Source : Reporterre
Elle aurait pu rester une ferme bretonne comme les autres, et subir la crise, comme les autres. Pourtant, quand il a repris la ferme paternelle des Petits-Chapelais, Gilles Simonneaux s’est tourné vers le bio et s’est diversifié, quand ses voisins intensifiaient et se spécialisaient. Visite guidée avec un paysan qui a redonné du sens à son métier.
Elle aurait pu rester une ferme bretonne comme les autres, et subir la crise, comme les autres. Pourtant, quand il a repris la ferme paternelle des Petits-Chapelais, Gilles Simonneaux s’est tourné vers le bio et s’est diversifié, quand ses voisins intensifiaient et se spécialisaient. Visite guidée avec un paysan qui a redonné du sens à son métier.
- Chavagne (Ille-et-Vilaine), reportage
Une allée d’arbres fruitiers conduit le visiteur jusqu’à la cour bordée de bâtiments en vieille pierre. Les poules picorent le carré d’herbe voisin. Au premier coup d’œil, le décor de la ferme des Petits-Chapelais, à Chavagne, en Ille-et-Vilaine, a un air désuet, mais les tracteurs au fond de la cour remettent une touche de modernité.
Arrive, d’un pas décidé, Gilles Simonneaux, qui lâche un large sourire. Cet agriculteur breton n’a pas l’air en crise. Pourtant, quand il a repris la ferme familiale en 1998, c’était un élevage laitier comme les autres et même « plutôt important », précise-t-il. « On était cinq enfants, la ferme était viable, aucun de mes frères et sœurs ne revenait, j’étais le dernier, alors j’ai repris des études agricoles. » Il convertit l’exploitation en bio dès le début. « Il fallait que ça ait du sens, justifie-t-il. Mais au bout de quelques mois j’ai trouvé que c’était assez déprimant de travailler tout seul sur l’exploitation. Alors j’ai décidé de la diversifier. »
Désormais, d’un côté de la route s’étendent de vertes prairies et de l’autre, les champs de céréales où grimpent les liserons. Le fumier des vaches fertilise les terres, qui permettent de produire du blé, de l’épeautre, du seigle et du petit épeautre. L’agriculteur y expérimente notamment des variétés anciennes, issues de « semences paysannes », dont la propriété intellectuelle n’appartient pas à un industriel.
« Le blé sera récolté d’ici quelques jours, prévoie Olivier, responsable de la boulangerie. C’est à partir de là qu’on le prendra en charge. » Un petit moulin à meule de pierre permet de fabriquer la farine ensuite utilisée sur place.
« Un jour, Gilles m’a montré cette parcelle et m’a dit vas-y, fais ce que tu veux ! » se rappelle-t-elle. Elle a l’air un peu seule sur son grand terrain, mais elle corrige aussitôt. « Ici, je peux profiter du fumier des vaches pour fertiliser, on mutualise le matériel, on s’entraide, et je mets les pommes-de-terre en rotation avec les autres cultures, ce qui est un point très important en agriculture biologique », énumère-t-elle.
Au fond de son champ, on ne peut pas rater un immense toit sombre, recouvert de panneaux solaires : la ferme produit autant d’énergie électrique qu’elle en consomme avec ses tracteurs et ses machines. « Si on veut une exploitation résiliente, l’idéal est d’avoir une toute petit ferme qui consomme très peu d’énergie, explique Gilles un peu plus tard. Mais en produisant notre propre énergie, on teste la possibilité d’avoir une ferme plus grande, avec plus de machines, mais autonome grâce à l’énergie qu’elle produit. »
Mais, à force de diversité, le système n’est-il pas devenu trop complexe ? « C’est pour cela qu’il faut aussi que les ateliers fonctionnent de façon autonome », répond Gilles. Dans le collectif de la ferme, chacun est responsable se son activité. « On aimerait bien que le magasin devienne une entité juridique à part, gérée par les producteurs qui adhèrent », espère-t-il.
Idem pour le nouvel atelier de fabrication de produits laitiers. « On a construit un local aux normes que l’on met à disposition d’un jeune, détaille le paysan. Mais il se met à son compte et nous achètera du lait. Ça lui permet de se lancer, on est un peu une pépinière d’entreprises ! » Beurre, crème fraîche, yaourts et fromage frais devraient bientôt s’ajouter sur les rayons du magasin.
