Source : l'Humanité
Vendredi, 15 Février, 2019
Malgré
une demande de suspension par toutes les organisations syndicales, le
texte présenté à la presse par le gouvernement, amendable sous quinze
jours, devrait être soumis au Conseil des ministres fin mars.
Mercredi
soir, sept syndicats sur neuf claquaient la porte du conseil commun de
la fonction publique (CCFP), « en colère » contre le secrétaire d’État
Olivier Dussopt. FO annonçait même rejoindre enfin l’intersyndicale
désormais unitaire, et appelait dans la foulée à manifester le 19 mars.
Le lendemain, jeudi, le même secrétaire d’État se réjouissait de la
présence de toutes les organisations à sa présentation du projet de loi
de « transformation de la fonction publique », en omettant de préciser
le départ inopiné de la majorité d’entre elles. À l’image des
discussions entamées depuis un an dans le secteur, deux mondes se
côtoient, deux mondes parallèles qui jamais ne se croisent, malgré la
tentative de réécriture du gouvernement.
Le vocabulaire enthousiaste du ministère de l’Action et
des Comptes publics ne trompe pas les organisations syndicales, qui
voient dans ce projet de loi « une attaque sans précédent contre le
socle qui porte le statut général des fonctionnaires », selon
l’expression de Jean-Marc Canon, de la CGT fonction publique (UFSE), le
premier syndicat du secteur. « Le statut n’est pas remis en cause,
assure Olivier Dussopt, mais il doit être dépoussiéré. » Comme l’État
entend toujours supprimer 120 000 postes d’agents publics dans le
quinquennat avec « certaines activités (qui) seront externalisées vers
le secteur privé », le secrétaire d’État a mis en place les outils pour
atteindre son objectif sans jamais en préciser les contours. Une
transparence annoncée qui se fera… a posteriori.
La création de la rupture conventionnelle dans le public
Dans sa présentation, Olivier Dussopt a assuré être
conscient que « la fonction publique est un engagement », « un
engagement personnel au service de l’intérêt général » et qu’« être
fonctionnaire a du sens ». Mais, désormais, l’agent doit « s’adapter à
l’évolution des nouvelles technologies et aux nouvelles organisations
territoriales ». Le secrétaire d’État avoue « s’être inspiré du privé »
pour mieux « transformer » la fonction publique, ouvrant plus large le
champ des contractuels, créant la rupture conventionnelle dans le
public, mais aussi en mettant en place des entretiens d’évaluation
professionnelle, une part variable dans les rémunérations, une prime au
mérite, un intéressement… Un accompagnement est aussi prévu pour
favoriser les départs vers le secteur privé.
Face à ces nouveaux « outils », l’opposition syndicale est
unanime. « Le gouvernement décline la loi travail dans le public,
s’inspirant des accords réalisés au niveau de l’entreprise en voulant
négocier au niveau des territoires », dénonce Bernadette Groison (FSU),
quand Christian Grolier (FO) pointe « la création de contrats de mission
semblables aux contrats de chantier dans le privé », c’est-à-dire des
CDI conclus pour la durée d’une opération précise. Une fois la mission
effectuée, le salarié est remercié. « Il existe déjà un million de
contractuels et ce n’est pas cela qui fait bien fonctionner les services
publics, objecte Bernadette Groison. Nous avons besoin d’équipes
stables. Et que signifie une prime au mérite pour un enseignant ou du
personnel des urgences hospitalières ? »
Pendant un an, toutes les organisations syndicales ont
tenté de convaincre le ministère de la spécificité du public, mais
« rien n’a été pris en compte », assure Gaëlle Martinez (Solidaires).
« Nous retrouvons le même texte que celui proposé en février 2018 à
l’ouverture des concertations ! s’insurge Nathalie Makarski, de la
CFE-CGC. Manifester au premier signe de mécontentement ne figure pas
dans l’ADN de notre organisation, mais nous ne l’excluons pas
aujourd’hui. » Pour promouvoir cette mutation de la fonction publique,
le secrétaire d’État a mis au point des « leviers managériaux nouveaux »
et la possibilité offerte « aux encadrants » de muter les agents « au
fil de l’eau », sans s’encombrer des CAP (commissions administratives
paritaires). Olivier Dussopt assure par ailleurs que le projet de loi
est encore amendable, donnant plusieurs rendez-vous la semaine prochaine
pour affiner les éléments techniques. Mais le calendrier est très
serré : moins de quinze jours pour une présentation prévue en Conseil
des ministres fin mars. Une mascarade, dénoncent les syndicats, qui se
retrouveront tous le 19 février pour passer à l’action.
Kareen Janselme
Onze mesures par ordonnance
Place de la négociation dans la fonction publique,
participation des employeurs à la protection sociale complémentaire des
agents publics, réforme de l’organisation des instances médicales,
rapprochement des établissements publics et des services de formation
des fonctionnaires... par trois articles de son avant-projet de loi, le
gouvernement a déjà prévu de faire passer onze mesures par ordonnance.
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