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par Jean-Marie Harribey, Jean Tosti
S’il
est une question qui reste un peu mystérieuse au royaume de l’économie,
c’est bien celle de la monnaie. Les mauvaises langues diraient que
c’est parce que les économistes s’en mêlent, et elles n’auraient pas
tout à fait tort. La monnaie est en effet un objet mal identifié si on
la considère uniquement sous l’angle des fonctions économiques qu’elle
remplit, a fortiori celles qu’elle remplit dans l’économie
capitaliste. Cet angle est un angle mort : on croit que l’humanité est
passée du troc à la monnaie comme elle est passée de l’âge de pierre à
l’âge de fer, et que la dette est une tache qu’il faudrait effacer à
jamais parce qu’elle serait une faute, la marque d’un déshonneur.
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Dossier : Monnaie et finance
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par Guillaume Pastureau
La
monnaie est une institution sociale présente dans toutes les sociétés
comme outil d’intégration et de cohésion sociale, elle ne peut pas être
considérée par ses simples fonctions économiques. La monnaie n’est pas
spécifique aux sociétés capitalistes, ni même aux échanges marchands.
Cependant, la dynamique du capitalisme transforme son essence même en
l’intégrant dans le processus de marchandisation. Il convient donc pour
le mouvement social, dans une optique de transformation sociale et
économique vers la transition écologique, de se battre pour sa
réappropriation collective, pour cela il est nécessaire de bien
appréhender les enjeux en commençant par comprendre le fait monétaire
par l’usage et les pratiques de la monnaie.
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par Michel Aglietta
Dans
le contexte de crise globale, de crise de l’Union européenne, de crise
de l’euro, de crise de la dette, il est légitime de se reposer la
question de la nature de la monnaie. Comment la définiriez-vous ?
La monnaie est un rapport d’appartenance des membres d’une
collectivité à cette collectivité dans son ensemble. Un mode
d’appartenance qui s’exprime sous la forme d’une dette. Toute monnaie
est une dette, quelle qu’elle soit, ce qui donne une certaine unité au
phénomène monétaire.
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par Michel Husson
La
Grèce est une économie dépendante et rentière. Dépendante, parce
qu’elle doit importer une bonne partie de son énergie et toute une série
de marchandises qu’elle ne produit pas. Rentière, parce que sa classe
dominante est plus compétente pour capter la richesse produite,
directement ou par l’intermédiaire de son État, que pour investir et
innover. La dette n’est au fond que le reflet de ces caractéristiques,
et l’alternative passe aussi par « la destruction des fondements du système oligarchique » (pour reprendre une expression de Yanis Varoufakis).
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par Eric Toussaint
La
présidente du parlement grec Zoé Konstantopoulou, qui a décidé de créer
une commission d’audit de la dette grecque, m’a demandé d’y collaborer
activement. La correspondante du Monde à Athènes a écrit récemment : « La
présidente a surtout promis la création dans les prochaines semaines
d’un comité d’audit de la dette grecque. L’objectif est de déterminer
l’éventuel caractère odieux, illégal ou illégitime des dettes publiques
contractées par le gouvernement grec », précise-t-elle, faisant allusion à plusieurs affaires de corruption et à l’opacité qui entoure l’achat d’armes par son pays.
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par Thierry Pouch
L’accession
de Syriza au pouvoir en Grèce n’a pas seulement replacé l’économie
grecque au centre de l’actualité européenne, elle a également donné un
souffle nouveau aux controverses sur les stratégies possibles de sortie
de la crise que peut ou pourrait déployer l’équipe gouvernementale
d’Alexis Tsipras. Manifestement, un bras de fer s’est engagé entre le
gouvernement grec fraîchement élu, et les autorités européennes, avec
notamment le diptyque Eurogroupe et Banque centrale, et internationales,
avec le Fonds monétaire international. La suite montre que les
pressions exercées par les pays membres de la zone euro ont été
suffisamment fortes pour que le pouvoir actuellement en place à Athènes
soit amené à revenir sur certains aspects de son programme
électoral.
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par Edwin Le Heron
Je considère que le concept de « dette illégitime »
est un concept dangereux, parce qu’il est fondamentalement un concept
libéral, antidémocratique, moraliste et contradictoire. Il est donc
selon moi un concept qui fragilise les idées progressistes que nous
essayons de défendre, au lieu de les servir. Mon point de vue critique
sur ce concept ne remet absolument pas en cause l’utilité du rapport
d’Attac, et plus généralement d’une analyse par tous les citoyens de la
dette d’un État, de son origine, de ses contreparties, de son
financement et in fine de son utilité pour la société. Toute information
en ce domaine est la bienvenue.
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par Esther Jeffers
Injections
de liquidité, baisse des taux, sauvetage des banques, politiques non
conventionnelles, etc., les banques centrales sont, depuis l’éclatement
de la crise en 2007, en première ligne. Normal, diront certains, puisque
la banque centrale est la « banque des banques »
et que les banques sont, depuis le début, au cœur même de la crise. Si
on peut définir aujourd’hui, de façon très générale, la banque centrale
comme une institution chargée de définir la politique monétaire et
d’assurer sa mise en œuvre, on peut se demander si elle a toujours connu
le même statut et joué le même rôle que de nos jours. À quoi sert une
banque centrale ? Que faut-il penser des interventions de la
Banque centrale européenne (BCE) ? Pourrait-elle et aurait-elle dû agir autrement ?
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par Carlos Bowles, Emmanuel Larue
Les
salariés de la BCE travaillant en Allemagne, on pourrait s’attendre à
ce que leurs contrats de travail soient régis par le droit allemand. En
réalité, il n’en est rien. Du fait de l’indépendance conférée par les
traités à la BCE, le droit du travail allemand n’est pas applicable à
l’intérieur de l’enceinte de la BCE.
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par Suzanne de Brunhoff
Que nous apporte la référence à Marx dans une étude de la finance contemporaine ?
Non seulement il y a un décalage historique, mais de plus Marx n’a
traité la question que dans des manuscrits, y compris celui du Livre 3
du Capital publié en 1894 par Engels. Je voudrais reprendre cette
question en examinant le rapport de Marx avec l’école classique,
principalement Ricardo, et l’apport original de Marx sur le lien entre « capital réel » productif et « capital-argent ».
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Docteur Freud and Mister Keynes
Extrait de Keynes ou l’économiste citoyen, Les Presses de Sciences Po, 1999, 2007
par Bernard Maris
Avant
d’arriver à l’économie et à la philosophie de Keynes (nous avons déjà
une petite idée de sa Weltanschaung), il nous faut prendre un second
sentier détourné. Le premier passait par Virginia Woolf et ses amis, le
second passe par le docteur Freud.
Ignorer Freud en économie – et particulièrement dans l’oeuvre de
Keynes, grand lecteur et admirateur de Freud – est à peu près équivalent
à ignorer Einstein en physique. C’est peut-être difficile à croire,
mais l’économie orthodoxe voulut créer une science ignorant l’argent.
Ainsi la théorie quantitative de la monnaie, pilier de l’économie
orthodoxe, est une théorie de la « neutralité »
de la monnaie. La monnaie n’a pas d’incidence sur l’économie.
L’économie orthodoxe postule également la rationalité des individus : ce
sont de simples considérations de coût-avantages qui en guident les
décisions.
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par Michel Husson
La
finance n’est pas autonome par rapport à l’économie réelle. Autrement
dit, les crises financières ne se déclenchent pas par hasard, mais quand
l’envol des cours boursiers est devenu totalement déconnecté de
l’évolution des profits. On peut illustrer cette proposition sur
l’exemple des États-Unis, à partir d’une comparaison entre deux
indicateurs : la Bourse et les profits.
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par Jean-Marie Harribey
L’économiste Cédric Durand vient de publier Le capital fictif, Comment la finance s’approprie notre avenir
(Paris, Les Prairies ordinaires, 2014). Cet ouvrage fait partie des
quelques-uns, très peu nombreux hélas, qui proposent une vision de la
crise à partir des concepts théoriques fondamentaux permettant de
comprendre et de critiquer le capitalisme aujourd’hui dominé par la
finance mondialisée.
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par Cédric Durand
Je
voudrais d’abord remercier Jean-Marie Harribey pour sa lecture
attentive de mon livre et pour ses commentaires bienveillants. Dans ce
qui suit, je vais brièvement tenter de clarifier ce qui semble faire
obstacle à une convergence plus grande de nos points de vue. Le problème
central tient à la définition même du capital fictif. Un concept que
Jean-Marie Harribey refuse de saisir dans sa globalité, écartant les
créances bancaires et les dettes publiques, pour ne retenir qu’une
délimitation rétrécie du capital fictif « au sens strict »,
incluant la valeur de marché des actions et des produits dérivés. Cette
tentative de réduction empêche, à mon sens, de mobiliser la puissance
du concept de capital fictif pour
saisir la spécificité du capitalisme financiarisé et, ainsi, mieux le
combattre.
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par François Chesnais
Je
suis largement d’accord avec plusieurs des critiques faites par
Jean-Marie Harribey du livre intéressant de Cédric Durand, notamment
quant au statut très flou de la théorie de la valeur à laquelle la
théorie du capital fictif exige pourtant d’être adossée. Mais je ne vois
pas comment il peut émettre l’hypothèse que le capitalisme financiarisé
correspond à « une phase de son histoire où
s’approche le moment où les perspectives de croissance de la
productivité du travail et, partant, de croissance économique
s’amenuisent, voire s’épuisent » et qualifier en même temps le capital fictif de « baudruche ». Aussi grave qu’ait été le krach
financier de 2008, le capital fictif n’a pas été touché à la racine et a pu faire supporter la crise aux travailleurs.
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par Laurence Scialom
La lecture de cet ouvrage co-écrit par des membres d’Attac et de Basta !
est une charge sans concession sur les dérives multiples des banques
que la crise n’a pas éradiquées. On a même le sentiment que certaines
pathologies se sont exacerbées, comme le caractère systémique des
établissements ou leurs connexions avec le shadow banking.
Volontairement polémiste, militant, parfois provocant, cet ouvrage
repose pourtant sur des données et analyses très sérieuses, tant
académiques qu’issues de grandes institutions internationales, type FMI
ou BRI, ou d’ONG comme Finance Watch, Oxfam ou Tax Justice Network. Les
angles d’attaque – au plein sens du terme – sont nombreux : coûts du
sauvetage des banques, pression des lobbies, dangerosité
de certaines innovations financières, emprunts toxiques, trading à haute fréquence, évasion fiscale, hypertrophie et danger des marchés dérivés, conflits d’intérêt, etc.
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par Jean-Marie Harribey
En publiant Osons rester humain, Les impasses de la toute-puissance (Les Liens qui libèrent, 2015), Geneviève Azam avance sur un chemin original. Elle nous avait déjà offert Le temps du monde fini
en 2010, où elle avait disséqué les limites écologiques de la planète.
Elle fait aujourd’hui le lien entre ces limites et les tentatives
technicistes pour les transgresser.
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par Jacques Cossart
La
revue des revues comporte deux volets, répartis en cinq parties. Au
programme des rapports internationaux, figure la lancinante question du
réchauffement climatique, toujours plus préoccupante, dont les
conséquences vont, entre autres, de la montée des températures à la
modification des précipitations et des écosystèmes marins, à la baisse
des rendements agricoles et à l’aggravation de la vulnérabilité sociale.
La responsabilité du système bancaire et financier est grandement
engagée dans les dégradations actuelles et à venir. Les phénomènes de
corruption avérés ne sont sans doute que la partie émergée d’un système
délétère.
Le second volet propose un panorama international, non exhaustif,
donc forcément subjectif, des réactions dans le monde soulevées par les
assassinats de janvier 2015 à Paris. De la difficulté des religions à ne
pas voir leur histoire associée aux pires barbaries, telle pourrait
être l’une des questions angoissantes qui est revenu après ces
attentats. De la difficulté à approfondir laïcité, liberté et conditions
du vivre ensemble, telle est la question corollaire de la précédente.
L’enjeu est crucial : éviter l’engrenage du « choc des civilisations ».
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Les Possibles, Printemps 2015
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Adresse
Attac, 21 ter rue Voltaire, 75011 Paris
Directeur de la publication
Jean-Marie Harribey
Secrétariat de la rédaction
Isabelle Bourboulon, Jacques Cossart, Nicolas
Haeringer, Jean-Marie Harribey, Esther Jeffers, Frédéric Lemaire,
Christiane Marty, Pascal Paquin, Jeanne Planche, Dominique Plihon, Jean
Tosti, Aurélie Trouvé
Responsables techniques
Edgard Deffaud, Serge Gardien, Sophie
Lambert-Evans, Éric Le Gall, Wilfried Maurin, Pascal Paquin, Tom
Roberts, Rémi Sergé, Olivier Tétard
Comité éditorial
Sylvie Agard, Christophe Aguiton, Verveine
Angeli, Paul Ariès, Geneviève Azam, Daniel Bachet, Jacques Berthelot,
Catherine Bloch-London, Martine Boudet, Isabelle Bourboulon, Thierry
Brugvin, Thierry Brun, Alain Caillé, Claude Calame, Christian Celdran,
François Chesnais, Francoise Clement, Pierre Concialdi, Philippe
Corcuff, Jacques Cossart, Thomas Coutrot, Christian Delarue, Vincent
Drezet, Cédric Durand, Guillaume Duval, Mireille Fanon-Mendès-France,
Daniel Faugeron, David Flacher, Fabrice Flipo, Pascal Franchet, Bernard
Friot, Jean Gadrey, Susan George, Jérôme Gleizes, Gérard Gourguechon,
André Grimaldi, Janette Habel, Nicolas Haeringer, Jean-Marie Harribey,
Michel Husson, Esther Jeffers, Isaac Johsua, Pierre Khalfa, Serge Le
Quéau, Frédéric Lemaire, Christiane Marty, Gus Massiah, Antoine Math,
Dominique Méda, Georges Menahem, Denise Mendez, Pascal Paquin, René
Passet, Évelyne Perrin, Dominique Plihon, Thierry Pouch, Daniel Rallet,
Juan
Roy de Menditte, Jean-Claude Salomon, Catherine Samary, Denis Sieffert,
Vicky Skoumbi, Jean-Louis Sounes, Daniel Tanuro, Bruno Tinel, Michel
Thomas, Jean Tosti, Éric Toussaint, Stéphanie Treillet, Aurélie Trouvé,
Patrick Viveret
Contact avec la revue et soumission d’articles
Les propositions d’articles nouveaux ainsi que
les contributions répondant à des textes publiés dans les numéros
précédents de la revue doivent être adressées au secrétariat de la
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