mercredi 27 février 2019

Fonction publique: un avant-projet de loi et des craintes

Source : l'Express

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Le secrétaire d'État Olivier Dussopt ne semble pas prêt à faire des concessions significatives d'ici à la présentation du projet de loi fonction publique, le 27 mars.
Le secrétaire d'État Olivier Dussopt ne semble pas prêt à faire des concessions significatives d'ici à la présentation du projet de loi fonction publique, le 27 mars.
AFP/Bertrand GUAY

Rupture conventionnelle, rémunération au mérite... les grandes lignes de la réforme inquiètent les syndicats.

Mi-février, le gouvernement a enfin dévoilé aux syndicats l'avant-projet de loi réformant la fonction publique, qui sera présenté en Conseil des ministres le 27 mars. Ils réclamaient un texte, noir sur blanc, sur lequel pouvoir se pencher, depuis plusieurs mois.
Simplification du dialogue social, encouragement à la mobilité, transformation de la rémunération, élargissement du recours aux contractuels... le contenu correspond peu ou prou aux pistes qui leur avaient été présentées pendant toute l'année 2018 lors de réunions de concertation par les équipes d'Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Action et des comptes publics. Les éléments négociés dans le cadre de l'accord égalité hommes-femmes conclu en décembre ont également été inclus dans le texte.
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Depuis, les syndicats fourbissent leurs armes. Ils préparent le conseil commun de la fonction publique du 6 mars prochain. Cette instance de dialogue social paritaire tient séance avant tout projet de réforme touchant au statut des fonctionnaires. À cette occasion, certains vont présenter des amendements au texte, comme la CFDT. D'autres vont s'abstenir. "Lors de la dernière réunion technique à laquelle nous avons assisté, on nous a fait comprendre que le texte n'était pas négociable, nous allons donc demander son retrait pur et simple", explique Christian Grolier, chez Force Ouvrière.

La disparition programmée du CHSCT

L'avant-projet crée, comme dans le privé, une instance unique de dialogue social fusionnant les comités techniques (CT) et comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Les craintes des syndicats sont les mêmes que pour les ordonnances Travail : que les thématiques du CHSCT ne soient plus prioritaires au sein de l'instance unique, une réduction du nombre des élus...
Les commissions administratives paritaires (CAP) qui, aujourd'hui, valident tout projet de mutation, mobilité, promotion et avancement, n'en seront plus chargés. "Cette mesure est essentielle pour déconcentrer les décisions individuelles au plus près du terrain et doter les managers des leviers de ressources humaines nécessaires à leur action", estime le gouvernement.
"Il s'agit en somme de ne plus s'encombrer du regard des représentants du personnel, dans la gestion des ressources humaines", résume, amère, Bernadette Groison, à la FSU. Pour Jean-Marc Canon, à la CGT, cette mesure est particulièrement dangereuse en ce qu'elle intervient "au moment même où des réorganisations de service vont engendrer des milliers de mobilités contraintes". Là encore, les amendements de retrait vont fleurir.

Le recours aux contractuels grandement élargi

Le texte élargit le recours aux contractuels. Cristallisant l'hostilité des syndicats, y compris les plus réformateurs comme la CFDT, la naissance d'un contrat de projet, sur le modèle de celui créé par les ordonnances Travail, est également au programme, pour toutes les catégories hiérarchiques. Conclu pour six ans maximum, il se terminerait quand prendrait fin la mission l'ayant justifié.
Il est aussi question de recruter des contractuels aux fonctions de direction et d'encadrement supérieur. Pour l'exécutif, il s'agit de donner un élan de transformation à la fonction publique, mais aussi des perspectives d'évolution aux contractuels évoluant à des niveaux inférieurs.
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Pourront également être recrutés des contractuels dans toutes les catégories hiérarchiques, et non plus seulement la catégorie A, "lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient, notamment lorsque l'emploi fait appel à des compétences techniques spécialisées ou nouvelles, ou lorsque la procédure de recrutement d'un titulaire s'est révélée infructueuse." Dans la fonction publique territoriale, cette opportunité nouvelle vaudra même pour les emplois à temps partiel.
Malgré ce qu'ils considèrent comme des avancées, comme la possibilité de recruter l'agent directement en contrat à durée indéterminée (CDI) quand il s'agit d'un emploi permanent ou la portabilité du CDI (le fait de conserver son CDI en passant d'un versant de la fonction publique à l'autre), les syndicats comptent exiger en masse le retrait de tous ces nouveaux recours aux contractuels. "Rien n'est proposé pour rompre avec le fait qu'on puisse enchaîner 20, 30, 40 CDD à la suite", fait remarquer Jean-Marc Canon, à la CGT.
La CFDT entend réclamer "de limiter la précarité en imposant une durée minimale hebdomadaire dans les contrats", ajoute Mylène Jacquot.

La hausse du temps de travail et la rémunération au mérite

Nombre de collectivités locales ont conclu des accords dérogatoires à la durée légale du travail (1607 heures). Les agents y bénéficient de ce fait d'un temps de travail réduit. Comme l'avait indiqué le gouvernement, ces régimes particuliers vont être supprimés, "sauf quand il s'agit de contreparties à du travail de nuit, le dimanche, les jours fériés, du travail pénible ou dangereux..." "Alors que dans le privé, on encourage le dialogue social au niveau de l'entreprise, là, on va remettre en cause des accords conclus sur le terrain, et validés par les préfectures !" s'insurge Bernadette Groison, à la FSU.
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Un sondage OpinionWay pour Les Echos et Radio Classique, publié le 19 février, indique que 57% des agents publics sont favorables à la rémunération au mérite. Le projet de loi entérine cette orientation, sans pour autant détailler le mode opératoire envisagé. Seules sont évoquées la disparition de la référence à la notation et la généralisation de l'entretien professionnel "permettant d'apprécier la valeur professionnelle des fonctionnaires". Bernadette Groison s'alarme : "Comment élaborer des critères pour individualiser la rémunération, lorsqu'on est dans de la production de service et non de matériel ?"

L'apparition de la rupture conventionnelle

De nombreuses mesures techniques sont prévues pour encourager la mobilité des agents (notamment d'État) ou leur départ volontaire. La rupture conventionnelle, mode de séparation "à l'amiable" qui fait un succès dans le privé, est désormais applicable aux contractuels. Les indemnités seront fixées par décret. Celles-ci seront remboursables en cas de retour dans l'emploi public dans les trois années suivant le départ. Pour les fonctionnaires d'État et ceux du versant hospitalier, la rupture conventionnelle sera expérimentée jusqu'en 2025.
En cas de suppression de leur poste, les agents seront mieux accompagnés. Ils pourront s'appuyer sur un congé de transition professionnelle pour accéder à une formation à un nouveau métier. Dans la fonction publique d'État, la mutation dans le département ou la région deviendrait prioritaire. Par ailleurs, le fonctionnaire pourrait être mis en disponibilité pour une durée d'un an dans le privé, en vue d'une reconversion, sans renoncer à son statut.
Dernière nouveauté, un agent démissionnant après la suppression de son poste aurait droit à une indemnité de départ volontaire, mais aussi à une assurance chômage.
 
La réforme doit accompagner la suppression de 120 000 postes de fonctionnaires d'ici à la fin du quinquennat.
 

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