Source : Basta
Le futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes, est-il vraiment utile, à l’heure où le trafic aérien est en berne ? Basta ! s’est penché sur le cas de ces aéroports français qui sont aujourd’hui largement sous-utilisés, grèvent les finances publiques et ne vivent que grâce aux compagnies low-cost, elles-mêmes sponsorisées par le contribuable. L’aéroport voulu par Jean-Marc Ayrault ressemblera-t-il demain à ces zones d’embarquement quasi désertes ?
Le futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes, est-il vraiment utile, à l’heure où le trafic aérien est en berne ? Basta ! s’est penché sur le cas de ces aéroports français qui sont aujourd’hui largement sous-utilisés, grèvent les finances publiques et ne vivent que grâce aux compagnies low-cost, elles-mêmes sponsorisées par le contribuable. L’aéroport voulu par Jean-Marc Ayrault ressemblera-t-il demain à ces zones d’embarquement quasi désertes ?
En
France, 55% du trafic aérien passager et 89% du trafic de fret sont
concentrés dans les aéroports de Paris. La moitié du trafic régional
concerne quatre aéroports : Nice, Lyon, Marseille et Toulouse [1].
Mis à part Nice, aucun des 150 aéroports régionaux n’a vraiment réussi
développer ses liaisons internationales. Si ce n’est à coup de
subventions régionales ou en accueillant des compagnies low-cost, elles
aussi subventionnées. Une situation qui risque de perdurer alors que la
morosité s’installe dans le ciel commercial : parmi les 15 premiers
aéroports mondiaux, seul ceux situés en Asie (Pékin, Hong Kong) ou au
Moyen-Orient (Dubaï), ont une croissance en nombre de passagers
supérieure à 4% (2,2% pour Paris CDG).
Pour les vols intérieurs, le trafic aussi est en berne : « Le niveau d’activité du trafic intérieur, en constante diminution depuis une dizaine d’années, est du même ordre de grandeur qu’en 1994 », constate la Direction générale de l’aviation civile. Directement concurrencés par le TGV, certains aéroports se révèlent fortement sous-utilisés. Dans ce contexte, le nouvel aéroport nantais, prévu à Notre-Dame-des-Landes, est-il vraiment utile ? Petit aperçu du sort qui pourrait lui être réservé, au regard de ce qui se passe chez ses voisins.
Angers : l’aéroport qui fait fuir toutes les compagnies aériennes
Inauguré en 1998
Taux de fréquentation : 10%
Gestionnaire : société Kéolis Angers
« Quand un avion se pose à l’aéroport d’Angers, c’est presque un évènement », ironise-t-on en pays angevin. Il faut dire qu’avec les 5 000 passagers accueillis en 2011, cet équipement pourvu de deux pistes a atteint le taux de fréquentation record de... 10 % ! Situé sur la commune de Marcé, à vingt-cinq kilomètres au nord-est d’Angers, disposant de divers services (bar, location de voitures, boutiques), l’aéroport enchaine les déconvenues depuis son ouverture. Les taux de remplissage des avions sont si bas que les compagnies se succèdent sur le tarmac angevin sans jamais s’y installer. Ni les liaisons intérieures (vers Clermont-Ferrand, Tours ou Lyon), ni les liaisons internationales (vers l’Angleterre ou l’Irlande) ne rencontrent de succès. Mais ce bilan lamentable ne décourage pas les élus locaux. Face aux suggestions de fermeture – notamment si l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes voit le jour –, Daniel Loiseau, vice-président (PS) d’Angers Loire Métropole a ainsi martelé, en septembre 2010 : « Notre aéroport a sa vocation et son utilité ».
Début 2012, l’élu se réjouit de l’arrivée de la compagnie britannique British Airways. Mais son collègue UMP Christophe Béchu, président du Conseil Général du Maine-et-Loire refuse de verser les 43 000 euros qui lui sont demandés, en échange de promesses de retombées touristiques. Celles-ci sont « malheureusement négligeables », affirme l’élu. « Ce n’est pas le rôle de la collectivité de financer une partie du voyage d’un touriste souhaitant se rendre aux Jeux Olympiques de Londres », ajoute-t-il. L’engouement des angevins pour Londres (et réciproquement) n’a pas été très long. Les vols de British Airways sont déjà suspendus, et ce jusqu’à mai 2013. Pour l’heure, la seule destination ouverte dans la rubrique « Vols au départ d’Angers », c’est Nice, premier aéroport en dehors de Roissy et d’Orly.