« Le but, c’est de proposer un système où les ateliers coopèrent les uns avec les autres, résume-t-il. On crée une boucle vertueuse, qui amène de la productivité et de l’emploi. Je ne veux pas passer pour un nostalgique, mais finalement on reproduit ce que faisaient nos grands-parents. Ils avaient une grande diversité sur une même exploitation et produisaient le plus de choses possibles avec le peu qu’ils avaient... »
Il raconte que, la veille, des politiques sont venus visiter sa ferme. Il espère les avoir un peu bousculés. « On leur montre que l’on a un système durable, respectueux de la nature et qui crée de l’emploi, se félicite-t-il. On est une expérience parmi d’autres, il y a plein de gens qui créent des expériences. On est des petites bulles dans l’océan et actuellement, on n’est pas tous en respiration, mais je pense que le jour où toutes ces expérimentations diverses vont se mettre à respirer ensemble, on aura de vraies propositions alternatives pour une société du futur. »
Une allée d’arbres fruitiers conduit le visiteur jusqu’à la cour bordée de bâtiments en vieille pierre. Les poules picorent le carré d’herbe voisin. Au premier coup d’œil, le décor de la ferme des Petits-Chapelais, à Chavagne, en Ille-et-Vilaine, a un air désuet, mais les tracteurs au fond de la cour remettent une touche de modernité.
Arrive, d’un pas décidé, Gilles Simonneaux, qui lâche un large sourire. Cet agriculteur breton n’a pas l’air en crise. Pourtant, quand il a repris la ferme familiale en 1998, c’était un élevage laitier comme les autres et même « plutôt important », précise-t-il. « On était cinq enfants, la ferme était viable, aucun de mes frères et sœurs ne revenait, j’étais le dernier, alors j’ai repris des études agricoles. » Il convertit l’exploitation en bio dès le début. « Il fallait que ça ait du sens, justifie-t-il. Mais au bout de quelques mois j’ai trouvé que c’était assez déprimant de travailler tout seul sur l’exploitation. Alors j’ai décidé de la diversifier. »
- Gilles Simonneaux.
Des prairies et des champs de blé
« Tout est parti de l’élevage laitier », poursuit-il. L’étable est vide, la ferme est calme, les vaches sont sorties. En face, sous la grange, le foin s’amoncelle en prévision de l’hiver. La production de la ferme suffit à nourrir les animaux, pas question d’importer. Le lait bio a un double avantage : il ne coûte pas cher à produire - les vaches se nourrissent sur les prairies, qui demandent peu d’entretien – et son prix se maintient, contrairement à celui du lait conventionnel. Le lait est vendu à une coopérative. Les revenus ainsi dégagés ont permis d’investir dans la diversification de la ferme.Désormais, d’un côté de la route s’étendent de vertes prairies et de l’autre, les champs de céréales où grimpent les liserons. Le fumier des vaches fertilise les terres, qui permettent de produire du blé, de l’épeautre, du seigle et du petit épeautre. L’agriculteur y expérimente notamment des variétés anciennes, issues de « semences paysannes », dont la propriété intellectuelle n’appartient pas à un industriel.
« Le blé sera récolté d’ici quelques jours, prévoie Olivier, responsable de la boulangerie. C’est à partir de là qu’on le prendra en charge. » Un petit moulin à meule de pierre permet de fabriquer la farine ensuite utilisée sur place.
- Mise au four des pâtons.
Autonomie énergétique
Autre activité qui profite de l’élevage : le maraîchage. Sylvie désherbe un rang de panais. Les fleurs des champs se mélangent aux rangées de jeunes pousses. « Ce n’est pas très bien organisé, s’excuse-t-elle, mais j’aime bien. » Elle livre ses paniers de légumes à une Amap de la périphérie de Rennes, et vend le reste de légumes au magasin de la ferme.« Un jour, Gilles m’a montré cette parcelle et m’a dit vas-y, fais ce que tu veux ! » se rappelle-t-elle. Elle a l’air un peu seule sur son grand terrain, mais elle corrige aussitôt. « Ici, je peux profiter du fumier des vaches pour fertiliser, on mutualise le matériel, on s’entraide, et je mets les pommes-de-terre en rotation avec les autres cultures, ce qui est un point très important en agriculture biologique », énumère-t-elle.
