Le Conseil national de la Résistance fut réactivé l'été 2008. Le CNR en Midi-Pyrénées est la déclinaison régionale de ce réseau organisé pour mener une résistance créatrice d'alternatives. Nous contribuons ainsi par notre action politique coopérative à construire Un Autre Monde...
"Créer, c'est Résister. Résister, c'est créer."
mardi 12 février 2019
Pourquoi la semaine de travail de 4 jours a le vent en poupe
Dans le monde entier,
des entreprises réduisent la durée de la semaine de travail, afin
d’éviter le surmenage et d’améliorer le bien-être de leurs employés.
Que ce soit pour éviter le surmenage, améliorer le
bien-être ou faciliter la garde des enfants, de nombreuses entreprises
réduisent les emplois du temps de leurs salariés pour travailler plus
intelligemment.
VIE DE BUREAU - Dans les bureaux de la société informatique Monograph,
à San Francisco, le mercredi est affectueusement qualifié de "week-end
du milieu de semaine". C'est le jour où la plupart des gens choisissent
de ne pas travailler, en plus du samedi et du dimanche.
Il y a
trois ans, Moe Amaya et ses cofondateurs, Alex Dixon et Robert Yuen,
travaillaient sept jours sur sept au démarrage de leur start-up
spécialisée dans la création de logiciels pour les architectes. Mais ils
ne voulaient pas de cette culture pour leur personnel. Alors, quand ils
ont commencé à embaucher, ils ont créé la semaine de quatre jours qui
permet aux employés de choisir leur jour de congé. Les vendredis
facilitent les longs trajets, mais les mercredis semblent avoir
davantage la cote.
"Le milieu de semaine est le moment parfait
pour réinitialiser son cerveau quand on travaille sur des problèmes
difficiles. On peut ainsi se remettre au travail le jeudi et avoir la
force mentale d'avancer, explique Moe Amaya. Le principal avantage,
c'est de pouvoir travailler sur des projets en parallèle. Chez
Monograph, avoir ses propres projets fait partie de notre culture."
MonographieMoe Amaya, fondateur de Monograph, a mis en place la semaine de quatre jours dès la création de son entreprise.
L'équipe
est encore petite – huit personnes – mais il affirme que l'expérience a
suffisamment bien fonctionné pour qu'il "n'ait aucune intention de
changer". Les éditeurs de logiciels sont généralement des gestionnaires
de temps efficaces, dit-il, mais "nous avons choisi d'appliquer le
principe selon lequel plus d'efficacité signifie moins de travail."
C'est inhabituel, mais pas unique. L'idée de travailler quatre jours,
tout en restant suffisamment productif pour être payé cinq jours,
suscite un intérêt croissant dans le monde entier.
La société
fiduciaire néo-zélandaise Perpetual Guardian a fait les gros titres l'an
dernier pour avoir mis en place une semaine de 32 heures sans réduire les salaires. La capitale de l'Islande, Reykjavik, a récemment testé une semaine de travail réduite (jusqu'à cinq heures en moins) pour certains employés municipaux, sans que cela ait une incidence sur la productivité.
NurPhoto via Getty ImagesReykjavik, en Islande, a testé des semaines de travail plus courtes.
Aux États-Unis, certains secteurs scolaires, du Colorado à l'Oklahoma,
ont mis en place des semaines de quatre jours pour économiser de
l'argent sur la nourriture et les transports, les enseignants dispensant
autant d'heures de cours en moins de jours, mais sur des journées plus
longues. Même au Japon, pays connu pour sa culture du travail, certaines
entreprises proposent le lundi matin chômé.
En Grande-Bretagne, la confédération syndicale Trades Union Congress réclame une semaine universelle de quatre jours
d'ici à la fin du siècle, arguant que tout gain de productivité
résultant de l'intelligence artificielle ou de l'automatisation devrait
être utilisé au profit de tous.
L'idée de travailler plus
intelligemment, au lieu de plus longtemps, séduit les salariés en
burn-out, les parents désireux de passer plus de temps avec leurs
enfants, la génération Y, soucieuse de sa santé mentale, et même les
écologistes qui cherchent à réduire la pollution due aux trajets
quotidiens.
Des échecs, aussi
Pourtant, les échecs sont aussi nombreux que les succès. En 2015, la
société américaine Treehouse, spécialisée dans les programmes éducatifs,
déclarait qu'elle se passerait de managers et qu'elle instaurerait une
semaine de quatre jours. "Pour moi, la semaine de 40 heures, c'était: jamais de la vie.
On travaillerait 32 heures, point barre. Les règles, on les écrirait
nous-mêmes", se souvenait le fondateur, Ryan Carson, l'an dernier dans
un entretien à GrowthLab. Mais au fil du temps, il a changé d'avis.