Aéroport de Lorraine : un puits sans fond
Inauguré en 1991
Taux de fréquentation : 56 %
Gestionnaire : la Région Lorraine est le seul et unique gestionnaire depuis novembre 2011.
En juillet 2008, Philippe Séguin, alors Premier président de la Cour des comptes, remet en cause la pertinence de l’aéroport de Metz-Nancy-Lorraine (ou aéroport « de Louvigny »). « L’intérêt n’est pas évident, alors que trois plateformes (Nancy-Essey, Epinal-Mirecourt, Metz-Frescaty, ndlr) préexistaient, plus proches, de surcroît, de Nancy, Metz et Epinal » [2]. Avec un trafic estimé à 280 000 passagers en 2011, la structure en a gagné 120 000 en 20 ans. Pas de quoi pavoiser, l’aéroport de Lorraine ayant été dimensionné pour 500 000 usagers par an, rappelle le Républicain Lorrain. La situation s’est compliquée avec l’arrivée du TGV-Est en 2007 qui a entraîné la fermeture des lignes vers Paris et Nantes. La ligne régulière vers Clermont-Ferrand a été abandonnée en 2008. Un déficit de 600 000 euros en 2009 a été pris en charge par la Région et les Chambres de commerce pour boucler le budget.
Le Groupement de gestion de l’aéroport de Lorraine (GIGAL) – regroupant les chambres de commerce de Metz et de Nancy – qui gérait l’aéroport, a fini par jeter l’éponge. La délégation de service public par la Région exigeait que le gestionnaire assume les éventuelles pertes financières. Et investisse dans le développement d’une Zac (Zone d’aménagement concertée) mitoyenne. Pour une concession de douze ans seulement, le retour sur investissement semblait difficile. Pas étonnant que Vinci, d’habitude très présent sur ce type d’appel d’offres, ne se soit pas manifesté. A défaut de repreneur, la région Lorraine s’est donc lancée en régie directe en novembre 2011 [3]. Désormais obligée d’assumer le financement de l’aéroport de Louvigny, la collectivité territoriale en épongera également les dettes. Pour combien de temps ?
Aéroport de Rennes : bientôt fermé ?
Inauguré en 1933
Taux de fréquentation : 50%
Gestionnaire : Chambre de commerce et d’industrie de Rennes.
Avec 500 000 passagers par an, l’aéroport de Rennes est le deuxième de Bretagne, derrière celui de Brest où transitent chaque année plus de 900 000 voyageurs. Directement concurrencé par la ligne TGV, qui permet de rallier Paris en deux heures (et bientôt 1h30), cet aéroport n’a jamais atteint le million de passagers qu’il espérait. Entre 2007 et 2011, l’évolution du trafic a même été négative (- 5 %). Difficile d’imaginer l’avenir de ce petit aéroport si celui de Notre-Dame-des-Landes (situé à 55 minutes de voiture de Rennes) voit le jour... Les plus pessimistes parient sur une chute vertigineuse du nombre de passagers, voire sur la disparition pure et simple de l’aérogare. « Non à la fermeture de Rennes-Saint-Jacques ! », pouvait-on lire sur une des banderoles, lors de la manifestation en opposition au projet de Notre-Dame-des-Landes, le 10 novembre à Rennes. 600 personnes travaillent sur le site rennais.
« Le gel ou le report à long terme du projet aéroportuaire de Notre-Dame-des-Landes lèverait un certain nombre d’incertitudes quant au devenir de l’aéroport de Rennes, signalait l’Agence d’urbanisme et de développement intercommunal de l’agglomération rennaise (Audiar) dans un rapport en juin 2009. Son aire de chalandise étant préservée, elle conserverait tout son potentiel de développement de l’offre aérienne nationale et internationale (...) et maintiendrait son avantage comparatif vis-à-vis de l’aéroport de Nantes-Atlantique concernant les activités de fret. » Précisons que l’Audiar est notamment financée par Rennes métropole, le département d’Ille-et-Vilaine et la Région Bretagne, dirigés par des élus PS, pourtant favorables au projet de Notre-Dame-des-Landes...
