vendredi 8 avril 2016

Rejoindre les Nuits Debout pour explorer directement ce qui nous fait tenir ensemble

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et DESCENDEZ DANS LA RUE !

Nous nous sommes retrouvés sur une place des Nuits Debout. Nous avons parlé des raisons pour lesquelles nous étions là. Nous avons voulu partager quelques unes de ces raisons et lancer un appel à nous rejoindre pour tous ceux qui y seraient sensibles. Si vous vous reconnaissez dans cet appel, signez, partagez et venez nombreux.
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Ce n’est pas un mouvement, c’est un espace. Une place, littéralement, c’est-à-dire à la fois un interstice urbain, sans immeubles ni automobiles, et un vide, une disponibilité, où de l’irréalisé peut venir. Ce vide, nous n’avons pas eu à le faire autour de nous. Nous vivons tous dedans depuis longtemps. C’est le vide de légitimité dans lequel se prennent quasiment toutes les décisions collectives aujourd’hui.
Vide du pouvoir politique, bien sûr, dont la parole sonne aussi creux qu’un vieil arbre mort depuis longtemps, mais qui, avec Hollande et Valls en France, a atteint une perfection d’inanité presque sans exemple.
Vide du pouvoir économique aussi, depuis qu’en 2008 a éclaté au grand jour la ravageuse inefficacité des marchés, plongeant des continents entiers dans la misère et le chaos au profit d’une minorité de quelques milliers de méga-exploiteurs.
Vide du pouvoir géopolitique et militaire, dès lors que la puissance américaine et ses affidés européens se sont assis sur le principe d’une légalité internationale qu’ils avaient pourtant fait miroiter à la chute du Mur de Berlin, confirmant depuis, en Irak et ailleurs, qu’il n’y aurait qu’une loi qui vaille dans leur monde brutalisé : la loi du plus armé.
Vide du pouvoir médiatique, que gère pour l’essentiel une classe aux ordres et précarisée, déprimée par des formats imposés, l’empire de la publicité et le contrôle de propriétaires qui ne sont jamais que les grands capitalistes du moment.
Vide du pouvoir intellectuel aussi, représenté par une pléiade minuscule constituée essentiellement d’hommes blancs et vieux, toujours les mêmes, qui tournent en rond, de plateaux de télévision en colonnes de journaux, pour donner à leurs peurs et leurs haines la forme d’« opinions ».
En fait, c’est toute notre civilisation, la civilisation industrielle, qui a perdu sa légitimité et tourne désormais sur elle-même dans un vide angoissant. La vaine promesse d’un progrès continu pour tous est venue buter sur l’annonce du réchauffement climatique, entre autres noms de la crise écologique globale. On nous promettait l’émancipation des hommes, mais on avait oublié un détail : elle se déployait sur une planète, la Terre, il n’y en avait qu’une, et il en aurait fallu plusieurs pour généraliser le mode de vie industriel à tous les humains. On sait qu’on ne peut continuer comme cela, mais on ne sait pas comment s’arrêter. Ils ont raison celles et ceux qui disent qu’il est devenu plus facile d’envisager la fin du monde que la fin du capitalisme.
Le roi est nu, comme dans la fable. De nos yeux hallucinés, nous avons vu nos dirigeants trahir d’un air bonhomme et souriant tous leurs mandats, nos banquiers ruiner les peuples avec des gestes élégants puis les piller au nom de l’intérêt général, nos militaires exporter la guerre avec des airs de vertu au nom de la paix, nos experts stipendiés accuser leurs pairs de mensonge s’ils parlaient de réchauffement climatique ou de dangers industriels, nos intellectuels reconstruire le discours raciste au nom du débat.
Il nous fallait une place, juste une place, une aire pour nous rassembler afin de reconstruire, en pensée et en action, ce qui nous fait aller ensemble. Il a suffi de le décider pour que d’un coup, le soir du 31 mars, tout devienne possible. C’était d’ici, de ces dalles humides et froides, que nous recommencerons à agir ensemble.
Nous repartons de rien : un simple quadrilatère ouvert entre des immeubles. Et de là nous verrons si quelque chose comme une capacité d’action collective peut être reconstruite.
Nous ne manifesterons jamais aussi bien l’inanité de ceux qui prétendent prendre des décisions à notre place qu’en construisant un collectif alternatif et parallèle. Un seul et même processus destituant et constituant – voilà l’enjeu des Nuits Debout.
N’importe qui peut y venir. Pas de mandat, pas de titre, pas de diplôme : la place est un espace générique où peut s’exercer l’égale capacité de tous. Chacun, au gré de ses disponibilités, de son désir, peut s’y arrêter, participer à tel ou tel segment du processus collectif, partir, revenir. La place est un espace d’initiative. Pas de programme, pas de structure : tout se décide sur la place, les structures naissent progressivement, comme de fines cristallisations à la surface d’une eau agitée. Pas de centre, mais un milieu – autant signe de convergence de nos lignes diverses qu’environnement concret où nous éprouvons ce qu’on peut ensemble.
Il faut venir pour sentir ce que peut enfin retrouvée l’immédiateté du politique. Il faut venir pour voir ces « assemblées générales » constituées d’une foule assise qui ne cesse de s’étendre à mesure que la nuit s’avance, chaque bord extérieur du cercle formé de gens debout qui s’assoient à leur tour, l’horizon, littéralement, se dégageant. Il faut venir pour voir ces actions se décider et se mettre en œuvre d’un coup, en plein milieu de l’assemblée, comme si la place était un étrange corps dont se détachaient de temps à autres des organes actifs. Que quelqu’un prenne la parole pour signaler une expulsion en cours et voici que 50 personnes se lèvent pour aller porter secours. Que des réfugiés prennent le micro pour signaler certaines difficultés et 10 ou 80 personnes se mettent à l’écart pour résoudre une partie du problème. Qu’on signale des lycéens en garde à vue et 100 personnes se lèvent pour aller manifester devant le commissariat où ils sont retenus. D’autres décident, en ateliers, de poser les bases de ce que pourrait être un nouveau texte constituant, ils se retrouveront demain. Ceux qui partent s’en vont sous les applaudissements de ceux qui restent, qui décideront peut-être de partir à leur tour quelques instants plus tard. Aucun problème : il restera toujours assez de monde sur la place car nous sommes plus vastes qu’elle. Peut-être, bientôt, il faudra qu’elle migre sur une autre, comme les essaims d’abeilles qui se divisent.
Nous ne savons pas où cela va, mais nous savons que cela est nouveau et intense, nous savons que c’est la première fois depuis longtemps que le vide où nous vivons est enfin exposé par un processus actif et résolu de création collective. Tous les jours, on nous chasse. Les flics dispersent les derniers groupes au petit matin, les pelleteuses détruisent le peu de choses dures qui avaient été construites, les camions de nettoyage effacent nos traces. Nous ne nous battons pas. Nous partons. Mais tous les jours, nous revenons. Avec nos bâches, avec nos tentes, avec nos palettes, avec nos bouts de cartons, avec nos segments de textes toujours plus longs, avec notre expérience, avec nos progrès. Jour après jour, malgré la pluie, malgré les harcèlements de la police, malgré l’incrédulité, quelque chose se construit. Ceux qui nous ont interdit de laisser nos tentes sur les places n’ont pas compris que nous les laisserons dans leur esprit et dans ceux de leurs enfants. Nous reviendrons toujours.
Nous invitons à nous rejoindre toutes celles et tous ceux qui pensent qu’il y a lieu de refonder ensemble, par la parole et par l’action, ce qui nous fait tenir ensemble.

Pétition lancée par un collectif de participants aux Nuits Debout

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