Source : Blog Mediapart
- 30 janv. 2019
- Par YVES FAUCOUP
- Blog : Social en question
Des familles à Toulouse, au bord des berges de la
Garonne ou sur l'île du Ramier, dorment dehors la nuit, parfois par
moins 5 degrés. Des associations se battent pour obtenir des autorités
publiques qu'elles prennent des décisions d'urgence afin de les mettre à
l'abri. Une solution très provisoire, avec tentes de la Protection
Civile, a été recalée par la bureaucratie ministérielle.
![Campement en bord de Garonne [Photos Thomas Couderette] Campement en bord de Garonne [Photos Thomas Couderette]](https://static.mediapart.fr/etmagine/default/files/2019/01/29/montage.jpg?width=2890&height=1043&width_format=pixel&height_format=pixel)
Début février, une association gestionnaire, spécialisée déjà dans l'hébergement d'urgence, devrait être désignée pour une installation dans les lieux prévue dans un mois et demi environ. Auparavant, l'aménagement interne du bâtiment aura été réalisé par l'Agence Intercalaire (1) pour permettre l'installation des familles dans des conditions correctes. Il ne s'agirait que d'une occupation temporaire, jusqu'au début de juillet, bien que des négociations sont en cours pour obtenir une prolongation au-delà.
![Tentes militaires pouvant héberger des sans-abri [immoz.info] Tentes militaires pouvant héberger des sans-abri [immoz.info]](https://static.mediapart.fr/etmagine/default/files/2019/01/29/tentes-militaires-immoz-info-2.jpg?width=351&height=263&width_format=pixel&height_format=pixel)
![Photo extraite du film d'Olivier Cousin "Un toit sur la tête" [© Narratio films] Photo extraite du film d'Olivier Cousin "Un toit sur la tête" [© Narratio films]](https://static.mediapart.fr/etmagine/default/files/2019/01/30/en-route-narratio-films.jpg?width=960&height=540&width_format=pixel&height_format=pixel)
Anne-Claire Hochedel, pour la FAS, reproche à l'État de ne pas avoir de réflexion globale et de ne pas anticiper. Tout est toujours dans l'urgence. Ce bâtiment que propose la Préfecture (et c'est très bien) aurait pu être aménagé plus tôt, et il ne serait pas nécessaire, là, en plein hiver de chercher une solution d'urgence en attendant qu'il soit prêt à accueillir des familles et des personnes isolées actuellement à la rue dans des conditions inadmissibles. Par ailleurs, le pouvoir central réduit les crédits destinés aux CHRS (centre d'hébergement et de réinsertion sociale). Si certains élus de la Ville sont mobilisables et si l'État finit par bouger un peu, par contre le Conseil Départemental est le grand absent quand il s'agit de trouver des solutions, excepté ses interventions liées aux mineurs et aux familles dans le cadre de l'Aide sociale à l'enfance. 1500 personnes sont actuellement hébergées dans des hôtels, dispositif à saturation au point que 30 familles qui devraient être hébergées ne peuvent l'être faute de places disponibles. Par ailleurs, l'accompagnement social est nettement insuffisant, alors qu'il est indispensable pour aider ces personnes à trouver des solutions hors hôtel.
Non-assistance à personnes en danger
![Campement actuel à Toulouse, en bord de Garonne [Photo Thomas Couderette] Campement actuel à Toulouse, en bord de Garonne [Photo Thomas Couderette]](https://static.mediapart.fr/etmagine/default/files/2019/01/29/img-6560.jpg?width=1331&height=998&width_format=pixel&height_format=pixel)
Autres solutions
![Action du collectif Immobilier Sans Frontières devant Toulouse-Métropole, à Toulouse, le 25 janvier [Photo YF] Action du collectif Immobilier Sans Frontières devant Toulouse-Métropole, à Toulouse, le 25 janvier [Photo YF]](https://static.mediapart.fr/etmagine/default/files/2019/01/29/img-2214.jpg?width=2662&height=1996&width_format=pixel&height_format=pixel)
![Thomas Couderette, du CEDIS, prenant la parole lors de l'action devant Toulouse-Métropole le 25 janvier [Photo YF] Thomas Couderette, du CEDIS, prenant la parole lors de l'action devant Toulouse-Métropole le 25 janvier [Photo YF]](https://static.mediapart.fr/etmagine/default/files/2019/01/29/img-2220.jpg?width=2016&height=1512&width_format=pixel&height_format=pixel)
![Un militant du DAL, le 25 janvier [Ph. YF] Un militant du DAL, le 25 janvier [Ph. YF]](https://static.mediapart.fr/etmagine/default/files/2019/01/29/img-2232-1.jpg?width=998&height=1331&width_format=pixel&height_format=pixel)
Il en est de même sur tout le territoire français, il importe que s'impliquent fortement toutes les entités mobilisables : les collectivités, telles que communautés de communes, communautés d'agglomérations, mais aussi tout simplement communes, ainsi que les propriétaires publics de bâtiments, tels qu'entreprises et hôpitaux publics, et bailleurs sociaux. L'État devrait mettre le paquet pour que cela soit réalisé, ne serait-ce que parce qu’une personne à la rue, à terme, coûte deux fois plus cher que si elle était hébergée. Mais il semble parfois jouer la montre, gagner du temps, prenant des risques énormes, car si un enfant ou un adulte venait à mourir en essayant de dormir par moins 5 degré, il est bien possible que la responsabilité des pouvoirs publics serait recherchée. Et les valeurs de la République ne consistent pas à éviter que des êtres humains meurent mais à faire en sorte, tout simplement, qu'ils puissent vivre dans la dignité.