"Ça
a généré en moi un manque d'éthique du travail. En fait, c'était une
très mauvaise idée." La société a fini par faire appel à des cadres
intermédiaires puis, en 2016, elle a suspendu la semaine de quatre
jours. Ryan Carlson lui-même travaille désormais 65 heures par semaine.
"Je pense qu'on peut travailler plus intelligemment, mais aussi qu'on
peut travailler plus dur. Il faut faire les deux", estime-t-il.
Mais cela est-il vrai pour tout le monde?
Selon
une étude menée dans huit pays, dont les États-Unis, publiée l'an
dernier par le Workforce Institute, un groupe de réflexion rattaché à la
société de logiciels et de services de gestion du personnel Kronos
Incorporated, trois personnes sur quatre préféreraient travailler moins de cinq jours par semaine.
Pas de modèle unique
Le rapport n'a finalement pas préconisé une semaine de 32 heures pour tous parce que, comme l'explique la DG Joyce Maroney au HuffPost,
" il n'existe pas, selon moi, un modèle unique". Mais dans un contexte
de guerre des talents, elle pense que les employeurs devraient être
ouverts à de nouvelles idées, en particulier dans les carrières où le
travail à domicile n'est pas réaliste.
"La responsabilité des
employeurs est d'y voir clair. Quels sont les objectifs réalisables pour
notre entreprise, comment pouvons-nous aider les personnes à concilier
bien-être physique et besoins hors du travail avec des objectifs de
productivité?" C'est particulièrement vrai, dit-elle, pour la
"génération sandwich" qui s'occupe à la fois de ses enfants et de ses
parents.
Pour Aidan Harper, membre de la campagne londonienne 4-Day Week,
qui préconise des heures de travail réduites, les couples les plus
jeunes, désireux d'équilibrer les heures de garde des enfants et un
travail rémunéré plus équitablement, sont aussi à l'origine de ce
changement de mentalité. "Les jeunes pères veulent passer du temps avec
leurs enfants. De plus en plus de femmes veulent avoir une carrière. Il
s'agit de redistribuer le travail à temps plein entre les sexes, et le
travail non rémunéré au sein du foyer."
Mais il pense également
que la crise de 2008, la faible croissance des salaires et l'insécurité
liée à l'économie de marché exacerbent ce sentiment plus général qu'"il y
a quelque chose qui cloche dans la façon dont le travail fonctionne".
L'insatisfaction au travail
Et puis, il y a l'idée de plus en plus répandue, que résume bien le best-seller de David Graeber, Bullshit Jobs: A Theory,
selon laquelle de nombreux emplois modernes ont peu de valeur réelle.
"Ce sentiment d'insatisfaction très répandu à l'égard du travail,
combiné au fait qu'un congé maladie sur quatre est imputable au
surmenage, a créé les conditions au sein de nos sociétés pour penser
qu'on devrait travailler moins", ajoute Aidan Harper.
De tels
changements ont déjà eu lieu. Les semaines de six jours étaient
courantes aux États-Unis et en Europe jusqu'au début du XXe siècle. Comme on le sait, Henry Ford a augmenté sa productivité en 1914 en réduisant la journée à huit heures,
et en doublant les salaires. Le changement s'est généralisé sous la
pression des syndicats mais aussi de la Grande Dépression, lorsque les
employeurs ont cherché à répartir un travail raréfié.
La meilleure
option pour réduire la semaine est toutefois de permettre aux gens de
produire la même quantité en moins de temps. En pratique, cela signifie
automatiser ou abandonner les activités qui font perdre du temps et se
concentrer sur l'essentiel.
Poser la question aux employés
"Réfléchissez et demandez à votre personnel ce qu'il faudrait pour
gagner une heure, conseille Joyce Maroney. Cela ne veut pas dire que
toutes les idées proposées vont être géniales, mais les personnes qui
accomplissent le travail en question tous les jours en ont une meilleure
idée."
Si on compte le nombre d'heures consacrées à des réunions
inutiles, à répondre à des e-mails ou à bavarder (soyez honnête), la
plupart des gens travaillent (au sens strict) moins qu'ils ne le
pensent. Près de la moitié des personnes interrogées dans le cadre de
l'étude sur la main-d'œuvre ont estimé que, si elles n'étaient pas
interrompues, elles pourraient terminer leur travail en moins de cinq
heures par jour.
Ce
qui était, selon moi, particulièrement utile, c'est que les salariés
ont dû réfléchir à ce qu'ils faisaient réellement et aux aspects les
plus importants de leur travail. Jarrod Haar, professeur de gestion des ressources humaines.
C'est pendant des vacances de Noël consacrées à la lecture sur la
relation complexe entre les heures de travail et l'efficacité qu'Andrew
Barnes, le fondateur de l'organisation néo-zélandaise Perpetual
Guardian, a eu l'idée de tester une semaine plus courte. Sa seule
condition: abattre la même quantité de travail.
