour permettre l’agrandissement de la mine de charbon à ciel ouvert, creusée en 1978 et qui s’étend déjà sur 85 kilomètres carrés en bordure de la forêt. Après la mort d’un journaliste le 18 septembre, tombé d’un arbre alors qu’il prenait des photos pendant l’évacuation, les autorités ont décidé de suspendre l’opération. Pour quelques jours seulement : les manœuvres ont repris le 24 septembre. Les activistes encore sur place s’attendent à ce que l’évacuation soit totalement terminée ce mercredi. « Mais il y aura de nouvelles occupations, fait savoir l’une d’entre elle. La résistance continue. »

Initialement, une grande marche de protestation était prévue dimanche. Les autorités l’ont interdite. À l’entrée de la forêt, des dizaines de camions de police sont présents. Les agents contrôlent les accès, autorisant les manifestants à y pénétrer par petits groupes, après vérification d’identité et fouille des sacs. Il y a tous les profils : des jeunes et des personnes plutôt âgées, des familles avec de jeunes enfants. Beaucoup sont ici pour la première fois. L’opération d’évacuation a attiré l’attention du pays sur ce qui se joue à Hambach : l’avenir de l’exploitation et de la consommation de charbon en Allemagne, et par conséquent celui du réchauffement climatique.
« Ils devraient installer un parcours d’accrobranche plutôt qu’une mine », remarque un homme qui découvre les cabanes des zadistes de Hambach. Il en reste encore une poignée. On aperçoit aussi quelques tentes au sol, une balançoire accrochée à un arbre, un hamac tendu en hauteur. Des gens qui ne se connaissaient pas se regroupent pour trouver leur chemin. Comme une grande ballade collective en forêt, un dimanche, mais sous escorte policière. Et dans une forêt qui pourrait très bientôt être rayée de la carte.

Le sort du bois en délibéré jusqu’au 15 octobre

« Les travaux de défrichement devaient commencer le 1er octobre, rappelle Dirk Jansen, de l’antenne régionale des Amis de la terre Allemagne, qui participe à la manifestation. L’association a engagé une procédure judiciaire contre le défrichement. « En attente de la décision du tribunal, RWE ne peut pas commencer à abattre les arbres », précise l’écologiste. Soit pas avant le 15 octobre, un délai de deux petites semaines, alors même que la « commission charbon », mise en place en juin par le gouvernement pour décider de l’avenir de cette énergie ultra-polluante, vient seulement de reprendre ses travaux à la sortie de l’été [1]. « Débuter le défrichement en pleine session de la commission, cela pourrait être politiquement difficile à défendre », analyse Dirk Jansen.

Plus de 36 % de l’électricité allemande vient toujours du charbon (contre moins de 3 % en France [2]) : 14 % de la houille, 22,5 % du lignite, le charbon extrait dans les mines à ciel ouvert allemandes [3]. Le pays extrait toujours chaque année plus de 170 millions de tonnes de lignite de ses sous-sols. La commission charbon doit poser les jalons d’un plan de sortie planifiée et progressive, un peu sur le modèle de la sortie du nucléaire décidée pour 2022.
Le directeur de la commission, Ronald Pofalla, ancien député conservateur et responsable de l’infrastructure au sein de la société des chemins de fer allemande, Deutsche Bahn, a laissé fuité la semaine dernière la date de 2035-2038 pour une sortie allemande du charbon. Un calendrier que le groupe énergétique RWE, qui entend raser la forêt de Hambach, a immédiatement jugé « inacceptable », car bien trop avancé à ses yeux [4]. Il est vrai que RWE avait obtenu dans les années 1990 une autorisation pour exploiter du charbon rhénan jusqu’en 2045. Les Amis de la terre Allemagne avancent qu’une sortie du charbon avant 2030 est possible. Les Verts allemands veulent, quant à eux, fermer les vingt centrales à charbon les plus polluantes d’ici deux ans.

Une mobilisation continue face au charbon

Le charbon allemand est un très gros émetteur de gaz à effet de serre. Sans fermeture prochaine de centrales à charbon, l’Allemagne ne respectera pas ses engagements en matière de réduction d’émissions de CO2. En 2015, le ministre de l’Économie d’alors, le social-démocrate Sigmar Gabriel, avait tenté de faire adopter un plan de fermeture des centrales les plus polluantes. Mais le gouvernement avait rapidement fait marche arrière sous la pression des industriels du secteur.
Aujourd’hui, l’urgence climatique toujours plus criante et les mobilisations citoyennes contre le charbon pourraient changer la donne. Car avant les 7000 manifestants venus à Hambach dimanche dernier, plusieurs milliers de personnes avaient déjà occupé les mines rhénanes de RWE en 2015, 2016 et 2017, pour demander la fin de l’exploitation de ce combustible. Une nouvelle action est prévue dans toute l’Allemagne le 30 septembre contre l’extension de la mine d’Hambach, puis encore du 25 au 29 octobre, à l’appel de l’organisation Ende Gelände pour l’arrêt du charbon.
Sur les pancartes et les parapluies des manifestants anti-charbon : « Arrêter le charbon »,« Électricité du charbon, non merci ».
En Rhénanie, RWE exploite trois grandes mines de lignite à ciel ouvert : Hambach, celle qui doit engloutir la forêt du même nom, Inden et Garwzeiler. Ces mines ont déjà dévoré des dizaines de villages pour que du charbon puisse en être extrait (lire notre reportage). En janvier dernier encore, l’église du village d’Immerath avait été détruite pour que la mine de Garzweiler puisse s’agrandir. Les habitants ont été déplacés et relogés, certains dans un nouveau village construit à quelques kilomètres. D’autres villages de la région sont menacés, tout comme dans l’autre grande région minière allemande, la Lusace, près de la frontière polonaise.
« Jusqu’en 2017, il y avait le projet de trois nouvelles mines dans la région. Mais après dix ans de résistance, une partie a été abandonnée », rapporte René Schuster, activiste anti-charbon en Lusace. Un village, Proschim, est pourtant toujours menacé d’être rasé pour laisser la place à l’exploitation de lignite. « Les habitants vivent dans une grande insécurité. Ils devraient en savoir plus sur leur sort en 2020, mais nous espérons que la commission charbon aura statué avant cette date. »

Reconvertir les mines et les emplois

Les habitants de Lusace font aussi face à une nouvelle inconnue. Il y a deux ans, les mines de la région ont été rachetées par un oligarque tchèque, Daniel Kretinsky, et son entreprise EPH (Energeticky a Prumyslovy Holding) (lire notre article). Elles appartenaient jusque-là à l’entreprise énergétique suédoise Vattenfall, majoritairement détenue par l’État suédois. « La relation entre l’industrie du charbon et ses opposants était déjà très mauvaise auparavant, poursuite René Schuster. Mais avec le rachat par l’entreprise tchèque, qui a une structure opaque, il règne une plus grande incertitude sur la prise en charge des coûts liés à la reconversion des terrains après l’exploitation du charbon [5]. Nous craignons que cela soit finalement la puissance publique qui doive prendre en charge ces dépenses. »
Les gouvernements régionaux, quelle que soit leur couleur politique – celui du Brandebourg, où se trouve une grande partie des mines de Lusace, comme celui de Rhénanie – se montrent généralement très conciliants avec les industriels du charbon. « Mais la commission charbon a bien dit qu’elle allait se pencher sur le cas de la Lusace, car la région est plus faible économiquement », ajoute René Schuster. Située en ex-Allemagne de l’Est, la Lusace est déjà touchée par la désindustrialisation et le dépeuplement. Ici, le charbon emploie toujours directement plus de 8000 personnes. Dans toute l’Allemagne, ce sont plus de 20 000 personnes qui travaillent dans les mines et les centrales à charbon. Le chiffre est important, mais reste inférieur à celui du secteur des énergies renouvelables, qui a généré plus de 300 000 emplois en Allemagne.
Même en plein cœur de la région minière rhénane, les paysages, comme l’économie, semblent déjà avoir entamé leur transition vers les énergies vertes. Sur le chemin qui mène vers la forêt de Hambach, à quelques centaines de mètres seulement de la mine, s’étendent, en bordure du chemin de fer et de l’autoroute, des installations géantes de panneaux photovoltaïques.
Rachel Knaebel
Photo de une : CC Tim Wagner
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Notes

[1La commission s’appelle en réalité commission « Croissance, transformation structurelle et emploi », mais elle est plus couramment appelée « commission charbon ».
[2Selon le Bilan électrique
français 2016, publié par RTE.
[333 % vient par ailleurs des énergies renouvelables, 11,7 % du nucléaire. Voir les chiffres du ministère de l’Économie et de l’Énergie allemand ici.
[4Le communiqué de presse est à lire ici.
[5Une fois qu’une mine de lignite a finie d’être exploitée, il faut replanter les terrains. Dans l’est de Allemagne, les anciennes mines à ciel ouvert sont souvent  transformées ensuite en lacs artificiels.