Source : Chazerans
Franchement
si cette affaire n’avait pas tant de conséquences
désastreuses sur ma vie personnelle, j’aurais encore
bien ri lorsque j’ai lu la décision du recteur. Déjà
le rapport des inspecteurs de la vie scolaire du
rectorat, la bêtise paraissait être une bonne
blague. L’enquête pénale aussi était ubuesque.
Bien-sûr, sur le coup, 8 heures de garde à vue et 5
heures d’interrogatoires ne m’ont pas vraiment fait
marrer. Mais lorsque j’ai appris que le procureur
avait classé l’affaire sans suite, le grotesque de
la situation a repris le dessus et j’ai encore bien
ri de cette bouffonnerie. Vu sa bassesse et sa
bêtise, le communiqué du procureur, du niveau du
rapport des inspecteurs du rectorat, niveau
caniveau, était des plus hilarants. La commission de
discipline, cette parodie de justice – rappelons
qu’elle était présidée par le recteur, qui est juge
et partie, qui nomme la moitié des membres de la
commission et qui décide tout seul à la fin -, avait
quelque chose d’incroyablement caricatural et
surréaliste, vieillot aussi, digne des procès
staliniens ! Encore une vraie bouffonnerie ! Et là,
cerise sur le gâteau, cette décision grotesque du
recteur !
Que m’y est-il reproché concernant ce fameux
cours du 8 janvier ? « – Considérant qu’il est
établi, ainsi qu’il ressort, d’une part, du
rapport du rapport de l’enquête administrative
conduite par les IA-IPR d’établissements et vie
scolaire et des témoignages recueillis, lors de
cette enquête, auprès des élèves, d’autre part,
des éléments communiqués par le procureur de la
République de Poitiers dans sa lettre du 27
février 2015, qu’à l’occasion d’un cours dispensé
à des élèves de terminale, le 8 janvier 2015,
Monsieur Chazerans a instauré un débat portant sur
l’assassinat des journalistes de Charlie Hebdo,
lequel a opposé violemment deux groupes d’élèves,
et que durant ce débat, il a notamment, devant les
élèves caractérisé les journalistes de Charlie
Hebdo de crapules ;
- Considérant que ce type de débat, a fortiori, lorsqu’il s’inscrit, ce qui était le cas en l’espèce, dans un contexte national et international particulièrement tendu, implique, ce que n’a pas fait ce professeur, non seulement un travail préalable de la préparation de la réflexion, mais aussi une organisation méticuleuse de l’argumentation et de la synthèse de la réflexion menée en concertation avec les élèves ;
- Considérant que ce type de débat, dès lors qu’il est organisé dans le cadre de la mission enseignante, doit avoir une finalité pédagogique, laquelle, contrairement à ce qui s’est produit en raison des propos tenus par ce professeur, ne saurait viser autre chose que l’apaisement des esprits par l’approfondissement des connaissances ;
- Considérant qu’en ayant organisé un tel débat, sans la moindre préparation, puis en ayant tenu en classe , de tels propos particulièrement inadaptés, eu égard au lourd contexte exposé ci-dessus, Monsieur Chazerans a commis des manquements graves aux obligations inhérentes à tout personnel enseignant ;
- Considérant également que les agissements de ce professeur ont porté atteinte, non seulement à l’image de la fonction enseignante, mais à celle du service public de l’Éducation nationale. »
- Considérant que ce type de débat, a fortiori, lorsqu’il s’inscrit, ce qui était le cas en l’espèce, dans un contexte national et international particulièrement tendu, implique, ce que n’a pas fait ce professeur, non seulement un travail préalable de la préparation de la réflexion, mais aussi une organisation méticuleuse de l’argumentation et de la synthèse de la réflexion menée en concertation avec les élèves ;
- Considérant que ce type de débat, dès lors qu’il est organisé dans le cadre de la mission enseignante, doit avoir une finalité pédagogique, laquelle, contrairement à ce qui s’est produit en raison des propos tenus par ce professeur, ne saurait viser autre chose que l’apaisement des esprits par l’approfondissement des connaissances ;
- Considérant qu’en ayant organisé un tel débat, sans la moindre préparation, puis en ayant tenu en classe , de tels propos particulièrement inadaptés, eu égard au lourd contexte exposé ci-dessus, Monsieur Chazerans a commis des manquements graves aux obligations inhérentes à tout personnel enseignant ;
- Considérant également que les agissements de ce professeur ont porté atteinte, non seulement à l’image de la fonction enseignante, mais à celle du service public de l’Éducation nationale. »
Rappelons que je suis passé devant la
commission de discipline pour faute grave puisque
j’avais été suspendu 4 mois. Cette faute grave était
d’avoir tenu des « propos inadéquats en classe ».
Et là, le recteur me reproche dans sa décision,
quasi-exclusivement, de n’avoir pas su organiser un
débat philosophique et très accessoirement d’avoir
tenu « des propos particulièrement inadaptés ».
Car quels sont ces propos
reprochés ? Ils se réduisent à un seul et unique
propos : d’avoir « caractérisé les journalistes
de Charlie Hebdo de crapules ». En fait de « propos »,
un seul mot : crapules ! Faute grave donc pour avoir
employé à l’égard des dessinateurs de Charlie Hebdo,
– qui étaient coutumiers de propos autrement plus
provocants -, le mot « crapules » dans le
sens de « petites crapules ». D’ailleurs
aucun des élèves sauf un, n’a réagi à ce mot. Et,
d’après les auditions contenues dans le dossier
pénal aimablement fourni au rectorat par le
procureur, l’élève à l’origine de l’affaire a mal
compris ce que j’ai dit, elle a demandé à sa
copine : c’est quoi « crapule » qui lui a
répondu que c’étaient des « cons ». Elle
n’a ensuite pas écouté ce qui a été dit !
Précisons que, lors de la commission
de discipline, aucune question ne m’a été posée
concernant l’emploi du mot « crapules ».
Donc les « propos » sont devenus un
seul et unique mot qu’il n’est pas illégal de
prononcer et, par conséquent, ce sont mes choix
pédagogiques qui me sont reprochés. Mais mes choix
pédagogiques ne sont pas des « propos » et
ne peuvent m’être reprochés que par mon inspectrice
pédagogique régionale, et ce seulement dans le cadre
d’une inspection. Précisons là aussi
qu’aucune question, non plus, ne m’a été posée
lors de la commission de discipline concernant le
débat en question. A-t-il vraiment « opposé
violemment deux groupes d’élèves » ? Bien
qu’il n’ai pas pu être « préparé », –
comment aurait-il pu l’être d’ailleurs ? -, mes
élèves n’étaient-ils pas « préparés »
depuis le début de l’année à ce type de débat ? Je
rappelle que le débat est le point central de ma
méthode pédagogique, mise patiemment en place durant
ces 20 dernières années. Mes élèves ont l’habitude
de ces débats mis en place depuis le début de
l’année scolaire, et celui du cours du 8 janvier
dernier n’était pas différent des autres. En
particulier ce débat, comme certains autres qui ont
précédé, à suscité une bonne participation et des
prises de positions fermes de la part des élèves
mais en aucun cas il n’a été « violent ». Comment
d’ailleurs aurait-il pu l’être puisque défendre une
thèse en argumentant s’oppose à la violence de
l’opinion. Certes des opinions violentes voire
haineuse ont été exprimées ce jour-là par les
élèves, en particulier qu’il fallait abattre les
frères Kouachi comme des chiens, mais le débat à
permis de les dépasser en les confrontant à des
thèses argumentées.
Il faut donc en revenir à l’origine de
l’affaire, à la saisine, comme dirait mon avocat.
Mon chef d’établissement reçoit le 15 janvier
dernier de le part d’un parent d’élève, une lettre
de délation particulièrement malveillante, aux
propos calomnieux et diffamatoires où il est écrit
« Est-il normal que les professeurs défendent le
terrorisme donnent leur opinion politique voire
leur religion ? », et qui m’accuse d’avoir
dit : « Les militaires envoyés dans les pays en
guerre c’est de l’impérialisme » et « ces
crapules de Charlie Hebdo ont mérité d’être tués ».
Évidemment, j’aurais été fautif si j’avais
« défendu le terrorisme » et dit que « ces
crapules de Charlie Hebdo ont mérité d’être tués ».
Mais ni l’enquête administrative, ni l’enquête
pénale ne conclut dans ce sens. Au contraire, dans
le rapport de l’enquête administrative, il est écrit
noir sur blanc que j’ai « déploré les meurtres ».
Et l’enquête pénale à classé l’affaire sans suite.
Je n’ai donc pas tenu les propos reprochés, ce qui
était évident dès le début pour tout le monde, sauf
l’élève et sa mère et… le recteur qui a lancé
précipitamment une enquête administrative !
Il ne lui reste donc rien pour m’accuser
d’une faute grave qui nécessitait une suspension de
quatre mois, ce qui est clair dans sa décision
puisqu’en fait de propos inadaptés, il m’est
reproché d’avoir employé un seul mot, celui de « crapules ».
Pourquoi alors me sanctionner quand même d’une
mutation d’office sur la zone de remplacement
départementale des Deux-Sèvres et me rattacher
administrativement au Lycée Jean Moulin de Thouars ?
Parce que les titulaires sur zones de remplacement
pouvant être appelé à faire des remplacements dans
les départements limitrophes, je suis de fait muté
sur l’académie entière. Et le lycée de Thouars étant
l’un des Lycées de la zone de remplacement des
Deux-Sèvres les plus éloignés de Poitiers.
Je suis donc victime d’un véritable
acharnement de la part du recteur. Prenant prétexte
d’une seule lettre, qui plus est de délation, d’un
parent d’une élève qui n’avait manifestement pas
compris ni écouté ce qui a été dit, qui est même
arrivée en retard la deuxième heure, et malgré
l’« étonnement » de mon chef d’établissement, lance
une enquête administrative. Il me suspend quand même
malgré l’enquête qui n’est pas probante et même qui
conclut que je n’aurais pas tenu les propos illégaux
dont m’accusait la mère d’élève. Puis, il transmet
le dossier au procureur de la république qui ouvre
une enquête pour « apologie d’acte terroristes ».
Enquête qui se termine par un classement sans suite.
Et, le recteur ne s’arrête pas là, il maintient la
commission de discipline. Rien, de probant et pour
cause, à la commission de discipline concernant mes
supposés « propos inadaptés » puisque je ne les ai
pas prononcés, mais elle vote quand même une
sanction. Et le recteur continue dans son
acharnement, valide la sanction en me reprochant ma
méthode pédagogique, et me mute d’office remplaçant
sur l’académie, rattaché à l’un des Lycées de la
zone de remplacement les plus loin de chez moi.
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