Au fond de son champ, on ne peut pas rater un immense toit sombre, recouvert de panneaux solaires : la ferme produit autant d’énergie électrique qu’elle en consomme avec ses tracteurs et ses machines. « Si on veut une exploitation résiliente, l’idéal est d’avoir une toute petit ferme qui consomme très peu d’énergie, explique Gilles un peu plus tard. Mais en produisant notre propre énergie, on teste la possibilité d’avoir une ferme plus grande, avec plus de machines, mais autonome grâce à l’énergie qu’elle produit. »
- Les panneaux solaires de la ferme.
« On crée une boucle vertueuse »
Le magasin illustre la diversité des productions de la ferme : farines et lait en libre-service, légumes, œufs, porc et veau, pain de campagne, semi-complet, pain aux graines ou aux noix et raisins secs. D’autres producteurs du coin viennent même élargir la gamme avec des jus de fruits, de la bière, du cidre, du fromage, des volailles, des pâtés, des pâtisseries, des fruits et d’autres légumes. Au cours de l’après-midi, la boutique ne désemplit pas. « Quand je suis arrivée il y a un an, nous regroupions sept producteurs. Aujourd’hui il y en a douze », se réjouit la responsable, Marine-Jeanne.Mais, à force de diversité, le système n’est-il pas devenu trop complexe ? « C’est pour cela qu’il faut aussi que les ateliers fonctionnent de façon autonome », répond Gilles. Dans le collectif de la ferme, chacun est responsable se son activité. « On aimerait bien que le magasin devienne une entité juridique à part, gérée par les producteurs qui adhèrent », espère-t-il.
Idem pour le nouvel atelier de fabrication de produits laitiers. « On a construit un local aux normes que l’on met à disposition d’un jeune, détaille le paysan. Mais il se met à son compte et nous achètera du lait. Ça lui permet de se lancer, on est un peu une pépinière d’entreprises ! » Beurre, crème fraîche, yaourts et fromage frais devraient bientôt s’ajouter sur les rayons du magasin.
« Le but, c’est de proposer un système où les ateliers coopèrent les uns avec les autres, résume-t-il. On crée une boucle vertueuse, qui amène de la productivité et de l’emploi. Je ne veux pas passer pour un nostalgique, mais finalement on reproduit ce que faisaient nos grands-parents. Ils avaient une grande diversité sur une même exploitation et produisaient le plus de choses possibles avec le peu qu’ils avaient... »
« Un système durable, respectueux de la nature et qui crée de l’emploi »
Un modèle d’hier qui inspire une ferme de demain, assure l’agriculteur. « Mes collègues en conventionnel sont en crise, constate-t-il. Il y a des gens qui produisent 5.000 cochons par an et qui ne gagnent pas d’argent, à un moment il va falloir qu’on arrête ! Je pense qu’on est plus dans la réalité avec notre système diversifié que dans la course à l’agrandissement, la productivité, la compétitivité internationale qui nous conduit droit dans le mur. »Il raconte que, la veille, des politiques sont venus visiter sa ferme. Il espère les avoir un peu bousculés. « On leur montre que l’on a un système durable, respectueux de la nature et qui crée de l’emploi, se félicite-t-il. On est une expérience parmi d’autres, il y a plein de gens qui créent des expériences. On est des petites bulles dans l’océan et actuellement, on n’est pas tous en respiration, mais je pense que le jour où toutes ces expérimentations diverses vont se mettre à respirer ensemble, on aura de vraies propositions alternatives pour une société du futur. »
Lire aussi : Des paysans bretons s’en sortent bien… en changeant l’agriculture
Source : Marie Astier pour Reporterre
Photos : Lucas Mascarello/Reporterre
Ce reportage est réalisé dans le cadre du projet Alternatives Citoyennes pour le climat, et est soutenu par la Fondation de France
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