Source : Le Blog de Lucien Pons
L’Ukraine a sombré dans un piège sans issue. Même si Kiev arrive à s’en sortir en vainquant in fine ses démons, il s’agira de toute façon d’une victoire à la Pyrrhus le Donbass, riche région industrielle dont l’apport dans le PIB ukrainien, avec la Crimée, est estimé à 25%, ne comptant plus lui revenir. Au lieu de saisir la perche diplomatique que lui avaient tendue ses soutiens occidentaux et son « ennemi juré », Poutine, Porochenko aggrave son cas : violant au vu et au su de tous tous les accords de Minsk,les FAU reprennent leur avancée sur la ligne chaude de Gorlovka. Les Grads grondent à quelques kilomètres seulement de Donetsk touchant à l’occasion l’infrastructure des banlieues. Même le centre-ville a eu droit il y a quelques jours à sa dose d’adrénaline. C’est dire à quel point le front s’élargit faisant fi des engagements validés le mois dernier à Paris.Voudrait-on derechef faire porter le chapeau aux Républiques populaires autoproclamées ? Ce serait défier le sens commun.
La folie s’empare d’un pays qui perd progressivement le nord. Des réformes sociales que sont, par exemple, la supression anticipée du personnel médical au SAMU et son remplacement par un corps dit « paramédical » censé jouer les chauffeurs de taxi, sans plus, à la poursuite judiciaire, à Kiev même, des propriétaires de voitures immatriculées en Ossétie du Sud ou en Abkhazie, nous avons tous les éléments d’un puzzle surréaliste dévoilant le degré d’ébriété d’un gouvernement abandonné par ses puissants maîtres.
Pour en avoir la preuve certaine, il n’est point besoin d’aller chercher très loin : l’agence américaine Bloomberg News a tout récemment dénoncé le caractère contre-productif de la « Révolution de la dignité » opérée place Maïdan. Ce sont cette fois les oligarques et bureaucrates corrompus du pays qui sont sur le sellette, eux qui – par eux-mêmes semblerait-il – ont quasiment ruiné le pays et se refusent à enquêter d’une manière plus ou moins honorable sur les effusions de sang qui ont précédé le putsch de février 2014 ainsi que sur la tuerie en masse de la Maison des syndicats, à Odessa, le 2 mai 2014. Si Bloomberg le dit, nous avons déjà des fragments cruciaux de diagnostic : la Maison-Blanche et le Congrès s’accorderaient à lâcher le dossier ukrainien dont il n’y aurait plus rien à tirer. La Russie n’entre pas en guerre, le Donbass tient bon, l’unité du pays se réduit comme peau de chagrin, l’UE n’est pas contente, les largesses du FMI et de la BCE ont des limites. Qui plus est, le grand défi syrien demande bien plus d’investissements politiques et financiers que n’en demande un pays de l’ex-bloc soviétique n’ayant en soi aucune valeur propre si ce n’est que de narguer par son intermédiaire l’ours russe. Volens nolens, il faut bien choisir ses priorités. Qui dit Bloomberg pour l’éclairage des évènements ukrainiens dit forcément Bershidsky. Leonid Bershidsky, journaliste et analyste. En voilà un qui n’a jamais été tendre vis-à-vis du Kremlin, à tel point qu’il quitta la Russie pour l’Allemagne suite au retour de la Crimée. Néanmoins, au-delà de cette position libérale extrême, l’objectivité est encore au rendez-vous : l’ancien chef de rédaction de Slon (journal en ligne de sensibilité ultra-libérale à l’instar de la chaîne Dojd et de la station Echo de Moscou) reconnaît sans équivoque que toute décision prise par Kiev passe avant tout par l’ambassade américaine en la personne bien connue de M. Pyatt et par M. Biden, pour rappel, vice-président des USA. Ce constat sec, sans appel et accablant se double de la description du gouffre social qui n’a fait que s’approfondir entre 2014 et 2015 : comparé à l’équipe actuelle, Ianoukovitch et sa famille politique étaient des enfants de choeur. Tout ça pour ça, se demandent les plus naïfs ?!
La question est mal posée. Il est absolument clair que ni la Commission européenne, ni les auteurs de Bloomberg, ni M. Bershidsky ne sont surpris par la façon dont Kiev a disposé du pouvoir qui lui a été conféré suite à un coup d’Etat anticonstitutionnel. La comédie qu’ils s’appliquent aujourd’hui à jouer est en tout point semblable à celle que nous jouent à l’heure actuelle de hauts fonctionnaires américains et britanniques, Colin Powell et Tony Blair les premiers, en regrettant l’opération (la destruction) de l’Irak. Même comédie en France avec le dossier libyen et l’organisation du lynchage odieux du chef de la grande Jamaria. S’inquiète-t-on vraiment de l’avenir de ces deux pays en voie de décomposition avancée ? Si même on s’en inquiète sur les bords, cette inquiétude n’est motivée que par les répercussions que pourraient avoir le chaos qui les secouent sur la sécurité des frontières de l’UE et les intérêts pétro-gaziers des USA dans la région.
Que puit espérer Kiev dans les prochains mois ? Les USA s’en détournent comme on vient de le constater. Les polémiques qui se font encore entendre autour de l’agression russe ne servent qu’à alimenter une guerre médiatique à laquelle ils excellent vu qu’elle permet d’entretenir la virtualité de leurs « valeurs » dont la prétention universaliste prête tant à rire qu’à pleurer. L’accusation en miroir est tout aussi bien un pan de cette extraordinaire virtualité. Rien ne lui répugne.
A son tour, l’UE ne voudra pas payer les pots cassés. Si l’Ukraine, concrètement l’ex-Galicie, tentera une fois de plus de se tourner vers la Pologne, celle-ci ne lui répondra que par le programme de restitution déjà prévu en cas d’adhésion de l’Ukraine à l’UE. Cette mesure, contestable mais juridiquement admissible, reviendrait à assener le coup de grâce à un pays qui a déjà perdu la Crimée, le Donbass et qui pourrait perdre le contrôle de Marioupol et Odessa si la population, estimant n’avoir plus grand-chose à perdre, s’imprégnait du mouvement souverainiste des RPD/RPL. La Novorossia se reconstituerait alors progressivement dans ses frontières historiques.
Il serait grand temps de comprendre qu’on ne gouverne pas indéfiniment et uniquement par la terreur.Peut-être s’agit-il d’une coïncidence mais le hasard a rarement sa place en politique. Aux alentours des 4-5 novembre, la CEDH exprime son insatisfaction totalequant à la façon opaque dont l’enquête sur les évènements tragiques d’Odessa est menée. Quelques jours plus tard, aux alentours du 8 novembre, l’oligarque et fondateur du parti « UKROP » (acronyme de Patriote ukrainien), Gennady Korban, astreint à résidence surveillée pour corruption, reconnaît avoir orchestré le massacre du 2 mai. Fort de la bénédiction de son influent partenaire, Igor Kolomoïsky, les deux compères avaient proposé au Président par intérim de l’époque, Alexandre Tourtchynov, une solution violente et efficace qui permettrait de conserver l’unité de l’Ukraine … ou en tout cas une illusion d’unité : « Le charbon et la métallurgie du Donbass sont certes importants (…) mais qu’aurions-nous fait sans les gisements de manganèse, les mineraies de fer et l’entreprise spatiale militaire Yuzhmash de Dniepropetrovsk » ? (…). Ce que nous avons fait à Odessa, nous ne l’avions pas fait à temps à Donetsk et à Lougansk (…). Mais au moins avons-nous évité le morcellement d’un pays dont la ligne de fracture aurait été le Dniepr ». Je pense que la CEDH devrait s’estimer satisfaite : les auteurs de la tuerie se sont dénoncés (et ont été dénoncés). D’un autre côté, que faire quand on sait que Korban ne fait pas l’objet d’une poursuite pour meurtre de masse – aucun regret dans ses propos, plutôt même de la fierté –quand on sait que les fortunes de Kolomoïsky continuent à enfler et que Tourtchynov, communément désigné par « Trouptchynov » dans le Donbass (littéralement, « du cadavre »), est aujourd’hui président du groupe Front populaire à la Rada ?
La Commission européenne est dans une bien fâcheuse posture car il lui faudrait maintenant dévoiler au grand jour le vrai visage de ses protégés et soutiens sur le terrain. Parallèlement, la campagne de dénigrement du gouvernement kiévien par ses mécènes se double de sa décrédibilisation totale dans l’esprit des Ukrainiens. Une amie originaire de Kharkov mais résidant à Moscou depuis quelques années se souvient de la haine que nourrissait sa famille kharkovienne pour l’ « envahisseur russe ». C’était il y a tout juste un an. Elle ne comprenait pas que leur parente puisse travailler chez l’agresseur. Elle la méprisait. Aujourd’hui, me confie cette amie, plus un mot sur cet horrible envahisseur sillonnant les steppes du Donbass. Nos relations, dit-elle, connaissent un net réchauffement, mon frère veut me rendre visite à Moscou.
Désabusée, cette famille si typique de l’Ukrainien lambda retiendra du Maïdan non pas sa dimension initialement sociale mais bien son effet chaotisant et domino. D’abord confrontée à la misère des années 90, ensuite à la révolution colorée de 2004, enfin à un pouvoir faible et girouette, l’Ukraine s’est enlisée dans cette Matrix impérialiste US dont le secrétaire adjoint de la Maison-Blanche, Karl Rove, grand soutien de la famille Bush, avait décrit la mécanique perfide en 2002 : « Nous sommes un empire (…) et lorsque nous agissons nous créons notre propre réalité. Et pendant que vous étudiez cette réalité (…), nous agissons à nouveau et nous créons d’autres réalités nouvelles (…). Nous sommes les acteurs de l’Histoire ».
Le scénario touche à sa fin. Il a bien fallu des litres de sang pour entrer dans la Matrix. Hélas, vu l’obstination démente de Kiev, sans doute en faudra-t-il encore plus pour s’en extraire en évitant, si tant est que cela soit encore possible, l’éclatement de l’Ukraine. Le piège est là. Si Kiev laisse tomber le Donbass, la victoire des Républiques acquerra une force symbolique particulièrement exemplaire.Odessa, Marioupol et peut-être même Kharkov ne sauront y rester indifférents. Si en revanche Kiev persiste dans sa politique de terreur, le soulèvement aura quand même lieu mais il pourrait en ce cas gagner l’ensemble du pays. Que l’Ukraine risque de rester sans gouvernail n’est pas un si grand mal en soi. Que son peuple fasse enfin son choix qui sera de toute façon un choix crucial entre deux maux et qu’il triomphe par lui-même de la Matrix en créant une réalité qui soit à sa mesure.
L’Ukraine a sombré dans un piège sans issue. Même si Kiev arrive à s’en sortir en vainquant in fine ses démons, il s’agira de toute façon d’une victoire à la Pyrrhus le Donbass, riche région industrielle dont l’apport dans le PIB ukrainien, avec la Crimée, est estimé à 25%, ne comptant plus lui revenir. Au lieu de saisir la perche diplomatique que lui avaient tendue ses soutiens occidentaux et son « ennemi juré », Poutine, Porochenko aggrave son cas : violant au vu et au su de tous tous les accords de Minsk,les FAU reprennent leur avancée sur la ligne chaude de Gorlovka. Les Grads grondent à quelques kilomètres seulement de Donetsk touchant à l’occasion l’infrastructure des banlieues. Même le centre-ville a eu droit il y a quelques jours à sa dose d’adrénaline. C’est dire à quel point le front s’élargit faisant fi des engagements validés le mois dernier à Paris.Voudrait-on derechef faire porter le chapeau aux Républiques populaires autoproclamées ? Ce serait défier le sens commun.
La folie s’empare d’un pays qui perd progressivement le nord. Des réformes sociales que sont, par exemple, la supression anticipée du personnel médical au SAMU et son remplacement par un corps dit « paramédical » censé jouer les chauffeurs de taxi, sans plus, à la poursuite judiciaire, à Kiev même, des propriétaires de voitures immatriculées en Ossétie du Sud ou en Abkhazie, nous avons tous les éléments d’un puzzle surréaliste dévoilant le degré d’ébriété d’un gouvernement abandonné par ses puissants maîtres.
