par Jean-Christophe Chanut
La Tribune - mercredi 1er avril 2015
Le soir même du second
tour des élections départementales, dimanche 29 mars, le
Premier ministre a évoqué une « accélération des
réformes », via, notamment, de nouvelles mesures en
faveur de l’investissement public et privé et, surtout,
concernant le fonctionnement du marché du travail.
Depuis, et ça ne tient pas
au hasard, il y a une sorte d’emballement. Pierre
Gattaz, le président du Medef, intervenant mardi 31 mars
sur RTL, a plaidé pour un contrat de travail dont les
clauses prévoiraient préventivement les motifs de
rupture par licenciement. Par exemple, la chute
d’activité justifierait la rupture du contrat.
Et ce afin de
« sécuriser » les chefs d’entreprise. En fait, Pierre
Gattaz reprend une ancienne idée de la CGPME, une autre
organisation patronale, qui souhaitait qu’un contrat de
travail puisse être « naturellement » rompu, par exemple
au terme d’un délai de trois ans, en cas d’absence de
croissance ou de mauvais résultats de l’entreprise.
C’est aussi Jean Tirole -
prix Nobel d’économie - et une dizaine d’autres
économistes - qui ont publié fort opportunément, lundi
30 mars, dans le quotidien Les Echos, (lien : www.lesechos.fr/)
une tribune où ils plaident en faveur d’un « Jobs Act »
à la française. Leur credo : il faut simplifier la
procédure de licenciement économique pour que le juge
n’ait plus la possibilité de vérifier le caractère
« sérieux » du motif, mais seulement son aspect
« réel ».
Il faut également
supprimer l’obligation pour l’employeur de chercher à
reclasser un salarié menacé de licenciement. Il
conviendrait aussi de moduler la cotisation des
entreprises à l’assurance chômage selon le principe du
bonusmalus. Des accords dérogatoires à la durée du
travail dans la loi Macron ?
Par ailleurs, les « rumeurs » bruissent autour du projet de loi Macron sur la croissance et l’activité qui doit arriver devant le Sénat le 7 avril, avant de revenir en mai en seconde lecture à l’Assemblée Nationale
.
Selon ces rumeurs, le
texte pourrait, par voie d’amendements du gouvernement
ou de l’opposition sénatoriale UMP finalement comprendre
des mesures permettant la conclusion d’accords de
maintien de l’emploi « offensifs ».
Ces accords majoritaires
(signés par un ou des syndicats représentant 50% des
salariés) permettraient de conclure dans toutes les
entreprises
et non comme actuellement seulement dans celles rencontrant des difficultés
des accords autorisant de déroger à la durée du travail sans, éventuellement, augmenter les salaires, voire même en les diminuant. Ce qui serait un coup sérieux porté au mécanisme des heures supplémentaires qui se déclenche automatiquement après la 35ème heure de travail.
et non comme actuellement seulement dans celles rencontrant des difficultés
des accords autorisant de déroger à la durée du travail sans, éventuellement, augmenter les salaires, voire même en les diminuant. Ce qui serait un coup sérieux porté au mécanisme des heures supplémentaires qui se déclenche automatiquement après la 35ème heure de travail.
Bien entendu, en vérité,
le hasard n’a aucune place ici. Toutes ces manoeuvres
tendent à encourager Manuel Valls et son ministre de
l’Economie, Emmanuel Macron, à aller plus loin dans les
réformes, notamment sur le fonctionnement du marché du
travail.
Mais qu’en est-il exactement ?
Déroger aux règles sur la
durée du travail, réformer le contrat de travail… le
gouvernement hésite Selon nos informations, il y a
divergence au sein de l’exécutif même sur l’opportunité
et l’ampleur des réformes à mener sur le marché du
travail.
Ainsi, le ministre du
travail, François Rebsamen, plaiderait plutôt pour un
rythme « lent ». Il aurait l’oreille de François
Hollande qui souhaite ne pas mettre le feu aux poudres
avec une partie du PS, alors que les socialistes seront
en congrès à Poitiers du 5 au 7 juin.
« Vouloir inclure par
amendements dans la loi Macron des accords offensifs de
maintien de l’emploi ajouterait encore de la discorde au
sein du PS », affirme, en effet, un député
« frondeur ».`
Un tel passage en force
heurterait de surcroît la sensibilité des partenaires
sociaux. En effet, conformément à un calendrier
préalablement arrêté, les organisations patronales et
syndicales ont décidé de se livrer à un examen critique
de l’Accord national interprofessionnel (ANI) du 11
janvier 2013 (qui a donné lieu ensuite à la loi sur
l’emploi de juin 2013).
Or, il est prévu que le
chapitre « accord sur le maintien de l’emploi » ne soit
pas abordé avant une réunion prévue le 18 mai. Dans ce
cadre, on sait déjà que le Medef va proposer un
assouplissement des règles régissant ces accords : il
veut, notamment, que la durée de ces accords soit rendue
possible au-delà des deux ans actuels, que l’on puisse
également toucher aux rémunérations inférieures à 1,2
Smic (ce qui n’est pas possible aujourd’hui) et, enfin,
que des entreprises « en bonne santé » aient aussi accès
à ces accords « pour améliorer leur compétitivité ».
C’est bien entendu ce
dernier point qui passe le plus mal. « Il n’est pas
question de signer ce type d’accord dans une entreprises
qui n’est pas en difficulté, explique Joseph Thouvenel
de la CFTC. Sauf situation exceptionnelle, lorsqu’une
entreprise s’engage sur des investissements massifs
durant plusieurs années pour relancer ou améliorer la
production et donc l’emploi. Dans ces très rares cas on
pourrait étudier l’opportunité ». François Hollande
ayant fait du dialogue social l’alpha et l’oméga de sa
politique, il semblerait incohérent qu’il n’attende pas
la réunion du 18 mai pour éventuellement inclure dans sa
loi « Macron 1 » des dispositions sur les accords
offensifs…
Mais il sera alors un peu
tard. Le ministre de l’Economie doit d’ailleurs, dès
vendredi 3 avril, en compagnie de François Rebsamen,
rencontrer les partenaires sociaux lors d’une séance de
travail consacrée à ce sujet.« Pour nous c’est une
simple réunion de travail et non pas une réunion où on
attend des annonces du ministre de l’Economie »,
prévient Joseph Thouvenel.
Une réforme du contrat de travail en septembre
Quant au deuxième sujet
délicat, la réforme du contrat de travail. Il semble, là
aussi, que ses partisans vont devoir patienter un peu.
Plusieurs idées sont sur la table : contrat unique,
contrat spécifique aux PME
Il y a déjà en France plus de 35 contrats de travail différents - , contrat à rupture simplifiée, etc. Rien n’est tranché
Il y a déjà en France plus de 35 contrats de travail différents - , contrat à rupture simplifiée, etc. Rien n’est tranché
Là aussi, Manuel Valls
s’est engagé à recevoir les organisations patronales et
syndicales en juin pour évoquer ce sujet. Il n’y aura
donc aucune décision prise avant. S’il devait avoir une
réforme du contrat de travail, elle n’interviendrait
sans doute pas avant la rentrée de septembre.
On sait en effet Emmanuel
Macron favorable à présenter un « projet de loi Macron
2 » destiné à favoriser l’économie numérique et
l’investissement. Ce texte pourrait alors servir de
« véhicule » à une éventuelle réforme du contrat de
travail.
Il sera alors temps
d’ouvrir le débat sur l’opportunité d’une telle réforme.
S’agit-il d’une vraie voie pour créer de l’emploi ou
encore de l’une de ces fausses bonnes idées - dont la
France a le secret - basées sur des raisons idéologiques
plus que pragmatiques ? La vérité en matière de
créations d’emplois est en effet peut-être ailleurs que
dans le droit du travail. ■
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