mardi 18 novembre 2014

Les intermittent-E-s ont recours au Conseil d'état

Conférence de presse du Recours au Conseil d'Etat

Les Matermittentes, Recours Radiation, la Coordination des Intermittents et Précaires, Sud Culture Solidaires 


Ce lundi 17 novembre, jour du dépôt du mémoire complémentaire pour ce recours, nous, collectifs requérants représentants des salariés, avons tenu une conférence de presse, à laquelle a participé Maître Thomas Lyon-Caen. À ce recours participent également 44 personnes physiques. Il est à noter que la convention est largement attaqué : côté employeur l’association Hempire Scene Logic porte également le recours, la CGT en dépose un de son côté en appuyant la déloyauté puisqu'elle fait partie des partenaires sociaux, et un recours est également déposé par le MNCP qui choisi de porter son attaque uniquement sur le différé spécifique d'indemnisation.
Il apparaît notamment qu'au travers une accumulation de règles techniques se met en place un système qui prive les gens de leurs droits.
Ceci est dans la continuité des conventions précédentes et en cohérence avec les diverses réformes qui s'appliquent peu à peu en touchant tous les endroits de nos vies.

Ce mécanisme est à l'oeuvre dans tous les pays d'Europe, plus où moins sournoisement. En Allemagne, les lois Hartz ont créé une mise en application plus directe et c'est maintenant le pays où la pauvreté est la plus élevée, et l'âge moyen de mortalité régresse.
Il est donc indispensable d'attaquer pour défendre nos droits par tous les moyens. Au delà de la bataille juridique qui se tient dans ce recours, il nous semble indispensable de rendre publique des éléments scandaleux qui le sous-tendent :
  • −  le Ministre du Travail a donné sont agrément sans se soucier des points d'illégalité contenus dans le texte des partenaires sociaux ;
  • −  les partenaires sociaux ont pris des décisions sur des points qui ne relèvent pas de leurs compétences.
    Nous avons décidé de ne pas laisser faire.
    L’objet de la requête :
    C’est l’arrêté du 25 juin 2014 par lequel le Ministre du Travail a agréé la nouvelle convention d’assurance chômage.
    La matière est gouvernée par un principe simple : le ministre ne peut agréer une convention qui comporte des clauses illégales.
    C’est le sens de l’argumentation contenue dans le mémoire complémentaire déposé ce jour devant le Conseil d’Etat, plus haute juridiction de l’ordre administratif.
    Le contexte général :
    C’est une convention qui va vers une précarisation accrue, en s'attaquant à l'ensemble des salariés à emploi discontinu (ce qui concerne maintenant 85% des embauches). Un exemple flagrant est celui de tous les intermittents hors spectacle qui ont été exclus de l'annexe IV (annexe des intérimaires, qui a d'ailleurs également souffert d'une baisse de droits) laquelle












leur donnait une protection sociale beaucoup plus adaptée à leurs pratiques d'emploi. C'est une machine à fabriquer des travailleurs pauvres.
Sur bien des points, elle consiste en la mise en œuvre d’outils de toute sorte destinés à faire obstacle, pour le chômeur, à la constitution et à la jouissance de ses droits.
Pour mémoire la CGT, qui n’a pas signé la convention, a saisi le tribunal de grande instance d’une demande d’annulation de la convention mettant en avant la déloyauté des négociations ayant précédé la signature de la convention. Jugement rendu le 18 novembre.
La convention, et par voie de conséquence, l’agrément de cette convention, est entachée de nombreuses illégalités qui sont relevées dans le mémoire déposé ce jour.
Parmi ces illégalités, certaines peuvent mériter d’être mises en avant.
Cinq points ont été spécialement évoqués lors de la conférence de presse qui s’est tenue ce jour au cabinet Lyon-Caen :
1°) Le différé spécifique d’indemnisation :
Ce dispositif qui consiste à différer dans le temps le point de départ de la prise en charge par l’assurance chômage a été portée, par la convention, agréée par le ministre, à 180 jours soit 6 mois.
Ce dispositif conduit donc d’une part à ce que le salarié doive attendre six mois avant de percevoir l’allocation d’aide au retour à l’emploi.
Mais ce dispositif joue aussi « rétroactivement », peut conduire un salarié indemnisé devant le conseil de prud’hommes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à devoir reverser à Pôle Emploi, tout ou partie des prestations qui lui ont été servies par l’établissement public.
Cette mesure permet de faire des économies sur les dos des salariés qui ont perdu leur emploi (270 millions d'euros d'économie selon l'Unedic). Elle décourage les salariés d'aller devant les prud'hommes et attaque le droit à une réparation intégrale du préjudice. Pour survivre pendant le temps de ce différé, le salarié injustement licencié devra utiliser les indemnités qui auraient dû lui permettre de se reconstruire. Ne pas être scandalisé par ce différé correspond à confondre des sommes qui n'ont pas le même objet.
Dans ces deux dimensions, le différé spécifique d’indemnisation, porté à six mois, est illégal.
Il pose d’autant plus question que Pôle Emploi dispose déjà, dans le code du travail, de la possibilité, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, de récupérer auprès de l’employeur, les indemnités versées au salarié privé d’emploi dans la limite de six mois. Nul ne peut s'enrichir au détriment d'autrui, ni Pôle Emploi, ni les employeurs ne font exception..
2°) Les droits rechargeables :
On connaît l’idée de principe qui préside au principe des « droits rechargeables » : c’est l’idée de prendre en considération ceux qui alternent période de chômage et périodes d'emploi.
C'est là le principe officiel, présenté comme une avancée. Mais le dispositif manque clairement sont objet ! Et l'Unedic le sait bien puisqu'elle prévoit une économie de 230
millions d'euros avec les droits rechargables et les règles attenantes.
Premièrement pour « recharger » il faut déjà avoir ouvert des droits (rappelons que ce n'est pas le cas pour 6 chômeurs sur 10 et de ce côté-là il n'y aucune avancée). Mais aussi ce dispositif a été habilement combiné avec l'impossibilité de demander un recalcul de ses droits dans le cas où une période d'emploi pourrait permettre d'ouvrir des droits plus élevés, condamnant ainsi à être coincé avec des droits faibles. Il n'y a pas de possibilité de renoncer à ses droits, il faut aller à épuisement.
Cela touche encore une fois particulièrement les plus précaires car ceux qui ont ouvert des droits avec une indemnité basses (par exemples les contrats aidés) ne peuvent pas améliorer leur situation s'ils trouvent un emploi avec un meilleur salaire, ils sont maintenus dans un seuil qui parallèlement va repousser le moment où ils arriveront à épuisement de leur indemnité de misère. Conclusion : plutôt que de faire des petits boulots, il vaut mieux faire des emprunts pour financer ses études ; plutôt que de prendre un contrat qui ne nous permettra pas de bénéficier des droits qu'il devrait nous ouvrir, il vaut mieux travailler au noir.

Dans sa mise en œuvre par la convention, il est juridiquement critiquable. Le point de faille utilisé est celui de l'effet de seuil. C'est un point solide étayé par diverses jurisprudences condamnant le manquement au principe d'égalité lié à l'effet de seuil.
Il résulte en effet de la convention agréée par le ministre qu’il faut avoir réussi à cumuler 150 heures de travail avant l’expiration de ses droits pour bénéficier du « rechargement ». Et il est au surplus nécessaire d’avoir réalisé ces heures pendant la durée d’ouverture des droits (d’autant plus courte qu’on est travailleur précaire...).
De cet effet de seuil, résulte une rupture d’égalité entre les salariés qui entache la convention d’illégalité.
3°) Les retenues d’allocation en cas de prestations indues :
La convention prévoit lorsque Pôle Emploi estime qu’il a indûment versé certaines prestations, peut retenir les sommes correspondantes sur les prestations servies au demandeur d’emploi concerné.
Ce système est illégal à plusieurs titres :
  • −  les partenaires sociaux n’avaient pas la compétence pour instaurer un tel dispositif de retenue ;
  • −  le dispositif lui-même est illégal car il permet, contrairement à ce que prévoit la loi, des retenues sur allocation alors même que l’allocataire conteste le caractère indu du versement effectué.
    Ce système porte atteinte à la sécurité des plus fragiles, car il faudrait porter cette contestation en justice, ce qui généralement ne sera pas fait puisque les plus fragiles sont également ceux qui ont le moins accès au droit.
    Il est là indispensable de rappeler
  1. que la plupart des indus « estimés » par Pôle Emploi sont des erreurs de Pôle Emploi ;
  2. que les réglementations de la nouvelle convention est génératrice d'indus !
4°) La sanction consistant dans la non prise en compte de l’activité en cas de non déclaration à « terme échu » :
Ces dispositions qui figuraient dans l’ancienne convention et qui sont à l’origine du suicide de Monsieur Djamel CHAAR, le 13 février 2013, devant le Pôle Emploi de Nantes ont, malgré tout, été reprises dans la nouvelle convention.
Elles sont pourtant illégales.
Les demandeurs d’emploi ont l’obligation de déclarer à la fin de chaque mois les heures travaillées ce qui, pour des raisons diverses, peut ne pas toujours être le cas. Pôle Emploi veut les faire passer pour de la fraude, mais le fait est que dans de nombreuses situations d'emploi l'attestation employeur arrive tardivement (collectivités territoriales, éducation nationale, journalistes, assistantes maternelles...). Par ailleurs, il serait bon de tenir compte des possibilités d'erreurs et d'omissions dans un contexte où Pôle Emploi n'est pas capable de nous informer correctement, qu'il est bien souvent nécessaire de faire appel à une aide extérieure pour comprendre les rouages du système Pôle Emploi.
La règle dit est qu'en cas d’activité non déclarée dans les temps, les prestations versées par l’assurance chômage pendant cette période d’activité doivent être restituées.
C’est une chose.
Mais – et c’est en cela principalement que le dispositif est choquant et illégal –, ces périodes travaillées ne sont pas prises en compte comme des périodes d’affiliation.
Il y a là une sanction illégale car elle est automatique et disproportionnée.
Comme pour le cas de Monsieur Djamel CHAAR, on se retrouve avec une double peine totalement incompréhensible : vous avez cotisé dans un emploi, vos indemnités chômage sur cette période ne vous ont pas été versées (récupérées par l'indu), mais cette période n'est pas prise en compte pour vous ouvrir de nouveaux droits !
On notera un point particulièrement exaspérant qui tient au fait que Pôle Emploi dispose des attestations employeurs mais ne les utilise que pour mettre en défaut le salarié. C'est à lui de prouver qu'il a bien été employé – quid des cas où le salarié est en mauvais termes avec son employeur ?!
5°) L’illégalité résultant des modalités de prise en compte des périodes de congé maternité :
Le Défenseur des droits lui-même, s’agissant de l’impact de l’état de grossesse sur les droits à l’Assurance chômage des femmes intermittentes du spectacle, a fait le constat d’une discrimination à l’égard des femmes et a recommandé que les règles pour la prise en compte du congé soient modifiées.
Les règles stigmatisées par le Défenseur des Droits – et pourtant reconduites dans la nouvelle convention – provoquent une rupture de droit et produisent une baisse de revenu.
Sans entrer dans les détails, la discrimination est double :
la période de référence pour l’acquisition des droits est amputée de la période congé maternité ;
le versement des prestations de l’assurance chômage est suspendu pendant la période de congé maternité.
Le Ministre ne pouvait légalement agréer une convention comportant des stipulations illégales.
Au contraire, on aurait légitimement pu espérer que les règles soient modifiées, non seulement pour le cas des mères intermittentes du spectacle, mais même bien au-delà car cette rupture de droit et cette baisse du revenu sont également subies par tous les salariés à emploi discontinu, qu'il s'agisse de maternité ou de maladie.
En conclusion
Ce recours possède des points forts qui démontrent que le Ministre ne pouvait pas agréer cette convention. Le résultat de ce recours pourrait n'arriver que dans 18 mois. Ce délai pourrait décourager quant au fait de déposer un recours. Cependant, les effets seraient tout de même annulés de façon rétroactive. De plus, si le Conseil d'Etat atteste la validité de nos contestations, il ne sera plus possible que les partenaires sociaux et le Ministre du Travail les ignorent lors de la mise en place de la prochaine convention d'assurance chômage.
Par ailleurs, demain, mardi 18 novembre, sera rendu du jugement au TGI sur sa saisine, par la CGT, d’une demande d’annulation de la convention mettant en avant la déloyauté des négociations ayant précédé la signature de la convention.
Si cette convention était annulée, on sait bien que le souhait des partenaires sociaux signataires de cette convention (et les déclarations gouvernementales vont dans le même sens) est de mettre en place des règles diminuant encore plus les droits – ces objectifs sont clairement inscrits dans la convention actuelle. Donc bien sûr la bataille ne serait pas encore gagnée. Cependant un point fort serait mis dans ce rouage infernal. Ce point sera à saisir, à amplifier. Oui, nous pouvons gagner si nous ne nous laissons pas faire. Alors soyons nombreux à unir nos forces pour mener cette bataille plus loin. Il n'est pas seulement question de lutter contre la perte de nos droits, mais bien d'en obtenir de nouveaux.
Les Matermittentes, Recours Radiation, la Coordination des Intermittents et Précaires, Sud Culture Solidaires, lundi 17 novembre 2014
CONTACTS PRESSE
T : 06 20 32 30 60 (Recours Radiation)


T : 06 85 79 08 05 (Collectif Les Matermittentes) 
T : 06 82 27 64 33 (CIP)
T : 06 69 58 82 77 (SUD Culture Solidaires)

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