![Campement des Arènes, sur un parking, à Besançon, démantelé depuis par la Préfecture du Doubs en octobre 2018 [Photo YF] Campement des Arènes, sur un parking, à Besançon, démantelé depuis par la Préfecture du Doubs en octobre 2018 [Photo YF]](https://static.mediapart.fr/etmagine/default/files/2019/01/29/img-7383.jpg?width=2662&height=1996&width_format=pixel&height_format=pixel)
(1) L'Agence Intercalaire a été créée spécialement pour accompagner les propriétaires, dans ce genre de situation d'"occupation temporaire des bâtiments et des espaces inhabités". Son ambition est de "redynamiser la ville, servir la création et le développement d'activités entrepreneuriales, associatives et culturelles en permettant à des porteurs de projet d'accéder à des locaux à coûts réduits". On comprendra mieux les beaux objectifs de ce regroupement d'architectes, d'urbanistes, de travailleurs sociaux et de militants divers quand on saura que l'agence est portée par l'association Mutualisation pour l'Innovation Sociale et la Solidarité (MI2S) dont le président n'est autre que Thomas Couderette, l'animateur principal du CEDIS.
(2) Dont Médecins du Monde, Secours Catholique, Croix-Rouge, Groupe Amitié Fraternité (GAF), fondé il y a une trentaine d'années par des SDF, Cité la Madeleine (Association des Cités du Secours Catholique), Emmaüs, Entraide Portestante, La Roulotte Solidaire, Pas Sans Toit 31, Petits Frères des Pauvres, Société SaintVincent : https://www.collectif-toulouse.org/
(3) A noter qu'en ce début de XXIème siècle, en France, des femmes enceintes dorment à la rue, accouchent et, l'été, sont renvoyées chez elles, c'est-à-dire sous tente, avec des nouveaux-nés, dans des conditions de risque extrême. L'hiver, les hôpitaux les gardent tout de même un peu plus longtemps, en sachant qu'elles et leur bébé dormiraient dans le froid. Tout récemment, il a fallu que des travailleurs sociaux se battent pour obtenir qu'une femme reste un peu plus à la Maternité après son accouchement afin qu'elle ne se retrouve pas dans une petite tente sordide avec son bébé en bord de Garonne. Vingt femmes isolées, victimes de violence ou risquant de l'être (étant à la rue) sollicitent en vain le 115, qui ne peut rien leur proposer.
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Extrait de l'Appel intitulé Stop au gâchis humain !, publié le 8 janvier dans Libération et le 29 janvier sur son blog de Mediapart par Roland Gori, psychanalyste, auteur de La Fabrique des imposteurs (2013) :
"La fraternité est la seule valeur à même de « réconcilier ces sœurs ennemies que sont la liberté et l’égalité » (Bergson). La Démocratie a pour exigence première le « prendre soin », le prendre soin de soi et de l’Autre sans lequel il n’y a pas de vie qui mérite d’être vécue. C’est pour cela que nous ne devons plus laisser à la rue ces enfants, ces femmes, ces hommes, ces familles que notre République a les moyens de prendre en charge, et dont le coût sera moins prohibitif que les opulences financières, les obésités luxueuses que le laisser-faire politique du néolibéralisme a permis. A moins que le spectacle de cette misère ne soit partie prenante des méthodes d’intimidation sociale que le politique pratique depuis quarante ans. Le pays a les moyens de prendre soin de la vulnérabilité de ses citoyens."
Pour rédiger cet article :
J'ai rencontré et contacté plusieurs acteurs de diverses associations, dont Thomas Couderette (CEDIS), Geneviève Genève (CIAT) et Anne-Claire Hochedel (FAS), ainsi que des travailleurs sociaux et des occupants de squats.
![Photo extraite du film d'Olivier Cousin "Un toit sur la tête" [© Narratio films] Photo extraite du film d'Olivier Cousin "Un toit sur la tête" [© Narratio films]](https://static.mediapart.fr/etmagine/default/files/2019/01/29/un-matelas-pour-un-toit-narratio-films.jpg?width=883&height=590&width_format=pixel&height_format=pixel)
. Un toit sur la tête, 27 novembre 2015.
. Hébergement d'urgence et solutions pérennes, 20 novembre 2017.
Sur le site le24heures.fr :
. "Le Plan Grand Froid n'est pas à la hauteur", par Camille Obry, le 7 janvier. Interview de Thomas Couderette.
Communiqué de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) du 29 janvier sur le Grand froid et la situation critique des personnes et familles sans-abri, listant les situations les plus préoccupantes, à Paris, dans la Seine-Saint-Denis, à Toulouse, à Lyon, à Lille, à Nantes. Le communiqué évoque, entre autres, "l'épuisement des travailleurs sociaux".
Billet n° 445
Contact : yves.faucoup.mediapart@sfr.fr
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Tweeter : @YvesFaucoup
[Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Voir présentation dans le billet n°100. L’ensemble des billets est consultable en cliquant sur le nom du blog, en titre ou ici : Social en question. Par ailleurs, les 200 premiers articles sont recensés, avec sommaires, dans le billet n°200. Le billet n°300 explique l'esprit qui anime la tenue de ce blog, les commentaires qu'il suscite et les règles que je me suis fixées. Enfin, le billet n°400, correspondant aux 10 ans de Mediapart et de mon abonnement, fait le point sur ma démarche d'écriture, en tant que chroniqueur social indépendant, c'est-à-dire en me fondant sur une expérience, des connaissances et en prenant position.]
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