Le Club de Mediapart
Au moment où le mouvement #NuitDebout qui se rassemble quotidiennement sur la place de la République à Paris pour parler politique, sans leader, sans représentant, sans élu, à ce même instant où de nombreuses villes de France voient se répliquer cette agora chaque soir, l'émission "On n'est pas couchés" de France 2 invite la militante ex-socialiste Caroline De Haas (présentée comme une des leaders du mouvement anti-loi travail) pour qu'elle vienne réaffirmer que changer la vie des gens, c'est "prendre le pouvoir, à la présidence de la République, au gouvernement, à l'Assemblée".
Deux visions violemment opposées de la politique sont là représentées. D'une part, celle de la démocratie au sens historique du terme. Le politologue québécois Francis Dupuis-Déri a montré dans une somme sur le mot "démocratie", de quelle manière cette idée avait traversé les siècles pour s'arrêter définitivement avec la révolution française durant laquelle le terme "démocrate" était considéré comme une insulte. Quelques années après 1789, le mot prend un nouveau sens. Il n'est plus défini par le pouvoir du peuple à se gouverner lui-même mais par la possibilité pour le peuple de choisir ceux qui auront autorité sur lui. Une sorte de despotisme éclairé en CDD.
Le mouvement "#NuitDebout" représente une expression de ce que
Dupuis-Déri appelle l'agora-philie politique. Une expression du peuple,
autogérée, libre, sans intermédiaire, sans pouvoir ni autorité. Ce que
l'on appelait jusqu'en 1789 la "démocratie" sans besoin d'adjectif.
En face, une classe politique s'est constituée pour occuper le pouvoir. Un marketing politique organise une non-pensée qui laisse croire à l'électeur-trice que son quotidien sera amélioré sans jamais changer les structures sociales où la finance a pris une place prépondérante. Cette idée de la politique, gestionnaire, propose d'écarter le peuple des décisions en vertu de son incompétence, de son irrationalité et de son penchant à défendre des intérêts particuliers. Cette même pensée a percolé dans le système de production où "autogestion" est devenu un terme repoussoir (au moins autant que "féminisme"). Cette agora-phobie politique réduit la diversité des opinions à une opposition spectacle droite gauche où l'électeur, ne voyant plus qu'une copie de l'une sur l'autre, finit par jeter l'éponge et refuse de voter. Ou vote à l'extrême droite.
Aujourd'hui, le véritable débat est moins sur le fond des questions telles qu'elles nous sont présentées, même si elles ont leur intérêt (pour ou contre la loi travail) que sur la forme que prend et surtout prendra l'organisation générale de la politique. Le système actuellement en place est structuré autour d'une classe d'élu-e-s, de militants partisans qui souvent espèrent le devenir à leur tour, d'un système médiatique qui accepte tout débat sauf celui de la structure du pouvoir, et d'une majorité de citoyen-ne-s qui ne vivent pas si mal et préfèrent, dans une paresse entretenue, se réduire à être des consommateurs de politique, comme du reste.
#NuitDebout, après avoir été traité avec dédain, commence à intéresser les médias qui ne savent par quel bout prendre ce phénomène. Car le mouvement agit à rebours de toutes les habitudes: il ne cherche pas la médiatisation, n'a aucun représentant BFMifiable, et il ne s'intéresse même pas à ce que la classe politique qu'il exècre pense de lui. Des stars de la politique vont y jeter un œil, en marge, se font prendre en photo (ou font savoir qu'ils sont passés sans se faire voir) puis repartent avec le sentiment que leur temps sera bientôt passé.
Il est donc totalement prévisible qu'au moment où une partie de corps social comprend qu'il faut quitter la partie et inventer de nouvelles règles, le système en place se défende, d'une part en insistant lourdement sur la violence des contestataires (la plupart des journaux titrant sur les casseurs où l'on sait que la police s'infiltre pour provoquer les images choc) et d'autre part en valorisant celles et ceux qui, comme Caroline De Haas, contestent la politique qui est menée mais en défendant la partie d'échecs en cours du système politique en place.
On peut d'ailleurs partager beaucoup d'idées de ces élu-e-s en herbe (l'opposition à la loi travail, les droits des femmes...) et s'opposer sur l'essentiel : le renversement pacifique d'un système économique, culturel et politique non réformable et qui nous mène à la catastrophe.
La non violence de #NuitDebout et son indifférence aux commentaires des professionnels de la politique représentent le plus grand danger pour la "démocratie représentative", ce système qui a usurpé son nom. Si le mouvement ne se range pas aux côtés d'un parti ou des syndicats, il y a fort à penser que l'appareil d'état va y trouver remède.
Au moment où le mouvement #NuitDebout qui se rassemble quotidiennement sur la place de la République à Paris pour parler politique, sans leader, sans représentant, sans élu, à ce même instant où de nombreuses villes de France voient se répliquer cette agora chaque soir, l'émission "On n'est pas couchés" de France 2 invite la militante ex-socialiste Caroline De Haas (présentée comme une des leaders du mouvement anti-loi travail) pour qu'elle vienne réaffirmer que changer la vie des gens, c'est "prendre le pouvoir, à la présidence de la République, au gouvernement, à l'Assemblée".
Deux visions violemment opposées de la politique sont là représentées. D'une part, celle de la démocratie au sens historique du terme. Le politologue québécois Francis Dupuis-Déri a montré dans une somme sur le mot "démocratie", de quelle manière cette idée avait traversé les siècles pour s'arrêter définitivement avec la révolution française durant laquelle le terme "démocrate" était considéré comme une insulte. Quelques années après 1789, le mot prend un nouveau sens. Il n'est plus défini par le pouvoir du peuple à se gouverner lui-même mais par la possibilité pour le peuple de choisir ceux qui auront autorité sur lui. Une sorte de despotisme éclairé en CDD.
En face, une classe politique s'est constituée pour occuper le pouvoir. Un marketing politique organise une non-pensée qui laisse croire à l'électeur-trice que son quotidien sera amélioré sans jamais changer les structures sociales où la finance a pris une place prépondérante. Cette idée de la politique, gestionnaire, propose d'écarter le peuple des décisions en vertu de son incompétence, de son irrationalité et de son penchant à défendre des intérêts particuliers. Cette même pensée a percolé dans le système de production où "autogestion" est devenu un terme repoussoir (au moins autant que "féminisme"). Cette agora-phobie politique réduit la diversité des opinions à une opposition spectacle droite gauche où l'électeur, ne voyant plus qu'une copie de l'une sur l'autre, finit par jeter l'éponge et refuse de voter. Ou vote à l'extrême droite.
Aujourd'hui, le véritable débat est moins sur le fond des questions telles qu'elles nous sont présentées, même si elles ont leur intérêt (pour ou contre la loi travail) que sur la forme que prend et surtout prendra l'organisation générale de la politique. Le système actuellement en place est structuré autour d'une classe d'élu-e-s, de militants partisans qui souvent espèrent le devenir à leur tour, d'un système médiatique qui accepte tout débat sauf celui de la structure du pouvoir, et d'une majorité de citoyen-ne-s qui ne vivent pas si mal et préfèrent, dans une paresse entretenue, se réduire à être des consommateurs de politique, comme du reste.
#NuitDebout, après avoir été traité avec dédain, commence à intéresser les médias qui ne savent par quel bout prendre ce phénomène. Car le mouvement agit à rebours de toutes les habitudes: il ne cherche pas la médiatisation, n'a aucun représentant BFMifiable, et il ne s'intéresse même pas à ce que la classe politique qu'il exècre pense de lui. Des stars de la politique vont y jeter un œil, en marge, se font prendre en photo (ou font savoir qu'ils sont passés sans se faire voir) puis repartent avec le sentiment que leur temps sera bientôt passé.
Présentation de NuitDebout au journal de France 2
Sans faire de politique fiction, on peut penser que le temps de la
démocratie au sens classique du terme n'est pas encore venu. Mais si
#NuitDebout demeure un mouvement marginal en nombre, il donne néanmoins
des perspectives à une pensée qui sera un jour nécessaire. Peut-être
demain, dans quelques mois ou quelques années. Car on voit bien que le
pouvoir politique représentatif est englué dans un système où la vie des
gens ne peut qu'empirer. Le scandale des Panama Papers montre à celles
et ceux qui ne l'avaient pas encore compris, à quel point le rapport des
forces est disproportionné sur l'échiquier actuel de la politique. Les
apparatchiks sincères rêvent encore à "renverser la table" mais en
restant sur le même plateau de jeu. Normal, ils-elles s'y voient
eux-mêmes en joueur-se de premier plan et nous proposent des primaires
"à gauche" ou "citoyennes" pour une élection présiendielle qui perd de
son sens.Il est donc totalement prévisible qu'au moment où une partie de corps social comprend qu'il faut quitter la partie et inventer de nouvelles règles, le système en place se défende, d'une part en insistant lourdement sur la violence des contestataires (la plupart des journaux titrant sur les casseurs où l'on sait que la police s'infiltre pour provoquer les images choc) et d'autre part en valorisant celles et ceux qui, comme Caroline De Haas, contestent la politique qui est menée mais en défendant la partie d'échecs en cours du système politique en place.
On peut d'ailleurs partager beaucoup d'idées de ces élu-e-s en herbe (l'opposition à la loi travail, les droits des femmes...) et s'opposer sur l'essentiel : le renversement pacifique d'un système économique, culturel et politique non réformable et qui nous mène à la catastrophe.
La non violence de #NuitDebout et son indifférence aux commentaires des professionnels de la politique représentent le plus grand danger pour la "démocratie représentative", ce système qui a usurpé son nom. Si le mouvement ne se range pas aux côtés d'un parti ou des syndicats, il y a fort à penser que l'appareil d'état va y trouver remède.
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