mercredi 30 novembre 2016

Une agence de notation citoyenne peut-elle bouleverser l’économie mondiale ?


Source : Bastamag


C’est l’histoire d’un chômeur qui lance une idée folle : créer une agence de notation citoyenne. Plutôt que de noter les grandes entreprises ou les États sur leurs capacités à rembourser un emprunt, cette agence d’un genre nouveau évalue les entreprises en fonction de leurs performances écologiques, sociales, humaines. Et oriente ainsi de façon radicale les comportements des consommateurs, et ceux des entreprises. Le film de science (économique) fiction « Enfin des bonnes nouvelles », réalisé par Vincent Glenn, raconte cette initiative. Il sort mercredi 30 novembre au cinéma.
Ils étaient au chômage, ils sont devenus immensément riches en un temps record, et bien sûr, ça leur pose quelques problèmes…mais ce n’est pas l’essentiel. L’essentiel, c’est qu’entre-temps, ils ont complètement bouleversé l’économie mondiale. Comment s’y sont-ils pris ? C’est ce que cherche à comprendre l’animateur vedette de Radio France plurielle, la jeune et très populaire station de radio publique. Au commencement, une idée simple, une simple idée…


Voir la BO ICI


Le mot des producteurs

« À une époque où le réchauffement climatique ne faisait pas encore partie de l’histoire, Bossuet écrivait avec autant d’ironie que de concision : « Dieu se rit des créatures qui se plaignent des effets dont ils chérissent les causes... ». Trois siècles plus tard, on peut être stupéfait de l’écart entre l’ampleur des enjeux humains et l’inconséquence des réponses politico-économiques.
Des pollutions démentes, un chômage inexorable ? De la surproduction, des machines et de la compétition partout, vite ! Un terrorisme qui plonge ses racines dans les guerres coloniales d’hier et d’avant-hier ? Des réponses occidentales sous forme de « frappes aériennes » et des « dégâts collatéraux », qui suscitent chaque jour de nouveaux candidats au jihad.
Ainsi les nouvelles anxiogènes se succèdent sur les chaînes d’info en continu qui balancent les dépêches urgentes comme des électrochocs, au point qu’il semble de plus en plus difficile d’échapper à un puissant sentiment de fatalité... Et pourtant, à bien y regarder, les résistances à la chosification de l’humain se multiplient.
Ici, Greenpeace a réussi à arracher l’interdiction de l’importation de textiles toxiques par l’Union européenne et la fin de l’expansion de la pêche industrielle dans l’Arctique. Là, le peuple Islandais a refusé d’abdiquer face aux banques, et choisit d’explorer d’autres voies économiques que l’austérité. Un peu partout dans le monde, les citoyens récoltent les fruits du travail obstiné des journalistes d’investigation (cf la retentissante affaire des Panama Papers). Car s’il ne faut guère compter sur messieurs Bolloré, Bouygues ou Lagardère pour prêter main forte aux mouvements citoyens, les rédactions continuent d’abriter des esprits frondeurs, qui alertent et informent.
À rebours du « Méfiez-vous les uns des autres », une association, SOS Méditerranée, affrète des navires pour secourir les migrants. Ailleurs, une entreprise agricole, Sidyanna, fondée par une Palestinienne et une Israélienne, favorise aussi bien le commerce équitable que le rapprochement entre les peuples... L’envie de changements progressistes s’exprime à tous les niveaux, même les plus inattendus. « Sans justice sociale, il n’y aura plus d’économie », déclare dans le même temps le PDG d’un géant de l’agro-alimentaire face à des étudiants d’HEC. Certes pas une révolution culturelle touchant l’ensemble des patrons du CAC 40, mais tout de même un symbole.
Certainement liée à l’effet d’accumulation des faits-divers de nos sociétés connectées, pèse sur nous l’impression d’une incapacité à réunir le plus grand nombre sur des objectifs humains clairs et lisibles. Sommes-nous réellement individualisés au point de ne pas être capables d’atteindre la masse critique susceptible de peser sur le cours des événements ? Ou s’agit-il surtout d’appréhender l’enjeu de synchronicité des mouvements citoyens, aussi vivaces qu’encore trop dispersés et compartimentés ?
Par notre engagement en tant que coopérative de production et de diffusion artistique, nous travaillons en faveur de nouveaux imaginaires : sociaux, culturels, économiques, journalistiques. Nous savons par exemple qu’il nous faut construire un contexte socio-économique pour des vies moins centrées sur la productivité quantitative, et plus sur des exigences qualitatives ; autrement dit, des vies riches … plutôt que les « vies de riches » encore érigées en modèle de consommation par les publicitaires vantant 4x4 urbain et optimisation fiscale.
Malgré les logiques de clans et les corporatismes qui s’opposent encore à des fédérations dynamiques, et en dépit des brouillages de la mal-information, n’y a-t-il pas un certain nombre d’objectifs sociaux, politiques, écologiques qui deviennent de plus en plus évidents pour la majorité de la population ? C’est la question qui est au cœur du film de science (économique)-fiction : Enfin des bonnes nouvelles.
Propulsé par les énergies renouvelables de la fiction et de l’humour, Enfin des bonnes nouvelles invite chacun-e à prendre du recul par rapport à son quotidien pour mieux réfléchir aux moyens de le transformer.
« Ne haïssez pas les médias... soyez les médias ! », disait un slogan de mai 68. Quarante ans plus tard, de plus en plus d’initiatives ont pris l’expression au pied de la lettre et cherchent à redonner un sens fort à l’action d’informer et de s’informer : permettre de se situer et se donner les moyens d’agir sur le cours de « la vie de la cité ». En ce sens, Enfin des bonnes nouvelles nous livre une grille de lecture qui rappelle une phrase de Victor Hugo : « On peut résister à l’invasion d’une armée, pas à celle d’une idée dont le temps est venu. »
Alors si tout cela vous parle... à vous de jouer… Faites passer ! »
Vincent Glenn et la coopérative Direction Humaine des Ressources

mardi 29 novembre 2016

QUESTION DE CLASSE...SOCIALE

"Travailler moins, vivre plus" : aux Pays-Bas, un phénomène inspirant

Diffusé dans POSITIVR

Les Néerlandais passent de moins en moins de temps au travail... et leurs employeurs ne s'en plaignent même pas ! Explications.

