Lettre ouverte de Benoît Biteau - Vice Président de la Région Poitou-Charentes,
- à Thierry Carcenac - Président du Conseil Général du Tarn
Berthegille, mardi 28 octobre 2014.
Monsieur Thierry CARCENAC, vous êtes à la fois pathétique et consternant !
Consternant, en tant que maître d'oeuvre pour la réalisation du barrage de Sivens,
sur le fond de ce dossier.
Comment peut-on porter un projet public, mobilisant 100% de crédits publics sur un projet
sans se poser les bonnes questions, dès le départ ?
Le projet de barrage vient du fait que le Tescou subit, depuis 30 ans, des étiages sévères.
Monsieur CARCENAC, vous êtes-vous interrogé sur les causes de ces étiages sévères et
quelles évolutions de pratiques pourraient en être à l'origine ? Visiblement non, car vous
auriez rapidement pu faire le lien entre ces étiages sévères et le développement important
des surfaces en maïs hybride sur le bassin versant du Tescou.
Le Conseil Général du Tarn devait-il donc, face à cette situation, avec 100 % d'argent
publique, accepter de réaliser, dans une fuite en avant, un équipement qui ne vient qu'en
soutien de ces pratiques agricoles peu respectueuses de la ressource en eau, tant sur le
plan quantitatif que qualitatif d'ailleurs, ou explorer, avec cette même enveloppe, de 8,5
millions d'euros, des alternatives à ce modèle agricole qui touche le fond ?
La réponse ne peut que trouver ses fondements dans le bon sens paysan !
Monsieur CARCENAC, vous invoquez le nécessaire soutien à ce projet au motif que cette
agriculture est plus « rentable » grâce à l'irrigation.
Mais comment expliquer alors, que ces maïsiculteurs, grands bénéficiaires des aides
publiques de la PAC (Politique Agricole Commune), expliquant d'ailleurs la majeure partie
de la rentabilité de cette culture, ne puissent pas, au nom de cette rentabilité, financer euxmêmes,
un tel projet ?
Faisons, maintenant un peu de mathématiques.
Monsieur CARCENAC, vous expliquez que les exploitations moyennes concernées,
pourraient irriguer environ 40 hectares chacune grâce au 1,5 millions de mètres cubes
stockés dans le barrage de Sivens.
Contrairement à ce que vous dites, la grande majorité des surfaces qui seraient irriguées
grâce ce projet (cf : enquête publique) sont des surfaces en maïs !
Pour irriguer 1 hectare de maïs hydride, il est nécessaire de mobiliser, en moyenne 2 000
m3 d'eau. Ce barrage permettrait donc l'irrigation d'environ 800 hectares de ce maïs. Pour
une moyenne de 40 hectares par exploitation, le projet ne peut donc que concerner
environ 20 exploitations ! Ce qui signifie qu'un projet de 8,5 millions d'euros, d'argent
publique, pour stocker de l'eau, ne va bénéficier qu'à 20 exploitations agricoles, parmi
celles d'ailleurs les mieux dotées en aides publiques de la PAC ! Belle logique vertueuse !
En gros, sans trop caricaturer, 20 exploitations agricoles, parmi les mieux dotées d'aides
publiques de la PAC, vont se voir attribuer une nouvelle aide publique indirecte d'un peu
plus de 400 000 euros chacune ! 400 000 euros qu'elles ne peuvent pas financer seules et
qui pourtant va servir à irriguer une plante, parait-il très rentable, à laquelle elles ne
peuvent donc renoncer, et qui justifie donc la réalisation de ce barrage.
Qui parlait de bon sens paysan ?
Sur le fond toujours, Monsieur CARCENAC, vous convoquez le changement climatique, et
vous avez raison, comme les travaux de Garonne 2050 sur le sujet.
Ce que vous ne dites pas, Monsieur CARCENAC, c'est que ce scénario Garonne 2050,
occulte, dans son analyse du changement climatique, le poids de l'agriculture dans
ce changement climatique, et le rôle qu'elle peut jouer pour le limiter !
En effet l'agriculture est émettrice, en moyenne, de 20 % des gaz à effet de serre. Et ce
n'est pas les moteurs des tracteurs les responsables, pas davantage d'ailleurs que les
vaches qui pètent dans les prairies ! La contribution majeure de l'agriculture à
la fourniture de gaz à effet de serre est liée à sa dépendance aux
substances chimiques de synthèse, dérivées du pétrole, que sont
pesticides et engrais azotés. On connait par ailleurs, les dégâts
considérables dont ils sont responsables, sur cette même ressource en
eau, mais aussi sur les équilibres, la biodiversité, et la santé.
Pour produire 1 kilo d'azote, il faut mobiliser 1,5 litres de pétrole. Sur un hectare de maïs,
de blé ou de colza, le modèle agricole dominant apporte environ 200 à 250 kilos de cet
azote de synthèse, induisant une dépendance au pétrole (et donc alimentant la fourniture
de gaz à effet de serre) de 300 à presque 400 litres de pétrole par hectare, avant même
d'avoir tourné la clef du tracteur !
L'agriculture occupe environ 70 % des surfaces de nos territoires et c'est une activité
économique qui mobilise énormément d'argent publique via la PAC.
Ne devriez-vous pas, Monsieur CARCENAC, puisque ce changement climatique vous
tracasse visiblement, accompagner, avec autant d'argent publique, un modèle agricole qui,
d'une part, renonce aux substances de synthèse et qui, d'autre part, redécouvre les vertus
d'une agronomie qui sait s'en affranchir en mobilisant les ressources parfaitement
gratuites et inépuisables que sont, l'azote atmosphérique, le carbone, la lumière, la vie des
sols, etc. etc. ?
Ne devriez-vous pas intégrer, qu'avec autant d'argent public fléché vers cette activité
économique, il est urgent de restaurer un contrat moral décent avec la société civile, avec
les contribuables, et faire en sorte que ces 70 % d'espaces occupés par l'agriculture soient
des espaces de séquestration du carbone, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui, tant l'usage
massif de ces substances de synthèse (la France reste le premier utilisateur mondial
de pesticides, en dose par hectare ! source ONU) ont dévasté la vie et donc, la fertilité,
et par conséquent, la faculté des sols à séquestrer le carbone ?
Les prairies humides semblables à celles que vous dévastez sur le
Testet sont d'ailleurs unanimement reconnues comme de remarquables
puits de carbone, contrairement à la pratique du maïs, qui elle, émet du
carbone !
Ces deux paramètres fondamentaux, sont parfaitement occultés dans les différents
scénarii de Garonne 2050 ! Et c'est pourtant là que sont les plus grandes marges de
manoeuvre pour lutter contre le changement climatique, plutôt que dans une posture
fataliste, passive, qui ne prend pas le sujet à bras le corps, et qui préfère les fuites en
avant en tentant de résoudre des équations, impossibles à résoudre justement ! Comment
pensez-vous pouvoir, au motif de ce changement climatique, pouvoir répondre à des
augmentations de températures, associés à des régimes hydrographiques sévères,
nécessitant l'irrigation toujours plus exigeantes des cultures vidées de toute rusticité par la
sélection génétique de plantes homogénéisées et standardisées, à partir d'une ressource
de plus en plus rare et pour laquelle les priorités de gestion en bon père de famille,
restent, d'abord l'eau potable, ensuite le bon état des milieux et enfin l'irrigation (article 2
de la loi sur l'eau) ?
Le stockage de l'eau n'est donc pas la bonne réponse ! Même Garonne 2050 le dit !