Jarrod Haar,
professeur de gestion des ressources humaines à l'Université de
technologie d'Auckland, a eu la possibilité d'étudier gratuitement le
personnel d'Andrew Barnes réfléchissant à ce qui pouvait être abandonné
pour passer d'une semaine de travail de 40 heures à 32 heures.
"Une
équipe a déclaré avoir l'habitude d'organiser une réunion de deux
heures tous les lundis. Elle l'a désormais réduite à 30 minutes toutes
les deux semaines. Voilà un exemple de ce que vous pourriez faire
différemment si vous en aviez la possibilité, se souvient-il. Ce que
j'ai trouvé particulièrement utile, c'est que les salariés ont dû
réfléchir à ce qu'ils faisaient réellement et aux aspects les plus
importants de leur travail."
Davantage de temps pour la famille
Sans surprise, il a constaté une amélioration de l'équilibre
travail-vie privée en menant des enquêtes auprès de 120 salariés avant
et après la période test: davantage de temps consacré à la famille, à la
pratique d'un sport et aux études, une attitude plus positive à l'égard
de la vie, une réduction du stress et le sentiment que l'entreprise se
souciait de leur bien-être.
De manière plus inattendue, les
salariés ont signalé une moindre exigence perçue au travail, même s'ils
travaillaient théoriquement de manière plus intensive pour maintenir la
même performance, et davantage d'entraide entre collègues. L'un des
bémols: la difficulté de s'absenter, que ce soit pour congés ou maladie.
En
dépit de ce que Jarrod Haar appelle des réticences de la part du
conseil d'administration, Perpetual Guardian a adopté sa semaine de
quatre jours, bien que le personnel puisse être invité à travailler cinq
jours en période de pointe. Près de 50 entreprises ont manifesté leur
envie de lui emboîter le pas.
Le principal obstacle pour les
entreprises américaines est culturel, explique Moe Amaya. "Si vous avez
une conviction profonde dans la manière de faire des affaires aux
Etats-Unis, cela ne fonctionnera pas. Vous devez vous engager à adopter
un mode de vie plus équilibré et à apprécier le changement. Bien que les
progrès soient un peu plus lents, vous aurez plus de temps pour
réfléchir, prendre de meilleures décisions à long terme, et vos employés
seront plus heureux et productifs."
Westend61 via Getty ImagesUne semaine de travail plus courte permet aux parents de passer plus de temps avec leurs enfants.
Jarrod
Haar pense que ce modèle convient aux industries où les flux de travail
sont prévisibles et où les processus administratifs ne sont pas trop
rigides. "Si vous avez un lieu de travail où les employés sont débordés
et que, par conséquent, vous ne pouvez pas accomplir votre travail, même
en cinq jours, je doute que cela soit très efficace", estime-t-il.
"Pourrait-on
appliquer cela à un hôpital, par exemple? Voilà l'exemple type de
système où il n'y a pas assez de marge de manœuvre." Si c'est vrai,
cette méthode ne sera peut-être d'aucune aide aux travailleurs les plus
stressés.
Mais cela peut aussi ne pas convenir aux personnes qui
aiment vraiment leur travail. Jarrod Haar lui-même travaille parfois six
jours par semaine, parce que "je fais beaucoup de choses que j'aime
vraiment". Et même si le personnel de Monograph a une semaine de quatre
jours, Moe Amaya admet qu'il a du mal à réduire ses heures s'il veut
développer son entreprise.
Pour ceux qui ne sont pas encore prêts
pour un changement radical, il reste encore beaucoup à faire pour
réduire la semaine de travail. Joyce Maroney cite la politique de congés
illimités de Kronos, qui permet à ses employés de prendre autant de
jours de vacances qu'ils le souhaitent dans la mesure où ils se mettent
d'accord avec leurs managers pour gérer leur charge de travail.
Elle
a ajouté que les congés annuels n'augmentaient en moyenne que de 2,5
jours car le personnel avait choisi de privilégier les journées plus
courtes que les jours de congés supplémentaires. "Ils partent plus tôt
une fois par semaine pour aller à la séance d'entraînement de leurs
enfants, ou rendre visite à leur mère", conclut-elle. Ce n'est pas une
révolution, mais c'est un début. La rubrique "This New World" du HuffPost américainest
financée par Partners for a New Economy et le Fonds Kendeda. Tous les
contenus sont totalement indépendants sur le plan éditorial, et libre de
toute influence de la part des fondations. Cet article, publié sur le HuffPost américain, a été traduit par Karine Degliame-O'Keeffe pour Fast ForWord. À voir également sur Le HuffPost:
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire