Source : Reporterre
À la suite de la scop Le Pavé, créée en 2007, cinq coopératives font vivre une éducation populaire politique, en proposant des formations pour se libérer des dominations de toutes sortes. Elles travaillent en autogestion et sans hiérarchie. Le but : « asseoir des avenirs porteurs d’utopies émancipatrices ».
À la suite de la scop Le Pavé, créée en 2007, cinq coopératives font vivre une éducation populaire politique, en proposant des formations pour se libérer des dominations de toutes sortes. Elles travaillent en autogestion et sans hiérarchie. Le but : « asseoir des avenirs porteurs d’utopies émancipatrices ».
Au milieu des années 2000, en Bretagne, des acteurs associatifs de l’éducation populaire
réfléchissent à leurs pratiques. Gaël Tanguy, du Contrepied, une des
cinq coopératives d’éducation populaire actuelles, se rappelle « les
contradictions entre une volonté d’émancipation très forte et le
contrôle social, les injonctions des financeurs induisant une
normatisation, la dépolitisation de la vie associative, une formation
des professionnels trop technique et pas politique… ». « On
faisait la critique de cette évolution, en nous y incluant. Il manquait
un espace de réflexion et de formation beaucoup plus engagé vers
l’émancipation sociale. »
Fruit de ces réflexions, la Scop (société coopérative et participative) Le Pavé naît en 2007, à côté de Rennes. L’équipe commence à trois et grossit jusqu’à compter huit « coopérateurs ». Elle aurait pu grandir encore, mais souhaite garder une taille humaine et pratiquer une politique d’essaimage plutôt que de croissance.
Le choix est alors fait d’accompagner la création d’autres scop : L’Engrenage – Un pavé à Tours, L’Orage à Grenoble et Vent Debout à Toulouse. Fin 2014, Le Pavé originel est même dissous pour donner naissance à deux organisations plus petites, Le Contrepied et La Trouvaille.
Carrément. « On part du principe qu’on n’est pas tous situés pareil dans les rapports sociaux. La domination ça existe, on n’a pas tous les mêmes intérêts et on n’est pas tous d’accord. Mais il faut que chacun puisse s’exprimer », explique Audrey Pinorini de L’Orage, à Grenoble.
Autre différence, leur cœur de métier : « On fait de la formation, de l’outillage », précise Gaël Tanguy. En effet, l’activité de ces scop est avant tout d’animer des stages pour transmettre des méthodes et outils d’éducation populaire. Dans le programme commun 2015 des cinq coopératives, on trouve par exemple une longue formation sur le thème « éducation populaire et transformation sociale », une autre sur le travail en équipe, ou encore comprendre et lutter contre les discriminations de genre, comment « provoquer du pouvoir d’agir », « devenir conférencier gesticulant », etc.
Autre service proposé, des « interventions sur site et sur mesure », sortes d’accompagnements-diagnostics pour les structures qui en font la demande. Les bénéficiaires peuvent être aussi bien des centres sociaux et d’animation, des scops, des syndicats, des partis politiques ou des associations variées. Bref, des collectifs souhaitant « remobiliser leurs forces ou réinterroger leurs actions, le sens de leur métier, mettre en place des espaces de réflexion individuelle et collective pour imaginer des alternatives et des stratégies et ainsi ré-introduire l’éducation populaire au cœur de leurs pratiques » (Guide de formation 2015).
Toutes ces formations s’appuient notamment sur une vingtaine d’outils et méthodes décrits sur le site du Pavé. « On n’a pas inventé grand-chose, on a pris ailleurs des choses qui marchaient et on a essayé de les diffuser », glisse Gaël Tanguy. Le tout constitue une formidable boite à outils pour l’émancipation, l’expression ou la prise de décisions.
Un succès qui a tendance à masquer l’essentiel de leur travail. « Il y a un côté dérive spectaculaire. Certains ne savent pas qu’on fait des formations, ils nous prennent pour une bande d’artistes politiques. Et puis un certain ’mythe Le Pavé’ nous a compliqué la vie. Les gens nous attendent comme le messie », regrette Gaël.
Un des combats essentiels des coopératives d’éducation populaire, c’est d’appliquer leur vision de l’émancipation et des rapports humains à leur propre organisation. D’où le choix de la forme scop. « On voulait que les travailleurs aient la maîtrise sur leur outil de travail. Il y a de l’oppression dans pas mal de structures d’éducation populaire, à cause du manque d’argent notamment », selon Émilie.
« On a pris le statut scop mais en le poussant le plus loin possible. On voulait faire de l’éducation populaire en interne », raconte Gaël. Émilie détaille : « Notre modèle est autogestionnaire, pas de système hiérarchique, on invente des outils pour travailler ensemble. Dans nos statuts, on a choisi de ne pas rémunérer le capital. Si on fait des bénéfices, seul le travail est rémunéré. On a tous un métier unique, personne n’est uniquement sur de l’administratif ou du commercial. Tout le monde fait de tout. »
Jusque dans la crise, les coopérateurs du Pavé ont utilisé leurs méthodes et réglé les choses par la discussion, comme en témoigne leur « Manifeste d’auto-dissolution et de refondations... ». Après s’être retrouvés pendant une semaine en « socioanalyse », ils déclarent :
« Nous mettons fin à un modèle économique où le sur-travail est la règle et à une manière d’exercer le pouvoir mais pas à une ambition ; nous mettons fin au mythe mais pas à l’espoir qu’il a soulevé, nous mettons fin à son histoire douloureuse, éreintante mais pas à l’enthousiasme que nous avons partagé ensemble et avec d’autres. »
Fini donc pour le Pavé, mais Le Contrepied et La Trouvaille sont déjà là (ils devraient publier un texte de refondation dans les prochains jours). Les cinq scop sont maintenant réunies dans l’association La Grenaille, « un espace pour faire ensemble », comme le dit Émilie. Sans compter les quelques nouvelles en train de voir le jour : L’Ardeur lancée par Franck Lepage, une scop à Bordeaux, une autre à Lille, une encore à Amiens… De quoi continuer à « asseoir sereinement des avenirs toujours porteurs d’utopies émancipatrices » (extrait du manifeste d’auto-dissolution).
Fruit de ces réflexions, la Scop (société coopérative et participative) Le Pavé naît en 2007, à côté de Rennes. L’équipe commence à trois et grossit jusqu’à compter huit « coopérateurs ». Elle aurait pu grandir encore, mais souhaite garder une taille humaine et pratiquer une politique d’essaimage plutôt que de croissance.
Le choix est alors fait d’accompagner la création d’autres scop : L’Engrenage – Un pavé à Tours, L’Orage à Grenoble et Vent Debout à Toulouse. Fin 2014, Le Pavé originel est même dissous pour donner naissance à deux organisations plus petites, Le Contrepied et La Trouvaille.
« La domination, ça existe » : pour une éducation populaire politique
L’objectif commun ? Promouvoir une éducation populaire politique : « L’éducation populaire doit permettre l’émancipation face au pouvoir, à la communication et à la neutralité […]. Face au pouvoir, nous assumons un rôle de contre-pouvoir. Face à la neutralité, un travail de propagande et face à la communication, un devoir de prosélytisme », annonce le très riche et toujours disponible site du Pavé.- Alexia et Annaïg dans la conférence gesticulée « Exploiter mieux pour gagner plus »
Carrément. « On part du principe qu’on n’est pas tous situés pareil dans les rapports sociaux. La domination ça existe, on n’a pas tous les mêmes intérêts et on n’est pas tous d’accord. Mais il faut que chacun puisse s’exprimer », explique Audrey Pinorini de L’Orage, à Grenoble.
Transmettre des outils pour « provoquer du pouvoir d’agir »
Ce courant d’éducation populaire tient à se distinguer des autres organisations qui s’en réclament (universités populaires, MJC) : « On se revendique juste de l’éducation populaire politique. On ne cherche pas l’épanouissement des gens. On affirme notre positionnement politique, contre le patriarcat, le capital, le racisme. On nomme des réalités à faire bouger. On n’a pas renoncé à ça. Parfois, dans les autres structures d’éducation populaire, les gens ont oublié d’où ils venaient », dit Émilie Viard.Autre différence, leur cœur de métier : « On fait de la formation, de l’outillage », précise Gaël Tanguy. En effet, l’activité de ces scop est avant tout d’animer des stages pour transmettre des méthodes et outils d’éducation populaire. Dans le programme commun 2015 des cinq coopératives, on trouve par exemple une longue formation sur le thème « éducation populaire et transformation sociale », une autre sur le travail en équipe, ou encore comprendre et lutter contre les discriminations de genre, comment « provoquer du pouvoir d’agir », « devenir conférencier gesticulant », etc.
Autre service proposé, des « interventions sur site et sur mesure », sortes d’accompagnements-diagnostics pour les structures qui en font la demande. Les bénéficiaires peuvent être aussi bien des centres sociaux et d’animation, des scops, des syndicats, des partis politiques ou des associations variées. Bref, des collectifs souhaitant « remobiliser leurs forces ou réinterroger leurs actions, le sens de leur métier, mettre en place des espaces de réflexion individuelle et collective pour imaginer des alternatives et des stratégies et ainsi ré-introduire l’éducation populaire au cœur de leurs pratiques » (Guide de formation 2015).
Toutes ces formations s’appuient notamment sur une vingtaine d’outils et méthodes décrits sur le site du Pavé. « On n’a pas inventé grand-chose, on a pris ailleurs des choses qui marchaient et on a essayé de les diffuser », glisse Gaël Tanguy. Le tout constitue une formidable boite à outils pour l’émancipation, l’expression ou la prise de décisions.
- Franck Lepage en clown consultant
Les conférences gesticulées : prendre les gens par surprise
Et puis, activité un peu à part, il y a les fameuses conférences gesticulées (disponibles pour une grande partie sur le web), à mi-chemin entre la conférence et le spectacle. Elles non plus n’ont pas été inventées par ces scop… mais presque. Franck Lepage tournait déjà avec son premier spectacle avant que Le Pavé, dont il fut longtemps collaborateur, ne s’empare de cette forme. « C’est un outil important, pour toucher un public plus large. Ce ne sont pas les mêmes gens qui vont aux conférences et aux spectacles, alors on en a pris beaucoup par surprise ! », raconte Gaël.Un succès qui a tendance à masquer l’essentiel de leur travail. « Il y a un côté dérive spectaculaire. Certains ne savent pas qu’on fait des formations, ils nous prennent pour une bande d’artistes politiques. Et puis un certain ’mythe Le Pavé’ nous a compliqué la vie. Les gens nous attendent comme le messie », regrette Gaël.
Un des combats essentiels des coopératives d’éducation populaire, c’est d’appliquer leur vision de l’émancipation et des rapports humains à leur propre organisation. D’où le choix de la forme scop. « On voulait que les travailleurs aient la maîtrise sur leur outil de travail. Il y a de l’oppression dans pas mal de structures d’éducation populaire, à cause du manque d’argent notamment », selon Émilie.
« On a pris le statut scop mais en le poussant le plus loin possible. On voulait faire de l’éducation populaire en interne », raconte Gaël. Émilie détaille : « Notre modèle est autogestionnaire, pas de système hiérarchique, on invente des outils pour travailler ensemble. Dans nos statuts, on a choisi de ne pas rémunérer le capital. Si on fait des bénéfices, seul le travail est rémunéré. On a tous un métier unique, personne n’est uniquement sur de l’administratif ou du commercial. Tout le monde fait de tout. »
- La conférence gesticulée « L’eau, ça chie »
Adieu Le Pavé, salut La Grenaille !
« On refusait les subventions, on prenait trois jours entiers par mois de conseil de travailleurs, afin de prendre les décisions, tout était animé et préparé par binôme, et quand on dégageait des marges on les réinvestissait au double ! », se souvient Gaël au sujet du Pavé. « Mais il fallait renoncer à certains principes sinon on s’épuisait, le cadre demandait beaucoup de temps. Mais ce qu’on a mené était extrêmement positif, on a fait du vrai boulot », conclue-t-il.Jusque dans la crise, les coopérateurs du Pavé ont utilisé leurs méthodes et réglé les choses par la discussion, comme en témoigne leur « Manifeste d’auto-dissolution et de refondations... ». Après s’être retrouvés pendant une semaine en « socioanalyse », ils déclarent :
« Nous mettons fin à un modèle économique où le sur-travail est la règle et à une manière d’exercer le pouvoir mais pas à une ambition ; nous mettons fin au mythe mais pas à l’espoir qu’il a soulevé, nous mettons fin à son histoire douloureuse, éreintante mais pas à l’enthousiasme que nous avons partagé ensemble et avec d’autres. »
Fini donc pour le Pavé, mais Le Contrepied et La Trouvaille sont déjà là (ils devraient publier un texte de refondation dans les prochains jours). Les cinq scop sont maintenant réunies dans l’association La Grenaille, « un espace pour faire ensemble », comme le dit Émilie. Sans compter les quelques nouvelles en train de voir le jour : L’Ardeur lancée par Franck Lepage, une scop à Bordeaux, une autre à Lille, une encore à Amiens… De quoi continuer à « asseoir sereinement des avenirs toujours porteurs d’utopies émancipatrices » (extrait du manifeste d’auto-dissolution).
Lire aussi : A Tours, l’éducation populaire se pratique en coopérative
Source : Baptiste Giraud pour Reporterre
Photos : Crédits Scop Le Pavé
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