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Source : Nature et environnement
À l'attention : de Monsieur Stéphane Le Foll, Ministre de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt
Monsieur Le Foll,
J’ai envie de vous dire que l’heure est grave parce que notre agriculture se meurt mais je ne pense pas que vous m’ayez attendu pour dresser ce constat là, vous qui semblez avoir pris conscience de la nécessité d’avoir un sol vivant pour des êtres qui aspirent à le rester !
Je fais ici référence à votre volonté affichée de promouvoir les pratiques agro écologiques dans notre pays. Mais si je me permets de vous interpeller c’est que je veux parler ici du problème de la semence, soit la base de notre système alimentaire.
J’imagine que votre qualité d’être humain ne vous permet pas de connaître sur le bout des doigts tous les enjeux liés à notre alimentation, alors permettez-moi d’en faire une synthèse : En l’espace d’un siècle, nous avons perdu 75% de nos variétés potagères !
La France qui détenait l’un des plus riches patrimoines alimentaires au monde de par la pluralité de son climat, se retrouve désormais orpheline de son histoire, celle qui nous réunit autour d’une table !
Pour illustrer la situation, nous allons prendre l’exemple de la pomme : Jusqu’au XXème siècle, nous détenions plus de 1000 variétés de pommes cultivées dans notre pays mais aujourd’hui seules cinq sont commercialisées.
Il est évidemment aisé de penser que si de cette multitude, nous n’en avons retenu qu’une poignée, c’est parce que ces dernières seraient meilleures ou plus nourrissantes que leurs ancêtres. Mais là encore le constat est dramatique : une récente étude a montré que pour avoir l’apport nutritif d’une pomme cultivée il y a cinquante ans, il faudrait potentiellement en manger quarante aujourd’hui… Et des biologiques !
La raison à cela est simple : depuis un demi-siècle la loi interdit aux agriculteurs de produire leurs propres semences. À la place, on leur impose de cultiver des variétés brevetées (je vous passe le débat sur le brevetage du vivant) et/ou répondant à un cahier des charges (Normes DHS pour Distinction, Homogénéité et Stabilité) proprement « contre-nature ».
En ce sens, ne peuvent être cultivées et vendues uniquement des fruits et légumes aux critères de distinctions clairement définis, (comme des tomates rouges ou du mais jaune) alors que ces variétés étaient à l’origine infiniment plus variés en couleurs et en formes.
On impose à ces mêmes légumes d’être « homogène » c’est-à-dire pour parler plus vulgairement, qu’ils se ressemblent tous ! Cela afin d’en faciliter le transport et de proposer au consommateur un « produit » à la forme et au goût totalement standardisé.
Or je ne sais pas pour vous mais je n’ai jamais vu la nature produire des clones en série ! Pourtant c’est ce que l’on exige d’elle désormais, au nom de la rentabilité de l’hygiène industrielle et de la «sécurité alimentaire». Pour cela, on procède à une technique dite d’hybridation.
L’hybridation ne date certes pas d’hier me diriez-vous et vous auriez totalement raison, car depuis toujours les cultivateurs sélectionnent eux-mêmes les meilleures graines issues d’une partie de leurs récoltes et les associent en vue de créer de nouvelles variétés plus belles, plus nourrissantes et plus résistantes à leur environnement.
Sauf qu’actuellement, bien que l’on parle toujours d’hybridation, les graines produites sont stériles et ne peuvent être donc replanté d’une année sur l’autre. Et le BIO labellisé n’est pas épargné puisque 95% des variétés sont issues de ces hybrides F1.
Qu’est ce qu’un Hybride F1, pour cela prenons un exemple : Je suis un semencier industriel (actuellement ce sont les seuls à pouvoir produire les semences pour le commerce) et je vais chercher à breveter une variété de tomates qui soit rouge et ronde. Celle-ci devra bien sur répondre aux critères DHS précédemment évoqués. Pour cela, je vais sélectionner deux variétés de tomates existantes ayant chacune un attribut qui m’intéresse : l’une serait verte et ronde, l’autre serait rouge et longue. Ce que je vais faire, c’est que je vais croiser ces deux lignées pures afin de ne retrouver uniquement les attributs que je recherchais. J’aurai enfin pu créer ma tomate rouge et ronde à condition que celle-ci réponde également au dernier critère DHS, c’est-à-dire qu’elle soit stable. Ma tomate aura alors ce que l’on appelle une vigueur hybride lui permettant d’atteindre de gros rendements, dans des conditions industriels !
Mais ce processus aboutit à des conséquences environnementales et sociales néfastes. Sans évoquer l’érosion évidente de la biodiversité alimentaire, deux problèmes apparaîtront :
- Le premier c’est qu’en cherchant à tous prix à créer une tomate standard – c’est-à-dire semblable à toutes les autres de sa variété – je vais inlassablement réduire son patrimoine génétique et donc son apport nutritif ainsi que sa capacité d’adaptation à différents milieux écologiques.
- Le deuxième, qui est en fait un problème pour l’autonomie des maraîchers, c’est qu’en replantant les graines à partir de leurs récoltes issus de graines hybrides F1, les agriculteurs auront des légumes qui seront au mieux dégénérées, mais le plus probable reste qu’ils n’aient pas de légumes du tout…
Parce que les hybrides F1 sont conçus pour n’assurer un rendement que la première année. Cela amènera donc le maraîcher à racheter chaque année des graines aux semenciers industriels.
Mais rassurons-nous, il n’y a heureusement pas que les semenciers industriels qui ont le droit de faire vivre nos variétés potagères et si nous pouvons encore aujourd’hui espérer utiliser nos semences reproductibles dans le commerce, c’est grâce au travail effectué par les jardiniers amateurs.
Les jardiniers, au nombre de 13 Millions en France, sont les seuls à pouvoir semer et à échanger librement les variétés non-inscrites dans le « catalogue officiel ». Et c’est parce qu’ils ont largement compris les enjeux autour de nos graines qu’ils se fédèrent, échangent et militent en plantant des semences reproductibles pour préserver notre patrimoine alimentaire!
Alors oui, on peut et on doit espérer qu’il y ait toujours plus de gardiens pour cette biodiversité alimentaire et que ces jardiniers ne cessent de fleurir partout sur le territoire pour résister pacifiquement. Mais cela ne suffit pas, il faut également assurer notre sécurité alimentaire et pour cela deux solutions s’offrent à nous :
- Soit on laisse le fossé s’agrandir entre des citoyens éclairés et des institutions pernicieuses ce qui nous amènera à chercher une autonomie alimentaire par nous-mêmes et à désobéir.
- Soit on permet aux maraîchers de cultiver et de produire à partir de semences reproductibles, adaptées à leur environnement sans que celles-ci ne soient obligatoirement brevetées, et on assure un modèle durable pour notre société.
Il est dans notre intérêt à tous, que nos agriculteurs soient autonomes et je veux croire qu’il n’est pas trop tard pour que nous nous réconciliions.
Alors je m’adresse à vous Monsieur Le Foll et à tous ceux qui nous représentent pour que vous considériez ces revendications portées par des milliers, des millions de citoyens et que vous les portiez à l’Assemblée : que la semence soit libre, qu’elle soit reproductible et qu’elle soit accessible à tous !
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J’ai envie de vous dire que l’heure est grave parce que notre agriculture se meurt mais je ne pense pas que vous m’ayez attendu pour dresser ce constat là, vous qui semblez avoir pris conscience de la nécessité d’avoir un sol vivant pour des êtres qui aspirent à le rester !
Je fais ici référence à votre volonté affichée de promouvoir les pratiques agro écologiques dans notre pays. Mais si je me permets de vous interpeller c’est que je veux parler ici du problème de la semence, soit la base de notre système alimentaire.
J’imagine que votre qualité d’être humain ne vous permet pas de connaître sur le bout des doigts tous les enjeux liés à notre alimentation, alors permettez-moi d’en faire une synthèse : En l’espace d’un siècle, nous avons perdu 75% de nos variétés potagères !
La France qui détenait l’un des plus riches patrimoines alimentaires au monde de par la pluralité de son climat, se retrouve désormais orpheline de son histoire, celle qui nous réunit autour d’une table !
Pour illustrer la situation, nous allons prendre l’exemple de la pomme : Jusqu’au XXème siècle, nous détenions plus de 1000 variétés de pommes cultivées dans notre pays mais aujourd’hui seules cinq sont commercialisées.
Il est évidemment aisé de penser que si de cette multitude, nous n’en avons retenu qu’une poignée, c’est parce que ces dernières seraient meilleures ou plus nourrissantes que leurs ancêtres. Mais là encore le constat est dramatique : une récente étude a montré que pour avoir l’apport nutritif d’une pomme cultivée il y a cinquante ans, il faudrait potentiellement en manger quarante aujourd’hui… Et des biologiques !
La raison à cela est simple : depuis un demi-siècle la loi interdit aux agriculteurs de produire leurs propres semences. À la place, on leur impose de cultiver des variétés brevetées (je vous passe le débat sur le brevetage du vivant) et/ou répondant à un cahier des charges (Normes DHS pour Distinction, Homogénéité et Stabilité) proprement « contre-nature ».
En ce sens, ne peuvent être cultivées et vendues uniquement des fruits et légumes aux critères de distinctions clairement définis, (comme des tomates rouges ou du mais jaune) alors que ces variétés étaient à l’origine infiniment plus variés en couleurs et en formes.
On impose à ces mêmes légumes d’être « homogène » c’est-à-dire pour parler plus vulgairement, qu’ils se ressemblent tous ! Cela afin d’en faciliter le transport et de proposer au consommateur un « produit » à la forme et au goût totalement standardisé.
Or je ne sais pas pour vous mais je n’ai jamais vu la nature produire des clones en série ! Pourtant c’est ce que l’on exige d’elle désormais, au nom de la rentabilité de l’hygiène industrielle et de la «sécurité alimentaire». Pour cela, on procède à une technique dite d’hybridation.
L’hybridation ne date certes pas d’hier me diriez-vous et vous auriez totalement raison, car depuis toujours les cultivateurs sélectionnent eux-mêmes les meilleures graines issues d’une partie de leurs récoltes et les associent en vue de créer de nouvelles variétés plus belles, plus nourrissantes et plus résistantes à leur environnement.
Sauf qu’actuellement, bien que l’on parle toujours d’hybridation, les graines produites sont stériles et ne peuvent être donc replanté d’une année sur l’autre. Et le BIO labellisé n’est pas épargné puisque 95% des variétés sont issues de ces hybrides F1.
Qu’est ce qu’un Hybride F1, pour cela prenons un exemple : Je suis un semencier industriel (actuellement ce sont les seuls à pouvoir produire les semences pour le commerce) et je vais chercher à breveter une variété de tomates qui soit rouge et ronde. Celle-ci devra bien sur répondre aux critères DHS précédemment évoqués. Pour cela, je vais sélectionner deux variétés de tomates existantes ayant chacune un attribut qui m’intéresse : l’une serait verte et ronde, l’autre serait rouge et longue. Ce que je vais faire, c’est que je vais croiser ces deux lignées pures afin de ne retrouver uniquement les attributs que je recherchais. J’aurai enfin pu créer ma tomate rouge et ronde à condition que celle-ci réponde également au dernier critère DHS, c’est-à-dire qu’elle soit stable. Ma tomate aura alors ce que l’on appelle une vigueur hybride lui permettant d’atteindre de gros rendements, dans des conditions industriels !
Mais ce processus aboutit à des conséquences environnementales et sociales néfastes. Sans évoquer l’érosion évidente de la biodiversité alimentaire, deux problèmes apparaîtront :
- Le premier c’est qu’en cherchant à tous prix à créer une tomate standard – c’est-à-dire semblable à toutes les autres de sa variété – je vais inlassablement réduire son patrimoine génétique et donc son apport nutritif ainsi que sa capacité d’adaptation à différents milieux écologiques.
- Le deuxième, qui est en fait un problème pour l’autonomie des maraîchers, c’est qu’en replantant les graines à partir de leurs récoltes issus de graines hybrides F1, les agriculteurs auront des légumes qui seront au mieux dégénérées, mais le plus probable reste qu’ils n’aient pas de légumes du tout…
Parce que les hybrides F1 sont conçus pour n’assurer un rendement que la première année. Cela amènera donc le maraîcher à racheter chaque année des graines aux semenciers industriels.
Mais rassurons-nous, il n’y a heureusement pas que les semenciers industriels qui ont le droit de faire vivre nos variétés potagères et si nous pouvons encore aujourd’hui espérer utiliser nos semences reproductibles dans le commerce, c’est grâce au travail effectué par les jardiniers amateurs.
Les jardiniers, au nombre de 13 Millions en France, sont les seuls à pouvoir semer et à échanger librement les variétés non-inscrites dans le « catalogue officiel ». Et c’est parce qu’ils ont largement compris les enjeux autour de nos graines qu’ils se fédèrent, échangent et militent en plantant des semences reproductibles pour préserver notre patrimoine alimentaire!
Alors oui, on peut et on doit espérer qu’il y ait toujours plus de gardiens pour cette biodiversité alimentaire et que ces jardiniers ne cessent de fleurir partout sur le territoire pour résister pacifiquement. Mais cela ne suffit pas, il faut également assurer notre sécurité alimentaire et pour cela deux solutions s’offrent à nous :
- Soit on laisse le fossé s’agrandir entre des citoyens éclairés et des institutions pernicieuses ce qui nous amènera à chercher une autonomie alimentaire par nous-mêmes et à désobéir.
- Soit on permet aux maraîchers de cultiver et de produire à partir de semences reproductibles, adaptées à leur environnement sans que celles-ci ne soient obligatoirement brevetées, et on assure un modèle durable pour notre société.
Il est dans notre intérêt à tous, que nos agriculteurs soient autonomes et je veux croire qu’il n’est pas trop tard pour que nous nous réconciliions.
Alors je m’adresse à vous Monsieur Le Foll et à tous ceux qui nous représentent pour que vous considériez ces revendications portées par des milliers, des millions de citoyens et que vous les portiez à l’Assemblée : que la semence soit libre, qu’elle soit reproductible et qu’elle soit accessible à tous !
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