jeudi 28 février 2019

La capture de l'UE par les banques





L'Espagnol José Manuel Campa, éminent lobbyiste bancaire, vient d'être nommé président de l'autorité de régulation bancaire européenne. Une illustration supplémentaire de l'endogamie et du mélange des genres qui existe au sein de l'Union européenne, avec les représentants du monde bancaire.

L'agence bancaire européenne, sise actuellement à Londres
L'agence bancaire européenne, sise actuellement à Londres Crédits : Getty

Sonnez tambours et trompettes, la place est prise, l’autorité européenne a un nouveau dirigeant. Et pas n'importe lequel ! C’est l’Espagnol José Manuel Campa qui s’est vu offrir la présidence de l’organisme en charge de la régulation bancaire en Europe.
Une nomination qui n’a pourtant pas beaucoup fait parler d’elle. Tout au plus quelques ONG telles que Finance Watch, spécialisée dans la régulation du secteur financier, se sont étonnées d’une telle décision. Il faut dire que l’impétrant au poste de grand régulateur des banques européennes est lui-même l’éminent représentant d’une banque européenne.
José Manuel Campa n’est autre que le responsable mondial des affaires réglementaire du groupe bancaire espagnol Santander. Derrière cette appellation barbare pour le moins obscure, il faut entendre en réalité lobbyiste en chef de la banque ibérique auprès d’organismes... tels que l’autorité bancaire européenne justement.
Comme l’explique Finance Watch, « il est donc payé pour changer les règles afin de favoriser les grandes banques comme Santander ou au moins vérifier que ces règles ne les gênent pas trop. Et d’ici peu, il va être en charge de superviser ces mêmes règles ». Une position pour le moins problématique donc.
D’autant que l’autorité bancaire européenne a acquis un rôle particulièrement important depuis la crise de 2008. Comme l’explique Martine Orange dans Médiapart, l’institution est chargée de contrôler et réguler le système bancaire européen. Elle mène par exemple les tests de résistance, les fameux stress test, sur l’ensemble des banques de la zone.
Elle est également en charge d’élaborer, avec la BCE et le Comité de Bâle, les règles encadrant l’activité des banques : obligation de détenir une certaine quantité de fonds propres et autres gardes fous -aussi maigres soient-ils- censés protéger la stabilité du système financier.
Autant de règles que les banques se sont échinées à combattre et à détricoter à l’aide d’un inlassable lobbying auprès des institutions européennes. La logique est toujours la même : ces règles de bonne gestion brideraient leur capacité développement et de croissance.
Une pression qui s’est encore accentuée avec l’arrivée au pouvoir  de Donald Trump, car le président américain s’est donné pour mission de détruire, méthodiquement, de son côté de l’Atlantique, toutes les régulations mises en place au lendemain de la crise financière de 2008. Les banques européennes se sont donc insurgées devant cet avantage déloyal, réclamant d’obtenir le même traitement en matière de régulation ou plutôt de dérégulation.
Elles ont donc redoublé leur travail d’influence et de pression sur les institutions européennes. Le cas de la banque centrale européenne est particulièrement marquant à cet égard : pour éclairer ses décisions, l’institution de Francfort a choisi d’inviter un certain nombre de représentants dits « de la société civile » à ses réunions.
En réalité, de société civile il n’est point question.  Sur les 517 membres siégeant dans les différents comités de la banque, 508 sont issus du secteur financier privé. Sept autres représentent des grands groupes tels que Total ou Siemens. Les deux derniers postes ayant échus à des associations de consommateurs…
La prise de l’autorité bancaire européenne par José Manuel Campa, n’est donc qu’une manifestation supplémentaire de la capture des organismes de régulation par les intérêts financiers.
Une pratique d’aller-retour entre les institutions européennes qui n’est pourtant pas nouvelle. C’est même devenu le sport favori des hauts responsables européens :  on se rappelle de l’ancien président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, parti à la fin de son mandat vendre ses services à la très puissante banque d’affaire Goldman Sachs. Goldman Sachs où travaillait également Mario Draghi avant de prendre, lui-même, la tête de la Banque Centrale européenne.
Un rapport de l’ONG Transparency International nous apprend ainsi que plus de 50 % des anciens commissaires européens sont devenus lobbyistes. Un mélange des genres qui explique largement la défiance et le soupçon que nourrissent aujourd’hui les citoyens à l’encontre d’institutions dont ils ne sont plus vraiment certains qu’elles recherchent l’intérêt commun.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire