Source : Libération
Le projet de loi visant à réformer le code du travail détricote un peu plus la mesure emblématique du gouvernement Jospin. Voilà ce qui va changer.
C’est une petite révolution, sur le fond comme sur la
forme, que prépare le gouvernement sur le droit du travail. Et notamment
sur la durée du travail, première partie du code à être réécrite. Le
projet de loi, révélé par le Parisen - et dont Libération
a pu consulter la dernière version - est actuellement devant le Conseil
d’Etat. Il doit être soumis au Conseil des ministres le 9 mars, après
une ultime consultation des partenaires sociaux. S’inspirant des
propositions des juristes Robert Badinter et Antoine Lyon-Caen, mais
aussi du rapport Combrexelle, il propose de donner la primeur à l’accord
d’entreprise. Et de diviser chaque thème du code en trois parties : une
première énonce l’«ordre public», autrement dit la règle générale, une
deuxième liste les possibilités d’aller plus loin par accord collectif
et la troisième dresse les «dispositions supplétives», c’est-à-dire ce que peut faire l’employeur en l’absence d’accord. «Il s’agit d’une nouvelle architecture du code, qui donne plus de latitude au chef d’entreprise, note l’avocat en droit social Emmanuel Mauger. C’est aussi une simplification de la présentation, mais cela n’allège en rien le code du travail.» Les 61 grands «principes essentiels», qui doivent figurer en préambule, «ont même tendance à l’alourdir».
Sur le fond - concernant la partie sur le temps de travail -, les modifications, par petites touches, permettent de contourner un peu plus la durée légale de 35 heures, qui sert de seuil au déclenchement des heures supplémentaires. Parmi elles : la possibilité élargie de ne majorer qu’à 10 % les heures supplémentaires, une modulation plus importante pour les neutraliser, ou encore le pouvoir donné aux syndicats minoritaires de lancer une consultation des salariés pour rendre un accord majoritaire. Plus de pouvoir est également confié à l’employeur, qui pourra par exemple imposer seul des «forfaits jours» dans les entreprises de moins de 50 salariés. Devrait également s’inviter dans le texte une définition du licenciement économique, largement empruntée à ce qu’a défini jusqu’ici la jurisprudence. Tour de piste des principales mesures d’un projet de loi qui ne va pas manquer de provoquer quelques remous politiques.
Demain. La durée quotidienne de travail sera toujours de 10 heures, mais pourra monter à 12 heures par simple accord d’entreprise. A défaut, il sera encore possible pour l’employeur de solliciter l’inspection du travail. Elle sera aussi toujours de 48 heures par semaine, mais pourra atteindre 44 heures sur 16 semaines (contre 12 aujourd’hui) et même 46 heures par accord collectif. Le gouvernement envisageait aussi de pouvoir monter à 60 heures hebdomadaire pas simple accord d’entreprise, mais l’idée a été écartée, selon la toute dernière version du texte.
Demain. La durée légale est toujours fixée à 35 heures. A charge, pour le chef d’entreprise, de fixer, par accord avec les syndicats, le taux de majoration, sans pouvoir descendre, comme aujourd’hui, en-dessous de 10 %. Mais un accord de branche ne pourra plus s’y opposer. A défaut d’accord d’entreprise ou de branche, la majoration restera à 25 % pour les huit premières heures et 50 % au delà.
Demain. Un accord d’entreprise pourra être conclu s’il est paraphé par des organisations représentant au moins 50 % des salariés. Si elles ne sont que 30 %, elles pourront alors demander l’organisation d’une consultation des salariés. Si le référendum va dans le sens d’un accord, ce dernier sera alors validé et les syndicats, même s’ils pèsent 70 % du nombre de salariés, ne pourront plus s’y opposer. Autrement dit, le droit d’opposition des syndicats majoritaires est supprimé et remplacé par le référendum d’entreprise. Par ailleurs, les accords seront désormais conclus pour une durée limitée - cinq ans - et devront être renégociés à l’issue de cette période.
Demain. Si l’employeur obtient l’accord des syndicats, cette modulation pourra se faire sur une période allant jusqu’à trois ans. En l’absence d’accord, elle ne pourra dépasser un mois comme aujourd’hui, sauf pour les PME qui comptent moins de 50 salariés, qui pourront aller jusqu’à seize semaines, soit quatre mois.
Demain. En plus du dispositif précédent, de nouveaux types d’accords pourront être conclus ayant pour but la «préservation» ou le «développement» de l’emploi. Ils ne seront donc pas limités aux entreprises en difficulté. Ces accords, de type «offensifs» et non plus uniquement «défensifs», ne pourront cependant pas prévoir de baisse de la rémunération mensuelle. Grosse nouveauté en revanche : si un salarié refuse de voir son contrat de travail modifié suite à cet accord, il sera licencié pour motif personnel. Une disposition qui permet de sécuriser la procédure pour l’employeur. En effet, la «cause réelle et sérieuse» du licenciement sera impossible à contester devant le juge (à la différence du motif économique) puisqu’elle sera constituée par le refus même du salarié de se voir appliquer l’accord. Il s’agit d’une disposition empruntée aux accords de réduction du temps de travail de type Aubry - appelés licenciement «sui generis» - destinés, à l’époque, à faciliter la réduction du temps de travail.
Le projet de loi porté par Myriam El Khomri réintroduit la barémisation des indemnités en cas de licenciement abusif. Mais la version de la ministre du Travail ne se base plus que sur l’ancienneté des salariés. Désormais, ceux qui ont moins de deux ans d’ancienneté bénéficieront au maximum de trois mois de salaire. Et ceux qui ont plus de vingt ans de boîte obtiendront un maximum de quinze mois de salaire. De quoi limiter le rôle des juges qui n’auront donc plus, selon le Syndicat des avocats de France, la possibilité «d’apprécier la réalité du préjudice subi». Tout en dissuadant les salariés d’attaquer leurs employeurs aux prud’hommes.
Sur le fond - concernant la partie sur le temps de travail -, les modifications, par petites touches, permettent de contourner un peu plus la durée légale de 35 heures, qui sert de seuil au déclenchement des heures supplémentaires. Parmi elles : la possibilité élargie de ne majorer qu’à 10 % les heures supplémentaires, une modulation plus importante pour les neutraliser, ou encore le pouvoir donné aux syndicats minoritaires de lancer une consultation des salariés pour rendre un accord majoritaire. Plus de pouvoir est également confié à l’employeur, qui pourra par exemple imposer seul des «forfaits jours» dans les entreprises de moins de 50 salariés. Devrait également s’inviter dans le texte une définition du licenciement économique, largement empruntée à ce qu’a défini jusqu’ici la jurisprudence. Tour de piste des principales mesures d’un projet de loi qui ne va pas manquer de provoquer quelques remous politiques.
La durée maximale de travail outrepassée plus facilement
Aujourd’hui. La durée maximale de travail est de 10 heures pas jour. Elle peut monter à 12 heures, mais avec l’autorisation de l’inspection du travail. Sur la semaine, elle est de 48 heures et de 44 heures en moyenne sur 12 semaines. Exceptionnellement, elle peut atteindre jusqu’à 60 heures par semaine, toujours avec l’autorisation de l’inspection du travail.Demain. La durée quotidienne de travail sera toujours de 10 heures, mais pourra monter à 12 heures par simple accord d’entreprise. A défaut, il sera encore possible pour l’employeur de solliciter l’inspection du travail. Elle sera aussi toujours de 48 heures par semaine, mais pourra atteindre 44 heures sur 16 semaines (contre 12 aujourd’hui) et même 46 heures par accord collectif. Le gouvernement envisageait aussi de pouvoir monter à 60 heures hebdomadaire pas simple accord d’entreprise, mais l’idée a été écartée, selon la toute dernière version du texte.
Des heures supplémentaires moins rentables
Aujourd’hui. La durée légale est de 35 heures par semaine et les heures supplémentaires sont rémunérées 25 % de plus pour les huit premières heures, 50 % au-delà. Par accord collectif, cependant, cette majoration peut être réduite jusqu’à 10 %, à condition qu’aucun accord de branche ne l’interdise.Demain. La durée légale est toujours fixée à 35 heures. A charge, pour le chef d’entreprise, de fixer, par accord avec les syndicats, le taux de majoration, sans pouvoir descendre, comme aujourd’hui, en-dessous de 10 %. Mais un accord de branche ne pourra plus s’y opposer. A défaut d’accord d’entreprise ou de branche, la majoration restera à 25 % pour les huit premières heures et 50 % au delà.
Face aux syndicats, le référendum prend du galon
Aujourd’hui. Un accord n’est valable que s’il est signé par un ou plusieurs syndicats représentant au moins 30 % des salariés et si les autres organisations pesant au moins 50 % ne s’y opposent pas. Ils sont conclus pour une durée illimitée.Demain. Un accord d’entreprise pourra être conclu s’il est paraphé par des organisations représentant au moins 50 % des salariés. Si elles ne sont que 30 %, elles pourront alors demander l’organisation d’une consultation des salariés. Si le référendum va dans le sens d’un accord, ce dernier sera alors validé et les syndicats, même s’ils pèsent 70 % du nombre de salariés, ne pourront plus s’y opposer. Autrement dit, le droit d’opposition des syndicats majoritaires est supprimé et remplacé par le référendum d’entreprise. Par ailleurs, les accords seront désormais conclus pour une durée limitée - cinq ans - et devront être renégociés à l’issue de cette période.