 
« Travailler pour vivre et non vivre pour travailler »… Aux Pays-Bas, cette façon de voir est en train de bouleverser les vieilles habitudes. Un Néerlandais sur deux est déjà passé au temps partiel… et le pays tient toujours debout ! Lumière sur un phénomène inspirant.
Aux Pays-Bas, la durée moyenne de travail est désormais de 29 heures par semaine (contre 36 en France). De plus en plus de gens font en effet le choix de consacrer moins de temps à leur job et davantage à leur vie familiale et privée.
travailler-moins-vivre-plus-temps-partiel-pays-bas-une
Source : France Info
Est-ce que les entreprises s’en plaignent ? Non. Apparemment, les salariés à temps partiel seraient plus dévoués et concentrés à leur tâche que les autres. Est-ce que le pays s’en plaint ? Non-plus : le taux de chômage n’est que de 5,8% (contre 10% par chez nous).
France 2 a récemment consacré un reportage à cette manière qu’ont les Néerlandais de « travailler moins pour vivre plus ». Voyez ce que ça donne :

VOIR LA VIDEO ICI
Ça fait envie, vous ne trouvez pas ?
Très souvent, les hommes politiques français (de droite ou de gauche) citent l’Allemagne et la Grande-Bretagne comme étant des exemples à suivre. Qui sait, peut-être pourrions-nous aussi regarder ce qui se passe aux Pays-Bas…
Quoi qu’il en soit, voici qui élargit le spectre de notre réflexion… et pourrait donner des idées à chacun.

Idée reçue L’austérité est le seul remède à la crise


Dans l’Allemagne du chancelier Brüning, le Chili du général Pinochet ou le Portugal de Salazar, partout où elle fut appliquée, l’austérité a produit l’inverse des effets annoncés : loin de relancer la croissance, elle a fragilisé les populations, déstabilisé les sociétés et affaibli les économies. Mais l’Union européenne n’en démord pas : la rigueur est le remède miracle contre la crise des finances publiques.

PNG - 252.2 ko

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Photographie de Stefania Mizara, 2012.

En Grèce, dans la banlieue d’Athènes, le centre médico-social d’Hellinikon 
permet à des familles privées de couverture sociale de se faire soigner 
gratuitement.
«Rien ne pourra se faire de crédible sans une coupe dans les dépenses publiques », écrivait en 2011 un éditorialiste du Figaro. Deux ans plus tard, sur Europe 1, un autre commentateur abondait dans ce sens, prônant « la baisse des dépenses de santé, le recul des crédits aux collectivités locales et, surtout, plus de réformes structurelles pour la compétitivité ». Depuis le début de la « grande récession » (lire Naissance de l’économie de spéculation), nombre de journalistes, dirigeants politiques, économistes s’emploient à présenter l’austérité – c’est-à-dire la diminution des dépenses publiques – comme la condition nécessaire du retour à la croissance. La rengaine est connue : le fardeau que la dette ferait peser sur les générations futures obligerait au sacrifice de tous et à l’effort de chacun.
Pourtant, partout où elle est mise en œuvre, l’austérité produit l’inverse des effets annoncés. Elle perpétue la récession, accroît le niveau de dette publique et creuse les déficits. Entre 2008 et la fin de l’année 2013, le produit intérieur brut (PIB) de l’Italie a chuté de 8,3 % ; celui du Portugal, de 7,8 % ; celui de l’Espagne, de 6,1 %. Quant à la dette publique, depuis 2007, elle est passée de 25 % du PIB à 117 % en Irlande ; de 64 % à 103 % en France ; de 105 % à 175 % en Grèce. Tous ces pays sont des adeptes de la rigueur.
La « troïka » a favorisé la mise en place d’un gouvernement technocratique en Italie.
La baisse des prestations sociales, la diminution (relativement à l’inflation) des salaires et le gel des embauches des fonctionnaires – les trois principales formes de l’austérité – ont également contribué à l’augmentation du chômage. Situé autour de 12 % dans l’Union européenne, le taux de chômage s’élève, en Grèce, à 27,9 % en 2013 contre 10 % en 2007 ; en Espagne, à 26,7 % contre 7,3 % ; au Portugal, à 16 % contre 6,1 % ; et en Irlande, à près de 15 % contre 4,7 %. Conséquence : l’austérité grippe la consommation, l’un des principaux moteurs de l’activité, et affecte jusqu’à la santé des peuples : en Grèce, la baisse de 23,7 % du budget du ministère de la santé entre 2009 et 2011 s’est accompagnée d’une recrudescence de certaines maladies – les cas d’infections au virus de l’immunodéficience humaine (VIH/sida) ont par exemple augmenté de 57 % entre 2010 et 2011. Le nombre des suicides s’est envolé, quant à lui, de 22,7 %.
JPEG - 514.8 ko
Photomontage de Boris Séméniako, d’après le tableau de Pérugin 
« L’Adoration des bergers » (1510).
Les dirigeants ne retiennent pas grand-chose de l’histoire. Dans les années 1930 déjà, les programmes de déflation menés par Pierre Laval en France, Ramsay MacDonald au Royaume-Uni et le chancelier Heinrich Brüning en Allemagne avaient paupérisé les peuples européens. De même, après l’éclatement de l’Union soviétique en 1991, les coupes budgétaires avaient donné lieu à une véritable saignée : l’espérance de vie masculine chuta de 64 à 57 ans entre 1991 et 1994.
D’autres politiques seraient possibles : augmenter les salaires et l’investissement public pour relancer l’investissement (une méthode appliquée, avec un certain succès, dans l’Amérique du New Deal), annuler les « dettes illégitimes », ou encore nationaliser le système bancaire. Mais rares sont les gouvernements qui, en Europe, osent s’aventurer sur ces sentiers inusités : la pression des institutions financières internationales est jugée trop forte.
Jadis imposée par des dictatures, comme dans le Portugal d’António de Oliveira Salazar (1932-1968) ou dans le Chili d’Augusto Pinochet (1973-1990), l’austérité est aujourd’hui orchestrée par le « talon de fer » d’organismes supranationaux non élus. En Grèce et au Portugal, la « troïka » (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international [FMI]) a envoyé ses agents dans chaque ministère pour contrôler les dépenses publiques.
En Italie, elle a favorisé la mise en place du gouvernement technique de Mario Monti (2011-2013). En mars 2014 en Ukraine, dans un contexte de très grande instabilité politique, le FMI impose le gel des retraites et la baisse de 10 % des effectifs de la fonction publique. Enfin, l’entrée en vigueur du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) en 2013 a soumis les Etats membres de l’Union européenne à un contrôle a priori sur leurs budgets. Limitant à 0,5 % du PIB le déficit budgétaire autorisé pour les Etats – contre 3 % précédemment –, cette « règle d’or » interdit toute politique de relance de l’activité.

Manuel scolaire italien

A l’unisson des principaux médias et commentateurs du pays, ce manuel italien publié en 2008 ne voit d’autre solution que l’austérité pour sortir de la crise.
En réalité, la cure d’austérité financière imposée par le traité de Maastricht n’a fait que révéler (contribuant ainsi à les corriger) quelques caractéristiques qui pénalisent les économies du Vieux Continent depuis longtemps (…) et le rendent peu compétitif par rapport aux marchés asiatiques et nord-américains : l’excès de dépenses publiques (…) ; le caractère non durable, sur le plan financier, des systèmes de sécurité sociale (…) ; la rigidité du marché du travail, davantage guidé par la préservation des acquis que par la volonté de créer de nouvelles possibilités pour les jeunes et les chômeurs.
Allan Popelard
Géographe.
Paul Vannier
Géographe à l’Institut français de géopolitique, université Paris-VIII.

Lettre de Mujica à Fidel

Source : Cocomagnaville

Cher Fidel :

On m'a avisé récemment, la nouvelle a été dévastatrice. Je n'arrête pas de t'imaginer toi, étendu dans le simple lit en bois qui est devenu ton dernier refuge. Et je suis ici, assis à l'entrée de la ferme en pensant à ce que je dirai au monde et comment je cacherai ces larmes, bien que diront quelques publicistes que ce serait mieux que cela se voit car c'est ainsi que se construisent les légendes.
Les légendes ne peuvent pas se construire, tu en es une, forgée avec le même coup de mitraille et du drapeau ondoyant dans le campement, là dans la sierra, sans que cela importe si c'est une forêt ou une pampa, la bataille fait mal aux entrailles de celle que nous appellons notre terre, ce morceau de géographie que nous pouvons parcourir mais qui nous parcourt, nous.
Et je pense que j'ai eu de la chance parce que je suis arrivé à la chaise vieux et le visage bon ne m'a jamais quitté, malgré la retraite et la torture; les critiques ont été moindres, je n'ai pas eu à affronter la rigueur du scrutin public auquel tu as fait face avec cette taille de géant avec laquelle tu as donné un exemple au monde et je n'ai pas été forcé à me débattre entre des patriotes et des traîtres, personne ne m'a traité de tyran. Mais cette chance peut être aussi comprise différemment.
Le monde que j'ai affronté c'est celui des cartes de crédit et des vies consommées dans une lutte pour laquelle il n'y a pas de groupe de guérilleros possible, tous m'écoutent avec attention, sourient, applaudissent et continuent d'essayer de remplir leurs vies vides avec les choses qu'ils consomment, à crédit, mais inévitablement. Toi, il  te reste Cuba qui suivra là-bas sans l'analphabétisme, avec le meilleur système de santé publique, avec la meilleure éducation du continent et moi encore ici, dans la bataille, non pour la vie, mais contre l'oubli, plongé dans une lutte qui n'a pas de sens parce que le Sud se convertit à plus de Sud chaque jour, les monstres insistent sur leur avancée et maintenant nous accaparent par tous les flancs.
La brève illusion du continent bolivarien  recommence à se dissiper, avec le départ d'Hugo, la sortie infâme de Dilma et de Cristina, mon assignation à résidence à un siège du parlement et à l'orphelinat dans lequel tu nous laisses, sûrement bientôt le non sens d'un monde qui n'apprend pas de son histoire nous dévorera à nouveau.
Les ombres nous guettent et pour aujourd'hui, cher ami, tu es parti et nous n'aurons pas, au moins dans ce cycle, de ces bavardages interminables qu'insufflaient l'amour et la victoire, dont je sortais rajeuni, sentant que l'on pouvait affronter la plus redoutable des gargouilles ou croiser l'abîme d'une seule impulsion, la tristesse est inévitable.
Mais : qu'est-ce que tu dirais ? “Il devient fou, être triste, qu'est-ce cela donne de plus ?
On est seulement fait de chair et de peau, ne fais pas le mort toi qui continue la lutte et qui est la plus parlante, et je dis à mon esprit délirant " Il ne parlait pas ainsi, il n'était pas irrévérencieux", mieux vaut penser que tu aurais dit quelque chose de plus brillant, et non les contes de ce vieux fou qui se fait applaudir par des multitudes mais qui n'a pas pu bouger son peuple comme toi. Où de l'orient a surgit une bataille finale ? Difficile, mais non impossible....pendant ce temps, toi, en cette étoile de la Caraïbe, un clin d'oeil et un Hasta la victoria.....siempre !
El pepe
Traduction carolita d'un article de Désinformémonos du 27 novembre 2016 :