Savez-vous, Monsieur CARCENAC, qu'avec autant d'argent public, vous pourriez soutenir
un modèle agricole, basé sur l'agronomie, apte à limiter et s'adapter au changement
climatique, sachant s'affranchir des substances de synthèse (engrais & pesticides),
sachant produire, oui, PRODUIRE, en s'appuyant sur des ressources parfaitement
gratuites et inépuisables, préparant l'après pétrole, préservant les équilibres, les
ressources et l'eau en particulier, la biodiversité (sauvage et domestique, animale et
végétales), le climat et la santé ?
Que ce modèle, en respectant les capacités de la terre (avec un petit t) et la Terre (avec
un grand T) à produire demain, garantit un avenir décent pour les générations futures ?
Savez-vous qu'il existe des variétés de maïs, mais aussi de tournesol, de blé,
d'orge, d'avoine, et dans toutes les espèces, qu'on appelle « variétés populations »
obtenues par une sélection convergente des hommes et du milieu, comme le faisaient
déjà avant nous les mayas et les aztèques, il y a des millénaires, qui ont des
caractéristiques techniques redoutables (fort taux de protéines par exemple) ? Savez-vous
qu elles permettent d'obtenir des rendements surprenants en cultures sèches, justement
parce qu'elles sont parfaitement adaptées à leur zone de production (rien à
voir avec les variétés standardisées proposées par les firmes semencières), et, de
surcroit, redonnent aux paysans leur autonomie alimentaire, semencière et génétique ?
Savez-vous encore que l'arbre, que le modèle agricole de ces dernières décennies
s'est acharné à faire disparaître, que vous vous acharnez à faire disparaître sur la zone
humide du Testet, est l'acteur central de ce modèle vertueux (agroforesterie,
associant arbres et productions agricoles), qui fonctionne partout dans le monde en
général, et en particulier, dans le Tarn et qui « nous garantira demain la possibilité
d'atteindre la souveraineté alimentaire sur toutes les zones de la planète » (Olivier de
SCHUTTER, rapporteur spécial pour l'agriculture et l'alimentation à l'ONU) ?
Que ce modèle agricole vertueux est aussi la meilleure réponse économique pour les
agriculteurs eux-mêmes qui voient leurs coûts de production diminuer de façon
spectaculaire tout en faisant progresser leur rendement de 40 %, en moyenne, en France
(source : INRA) ?
Réalisez-vous que dans un contexte où l'argent public se fait rare, que d'autres activités
sont impactées négativement par ce modèle agricole chimique, comme la pêche ou la
conchyliculture sur notre littoral. Que les contribuables sont mis à contribution à hauteur
de 54 milliards d'euros par an (source : Cour des comptes - 2011), pour financer le retrait
dans l'eau des seules pollutions agricoles pour obtenir de l'eau potable. Qu'engager des
politiques, des logiques préventives, coûtent, en moyenne, 26 à 27 fois moins que
s'acharner sur les logiques curatives, comme par exemple, le stockage de l'eau qui vient
en soutien de ce modèle agricole qui refuse de se remettre en cause et qui transfert le
coût des dégâts de ses pratiques sur le plus grand nombre? A savoir les contribuables,
comme vous le faites vous-même en finançant ce projet de barrage et qui sont déjà ceux
qui alimentent l'enveloppe PAC (11,5 milliards d'euros en France), distribuées à ces
mêmes agriculteurs.
Ne pensez-vous pas qu'il est désormais urgent de changer, d'avoir un peu de créativité,
d'audace et de courage politique pour porter avec l'argent public, les vraies bonnes
solutions, celles qui allument des cercles vertueux, qui préparent l'avenir des générations
futures, loin des logiques corporatistes qui aveuglent à grands coups de propagandes et
nous éloignent des véritables approches globales ?
Sur la forme maintenant, Monsieur CARCENAC, vous êtes cette fois pathétique. J'ai
pris le temps de rédiger ce long courrier pour que la mort de Rémi ne soit pas vaine, ne
soit pas inutile. Pour vous expliquez ce que vous n'avez visiblement toujours pas compris,
et que vous sachiez que ce jeune étudiant de 21 ans, lui l'avait compris et que c'est pour
ça qu'il était là-bas sur place, au Testet, pour préserver l'intérêt supérieur des générations
futures !
Oui, il est mort, pour des idées, parce qu'il avait compris ce qu'en humble et modeste
ambassadeur, j'essaye de vous expliquer dans ce courrier. J'aurais pu être Rémi, car je
me suis également rendu sur place, où j'ai d'ailleurs pu constater l'extrême violence des
forces de l'ordre face à des militants pacifiques. Rémi aurait également pu être l'une de
mes deux filles ou l'un de mes trois fils, tant ils sont également convaincus que de telles
politiques publiques sont suicidaires pour les générations futures !
Rémi, jeune toulousain étudiant en biologie de 21 ans, a donc donné sa vie pour tenter de
préserver l'intérêt supérieur qu'est l'avenir des générations futures !
Et cette mort, ne sera ni stupide, ni bête, comme vous le dites, si vous prenez maintenant
conscience du message qu'il était venu porter sur la zone humide du Testet, lui et tous les
nombreux autres citoyens opposants, si vous cessez immédiatement de tels travaux, si
vous replantez des arbres au Testet, et si vous utilisez l'argent public du projet pour
accompagner et pour soutenir une alternative agricole vertueuse, animée par une véritable
approche globale, pour en faire un projet remarquable et exemplaire !
Et je suis prêt, si vous avez (enfin !) cette étincelle de lucidité, de conscience et
d'humanisme, à mettre à votre service, gracieusement, en la mémoire de Rémi, de sa
clairvoyance et de son engagement, mes connaissances, mes compétences, mes
expériences et les réseaux capables d'accompagner un tel projet pour en garantir la
réussite !
Faisons-le ensemble Monsieur CARCENAC, pour qu'effectivement la mort de Rémi ne soit
ni vaine, ni stupide, ni bête !
- à Thierry Carcenac - Président du Conseil Général du Tarn
Berthegille, mardi 28 octobre 2014.
Monsieur Thierry CARCENAC, vous êtes à la fois pathétique et consternant !
Consternant, en tant que maître d'oeuvre pour la réalisation du barrage de Sivens,
sur le fond de ce dossier.
Comment peut-on porter un projet public, mobilisant 100% de crédits publics sur un projet
sans se poser les bonnes questions, dès le départ ?
Le projet de barrage vient du fait que le Tescou subit, depuis 30 ans, des étiages sévères.
Monsieur CARCENAC, vous êtes-vous interrogé sur les causes de ces étiages sévères et
quelles évolutions de pratiques pourraient en être à l'origine ? Visiblement non, car vous
auriez rapidement pu faire le lien entre ces étiages sévères et le développement important
des surfaces en maïs hybride sur le bassin versant du Tescou.
Le Conseil Général du Tarn devait-il donc, face à cette situation, avec 100 % d'argent
publique, accepter de réaliser, dans une fuite en avant, un équipement qui ne vient qu'en
soutien de ces pratiques agricoles peu respectueuses de la ressource en eau, tant sur le
plan quantitatif que qualitatif d'ailleurs, ou explorer, avec cette même enveloppe, de 8,5
millions d'euros, des alternatives à ce modèle agricole qui touche le fond ?
La réponse ne peut que trouver ses fondements dans le bon sens paysan !
Monsieur CARCENAC, vous invoquez le nécessaire soutien à ce projet au motif que cette
agriculture est plus « rentable » grâce à l'irrigation.
Mais comment expliquer alors, que ces maïsiculteurs, grands bénéficiaires des aides
publiques de la PAC (Politique Agricole Commune), expliquant d'ailleurs la majeure partie
de la rentabilité de cette culture, ne puissent pas, au nom de cette rentabilité, financer euxmêmes,
un tel projet ?
Faisons, maintenant un peu de mathématiques.
Monsieur CARCENAC, vous expliquez que les exploitations moyennes concernées,
pourraient irriguer environ 40 hectares chacune grâce au 1,5 millions de mètres cubes
stockés dans le barrage de Sivens.
Contrairement à ce que vous dites, la grande majorité des surfaces qui seraient irriguées
grâce ce projet (cf : enquête publique) sont des surfaces en maïs !
Pour irriguer 1 hectare de maïs hydride, il est nécessaire de mobiliser, en moyenne 2 000
m3 d'eau. Ce barrage permettrait donc l'irrigation d'environ 800 hectares de ce maïs. Pour
une moyenne de 40 hectares par exploitation, le projet ne peut donc que concerner
environ 20 exploitations ! Ce qui signifie qu'un projet de 8,5 millions d'euros, d'argent
publique, pour stocker de l'eau, ne va bénéficier qu'à 20 exploitations agricoles, parmi
celles d'ailleurs les mieux dotées en aides publiques de la PAC ! Belle logique vertueuse !
En gros, sans trop caricaturer, 20 exploitations agricoles, parmi les mieux dotées d'aides
publiques de la PAC, vont se voir attribuer une nouvelle aide publique indirecte d'un peu
plus de 400 000 euros chacune ! 400 000 euros qu'elles ne peuvent pas financer seules et
qui pourtant va servir à irriguer une plante, parait-il très rentable, à laquelle elles ne
peuvent donc renoncer, et qui justifie donc la réalisation de ce barrage.
Qui parlait de bon sens paysan ?
Sur le fond toujours, Monsieur CARCENAC, vous convoquez le changement climatique, et
vous avez raison, comme les travaux de Garonne 2050 sur le sujet.
Ce que vous ne dites pas, Monsieur CARCENAC, c'est que ce scénario Garonne 2050,
occulte, dans son analyse du changement climatique, le poids de l'agriculture dans
ce changement climatique, et le rôle qu'elle peut jouer pour le limiter !
En effet l'agriculture est émettrice, en moyenne, de 20 % des gaz à effet de serre. Et ce
n'est pas les moteurs des tracteurs les responsables, pas davantage d'ailleurs que les
vaches qui pètent dans les prairies ! La contribution majeure de l'agriculture à
la fourniture de gaz à effet de serre est liée à sa dépendance aux
substances chimiques de synthèse, dérivées du pétrole, que sont
pesticides et engrais azotés. On connait par ailleurs, les dégâts
considérables dont ils sont responsables, sur cette même ressource en
eau, mais aussi sur les équilibres, la biodiversité, et la santé.
Pour produire 1 kilo d'azote, il faut mobiliser 1,5 litres de pétrole. Sur un hectare de maïs,
de blé ou de colza, le modèle agricole dominant apporte environ 200 à 250 kilos de cet
azote de synthèse, induisant une dépendance au pétrole (et donc alimentant la fourniture
de gaz à effet de serre) de 300 à presque 400 litres de pétrole par hectare, avant même
d'avoir tourné la clef du tracteur !
L'agriculture occupe environ 70 % des surfaces de nos territoires et c'est une activité
économique qui mobilise énormément d'argent publique via la PAC.
Ne devriez-vous pas, Monsieur CARCENAC, puisque ce changement climatique vous
tracasse visiblement, accompagner, avec autant d'argent publique, un modèle agricole qui,
d'une part, renonce aux substances de synthèse et qui, d'autre part, redécouvre les vertus
d'une agronomie qui sait s'en affranchir en mobilisant les ressources parfaitement
gratuites et inépuisables que sont, l'azote atmosphérique, le carbone, la lumière, la vie des
sols, etc. etc. ?
Ne devriez-vous pas intégrer, qu'avec autant d'argent public fléché vers cette activité
économique, il est urgent de restaurer un contrat moral décent avec la société civile, avec
les contribuables, et faire en sorte que ces 70 % d'espaces occupés par l'agriculture soient
des espaces de séquestration du carbone, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui, tant l'usage
massif de ces substances de synthèse (la France reste le premier utilisateur mondial
de pesticides, en dose par hectare ! source ONU) ont dévasté la vie et donc, la fertilité,
et par conséquent, la faculté des sols à séquestrer le carbone ?
Les prairies humides semblables à celles que vous dévastez sur le
Testet sont d'ailleurs unanimement reconnues comme de remarquables
puits de carbone, contrairement à la pratique du maïs, qui elle, émet du
carbone !
Ces deux paramètres fondamentaux, sont parfaitement occultés dans les différents
scénarii de Garonne 2050 ! Et c'est pourtant là que sont les plus grandes marges de
manoeuvre pour lutter contre le changement climatique, plutôt que dans une posture
fataliste, passive, qui ne prend pas le sujet à bras le corps, et qui préfère les fuites en
avant en tentant de résoudre des équations, impossibles à résoudre justement ! Comment
pensez-vous pouvoir, au motif de ce changement climatique, pouvoir répondre à des
augmentations de températures, associés à des régimes hydrographiques sévères,
nécessitant l'irrigation toujours plus exigeantes des cultures vidées de toute rusticité par la
sélection génétique de plantes homogénéisées et standardisées, à partir d'une ressource
de plus en plus rare et pour laquelle les priorités de gestion en bon père de famille,
restent, d'abord l'eau potable, ensuite le bon état des milieux et enfin l'irrigation (article 2
de la loi sur l'eau) ?
Le stockage de l'eau n'est donc pas la bonne réponse ! Même Garonne 2050 le dit !
Savez-vous, Monsieur CARCENAC, qu'avec autant d'argent public, vous pourriez soutenir
un modèle agricole, basé sur l'agronomie, apte à limiter et s'adapter au changement
climatique, sachant s'affranchir des substances de synthèse (engrais & pesticides),
sachant produire, oui, PRODUIRE, en s'appuyant sur des ressources parfaitement
gratuites et inépuisables, préparant l'après pétrole, préservant les équilibres, les
ressources et l'eau en particulier, la biodiversité (sauvage et domestique, animale et
végétales), le climat et la santé ?
Que ce modèle, en respectant les capacités de la terre (avec un petit t) et la Terre (avec
un grand T) à produire demain, garantit un avenir décent pour les générations futures ?
Savez-vous qu'il existe des variétés de maïs, mais aussi de tournesol, de blé,
d'orge, d'avoine, et dans toutes les espèces, qu'on appelle « variétés populations »
obtenues par une sélection convergente des hommes et du milieu, comme le faisaient
déjà avant nous les mayas et les aztèques, il y a des millénaires, qui ont des
caractéristiques techniques redoutables (fort taux de protéines par exemple) ? Savez-vous
qu elles permettent d'obtenir des rendements surprenants en cultures sèches, justement
parce qu'elles sont parfaitement adaptées à leur zone de production (rien à
voir avec les variétés standardisées proposées par les firmes semencières), et, de
surcroit, redonnent aux paysans leur autonomie alimentaire, semencière et génétique ?
Savez-vous encore que l'arbre, que le modèle agricole de ces dernières décennies
s'est acharné à faire disparaître, que vous vous acharnez à faire disparaître sur la zone
humide du Testet, est l'acteur central de ce modèle vertueux (agroforesterie,
associant arbres et productions agricoles), qui fonctionne partout dans le monde en
général, et en particulier, dans le Tarn et qui « nous garantira demain la possibilité
d'atteindre la souveraineté alimentaire sur toutes les zones de la planète » (Olivier de
SCHUTTER, rapporteur spécial pour l'agriculture et l'alimentation à l'ONU) ?
Que ce modèle agricole vertueux est aussi la meilleure réponse économique pour les
agriculteurs eux-mêmes qui voient leurs coûts de production diminuer de façon
spectaculaire tout en faisant progresser leur rendement de 40 %, en moyenne, en France
(source : INRA) ?
Réalisez-vous que dans un contexte où l'argent public se fait rare, que d'autres activités
sont impactées négativement par ce modèle agricole chimique, comme la pêche ou la
conchyliculture sur notre littoral. Que les contribuables sont mis à contribution à hauteur
de 54 milliards d'euros par an (source : Cour des comptes - 2011), pour financer le retrait
dans l'eau des seules pollutions agricoles pour obtenir de l'eau potable. Qu'engager des
politiques, des logiques préventives, coûtent, en moyenne, 26 à 27 fois moins que
s'acharner sur les logiques curatives, comme par exemple, le stockage de l'eau qui vient
en soutien de ce modèle agricole qui refuse de se remettre en cause et qui transfert le
coût des dégâts de ses pratiques sur le plus grand nombre? A savoir les contribuables,
comme vous le faites vous-même en finançant ce projet de barrage et qui sont déjà ceux
qui alimentent l'enveloppe PAC (11,5 milliards d'euros en France), distribuées à ces
mêmes agriculteurs.
Ne pensez-vous pas qu'il est désormais urgent de changer, d'avoir un peu de créativité,
d'audace et de courage politique pour porter avec l'argent public, les vraies bonnes
solutions, celles qui allument des cercles vertueux, qui préparent l'avenir des générations
futures, loin des logiques corporatistes qui aveuglent à grands coups de propagandes et
nous éloignent des véritables approches globales ?
Sur la forme maintenant, Monsieur CARCENAC, vous êtes cette fois pathétique. J'ai
pris le temps de rédiger ce long courrier pour que la mort de Rémi ne soit pas vaine, ne
soit pas inutile. Pour vous expliquez ce que vous n'avez visiblement toujours pas compris,
et que vous sachiez que ce jeune étudiant de 21 ans, lui l'avait compris et que c'est pour
ça qu'il était là-bas sur place, au Testet, pour préserver l'intérêt supérieur des générations
futures !
Oui, il est mort, pour des idées, parce qu'il avait compris ce qu'en humble et modeste
ambassadeur, j'essaye de vous expliquer dans ce courrier. J'aurais pu être Rémi, car je
me suis également rendu sur place, où j'ai d'ailleurs pu constater l'extrême violence des
forces de l'ordre face à des militants pacifiques. Rémi aurait également pu être l'une de
mes deux filles ou l'un de mes trois fils, tant ils sont également convaincus que de telles
politiques publiques sont suicidaires pour les générations futures !
Rémi, jeune toulousain étudiant en biologie de 21 ans, a donc donné sa vie pour tenter de
préserver l'intérêt supérieur qu'est l'avenir des générations futures !
Et cette mort, ne sera ni stupide, ni bête, comme vous le dites, si vous prenez maintenant
conscience du message qu'il était venu porter sur la zone humide du Testet, lui et tous les
nombreux autres citoyens opposants, si vous cessez immédiatement de tels travaux, si
vous replantez des arbres au Testet, et si vous utilisez l'argent public du projet pour
accompagner et pour soutenir une alternative agricole vertueuse, animée par une véritable
approche globale, pour en faire un projet remarquable et exemplaire !
Et je suis prêt, si vous avez (enfin !) cette étincelle de lucidité, de conscience et
d'humanisme, à mettre à votre service, gracieusement, en la mémoire de Rémi, de sa
clairvoyance et de son engagement, mes connaissances, mes compétences, mes
expériences et les réseaux capables d'accompagner un tel projet pour en garantir la
réussite !
Faisons-le ensemble Monsieur CARCENAC, pour qu'effectivement la mort de Rémi ne soit
ni vaine, ni stupide, ni bête !
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