Le temps de travail calculé sur trois ans
Aujourd’hui. Pour neutraliser le paiement des heures supplémentaires sur la semaine (au-delà de 35 heures), les chefs d’entreprise peuvent moduler - et donc calculer - le temps de travail sur une période plus longue. Sur un an avec l’accord des syndicats (les heures sup sont alors payées au-delà de 1 607 par an), sur un mois maxi en l’absence d’accord (heures sup payées au-delà de 151,6 heures par mois).Demain. Si l’employeur obtient l’accord des syndicats, cette modulation pourra se faire sur une période allant jusqu’à trois ans. En l’absence d’accord, elle ne pourra dépasser un mois comme aujourd’hui, sauf pour les PME qui comptent moins de 50 salariés, qui pourront aller jusqu’à seize semaines, soit quatre mois.
Une remise en cause des accords facilitée
Aujourd’hui. En cas de difficultés conjoncturelles, un employeur peut négocier avec les syndicats un accord de «maintien de l’emploi» pouvant prévoir des baisses de salaires et / ou une hausse du temps de travail, pour une durée de cinq ans maximum. Si le salarié refuse l’application de l’accord, il peut être licencié pour motif économique. Risque pour l’employeur : voir ce motif contesté devant le juge et être condamné à verser de lourdes indemnités.Demain. En plus du dispositif précédent, de nouveaux types d’accords pourront être conclus ayant pour but la «préservation» ou le «développement» de l’emploi. Ils ne seront donc pas limités aux entreprises en difficulté. Ces accords, de type «offensifs» et non plus uniquement «défensifs», ne pourront cependant pas prévoir de baisse de la rémunération mensuelle. Grosse nouveauté en revanche : si un salarié refuse de voir son contrat de travail modifié suite à cet accord, il sera licencié pour motif personnel. Une disposition qui permet de sécuriser la procédure pour l’employeur. En effet, la «cause réelle et sérieuse» du licenciement sera impossible à contester devant le juge (à la différence du motif économique) puisqu’elle sera constituée par le refus même du salarié de se voir appliquer l’accord. Il s’agit d’une disposition empruntée aux accords de réduction du temps de travail de type Aubry - appelés licenciement «sui generis» - destinés, à l’époque, à faciliter la réduction du temps de travail.
Et aussi dans la loi El Khomri
Parmi les mesures du projet de loi porté par Myriam El Khomri, une autre, tout aussi polémique que les 35 heures, risque de braquer majorité et syndicats : le plafonnement des indemnités prud’homales. Actuellement, lorsque les juges prud’homaux considèrent qu’un licenciement est irrégulier, sans motif «réel et sérieux», ils octroient des indemnités au salarié, à la charge de l’employeur. Elles s’ajoutent aux indemnités légales versées au moment du licenciement. Pour fixer la somme, les juges s’appuient sur un «référentiel». Mais ce barème n’est que consultatif, les indemnités étant déterminées librement au regard du préjudice subi, en prenant en compte l’âge ou la situation du salarié et sa capacité à retrouver un emploi. Ainsi, le juge peut décider de donner plus à un parent isolé qu’à un salarié en couple sans enfant. Seule contrainte, si la personne est présente depuis plus de deux ans dans une société de plus de dix salariés, elle doit percevoir au moins l’équivalent de six mois de salaire. En 2015, la loi Macron a voulu borner davantage ce système en plafonnant ces indemnités. Mais le Conseil d’Etat a retoqué la mesure qui prévoyait un traitement différent des salariés selon la taille de la société.Le projet de loi porté par Myriam El Khomri réintroduit la barémisation des indemnités en cas de licenciement abusif. Mais la version de la ministre du Travail ne se base plus que sur l’ancienneté des salariés. Désormais, ceux qui ont moins de deux ans d’ancienneté bénéficieront au maximum de trois mois de salaire. Et ceux qui ont plus de vingt ans de boîte obtiendront un maximum de quinze mois de salaire. De quoi limiter le rôle des juges qui n’auront donc plus, selon le Syndicat des avocats de France, la possibilité «d’apprécier la réalité du préjudice subi». Tout en dissuadant les salariés d’attaquer leurs employeurs aux prud’hommes.
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