Cuba, le pays où l’agroécologie est vraiment appliquée

Source : Reporterre
Comment passer de l’agriculture intensive à l’agroécologie ? Geoffrey Couanon, réalisateur, s’est rendu à Cuba. L’île a entamé depuis vingt ans une conversion agroécologique, avec des hauts et des bas. Il a rapporté un projet de documentaire, Si se puede !
Reporterre - Qu’est-ce que l’agriculture a de particulier à Cuba ?
Geoffrey Couanon - Il y a eu une crise alimentaire et énergétique sans précédent, et ça a été un électrochoc. À la fin des années 1980, Cuba pratique une agriculture très industrialisée, et « technologiquement avancée » largement orientée vers l’exportation en direction de l’URSS. Canne à sucre, café, cacao, tabac.
Au début des années 1990, après l’effondrement du bloc soviétique, Cuba perd son principal partenaire commercial. Il faut imaginer un PIB qui en deux ans s’effondre de 38 %, c’est plus que ce qu’ont connu les Grecs au cours des dernières années. La production alimentaire dégringole. Pour les Cubains, c’est une période alimentaire très compliquée, extrêmement dure. La fameuse « période spéciale ».
Un choc, mais qui a permis l’émergence d’un mouvement tout à fait différent : il a fallu réintroduire de la diversité dans l’agriculture pour avoir plus d’autonomie, moins dépendante des importations de produits chimiques synthétiques. C’est le développement de l’agroécologie. Contrairement à une lente sensibilisation en Europe, il y a eu à Cuba l’urgente nécessité de se nourrir.

Cuba est donc un laboratoire pour le monde puisqu’on n’a jamais tenté une reconversion du système agricole à cette échelle.
Concrètement, l’agroécologie cubaine, ça ressemble à quoi ?
Beaucoup d’agriculture urbaine : Cuba compte plus de 380 000 exploitations agricoles urbaines, qui produisent plus de 1,5 million de tonnes de légumes. Ces exploitations fournissent 70 %, et parfois plus, des légumes frais à La Havane.
Et puis surtout, il y a le mouvement « Campesino a campesino » (De paysan à paysan). Le paysan est acteur de l’innovation technique et sociale. C’est lui qui teste l’agorécologie sur ses terres. Il y a aussi des ateliers de formation, des échanges de semences et des forums régionaux et nationaux de partages des savoir-faire.
L’agroécologie produit 65 % de l’alimentation du pays, alors qu’elle ne couvre que 25 % des terres agricoles. Ce mouvement agroécologique est justement au coeur de notre documentaire. Nous voulons filmer ces échanges, ces pratiques, ce mouvement social qui pourrait en inspirer d’autres.
La question sous-jacente est de savoir si l’agroécologie est un choix conjoncturel sur le court terme qui a été appliqué dans un temps particulier de crise, ou si c’est un choix structurel qui pourrait installer une vraie souveraineté alimentaire pour le pays ?
Quelle différence entre l’agroécologie cubaine et française ?
C’est une question complexe. À Cuba, le gouvernement peut définir un choix politique et organiser les règles du jeu de l’économie. Nous, on est dans des pays d’économie de marché, et où on a des gouvernants qui disent : « J’aimerais bien pouvoir faire çà, mais si je décide d’aller dans tel sens, on aura la fuite des capitaux, si je décide de favoriser les entreprises locales, je suis en désaccord avec l’Organisation mondiale du commerce ».
Cuba se crée des marges de manœuvres et c’est quelque chose d’important dont nous pourrions nous inspirer.

En France, on a une concentration rapide et forte des terres, une diminution du nombre de paysans. À Cuba, il y a eu une redistribution des terres extraordinaire : en dix ans, plus de un million et demi d’hectares ! À l’échelle française, ça voudrait dire les Midi-Pyrénées et l’Aquitaine.
En France, le discours ambiant prétend que les deux agricultures peuvent très bien cohabiter, qu’on peut très bien avoir une agriculture paysanne et puis une agriculture plus intensive, plus exportatrice. Mais c’est très compliqué de parler d’agroécologie et en même temps d’avoir des discours sur la compétitivité avec tout ce qu’il y a derrière, à savoir la main-d’œuvre pas cher dans les fermes, l’agriculture industrielle.
Est-ce que nous voulons une agroécologie paysanne à taille humaine avec une multitude de paysans ou une agroécologie intensive de supermarché avec une main mise de quelques agromanagers qui pourront choisir comment ils veulent nous nourrir ? Ce sont deux projets de société très différents.
Comment vous est venue l’idée du film ?
Je suis réalisateur et Céline qui participe à la préparation et la réflexion autour du film, est ingénieure, spécialisée en agroalimentaire. Céline est aussi passionnée par Cuba, elle y a réalisé plus d’une dizaine de voyages. Nous sommes tous les deux animés d’une même volonté : donner la parole, relayer, témoigner, montrer les alternatives constructives à un système dominant écrasant pour l’humain et la nature.
Notre projet a pour fil conducteur « la Ruta de ciencias y técnicas », une initiative du ministère de l’Agriculture cubaine, qui organise chaque mois une tournée à travers une ou plusieurs provinces pour visiter des paysans et des fermes qui expérimentent des pratiques agroécologiques. Ce périple est l’occasion de confronter les points de vue sur ce mouvement. Car l’agroécologie ne fait pas consensus sur l’île.

Vous défendez aussi les films sur l’agriculture. Pourquoi ? C’est compliqué de parler d’agriculture au cinéma ?
L’agriculture, c’est là que tout se passe. J’ai l’impression que celui qui sait cultiver, qui a cette connaissance, peut tout faire. Et pourtant, les paysans disparaissent tous les jours en emportant leurs histoires.
Surtout, je choisis de réaliser des films sur l’agriculture car je suis profondément choqué, énervé, par ce qu’est devenu le métier de paysan dans nos sociétés contemporaines. Tour à tour moqué, dévalorisé, accusé ou complice de cette machine infernale de la productivité, de l’exploitation et du profit.
Souvent, les films qui abordent l’agriculture, sont très simplistes, très manichéens. Il y a la thèse et l’antithèse. Parfois il n’y a même pas d’antithèse. Ils nous disent ce qui est bien et ce qui est mal, comme si c’était une vérité absolue. Un film sur l’agriculture peut rapidement être cliché. Nous avons une image des paysans et de leur univers et nous souhaitons qu’ils y correspondent. La plupart du temps on se trompe. Il faut se laisser surprendre.
- Propos recueillis par Lorène Lavocat
Vidéo teaser :
Dans le cadre de la Préparation du documentaire "Si se puede !" Soirée Retours de Repérages le 15 décembre à Paris from Geoffrey Couanon on Vimeo.

- Soirée débat le 15 décembre 2014 à 19h organisée avec le Festival Alimenterre
65 rue de la glacière 75013 Paris (métro ligne 6 Glacière)
Les infos sur la soirée
- Voir la page du documentaire Si se puede !
- La Campagne Alimenterre

- Complément d’information :
Un article de référence traduit en français avec des chiffres et une analyse pertinente qui permettent de saisir le contexte cubain : Lien.

 Vous avez aimé cet article ? Soutenez Reporterre.


Source : Lorène Lavocat pour Reporterre
Première mise en ligne le 13 décembre 2014.
Photos : prises par Geoffrey Couanon et Céline Porcheron lors de leur voyage à Cuba.
Lire aussi : L’agroécologie ne peut être que paysanne



L’accouchement physiologique en BD

Source : temsira

Lucile Gomez a croqué cette série de vignettes en soutien aux 
sages-femmes de la maternité d’Orthez, qui a  fermé en octobre 2014.
Avec beaucoup d’humour et de franc-parler, elle met en images 
l’évidence de la physiologie et l’absurdité de ne pas prendre 
en compte les besoins essentiels d’une femme qui accouche, 
c’est-à-dire lui donner du temps, l’encourager à être en 
mouvement et en position verticale pour profiter de la gravité et lui 
proposer un accompagnement empathique et bienveillant.
billet-maternite03-01
ça, c’est la « position gynécologique » ou « lithotomie » ou « decubitus dorsal », plein de mots froids et savants pour dire allongée sur le dos les 4 fers en l’air dans une position totalement humiliante…mais tellement banalisée.
billet-maternite03-02
billet-maternite03-03
billet-maternite03-04

billet-maternite03-05
billet-maternite03-06
billet-maternite03-07

billet-maternite03-08
billet-maternite03-09
Mais oui pourquoi?? La faute à qui? à Louis XIV qui a voulu voir l’un de ses enfants naître. Le Roi Soleil n’était pas vraiment du genre humble et s’émerveiller devant la puissance de la vie qui arrive en étant à 4 pattes ne lui a pas traversé l’esprit une seconde. Du coup, évidemment, on a rehaussé Madame. Voilà. Sauf que Louis XIV, il est mort depuis 3 siècles et qu’on pourrait peut-être évoluer et favoriser le confort et le bien-être des femmes au lieu de laisser perdurer ce non-sens ?
billet-maternite03-10billet-maternite03-11
billet-maternite03-12
billet-maternite03-13

billet-maternite03-14

billet-maternite03-15

billet-maternite03-16
billet-maternite03-17
billet-maternite03-20
billet-maternite03-181

billet-maternite03-191

billet-maternite03-211

Et si ça vous intéresse de voir comment l’accouchement a peu à 
peu glissé de l’intimité des foyers pour avoir lieu à l’hôpital, vous 
pouvez lire ce brillant article de Marie accouhe là.
N’oubliez jamais que le jour  de l’accouchement, c’est VOTRE jour, 
c’est vous la Reine!! et que comme le laisse entendre 
Marie-Hélène Lahaye dans son billet, c’est à nous de nous 
réapproprier ce passage initiatique.
::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::

lundi 28 novembre 2016

Ca se passe en Europe : Ces enfants qui assemblent les ouefs kinder en Roumanie

Source : Les Echos

Selon « The Sun », le géant mondial de la confiserie Ferrero exploite sa main-d’œuvre roumaine et fait travailler des enfants. En Allemagne, l’allié bavarois de Merkel invite Trump à Munich.

