mardi 21 juillet 2015

Education prioritaire: fin du conflit au collège Bellefontaine

Source : Le Monde

« Le collectif du 22 mai prend acte des dossiers administratifs vidés et de l’annulation des procédures disciplinaires et de mutation dans l’intérêt du service pour six enseignants. » C’est par un communiqué daté du 17 juillet dénonçant une « gestion inhumaine, indigne et arbitraire » que s’achèvent huit mois de conflit entre des enseignants grévistes du collège Bellefontaine, dans le quartier du Mirail à Toulouse, et le rectorat. Ce même jour, Laure Betbeder, une enseignante en grève de la faim depuis vingt-six jours, a stoppé son action « la mort dans l’âme, toujours outrée par l’attitude de ma hiérarchie ». Très affaiblie, elle a dû être hospitalisée.
Il faut remonter au 27 novembre 2014 pour comprendre les tensions apparues, les mesures prises et un dénouement inédit dans l’éducation nationale. Le collège, classé comme « préfigurateur » de la future réforme voulue par la ministre de l’éducation Najat Vallaud- Belkacem, est un test grandeur nature du passage en zone d’éducation prioritaire (ZEP) en REP+ (réseau d’éducation prioritaire).

Réforme en trompe l’oeil

Mais une trentaine d’enseignants se met en grève en dénonçant une réforme qu’ils considèrent en trompe-l’œil. Ils réclament un accompagnement spécifique pour les élèves de 6e, un temps de présence en classe abaissé de 10 % – seize heures trente au lieu de dix-huit heures hebdomadaires – pour ce réseau scolaire censé bénéficier de moyens accrus par rapport aux anciennes ZEP.
Selon l’un des enseignants, « des tensions sont apparues avec le principal, qui a tout de suite fermé la porte au dialogue ». Les enseignants prenant part au mouvement sont tous soit anciens dans le collège, soit d’autres établissements de ces zones sensibles, « tous très bien notés et qui adorent leur métier, assure Laure Betbeder. En fait, on est allés au clash de suite avec le chef d’établissement, nommé il y a seulement deux ans. Il était dépassé par le volet pédagogique. Dès le début il a adopté une attitude extrêmement répressive et fermée ».


Le 22 mai, cinq enseignants se voient notifier par huissier, à leur domicile, leur mutation d’office dans l’intérêt du service, un sixième doit répondre à une procédure disciplinaire, des décisions confirmées le 18 juin. Le principal du collège, M. Roques, est lui aussi muté dans un autre établissement. Dans ces courriers, le rectorat leur reproche un « manquement à l’obligation d’exercer leurs missions ». Ils sont surtout accusés de perturber « gravement le bon fonctionnement du service public d’éducation ».
Des conclusions jugées totalement invraisemblables par le collectif qui dénonce une « répression inédite envers des grévistes et des procédures tendant à diviser un mouvement en désignant au hasard six enseignants ». La rectrice déclarait au Monde, le 22 juin, que « la spirale de contestation des grévistes, les rapports entre enseignants, parents d’élèves et avec le chef d’établissement devenaient intenables ». Elle vient donc de faire marche arrière après la grève de la faim de Laure Betbeder, rejointe par sa mère puis par deux autres professeurs solidaires du collège, et suite au rapport d’une médiatrice nationale mandatée par le ministère de l’éducation.

« Panique »

Si trois enseignants avaient déjà demandé leur mutation et que Laure Betbeder devrait réintégrer son collège, deux autres sont encore sous le coup d’un protocole faisant objet de discussions. Vendredi 17, ni le rectorat ni le ministère n’ont souhaité s’exprimer. Mais nul doute que ce silence et ce dénouement devraient laisser des traces dans l’académie. Le collectif déplore la seule réintégration de Laure au collège Bellefontaine et constate que deux enseignants n’ayant pas demandé de mutation se retrouvent pour l’instant évincés. « Le rectorat reconnaît en nettoyant les dossiers ses erreurs d’appréciation mais persiste dans sa répression du mouvement social. »
Pour Annick Vesperini, professeur et documentaliste, « l’attitude de la rectrice et de la ministre révèle une panique face aux mouvements contre la réforme des ZEP. On veut casser toute contestation dans l’œuf ». Selon elle, les demandes de mutations explosent : + 45,4 % pour sortir des dispositifs REP et + 103 % de professeurs qui veulent quitter leur collège quand il est intégré à l’éducation prioritaire.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire