Source : Le Figaro
INFOGRAPHIE - Les résultats de
l'étude «Génération quoi» dressent le portrait d'une jeunesse en
souffrance. Face à une société qui ne lui offre que des portes fermées,
elle pourrait bien faire exploser sa frustration.
C'est une génération sacrifiée, méprisée,
déclassée, à qui la société et le monde du travail ne donnent pas sa
chance, et qui, face à tant de frustration, pourrait bien exploser. Tel
est le sombre autoportrait de la génération des 18-34 ans interrogés à
l'automne dernier au cours de l'opération «Génération quoi?». Lancé par France Télévisions, en partenariat avec Le Monde et
Europe 1, ce sondage en ligne brassant des thèmes larges comme le
travail, les relations amoureuses, la famille ou l'école a connu un fort
succès avec plus de 210.000 répondants.
Les premiers résultats concernant particulièrement la tranche clé des 18-25 ans ont été dévoilés mardi dans Le Monde et illustrent les conséquences d'une crise économique que les plus jeunes ont toujours connue. Ils listent également les ingrédients d'un cocktail qui pourrait emmener les jeunes vers la voie de la révolte.
● Une vision pessimiste du futur
Les lendemains qui chantent, les jeunes n'y croient pas vraiment: 33% sont persuadés qu'ils ne connaîtront que la crise économique tout au long de leur vie. La promesse de l'élévation sociale de génération en génération est brisée: 45% des sondés pensent que leur vie sera plus difficile que celle de leurs parents, et que celle de leurs propres enfants sera pire encore (43%). Ce pessimisme est encore plus marqué chez les jeunes chômeurs ou chez les intérimaires, particulièrement en souffrance. «Ils ont le sentiment insupportable que leur destin est aux mains des autres, que leur sort dépend d'un coup de téléphone, ce qui interdit toute projection dans l'avenir», note la sociologue de la jeunesse Cécile Van de Velde citée dans Le Monde. Sans grande surprise, ces jeunes sont tentés par le départ à l'étranger et sont 24% à affirmer: «Dès que je peux, je me barre.»
● Le travail plébiscité mais difficilement accessible
Feignante, la jeunesse? Pas vraiment! 81% des sondés soutiennent massivement la «valeur travail» en affirmant qu'il est important dans leur vie. Seule une toute petite minorité des sondés songe à vivre de la débrouille en évitant soigneusement d'entrer dans le salariat. Si le travail paraît nécessaire pour gagner de l'argent, il est aussi vu pour la moitié des sondés comme un moyen de s'épanouir dans la vie. Ils sont d'ailleurs 62% à se dire heureux dans leur travail. Mais le monde du travail apparaît d'autant désirable qu'il est difficilement accessible: un quart des 18-25 ans est au chômage. Quant aux salariés, ils sont 60% à estimer qu'ils ne sont pas payés à la hauteur de leurs qualifications et que leur emploi n'est pas à la hauteur de leurs études (46%).
● La faute à l'école
C'est une spécificité bien française soulignée par les sociologues: pour avoir sa place dans la société, il faut avoir un statut social. Et ce dernier s'acquiert via le travail, qui dépend du diplôme, qui lui-même dépend des choix d'options ou d'orientation au collège et au lycée. Les jeunes Français sont bien conscients que leur destin se joue parfois dès leurs 15 ans et qu'on leur donnera difficilement une seconde chance. Une réalité d'autant plus dure à accepter que l'école ne joue plus à leurs yeux son rôle méritocratique. Pour 61% des jeunes interrogés, l'école ne récompense pas le mérite et ne donne pas sa chance à tous. Au final, ils sont 70% à penser que la société française ne leur donne pas les moyens de montrer ce dont ils sont capables. «C'est massif, et en forte progression. En 2006, ils étaient 53 % dans ce cas», note la sociologue. Quant au diplôme, il n'est plus la garantie d'obtenir un travail à la hauteur du temps investi dans les études.
● Une forte solidarité avec les parents...
Dans ce contexte économique difficile, les jeunes peuvent compter sur l'aide de leurs parents. Ces derniers sont parfaitement conscients que les conditions d'accès au marché du travail sont radicalement différentes de celles qu'ils ont connues durant leur propre jeunesse et sont enclins à filer des «coups de main», financiers ou moraux. Plus de la moitié des jeunes, même actifs, reçoivent une aide financière de leurs parents. Ces derniers sont à 89% fiers de leur parcours et les soutiennent dans leur choix à 91%. In fine, les relations parents-enfants sont décrites comme «idéales» (27%) ou «cool». On est bien loin des relations parents-enfants extrêmement tendues qui ont donné naissance au mouvement de Mai-68.
● ... mais de la rancœur envers les générations précédentes
Si les jeunes entretiennent de bonnes relations avec leurs parents, ils en veulent à la génération dorée des baby-boomers qui serait, selon 51% d'entre eux, responsable de leurs difficultés actuelles. La mise à l'index des générations précédentes est totalement nouvelle, selon les sociologues. Cette situation aboutit à un paradoxe dans les réponses des jeunes interrogés: s'ils en ont «marre de payer pour les retraites des baby-boomers» alors qu'eux n'auront rien, il n'est pas question que la retraite de leurs propres parents soit amputée. Difficile en effet de mordre la main qui vous nourrit et vous soutient moralement.
● Une envie de révolte
Pas de travail, ou bien sous-qualifié. Difficulté à se loger ou à faire des plans sur le long terme sans l'indispensable CDI. Désillusion envers les études, qui ne sont plus le sésame vers l'emploi désiré. Ces portes fermées, cette absence de reconnaissance sociale et «ce sentiment d'être privé de l'essentiel est un terreau fertile à la contestation», prévient la sociologue. Et ce n'est pas la politique qui va leur redonner de l'espoir. Les jeunes dressent un portrait noir de la classe politique, en qui ils n'ont pas du tout confiance (46%).
61% des jeunes affirment qu'ils seraient prêts à participer à un mouvement de révolte «type Mai-68». Le taux de réponse est similaire quels que soient le statut social et la situation professionnelle. Même les jeunes en CDI, et donc perçus comme «tirés d'affaire», sont 54% à se dire prêts à se mobiliser. Pour les sociologues, le fait que cette génération soit la plus éduquée que la France ait connue la rend extrêmement consciente et critique sur sa situation. Pour le moment, elle est résignée et fait le dos rond en attendant qu'après le tunnel des stages et des CDD s'ouvre le chemin de la stabilisation professionnelle. Mais «si rien ne bouge ... il suffit d'une étincelle», préviennent les sociologues. «Un “nous” pourrait se former, si les diplômés étaient rejoints par les jeunes en désespérance sociale.»
Les premiers résultats concernant particulièrement la tranche clé des 18-25 ans ont été dévoilés mardi dans Le Monde et illustrent les conséquences d'une crise économique que les plus jeunes ont toujours connue. Ils listent également les ingrédients d'un cocktail qui pourrait emmener les jeunes vers la voie de la révolte.
● Une vision pessimiste du futur
Les lendemains qui chantent, les jeunes n'y croient pas vraiment: 33% sont persuadés qu'ils ne connaîtront que la crise économique tout au long de leur vie. La promesse de l'élévation sociale de génération en génération est brisée: 45% des sondés pensent que leur vie sera plus difficile que celle de leurs parents, et que celle de leurs propres enfants sera pire encore (43%). Ce pessimisme est encore plus marqué chez les jeunes chômeurs ou chez les intérimaires, particulièrement en souffrance. «Ils ont le sentiment insupportable que leur destin est aux mains des autres, que leur sort dépend d'un coup de téléphone, ce qui interdit toute projection dans l'avenir», note la sociologue de la jeunesse Cécile Van de Velde citée dans Le Monde. Sans grande surprise, ces jeunes sont tentés par le départ à l'étranger et sont 24% à affirmer: «Dès que je peux, je me barre.»
● Le travail plébiscité mais difficilement accessible
Feignante, la jeunesse? Pas vraiment! 81% des sondés soutiennent massivement la «valeur travail» en affirmant qu'il est important dans leur vie. Seule une toute petite minorité des sondés songe à vivre de la débrouille en évitant soigneusement d'entrer dans le salariat. Si le travail paraît nécessaire pour gagner de l'argent, il est aussi vu pour la moitié des sondés comme un moyen de s'épanouir dans la vie. Ils sont d'ailleurs 62% à se dire heureux dans leur travail. Mais le monde du travail apparaît d'autant désirable qu'il est difficilement accessible: un quart des 18-25 ans est au chômage. Quant aux salariés, ils sont 60% à estimer qu'ils ne sont pas payés à la hauteur de leurs qualifications et que leur emploi n'est pas à la hauteur de leurs études (46%).
● La faute à l'école
C'est une spécificité bien française soulignée par les sociologues: pour avoir sa place dans la société, il faut avoir un statut social. Et ce dernier s'acquiert via le travail, qui dépend du diplôme, qui lui-même dépend des choix d'options ou d'orientation au collège et au lycée. Les jeunes Français sont bien conscients que leur destin se joue parfois dès leurs 15 ans et qu'on leur donnera difficilement une seconde chance. Une réalité d'autant plus dure à accepter que l'école ne joue plus à leurs yeux son rôle méritocratique. Pour 61% des jeunes interrogés, l'école ne récompense pas le mérite et ne donne pas sa chance à tous. Au final, ils sont 70% à penser que la société française ne leur donne pas les moyens de montrer ce dont ils sont capables. «C'est massif, et en forte progression. En 2006, ils étaient 53 % dans ce cas», note la sociologue. Quant au diplôme, il n'est plus la garantie d'obtenir un travail à la hauteur du temps investi dans les études.
● Une forte solidarité avec les parents...
Dans ce contexte économique difficile, les jeunes peuvent compter sur l'aide de leurs parents. Ces derniers sont parfaitement conscients que les conditions d'accès au marché du travail sont radicalement différentes de celles qu'ils ont connues durant leur propre jeunesse et sont enclins à filer des «coups de main», financiers ou moraux. Plus de la moitié des jeunes, même actifs, reçoivent une aide financière de leurs parents. Ces derniers sont à 89% fiers de leur parcours et les soutiennent dans leur choix à 91%. In fine, les relations parents-enfants sont décrites comme «idéales» (27%) ou «cool». On est bien loin des relations parents-enfants extrêmement tendues qui ont donné naissance au mouvement de Mai-68.
● ... mais de la rancœur envers les générations précédentes
Si les jeunes entretiennent de bonnes relations avec leurs parents, ils en veulent à la génération dorée des baby-boomers qui serait, selon 51% d'entre eux, responsable de leurs difficultés actuelles. La mise à l'index des générations précédentes est totalement nouvelle, selon les sociologues. Cette situation aboutit à un paradoxe dans les réponses des jeunes interrogés: s'ils en ont «marre de payer pour les retraites des baby-boomers» alors qu'eux n'auront rien, il n'est pas question que la retraite de leurs propres parents soit amputée. Difficile en effet de mordre la main qui vous nourrit et vous soutient moralement.
● Une envie de révolte
Pas de travail, ou bien sous-qualifié. Difficulté à se loger ou à faire des plans sur le long terme sans l'indispensable CDI. Désillusion envers les études, qui ne sont plus le sésame vers l'emploi désiré. Ces portes fermées, cette absence de reconnaissance sociale et «ce sentiment d'être privé de l'essentiel est un terreau fertile à la contestation», prévient la sociologue. Et ce n'est pas la politique qui va leur redonner de l'espoir. Les jeunes dressent un portrait noir de la classe politique, en qui ils n'ont pas du tout confiance (46%).
61% des jeunes affirment qu'ils seraient prêts à participer à un mouvement de révolte «type Mai-68». Le taux de réponse est similaire quels que soient le statut social et la situation professionnelle. Même les jeunes en CDI, et donc perçus comme «tirés d'affaire», sont 54% à se dire prêts à se mobiliser. Pour les sociologues, le fait que cette génération soit la plus éduquée que la France ait connue la rend extrêmement consciente et critique sur sa situation. Pour le moment, elle est résignée et fait le dos rond en attendant qu'après le tunnel des stages et des CDD s'ouvre le chemin de la stabilisation professionnelle. Mais «si rien ne bouge ... il suffit d'une étincelle», préviennent les sociologues. «Un “nous” pourrait se former, si les diplômés étaient rejoints par les jeunes en désespérance sociale.»
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