Mauvaise surprise pour le groupe italien Ferrero. Celle que lui a réservé le correspondant en Roumanie du quotidien britannique « The Sun ». Il révèle dans une enquête intitulée « Les esclaves des oeufs Kinder » que le géant mondial de la confiserie exploite la main d'oeuvre locale en la payant 26 centimes d'euros de l'heure et en faisant travailler des enfants de 6 ans. 

Ces derniers seraient notamment chargés d'assembler les différents éléments qui constituent les célèbres surprises à l'intérieur des oeufs Kinder. Un travail qui dure 13 heures par jour, se fait à domicile et en famille. Le témoignage de l'une d'entre elle a été publié sur le site internet du journal en début de semaine. L'enquête, riche en photos et vidéos, présente des conditions de travail tout aussi sommaires que l'hygiène. Un informateur du groupe Ferrero confirme que les contrôles de qualité concernant les jouets assemblés au domicile des employés sont en effet impossibles.
Le journaliste britannique décrit dans le détail le quotidien de la famille Juri composée, outre les parents, d'un adolescent de 11 ans et de deux filles de 6 ans. Tous les 1.000 oeufs confectionnés, ils perçoivent l'équivalent de 3,80 livres sterling. Un travail qui est sous-traité par Ferrero, qui d'après l'indicateur du correspondant du « Sun », n'est pas au courant de « l'esclavagisme » que ses intermédiaires font subir à certains de ses salariés.
La multinationale italienne, désormais présente à travers ses différents produits dans 160 pays et qui emploie plus 40.000 salariés dans 78 sociétés et 22 usines, condamne de tels agissements et promet toute sa collaboration pour faire respecter son très rigoureux code éthique. Giovanni Ferrero seul aux manettes du groupe depuis 2011, est particulièrement attentif à sa réputation et à l'attention presque maniaque à la qualité de ses produits.
Une massive campagne de communication avait suivi les propos en 2015 de la ministre française de l'environnement Ségolène Royale . Elle appelait au boycott du Nutella riche en huile de palme , reprenant ainsi les accusations de certaines ONG dénonçant la déforestation en Indonésie et en Malaisie. La polémique n'avait pas impacté les ventes pas plus que l'image de Ferrero. Le Global Reptrak du Reputation Institute, le classement de la réputation des grandes entreprises, lui octroyait même la meilleure place parmi les italiennes en la faisant passer du 20e au 18e rang. Cette fois, le scandale des oeufs Kinder produits en Roumanie à quelques semaines de Noël pourrait lui coûter plus cher.

Ça se passe en Allemagne : l'allié bavarois de Merkel invite Trump à Munich

Un nouveau bras de fer se profile entre Angela Merkel et son alliée bavaroise, la CSU, dont le président vient d'inviter Donald Trump, selon des médias allemands. Horst Seehofer, ministre-président de Bavière, a invité le président américain élu à se rendre dans sa région dans le cadre de la Conférence de la sécurité à Munich du 17 au 19 février.
Le conservateur Horst Seehofer, grand pourfendeur de la politique d'accueil des réfugiés d'Angela Merkel l'an dernier, a indiqué dans un message de félicitations au magnat populiste qu'il était « à tout moment le bienvenu en Bavière », rapportent l'agence allemande dpa et le groupe de presse régional Funke.
Cette invitation est un camouflet par la chancelière, qui a accueilli fraîchement la victoire du candidat républicain aux élections américaines. Jusqu'ici, elle n'a pas formulé d'invitation officielle mais évoqué simplement une rencontre avec le futur président au plus tard lors du prochain sommet des pays du G20, en juillet à Hambourg.
Horst Seehofer s'est déjà distingué dans le passé pour avoir invité en Bavière le Premier ministre hongrois Viktor Orban, en conflit ouvert avec Angela Merkel sur le cap à tenir sur les réfugiés en Europe. Le président de la CSU, qui plaide pour un assouplissement des sanctions contrairement à Angela Merkel, s'est aussi rendu à Moscou pour y voir Vladimir Poutine.
Ce n'est pas seul nuage sur la relation entre la chancelière, qui a justifié sa candidature à un quatrième mandat par la défense des valeurs et contre le populisme, et le ministre-président de Bavière. Jeudi, celui-ci a insisté de nouveau sur la nécessité d'introduire un plafond à l'immigration, sans quoi il menace de rompre son alliance avec la CDU.
« Nous ne participerons au gouvernement à Berlin que si cela est réalisé », a t-il promis à ses électeurs dans une interview à la « Augsburger Allgemeine ». Angela Merkel s'oppose à un tel plafond, qui pourrait se heurter à des contraintes juridiques et politiques. Mais elle assure que l'arrivée de près d'un million de réfugiés en 2015 ne se reproduira pas.
Pour la CSU bavaroise, cette stratégie vise à contenir l'ascension de l'AfD et faire en sorte qu'un parti ne puisse s'installer durablement à la droite de l'Union composée de la CDU et de la CSU. Le parti populiste, qui s'est réjoui de l'élection de Donald Trump, est crédité de 10% dans le dernier sondage Forsa, contre 36% pour la CDU-CSU.

Plus de moyens pour la santé !

Manifestation à Toulouse

Ambroise CROIZAT, vous connaisez ?


dimanche 20 novembre 2016

Un centre d’expérimentation permanente pour éco-construire, habiter mieux et… sauver la planète ...dans le Gers

Source : BastaMag

Au cœur du Gers rural et agricole, une association sensibilise et accompagne les démarches d’éco-construction et de gestion de l’eau. Un long travail de terrain pour montrer qu’habiter mieux est à la portée du plus grand nombre. Comment bâtir sa maison en éco-construction, en s’appuyant sur les ressources locales et les artisans du coin ? Reportage auprès de ceux qui veulent démontrer par l’exemple que d’autres manières de vivre sont possibles.

Pour voir l’article en grand format, cliquez sur l’image ci-dessous.


Tout commence avec une poignée d’adolescents passionnés par leur terroir : l’ouest du Gers, une zone à cheval entre les collines arrondies de la Gascogne et le bassin alluvionnaire de l’Adour. Une terre agricole, à la fois belle et exigeante, plutôt dans la tradition du productivisme hérité des année 60. C’est pourtant ici que va naître Pierre & Terre, une association engagée depuis 1997 dans le développement d’alternatives et de pratiques éco-citoyennes.
« Nous étions une bande de jeunes de moins de vingt ans qui avions en commun notre amour de cette terre et de son histoire », nous raconte Christophe Merotto, le directeur de la structure. Dans les années 90, chacun d’entre eux connait à sa manière une prise de conscience décisive sur la puissance et la rapidité de l’impact des activités humaines sur leur environnement. « Nous avons été durablement marqués par la frise chronologique qui montre à quel point, face à l’immensité des temps géologiques, les tous derniers moments de l’histoire de la planète ont été profondément bouleversés par l’homme industriel, alors que nous ne représentons pas grand chose dans cette histoire. »
[Cliquez sur l’image]

« Au début, notre principale action était de montrer des cailloux. On s’est mis à monter des expositions itinérantes, à tenir un stand aux fêtes patronales où l’on présentait nos outils de pierre et où l’on parlait de la vie de la rivière, de l’eau, de la terre. » L’association crée ensuite un poste de « technicien rivière », pour le suivi hydrographique du territoire. Mais cela ne fonctionne pas bien : « Les gens apprécient rarement que l’on critique leurs habitudes ou qu’on les pousse au changement. » En 2000, l’association décide d’être dans l’exemplarité, dans l’action positive plutôt que dans la critique. Changement de cap, changement de thématique : à partir des problématiques de l’eau, l’association « remonte » aux questions de l’assainissement, et donc de l’habitat qui dégrade la ressource aquifère. Les membres de Pierre & Terre se documentent et expérimentent les techniques de construction qui réduisent le plus possible l’impact environnemental des habitations. Le groupe de Gersois s’ouvre aux réseaux alternatifs pour devenir un centre de ressources en éco-construction.

Matériaux locaux et artisans du coin

Nomade à ses débuts, l’association finit par s’installer dans des locaux. En 2002, elle occupe la gare SNCF désaffectée de Riscle (Gers). Ensuite, Pierre & Terre récupère les anciens « bains douches » abandonnés de la commune. Mais la nécessité de pouvoir mettre directement en pratique les préconisations de l’association, et de s’installer dans un lieu qui illustre l’ensemble de la démarche d’amélioration de l’habitat, se fait rapidement sentir. Le site de l’ancien lycée agricole de Riscle, friche industrielle cible du vandalisme local, offre enfin l’opportunité de valoriser un terrain abandonné depuis cinq ans et d’en faire une vitrine des savoir-faire de l’association.
La démarche en écoconstruction commence bien en amont, car il faut d’abord détruire l’existant. Mais pas n’importe comment ! Le site est encombré de bâtisses qui tombent en décrépitude, d’unités en préfabriqué qui ne peuvent pas être reconverties. Pire, assez rapidement, le site s’avère contaminé à l’amiante. « L’évaluation d’une démolition conventionnelle avec les contraintes liées au déflocage de l’amiante, l’évacuation des gravats, etc, se chiffrait à 400 000 euros, décrit Christophe Merotto. Tout en respectant l’ensemble des contraintes légales et en y ajoutant des objectifs écologiques, nous avons ramené la facture de la démolition à 80 000 euros, grâce à la valorisation sur place des matériaux inertes, ce qui a très fortement réduit le nombre de camions nécessaires à l’évacuation des gravats du site. »

L’éco-centre en projet se veut ouvert au public, écologique, économique, exemplaire, avec le plus faible impact environnemental possible, tant pendant sa construction que lors de son fonctionnement. L’association veut aussi que son projet s’inscrive dans le tissu économique local : les matériaux seront essentiellement choisis sur place et il ne sera pas fait appel à des bénévoles mais au réseau des artisans et entrepreneurs en bâtiment du coin.

Pas plus cher qu’une construction « conventionnelle »

« Il y a un maçon qui vit pratiquement à côté du terrain, qui passe devant deux à quatre fois par jour, et il n’était donc pas envisageable pour nous qu’il ne travaille pas sur ce projet, explique Christophe Merotto. Quand nous lui en avons parlé, il n’a pas été très enthousiaste au départ. Pourtant, ça ne changeait rien à ses techniques et pratiques de construction : on changeait surtout la recette de ce qu’il mettait dans sa bétonneuse. » Une partie des artisans qui vont participer au projet n’ont absolument aucune expérience en éco-construction. Et si certains sont aussi réticents que ce maçon, tout comme lui, ils se laisseront convaincre de participer à ce chantier pas comme les autres. Chacun d’entre eux choisira ensuite d’intégrer ces nouvelles connaissances dans ses pratiques ou pas.

« C’était important que cela se fasse avec un budget contraint et avec la main d’œuvre que l’on peut trouver sur place. Le point important dans cette partie de notre démarche, c’est que notre choix de valoriser nos gravats, de chercher des matériaux locaux, écologiques et accessibles – voire gratuits, comme la terre crue sortie des fondations – nous a permis de consacrer plus d’argent à rémunérer les artisans, et donc à stimuler l’économie locale, que les industriels qui vendent des matériaux. » Tout aussi important, l’ensemble du chantier de l’éco-centre Pierre & Terre apporte un démenti cinglant à tous ceux qui prétendent que l’éco-construction revient plus cher que les constructions conventionnelles. Et pourtant avec une qualité constructive et une valeur d’usage bien supérieures ! « Alors que nous sommes en normes ERP, qui sont des normes pour les bâtiments ouverts au public, plus coûteuses que pour les constructions privées, le coût total du bâtiment est de 1 200 euros par m2 », tandis que le prix moyen à la construction se situe plutôt autour de 1 500 euros.

Démontrer par l’exemple

L’éco-centre Pierre & Terre est une démonstration des savoir-faire, des possibilités et des ambitions que l’on peut développer dans le cadre de l’habitat écologique et local. L’association propose toute l’année des visites guidées à destination d’un large public (particuliers, écoles, collectifs, etc.) et a décidé d’en développer une version plus compacte et technique à destination des artisans du secteur, celle à laquelle nous nous sommes invités. L’idée est de démontrer par l’exemple la validité des principes qui ont présidé à l’édification du site. Artisan maçon, carreleur à la retraite, architecte... chacun est invité découvrir les principes de l’éco-construction – certains avec une belle pointe de scepticisme au départ. L’ensemble de la construction de l’éco-centre est documenté et partagé librement en ligne dans un passionnant livret. Mais rien ne vaut la visite sur place, la main qui court sur les revêtements, la sensation d’agréable fraicheur qui vous saisit quand on pénètre dans le bâtiment bioclimatique.
Découverte des matériaux, des enduits… Au fur et à mesure de la visite, les questions fusent : « Mais, des murs en paille ne peuvent pas être porteurs ? Comment est réparti le poids de la charpente ? Vingt-deux degrés toute l’année, sans chauffer ni climatiser, comment-est-ce possible ? Comment faites-vous pour produire plus d’électricité que vous n’en consommez ? Êtes-vous autonomes en eau ? » Les certitudes des « vieux de la vieille » se fissurent en découvrant la lagune, à l’arrière de bâtiment, qui ressemble à un petit bassin d’agrément. Et tout le monde de découvrir que les nouvelles lois très contraignantes sur l’assainissement non collectif ne s’appliquent pas pour les lieux équipés de toilettes sèches. En effet, la réduction de la consommation d’eau y est significative.

« Oui, mais bon, les toilettes sèches, c’est contraignant, ça sent, il faut vider le seau de sciure, c’est bien au fond du jardin… » : l’exposition sur les toilettes sèches modernes achève de convaincre les indécis. Il ne s’agit plus de tinettes ou de pots de chambre pas très ragoutants, mais de véritables sièges de toilettes modernes, esthétiques et surtout très efficaces. L’animatrice cite le cas d’une école primaire de la région qui a choisi l’expertise Pierre & Terre pour valider son projet d’équiper ses nouveaux bâtiments de toilettes sèches, à destination des enfants.
Toilettes sèches publiques à l’école de Saint-Germé (Gers) - Témoignage de la directrice d’école :
_
Non seulement les enfants n’ont aucune appréhension à utiliser cet équipement, mais très rapidement, tout le monde en apprécie les bénéfices. Les femmes de ménage ont constaté que les colonnes verticales se salissent moins et sont plus faciles à nettoyer que les conduits traditionnels. Mais surtout, en quatre ans d’utilisation, la direction de l’école a constaté une chute impressionnante du nombre de gastroentérites dans l’établissement. En l’absence de chasse d’eau, les microbes et bactéries anaérobies ne peuvent plus utiliser les gouttelettes en suspension pour se déplacer et les systèmes d’aspiration de l’air garantissent des locaux sans odeur et plus sains. Quant aux composteurs, ils n’ont pas encore eu besoin d’être vidangés.

Zone d’expérimentation permanente

Démonstration par l’exemple, accueil, sensibilisation, conseils, l’équipe de Pierre & Terre a déjà accompagné plus de 300 projets d’assainissement, 150 projets de bâtis. Plus de 40 collectivités, comme pour l’école de Saint-Germé, ont déjà fait appel à son expertise. Chaque année, entre 6 et 10 000 personnes sont sensibilisées par les quatre salariés permanents et par les stagiaires, qui viennent développer leurs compétences dans l’association avant de les disséminer ailleurs. Le centre dispose d’un partenariat avec la CAF, afin d’aider les ménages modestes à établir un écodiagnostic et d’initier des travaux d’amélioration de l’habitat, pour que tout cela ne reste pas réservé aux classes sociales les plus aisées.

L’écocentre Pierre & Terre est à la fois un écocentre à vocation pédagogique, une zone d’expérimentation permanente à travers son bâtiment et ses dépendances, mais aussi un centre culturel qui intègre depuis 2010 le petit théâtre Spirale et le festival Spirale à Histoires [1]. Cuisine, restaurant, douches, toilettes sèches permanentes, salles de spectacle : ils ont tout construit eux-mêmes, avec l’aide de l’association Pierre & Terre [2] « Un esprit sain dans un habitat sain » : Pierre & Terre pose les jalons d’un nouveau vivre-ensemble, plus respectueux de l’environnement, mais aussi de nous-mêmes.
Texte et photos : Agnès Maillard

Notes

[1Fondé en 2003 par Frédéric David. Le président du théâtre Spirale est Christophe Merotto.
[2Lire « La nouvelle folle histoire de Spirale », Sud-Ouest, le 12 mai 2010.