jeudi 14 février 2019

Quand les « gilets jaunes » font tomber les masques


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Un retour au réel. Voilà ce que les « gilets jaunes » sont depuis trois mois : un retour des classes populaires dans le débat public, dont elles avaient été consciencieusement chassées. Cette exclusion des classes populaires du champ politique, les tenants de l’ordre néolibéral l’ont pensée, théorisée. L’ancien ministre socialiste Dominique Strauss-Kahn l’écrivait noir sur blanc dans son livre La Flamme et la Cendre (Grasset, 2002 ) : « les couches sociales regroupées dans le terme générique d’“exclus” ne votent pas pour (la gauche), pour cette raison simple que, le plus souvent, elles ne votent pas du tout. Au risque de l’impuissance, (la gauche) se voit dans l’obligation de trouver à l’intérieur d’autres catégories sociales le soutien suffisant à sa politique. »
Dix-sept ans plus tard, cette résurgence des classes populaires fait peur, elle fait peur aux élites, sous les fenêtres desquelles les « gilets jaunes » manifestent, comme le montre la carte publiée par Le Monde diplomatique. Une carte des « lieux de pouvoir à Paris » qui a suscité des cris d’orfraie de ceux qui s’offusquent que des informations pourtant publiques soient ainsi rassemblées et données à voir à tous.
Cette trouille, Irène Inchauspé, la journaliste bien informée de L’Opinion, le quotidien dirigé par Nicolas Beytout, en a témoigné sur le plateau de Canal+ : « ils vont distribuer des primes, tous les grands groupes, parce que d’abord, ils ont vraiment eu peur, à un moment, d’avoir leurs têtes sur des piques. Ils avaient… Ils ont passé… Ah oui ! Les grandes entreprises, vous savez, quand il y a eu le samedi terrible, là, avec toutes les dégradations, ils avaient appelé le patron du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, en lui disant : “Tu lâches tout ! Tu lâches tout, parce que sinon…” Ils se sentaient… ils se sentaient menacés physiquement, les grands patrons [1] ! »
Une grande frousse qui entraîne depuis trois mois une violente réaction de certains intellectuels, journalistes et politiques à longueur de plateaux télé et radio. Des propos qui rappellent ceux suscités par les journées de juin 1848 ou par la Commune de Paris. La peur du peuple avait alors fait tomber les masques des Luc Ferry de l’époque, et dévoiler la vraie violence, la violence de la bourgeoisie en lutte contre les aspirations finalement simples des classes populaires : pouvoir vivre [2].
Un entretien de Jonathan Duong avec Serge Halimi et Pierre Rimbert, auteurs de l’article « Lutte de classes en France » dans Le Monde diplomatique de février.



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Programmation musicale :
- Julos Beaucarne : Les Bourgeois
- Coluche : Misère
journaliste : Jonathan Duong
réalisation : Julien Ar Coz et Sylvain Richard
L'équipe de Là-bas attend vos messages sur le répondeur au 01 85 08 37 37 !


Notes

[1« L’info du vrai », Canal+, 13 décembre 2018.
[2Le 7 janvier 2019, l’ancien ministre Luc Ferry trouvait sur l’antenne de Radio Classique que le maintien de l’ordre en France était encore trop timoré : « quand on voit des types qui tabassent à coups de pied un malheureux policier qui est par terre, mais enfin, voilà : qu’ils se servent de leurs armes une bonne fois ! Écoutez ça suffit, voilà… Il y a un moment où ces espèces de nervis, ces espèces de salopards d’extrême droite, ou d’extrême gauche, ou des quartiers, qui viennent taper du policier, ça suffit ! »

Dossier : Là-bas si j’y suis et les Gilets jaunes

 
Voir le dossier 

Voir aussi

-  Le Monde diplomatique du mois de février, en kiosques et en ligne sur www.monde-diplomatique.fr
- Serge Halimi et Pierre Rimbert, « Lutte de classes en France », Le Monde diplomatique n°779, février 2019

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