Source : La Dépêche
Professeur
d'école stagiaire l'an dernier à Mazicou, Valentin Pion n'a pas été
titularisé. On lui reproche entre autres son manque d'éthique pour avoir
contesté sa hiérarchie.
Une simple question, posée par mail au délégué du Défenseur
des droits. Un réflexe citoyen qu'ailleurs on honore mais qui n'a pas eu
l'air de plaire à l'Éducation nationale. Au bout de son année de stage à
Mazicou, malgré des rapports favorables de son professeur-tuteur,
Valentin Pion, 29 ans, n'a pas été titularisé. Il manquerait entre
autres, selon l'académie, d'éthique professionnelle.
Lui s'est étonné, l'année dernière, que l'on puisse en
classe demander aux élèves de décliner oralement leur nationalité
d'origine. Il s'agissait de connaître ceux qui pourraient être
intéressés par des cours de portugais ou d'arabe, un enseignement des
langues et cultures d'origine proposé par l'école primaire. La demande
émanait de la direction académique du Tarn, via le directeur de l'école
de Mazicou, peu réceptif aux principes républicains de son stagiaire. Le
délégué du Défenseur des droits en a jugé autrement, estimant légitime
le questionnement du jeune enseignant.
«Défendre des valeurs»
En juriste constitutionnel, le délégué a pris sur lui
d'interpeller directement Mireille Vincent, directrice académique du
Tarn Dasen. La réponse n'a pas tardé. Son adjoint, Farid Djemmal, a
convoqué le récalcitrant, l'accusant, selon ce dernier, «d'avoir été
déloyal à l'égard de (son) institution».
«Je pensais, en agissant ainsi, défendre les valeurs de
l'Éducation nationale» a expliqué l'élève professeur, dans une lettre de
recours gracieux à la ministre de l'Éducation Najat Vallaud-Belkacem.
Avec copie à la Dasen. Rebelote. Il faut dire qu'avant ça, Valentin
Pion, comme d'autres professeurs stagiaires, s'était déjà fait
remarquer. Il s'était insurgé contre une formation programmée pendant
les vacances scolaires. Pour une génération de professeurs, envoyés
faire la classe sans réelle formation, cette session présentée comme
«une opportunité offerte par l'Éducation nationale», avait de quoi faire
grincer. Comme pour n'importe quel salarié à qui un employeur
imposerait une formation pendant ses jours de repos.
«Susceptibilité»
Titulaire d'un master 2 de philosophie, qu'il a enseignée
pendant trois ans à des terminales en zone d'éducation prioritaire, à
Créteil puis à Toulouse, Valentin Pion ne semble pas être homme à
renoncer à ses convictions. Ni à les ravaler, ce qui semble être la
source de nombre de ses ennuis avec sa hiérarchie.
En fin d'année scolaire , il a eu la surprise de voir
arriver dans sa classe l'inspectrice de l'Éducation nationale, IEN de
son secteur, pour 30 minutes d'évaluation définitive. Et là, patatras.
Contrairement aux conclusions très favorables, après trois matinées
d'observation en classe, du tuteur de stage chargé de cours à l'ESP,
l'IEN expéditive a rendu un rapport négatif. Et en mai, alors que le
professeur stagiaire avait reçu avis de titularisation sur le poste de
son choix, le rapport défavorable de l'IEN a tranché. Passage
obligatoire devant le jury académique, non-titularisation et retour à la
case stagiaire.
Aujourd'hui bien qu'un peu abattu, le jeune enseignant
originaire de Seine-et-Marne, qui a choisi l'école en pensant «que c'est
là qu'on peut faire quelque chose pour les enfants» et le Tarn «pour
étirer le temps», a décidé de se battre.
«Avec une mère professeure en lycée professionnel et une
sœur qui travaille pour la protection judiciaire de la jeunesse, le sens
du service public, c'est familial» confie-t-il.
Interrogée sur son cas, Mireille Vincent se retranche
derrière l'avis du jury académique. «Comment pouvez-vous imaginer qu'une
titularisation puisse se faire sur une question de susceptibilité ?» se
défend-elle.
Toute la question est là.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire