Source : La Tribune
Vienne a été un des plus féroces adversaires de la restructuration de la
dette grecque. Mais, parallèlement, elle organise celle de la banque
Hypo Alpe Adria, nationalisée en 2009, aux dépens, notamment de la
Bavière...
Pendant que l'Europe refuse de discuter de la dette grecque et que d'
aucuns
s'inquiètent des conséquences fâcheuses d'une restructuration des
créances de l'Hellade pour les économies des retraités bavarois,
l'Autriche - un des pays les plus actifs dans ce refus - tranche dans le
vif... Et restructure sa dette. La République alpine a en effet passé
un accord mardi 7 juillet avec l'Etat de Bavière concernant les créances
de ce dernier envers la banque autrichienne nationalisée et en faillite
Hypo Group Alpe Adria (HGAA).
La folie Hypo Alpe Adria
Pour
comprendre la situation, il convient de réaliser un léger retour en
arrière. Hypo Alpe Adria a été une des banques les plus actives
d'Autriche au début des années 2000. Propriété du Land autrichien de
Carinthie, alors dominé par le politicien d'extrême-droite Jörg Haider
(dont le parti a participé au gouvernement fédéral de 2000 à 2005), HGAA
s'est beaucoup développé en Europe du Sud-est. Trop sans doute. En mars
2007, quelques mois avant l'éclatement de la crise des subprimes, la
Carinthie vend la majorité des actions de la banque à la banque
régionale publique bavaroise BayernLB.
Le rachat par BayernLB
Après
la faillite de Lehman Brothers en septembre 2008, BayernLB est en
grande difficulté, car à l'image de nombreuses banques régionales
allemandes, elle s'est montrée fort imprudente dans ses investissements.
Et HGAA n'est pas le moindre de ses soucis. Les prêts accordés par
cette banque dans les Balkans deviennent rapidement non recouvrables. En
décembre 2008, l'Etat bavarois doit renflouer BayernLB à hauteur de 10
milliards d'euros. La banque bavaroise tente alors d'aider sa filiale
carinthienne et lui accorde un crédit de 2,3 milliards d'euros. Mais en
vain, on découvre alors l'ampleur de la gestion désastreuse et
clientéliste de HGAA durant les années 2000. En décembre 2009, BayernLB
jette l'éponge et HGAA est nationalisée par l'Etat fédéral autrichien
pour un euro symbolique.
Le défaut de Vienne
L'affaire
aurait pu s'arrêter là. Sauf que Vienne a laissé pourrir la situation et
n'a pas renfloué HGAA. Il faut attendre la fin de 2013 pour que le
gouvernement autrichien ne réagisse. La conjoncture s'est encore
dégradée dans les Balkans, la facture augmente. Vienne décide alors de
créer une « structure de défaisance » ou Bad Bank, une banque qui
regroupera tous les mauvais actifs de HGAA. Cette structure s'appelle
HETA. En mars dernier, la découverte d'un nouveau « trou » dans les
comptes de HETA de 7,6 milliards d'euros, soit 2,3 % du PIB autrichien,
conduit Vienne à utiliser l'arme atomique. Tous les paiements aux
créanciers sont suspendus jusqu'en mars 2016. Un moratoire sur près de
11 milliards d'euros de dettes le temps de trouver une « résolution »,
autrement dit une restructuration de la dette de HETA, donc
indirectement de la République d'Autriche. Techniquement, ce n'est pas
un défaut souverain. Mais dans les faits, cela en a toutes les
apparences : un Etat de la zone euro décide de suspendre ses
engagements. D'autant que s'il y a restructuration, en théorie, les
garanties du Land de Carinthie pourraient s'appliquer. Or, ce Land ne
peut payer. C'est donc même un double défaut qui se prépare. Sans
mémorandum, sans discussion, sans réaction internationale.
Querelle austro-bavaroise
C'est
dans ce contexte que s'est envenimée la querelle avec la Bavière. En
effet, BayernLB n'a pas récupéré son crédit de 2,3 milliards d'euros.
HGAA et HETA (donc le gouvernement autrichien) prétend qu'il ne
s'agissait pas de crédit, mais d'une recapitalisation de l'actionnaire.
Les Autrichiens sont décidément mauvais payeurs ! En 2012, les Bavarois
ont porté l'affaire devant la justice et le 8 mai 2015, un tribunal de
Munich a condamné l'Autriche à verser 2,75 milliards d'euros à BayernLB.
Vienne refuse ce jugement. La tension monte alors entre la République
alpine et le Land bavarois qui se retrouve désormais dans la situation
de tous les autres créanciers de HETA.
Accord avec Munich
Logiquement,
si l'on en croit la dureté de l'Allemagne vis-à-vis de la dette grecque
et l'inquiétude supposée par la presse française des retraités
bavarois, le gouvernement régional bavarois aurait dû se montrer ferme
face aux méthodes autrichiennes. Mais il n'en a pas été ainsi. Munich et
Vienne ont discuté et la Bavière a accepté de ne recevoir que 1,3
milliard d'euros, soit 45 % de la créance de BayernLB. En réalité, cette
somme est un seuil. Si le règlement de la dette de HETA amène une
annulation de la dette supérieure à 45 %, Munich touchera cette somme
quand même. Si les pertes sont moindres, la Bavière touchera la
différence, si elles sont supérieures, la Bavière conservera ses 1,3
milliard d'euros.
Contours d'une restructuration
Bref,
l'Autriche commence à dessiner les contours d'une restructuration
massive de la dette de HETA qui devrait s'accompagner d'un refus
d'exercer la garantie de la Carinthie. Les autres créanciers qui ont
engagé un recours devant la Cour constitutionnelle autrichienne savent
donc à quoi s'attendre au cas où leur demande est déboutée.
Fureur en Bavière
En
attendant, l'Autriche met donc à contribution les contribuables
bavarois qui auront dans l'affaire un manque à gagner de 1,4 milliard
d'euros. Rappelons, pour mémoire, que la Grèce n'a, en tant que telle,
rien coûté à ces mêmes contribuables.
Du reste, les milieux politiques bavarois s'en sont émus... Le leader des
Freie Wähler (Electeurs libres, centristes), troisième parti au parlement bavarois parle «
d'annulation de la dette autrichienne ».
On s'en émeut d'autant plus que lorsque BayernLB a vendu pour un euro
HGAA à l'Etat autrichien, la banque bavaroise avait renfloué HGAA à
hauteur de 850 millions d'euros contre la garantie de Vienne sur les
dettes de la banque vendue. Et voici que Vienne obtient une réduction de
sa garantie. La facture a donc du mal à passer en Bavière. Les
retraités bavarois ont décidément bien à se plaindre de l'inconscience
et de l'incompétence de certains Etats européens...
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