Pour en avoir la preuve certaine, il n’est point besoin d’aller chercher très loin : l’agence américaine Bloomberg News a tout récemment dénoncé le caractère contre-productif de la « Révolution de la dignité » opérée place Maïdan. Ce sont cette fois les oligarques et bureaucrates corrompus du pays qui sont sur le sellette, eux qui – par eux-mêmes semblerait-il – ont quasiment ruiné le pays et se refusent à enquêter d’une manière plus ou moins honorable sur les effusions de sang qui ont précédé le putsch de février 2014 ainsi que sur la tuerie en masse de la Maison des syndicats, à Odessa, le 2 mai 2014. Si Bloomberg le dit, nous avons déjà des fragments cruciaux de diagnostic : la Maison-Blanche et le Congrès s’accorderaient à lâcher le dossier ukrainien dont il n’y aurait plus rien à tirer. La Russie n’entre pas en guerre, le Donbass tient bon, l’unité du pays se réduit comme peau de chagrin, l’UE n’est pas contente, les largesses du FMI et de la BCE ont des limites. Qui plus est, le grand défi syrien demande bien plus d’investissements politiques et financiers que n’en demande un pays de l’ex-bloc soviétique n’ayant en soi aucune valeur propre si ce n’est que de narguer par son intermédiaire l’ours russe. Volens nolens, il faut bien choisir ses priorités. Qui dit Bloomberg pour l’éclairage des évènements ukrainiens dit forcément Bershidsky. Leonid Bershidsky, journaliste et analyste. En voilà un qui n’a jamais été tendre vis-à-vis du Kremlin, à tel point qu’il quitta la Russie pour l’Allemagne suite au retour de la Crimée. Néanmoins, au-delà de cette position libérale extrême, l’objectivité est encore au rendez-vous : l’ancien chef de rédaction de Slon (journal en ligne de sensibilité ultra-libérale à l’instar de la chaîne Dojd et de la station Echo de Moscou) reconnaît sans équivoque que toute décision prise par Kiev passe avant tout par l’ambassade américaine en la personne bien connue de M. Pyatt et par M. Biden, pour rappel, vice-président des USA. Ce constat sec, sans appel et accablant se double de la description du gouffre social qui n’a fait que s’approfondir entre 2014 et 2015 : comparé à l’équipe actuelle, Ianoukovitch et sa famille politique étaient des enfants de choeur. Tout ça pour ça, se demandent les plus naïfs ?!
La question est mal posée. Il est absolument clair que ni la Commission européenne, ni les auteurs de Bloomberg, ni M. Bershidsky ne sont surpris par la façon dont Kiev a disposé du pouvoir qui lui a été conféré suite à un coup d’Etat anticonstitutionnel. La comédie qu’ils s’appliquent aujourd’hui à jouer est en tout point semblable à celle que nous jouent à l’heure actuelle de hauts fonctionnaires américains et britanniques, Colin Powell et Tony Blair les premiers, en regrettant l’opération (la destruction) de l’Irak. Même comédie en France avec le dossier libyen et l’organisation du lynchage odieux du chef de la grande Jamaria. S’inquiète-t-on vraiment de l’avenir de ces deux pays en voie de décomposition avancée ? Si même on s’en inquiète sur les bords, cette inquiétude n’est motivée que par les répercussions que pourraient avoir le chaos qui les secouent sur la sécurité des frontières de l’UE et les intérêts pétro-gaziers des USA dans la région.
Que puit espérer Kiev dans les prochains mois ? Les USA s’en détournent comme on vient de le constater. Les polémiques qui se font encore entendre autour de l’agression russe ne servent qu’à alimenter une guerre médiatique à laquelle ils excellent vu qu’elle permet d’entretenir la virtualité de leurs « valeurs » dont la prétention universaliste prête tant à rire qu’à pleurer. L’accusation en miroir est tout aussi bien un pan de cette extraordinaire virtualité. Rien ne lui répugne.
A son tour, l’UE ne voudra pas payer les pots cassés. Si l’Ukraine, concrètement l’ex-Galicie, tentera une fois de plus de se tourner vers la Pologne, celle-ci ne lui répondra que par le programme de restitution déjà prévu en cas d’adhésion de l’Ukraine à l’UE. Cette mesure, contestable mais juridiquement admissible, reviendrait à assener le coup de grâce à un pays qui a déjà perdu la Crimée, le Donbass et qui pourrait perdre le contrôle de Marioupol et Odessa si la population, estimant n’avoir plus grand-chose à perdre, s’imprégnait du mouvement souverainiste des RPD/RPL. La Novorossia se reconstituerait alors progressivement dans ses frontières historiques.
Il serait grand temps de comprendre qu’on ne gouverne pas indéfiniment et uniquement par la terreur.Peut-être s’agit-il d’une coïncidence mais le hasard a rarement sa place en politique. Aux alentours des 4-5 novembre, la CEDH exprime son insatisfaction totalequant à la façon opaque dont l’enquête sur les évènements tragiques d’Odessa est menée. Quelques jours plus tard, aux alentours du 8 novembre, l’oligarque et fondateur du parti « UKROP » (acronyme de Patriote ukrainien), Gennady Korban, astreint à résidence surveillée pour corruption, reconnaît avoir orchestré le massacre du 2 mai. Fort de la bénédiction de son influent partenaire, Igor Kolomoïsky, les deux compères avaient proposé au Président par intérim de l’époque, Alexandre Tourtchynov, une solution violente et efficace qui permettrait de conserver l’unité de l’Ukraine … ou en tout cas une illusion d’unité : « Le charbon et la métallurgie du Donbass sont certes importants (…) mais qu’aurions-nous fait sans les gisements de manganèse, les mineraies de fer et l’entreprise spatiale militaire Yuzhmash de Dniepropetrovsk » ? (…). Ce que nous avons fait à Odessa, nous ne l’avions pas fait à temps à Donetsk et à Lougansk (…). Mais au moins avons-nous évité le morcellement d’un pays dont la ligne de fracture aurait été le Dniepr ». Je pense que la CEDH devrait s’estimer satisfaite : les auteurs de la tuerie se sont dénoncés (et ont été dénoncés). D’un autre côté, que faire quand on sait que Korban ne fait pas l’objet d’une poursuite pour meurtre de masse – aucun regret dans ses propos, plutôt même de la fierté –quand on sait que les fortunes de Kolomoïsky continuent à enfler et que Tourtchynov, communément désigné par « Trouptchynov » dans le Donbass (littéralement, « du cadavre »), est aujourd’hui président du groupe Front populaire à la Rada ?
La Commission européenne est dans une bien fâcheuse posture car il lui faudrait maintenant dévoiler au grand jour le vrai visage de ses protégés et soutiens sur le terrain. Parallèlement, la campagne de dénigrement du gouvernement kiévien par ses mécènes se double de sa décrédibilisation totale dans l’esprit des Ukrainiens. Une amie originaire de Kharkov mais résidant à Moscou depuis quelques années se souvient de la haine que nourrissait sa famille kharkovienne pour l’ « envahisseur russe ». C’était il y a tout juste un an. Elle ne comprenait pas que leur parente puisse travailler chez l’agresseur. Elle la méprisait. Aujourd’hui, me confie cette amie, plus un mot sur cet horrible envahisseur sillonnant les steppes du Donbass. Nos relations, dit-elle, connaissent un net réchauffement, mon frère veut me rendre visite à Moscou.
Désabusée, cette famille si typique de l’Ukrainien lambda retiendra du Maïdan non pas sa dimension initialement sociale mais bien son effet chaotisant et domino. D’abord confrontée à la misère des années 90, ensuite à la révolution colorée de 2004, enfin à un pouvoir faible et girouette, l’Ukraine s’est enlisée dans cette Matrix impérialiste US dont le secrétaire adjoint de la Maison-Blanche, Karl Rove, grand soutien de la famille Bush, avait décrit la mécanique perfide en 2002 : « Nous sommes un empire (…) et lorsque nous agissons nous créons notre propre réalité. Et pendant que vous étudiez cette réalité (…), nous agissons à nouveau et nous créons d’autres réalités nouvelles (…). Nous sommes les acteurs de l’Histoire ».
Le scénario touche à sa fin. Il a bien fallu des litres de sang pour entrer dans la Matrix. Hélas, vu l’obstination démente de Kiev, sans doute en faudra-t-il encore plus pour s’en extraire en évitant, si tant est que cela soit encore possible, l’éclatement de l’Ukraine. Le piège est là. Si Kiev laisse tomber le Donbass, la victoire des Républiques acquerra une force symbolique particulièrement exemplaire.Odessa, Marioupol et peut-être même Kharkov ne sauront y rester indifférents. Si en revanche Kiev persiste dans sa politique de terreur, le soulèvement aura quand même lieu mais il pourrait en ce cas gagner l’ensemble du pays. Que l’Ukraine risque de rester sans gouvernail n’est pas un si grand mal en soi. Que son peuple fasse enfin son choix qui sera de toute façon un choix crucial entre deux maux et qu’il triomphe par lui-même de la Matrix en créant une réalité qui soit à sa mesure.
Françoise Compoint
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