Aéroport de Tours : quand les contribuables sponsorisent Ryanair
Construit dans les années 1930
Taux de fréquentation : 55 %
Gestionnaire : Délégué depuis 2010 au géant du BTP canadien SNC Lavalin [4]
Jusqu’en 2003, l’aéroport Tours-Val de Loire peine à exister avec... 3000 passagers par an. Avec l’ouverture de la ligne Ryanair Tours-Londres, l’aéroport atteint, en moins de 10 ans, 110 000 voyageurs annuels. Mais derrière cet apparent succès, la Chambre régionale des Comptes pointe « la dépendance vis-à-vis des subventions des collectivités publiques » (télécharger le rapport). Entre 2003 et 2005, l’ancien gestionnaire de l’aéroport a bénéficié de plus de 7 millions d’euros d’aides publiques [5] !
Le rapport de la Chambre régionale des comptes dénonce également les « subventions » versées par l’aéroport à Ryanair, qui atteindraient 45 euros par passager ! Alors que les collectivités locales déroulent le tapis rouge à la compagnie aérienne, cette dernière a fait monter les enchères, en demandant 400 000 euros par partenaires [6] en 2010. Au même moment, le conseil général d’Indre-et-Loire décide d’augmenter de 3 à 10 % par an jusqu’en 2021 la subvention au syndicat mixte gérant l’aéroport (SMADAIT). La note des contribuables s’alourdit au profit d’une compagnie étrangère, dont le chiffre d’affaires en France approche les 300 millions d’euros. Et les collectivités locales se rendent complètement vulnérable à d’éventuels chantages de la compagnie low-cost : en janvier 2011, Ryanair a décidé de ne plus baser d’avions à l’aéroport de Marseille suite à une décision de justice lui demandant de respecter le droit du travail (Ryanair estime que ses personnels relèvent de la législation irlandaise, même en France)...
Nantes Atlantique : des marges de manœuvre pour éviter la saturation
Premiers vols commerciaux : 1951
Taux de fréquentation : 80%
Gestionnaire : Aéroports du Grand Ouest, qui associe Vinci, les Chambres de commerce et d’industrie de Nantes et de Saint-Nazaire et ETPO (Entreprise de Travaux Publics de l’Ouest)
Dans les années 70, les « experts » avaient envisagé six millions de passagers à Nantes Atlantique en l’an 2000 pour justifier la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. En 2010, trois millions de personnes ont transité par cet aéroport. Sa capacité d’accueil est de quatre millions de passagers. Mais « c’est le nombre de mouvements d’avions qui est important. Si la fréquentation augmente significativement (+ 5,5 % par an en moyenne) celle du trafic l’est nettement moins (environ 1,2% par an) », explique Thierry Masson, du collectif des pilotes doutant de la pertinence du projet de Notre-Dame-des-Landes. Car les avions sont de plus en plus gros et de mieux en mieux remplis. Pour ce professionnel de l’aviation, comme pour divers acteurs économiques [7], il est possible d’aménager le site existant de Nantes Atlantique pour éviter une éventuelle saturation : agrandir l’aérogare, construire une ligne ferroviaire permettant de rallier le centre de Nantes à l’aéroport plus rapidement...
Déserts aériens et chantage low-cost
« Les aéroports régionaux sont condamnés à faire du low-cost », rappelle Thierry Masson. En 2011, les trafics exceptionnels enregistrés à Bâle Mulhouse (+ 22,4%) et Beauvais (+ 25,4%) sont dus au succès du low-cost. Lequel s’appuie sur un subventionnement public important, via les exonérations fiscales notamment. Les grandes compagnies se concentrent sur des grands aéroports et mutualisent leurs moyens, précise Thierry Masson. Qui insiste : « La réalisation coûte que coûte de Notre-Dame-des-Landes pourrait tout à fait conduire à un fiasco, tel que Mirabel au Canada, ou encore Ciudad real en Espagne. »
Construit au milieu d’une plaine désertique, à 200 kilomètre de Madrid, l’aéroport international de Ciudad real a été mis en service en 2008. Prévu pour accueillir 4 millions de passagers par an, il en a vu passer... 100 000 en quatre ans ! Le dernier vol commercial a eu lieu en décembre 2011. Quant à l’aéroport de Mirabel, au Canada, il a été inauguré en 1975, après un chantier express de 5 ans et l’expropriation de très nombreux paysans. La crise pétrolière des années 1970, la concurrence de l’aéroport de Toronto et le défaut de dessertes ferroviaires ont eu raison de cet équipement. Le dernier vol passager a eu lieu en octobre 2004 et Mirabel est aujourd’hui quasi-désert.
Sophie Chapelle et Nolwenn Weiler
@Sophie_Chapelle et @NolwennWeiler sur twitter
Photo : Source
Pour les vols intérieurs, le trafic aussi est en berne : « Le niveau d’activité du trafic intérieur, en constante diminution depuis une dizaine d’années, est du même ordre de grandeur qu’en 1994 », constate la Direction générale de l’aviation civile. Directement concurrencés par le TGV, certains aéroports se révèlent fortement sous-utilisés. Dans ce contexte, le nouvel aéroport nantais, prévu à Notre-Dame-des-Landes, est-il vraiment utile ? Petit aperçu du sort qui pourrait lui être réservé, au regard de ce qui se passe chez ses voisins.
Angers : l’aéroport qui fait fuir toutes les compagnies aériennes
Inauguré en 1998
Taux de fréquentation : 10%
Gestionnaire : société Kéolis Angers
« Quand un avion se pose à l’aéroport d’Angers, c’est presque un évènement », ironise-t-on en pays angevin. Il faut dire qu’avec les 5 000 passagers accueillis en 2011, cet équipement pourvu de deux pistes a atteint le taux de fréquentation record de... 10 % ! Situé sur la commune de Marcé, à vingt-cinq kilomètres au nord-est d’Angers, disposant de divers services (bar, location de voitures, boutiques), l’aéroport enchaine les déconvenues depuis son ouverture. Les taux de remplissage des avions sont si bas que les compagnies se succèdent sur le tarmac angevin sans jamais s’y installer. Ni les liaisons intérieures (vers Clermont-Ferrand, Tours ou Lyon), ni les liaisons internationales (vers l’Angleterre ou l’Irlande) ne rencontrent de succès. Mais ce bilan lamentable ne décourage pas les élus locaux. Face aux suggestions de fermeture – notamment si l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes voit le jour –, Daniel Loiseau, vice-président (PS) d’Angers Loire Métropole a ainsi martelé, en septembre 2010 : « Notre aéroport a sa vocation et son utilité ».
Début 2012, l’élu se réjouit de l’arrivée de la compagnie britannique British Airways. Mais son collègue UMP Christophe Béchu, président du Conseil Général du Maine-et-Loire refuse de verser les 43 000 euros qui lui sont demandés, en échange de promesses de retombées touristiques. Celles-ci sont « malheureusement négligeables », affirme l’élu. « Ce n’est pas le rôle de la collectivité de financer une partie du voyage d’un touriste souhaitant se rendre aux Jeux Olympiques de Londres », ajoute-t-il. L’engouement des angevins pour Londres (et réciproquement) n’a pas été très long. Les vols de British Airways sont déjà suspendus, et ce jusqu’à mai 2013. Pour l’heure, la seule destination ouverte dans la rubrique « Vols au départ d’Angers », c’est Nice, premier aéroport en dehors de Roissy et d’Orly.
Aéroport de Lorraine : un puits sans fond
Inauguré en 1991
Taux de fréquentation : 56 %
Gestionnaire : la Région Lorraine est le seul et unique gestionnaire depuis novembre 2011.
En juillet 2008, Philippe Séguin, alors Premier président de la Cour des comptes, remet en cause la pertinence de l’aéroport de Metz-Nancy-Lorraine (ou aéroport « de Louvigny »). « L’intérêt n’est pas évident, alors que trois plateformes (Nancy-Essey, Epinal-Mirecourt, Metz-Frescaty, ndlr) préexistaient, plus proches, de surcroît, de Nancy, Metz et Epinal » [2]. Avec un trafic estimé à 280 000 passagers en 2011, la structure en a gagné 120 000 en 20 ans. Pas de quoi pavoiser, l’aéroport de Lorraine ayant été dimensionné pour 500 000 usagers par an, rappelle le Républicain Lorrain. La situation s’est compliquée avec l’arrivée du TGV-Est en 2007 qui a entraîné la fermeture des lignes vers Paris et Nantes. La ligne régulière vers Clermont-Ferrand a été abandonnée en 2008. Un déficit de 600 000 euros en 2009 a été pris en charge par la Région et les Chambres de commerce pour boucler le budget.
Le Groupement de gestion de l’aéroport de Lorraine (GIGAL) – regroupant les chambres de commerce de Metz et de Nancy – qui gérait l’aéroport, a fini par jeter l’éponge. La délégation de service public par la Région exigeait que le gestionnaire assume les éventuelles pertes financières. Et investisse dans le développement d’une Zac (Zone d’aménagement concertée) mitoyenne. Pour une concession de douze ans seulement, le retour sur investissement semblait difficile. Pas étonnant que Vinci, d’habitude très présent sur ce type d’appel d’offres, ne se soit pas manifesté. A défaut de repreneur, la région Lorraine s’est donc lancée en régie directe en novembre 2011 [3]. Désormais obligée d’assumer le financement de l’aéroport de Louvigny, la collectivité territoriale en épongera également les dettes. Pour combien de temps ?
Aéroport de Rennes : bientôt fermé ?
Inauguré en 1933
Taux de fréquentation : 50%
Gestionnaire : Chambre de commerce et d’industrie de Rennes.
Avec 500 000 passagers par an, l’aéroport de Rennes est le deuxième de Bretagne, derrière celui de Brest où transitent chaque année plus de 900 000 voyageurs. Directement concurrencé par la ligne TGV, qui permet de rallier Paris en deux heures (et bientôt 1h30), cet aéroport n’a jamais atteint le million de passagers qu’il espérait. Entre 2007 et 2011, l’évolution du trafic a même été négative (- 5 %). Difficile d’imaginer l’avenir de ce petit aéroport si celui de Notre-Dame-des-Landes (situé à 55 minutes de voiture de Rennes) voit le jour... Les plus pessimistes parient sur une chute vertigineuse du nombre de passagers, voire sur la disparition pure et simple de l’aérogare. « Non à la fermeture de Rennes-Saint-Jacques ! », pouvait-on lire sur une des banderoles, lors de la manifestation en opposition au projet de Notre-Dame-des-Landes, le 10 novembre à Rennes. 600 personnes travaillent sur le site rennais.
« Le gel ou le report à long terme du projet aéroportuaire de Notre-Dame-des-Landes lèverait un certain nombre d’incertitudes quant au devenir de l’aéroport de Rennes, signalait l’Agence d’urbanisme et de développement intercommunal de l’agglomération rennaise (Audiar) dans un rapport en juin 2009. Son aire de chalandise étant préservée, elle conserverait tout son potentiel de développement de l’offre aérienne nationale et internationale (...) et maintiendrait son avantage comparatif vis-à-vis de l’aéroport de Nantes-Atlantique concernant les activités de fret. » Précisons que l’Audiar est notamment financée par Rennes métropole, le département d’Ille-et-Vilaine et la Région Bretagne, dirigés par des élus PS, pourtant favorables au projet de Notre-Dame-des-Landes...
Aéroport de Tours : quand les contribuables sponsorisent Ryanair
Construit dans les années 1930
Taux de fréquentation : 55 %
Gestionnaire : Délégué depuis 2010 au géant du BTP canadien SNC Lavalin [4]
Jusqu’en 2003, l’aéroport Tours-Val de Loire peine à exister avec... 3000 passagers par an. Avec l’ouverture de la ligne Ryanair Tours-Londres, l’aéroport atteint, en moins de 10 ans, 110 000 voyageurs annuels. Mais derrière cet apparent succès, la Chambre régionale des Comptes pointe « la dépendance vis-à-vis des subventions des collectivités publiques » (télécharger le rapport). Entre 2003 et 2005, l’ancien gestionnaire de l’aéroport a bénéficié de plus de 7 millions d’euros d’aides publiques [5] !
Le rapport de la Chambre régionale des comptes dénonce également les « subventions » versées par l’aéroport à Ryanair, qui atteindraient 45 euros par passager ! Alors que les collectivités locales déroulent le tapis rouge à la compagnie aérienne, cette dernière a fait monter les enchères, en demandant 400 000 euros par partenaires [6] en 2010. Au même moment, le conseil général d’Indre-et-Loire décide d’augmenter de 3 à 10 % par an jusqu’en 2021 la subvention au syndicat mixte gérant l’aéroport (SMADAIT). La note des contribuables s’alourdit au profit d’une compagnie étrangère, dont le chiffre d’affaires en France approche les 300 millions d’euros. Et les collectivités locales se rendent complètement vulnérable à d’éventuels chantages de la compagnie low-cost : en janvier 2011, Ryanair a décidé de ne plus baser d’avions à l’aéroport de Marseille suite à une décision de justice lui demandant de respecter le droit du travail (Ryanair estime que ses personnels relèvent de la législation irlandaise, même en France)...
Nantes Atlantique : des marges de manœuvre pour éviter la saturation
Premiers vols commerciaux : 1951
Taux de fréquentation : 80%
Gestionnaire : Aéroports du Grand Ouest, qui associe Vinci, les Chambres de commerce et d’industrie de Nantes et de Saint-Nazaire et ETPO (Entreprise de Travaux Publics de l’Ouest)
Dans les années 70, les « experts » avaient envisagé six millions de passagers à Nantes Atlantique en l’an 2000 pour justifier la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. En 2010, trois millions de personnes ont transité par cet aéroport. Sa capacité d’accueil est de quatre millions de passagers. Mais « c’est le nombre de mouvements d’avions qui est important. Si la fréquentation augmente significativement (+ 5,5 % par an en moyenne) celle du trafic l’est nettement moins (environ 1,2% par an) », explique Thierry Masson, du collectif des pilotes doutant de la pertinence du projet de Notre-Dame-des-Landes. Car les avions sont de plus en plus gros et de mieux en mieux remplis. Pour ce professionnel de l’aviation, comme pour divers acteurs économiques [7], il est possible d’aménager le site existant de Nantes Atlantique pour éviter une éventuelle saturation : agrandir l’aérogare, construire une ligne ferroviaire permettant de rallier le centre de Nantes à l’aéroport plus rapidement...
Déserts aériens et chantage low-cost
« Les aéroports régionaux sont condamnés à faire du low-cost », rappelle Thierry Masson. En 2011, les trafics exceptionnels enregistrés à Bâle Mulhouse (+ 22,4%) et Beauvais (+ 25,4%) sont dus au succès du low-cost. Lequel s’appuie sur un subventionnement public important, via les exonérations fiscales notamment. Les grandes compagnies se concentrent sur des grands aéroports et mutualisent leurs moyens, précise Thierry Masson. Qui insiste : « La réalisation coûte que coûte de Notre-Dame-des-Landes pourrait tout à fait conduire à un fiasco, tel que Mirabel au Canada, ou encore Ciudad real en Espagne. »
Construit au milieu d’une plaine désertique, à 200 kilomètre de Madrid, l’aéroport international de Ciudad real a été mis en service en 2008. Prévu pour accueillir 4 millions de passagers par an, il en a vu passer... 100 000 en quatre ans ! Le dernier vol commercial a eu lieu en décembre 2011. Quant à l’aéroport de Mirabel, au Canada, il a été inauguré en 1975, après un chantier express de 5 ans et l’expropriation de très nombreux paysans. La crise pétrolière des années 1970, la concurrence de l’aéroport de Toronto et le défaut de dessertes ferroviaires ont eu raison de cet équipement. Le dernier vol passager a eu lieu en octobre 2004 et Mirabel est aujourd’hui quasi-désert.
Sophie Chapelle et Nolwenn Weiler
@Sophie_Chapelle et @NolwennWeiler sur twitter
Photo : Source
Notes
[1] Sur
152 millions de passagers en 2010, les aéroports de Paris en ont
accueilli 80 millions, les régionaux 60 millions et les aéroports
d’Outre-mer 10 millions, selon le rapport de l’Observatoire de
l’aviation civile.
[2] Télécharger la déclaration de Philippe Séguin du 9 juillet 2008, à l’occasion de la présentation du rapport public sur Les aéroports français face aux mutations du transport aérien
[3] Par l’intermédiaire d’un Établissement public industriel et commercial
[4] Le
Syndicat mixte pour l’aménagement et le développement de l’aéroport
international de Tours (SMADAIT), qui réunit l’agglomération de Tours,
la Chambre de commerce et d’industrie, le conseil général et le conseil
régional, a délégué sa gestion pour douze ans au géant du BTP canadien SNC Lavalin.
[5] Total
des aides accordées par les organismes publics et les collectivités
territoriales à la SEMAVAL, gestionnaire de l’aéroport de Tours
[7] Et notamment le cabinet d’experts ayant réalisé une étude sur les coûts/bénéfices de Notre-Dame-des-Landes.
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