lundi 3 novembre 2014

Non, le barrage de Sivens n'alimente pas Montauban en eau

Source : Le Monde

La mort d'un manifestant opposé à la construction d'une retenue d'eau à Sivens n'en finit pas d'embarrasser le gouvernement. Après avoir soutenu ce projet, porté par les élus locaux du Tarn, ce dernier doit adopter une position complexe, puisqu'il n'a pas le pouvoir d'ordonner l'abandon du barrage.

Lundi 3 novembre, sur Europe 1, Jean-Marie Le Guen, ministre des relations avec le Parlement, a cherché à justifier cette retenue d'eau, expliquant :
« Vous savez que la ville de Montauban a besoin, notamment l'été, de cette retenue d'eau pour pouvoir... boire »
Le ministre ne fait que reprendre un élément déjà avancé par Manuel VallsLe 29 octobre, sur RTL, ce dernier avait lui aussi assuré :
« Ce type de projet est utile pour les agriculteurs, d'abord, mais aussi pour fournir l'eau aux habitants, par exemple de la ville de Montauban»
Mardi 28 septembre, c'était le porte-parole des députés socialistes, Hugues Fourage, qui abondait dans ce sens : « On a dit que c'était un projet pour l'irrigation mais on a oublié de dire que c'était aussi pour apporter de l'eau à la ville de Montauban. »
POURQUOI C'EST FAUX ?
Le barrage de Sivens est, on le sait, un projet à destination, en priorité, des agriculteurs.  Il suffit de relire le rapport d'expertise remis au premier ministre, qui le rappelle dès l'introduction : « Son objet est de permettre la sécurisation de l'irrigation dans un territoire rural où l'agriculture se maintient difficilement, bien qu'il s'agisse de l'activité économique principale. » Le Tescou, cours d'eau sur lequel le barrage doit être construit, est de taille et de débit assez faible, et surtout variable au long de l'année.
Lire (en édition abonnés) : L'abandon programmé du barrage de Sivens
Le rapport détaille ensuite l'utilité de cette retenue d'eau : « Compenser les prélèvements d'irrigation effectués en été sur la rivière Tescou, par stockage d'un volume équivalent en période hivernale, ajusté aux réalités de gestion, et restitué selon les besoins lors de la saison culturale suivante. » Permettre, donc, de« sécuriser l'irrigation les années sèches », où, l'été, le Tescou s'assèche et ne permet plus aux agriculteurs d'y prélever de l'eau.
Le texte détaille le nombre de bénéficiaires supposés du barrage, qui fait débat, et va de 19 à 81 exploitations agricoles selon les comptages. Il ne fait en revanche allusion à la ville de Montauban que quatre fois en 57 pages, dont une seule semble pertinente, et évoque un « objectif d'étiage de 150 litres par seconde à l'entrée de Montauban » (en clair, la valeur de débit moyen du cours d'eau). L'un des objectifs du barrage est en effet d'assurer un débit suffisant au Tescou toute l'année, pour limiter sa pollution. Mais il n'est jamais question, dans aucun document, d'eau potable.
Contactée par LeMonde.fr, la mairie de Montauban, tout en prenant la défense des agriculteurs, a confirmé que le barrage n'avait jamais été prévu pour l'alimenter en eau :
« Non ce barrage n'est pas destiné à alimenter en eau potable la ville de Montauban, qui dispose de deux stations de pompage largement suffisantes sur les rivières du Tarn et de l'Aveyron. »
Car la ville de Montauban ne se fournit pas en eau dans le Tescou. Ce sont deux usines de Veolia qui traitent l'eau, en la puisant dans deux rivières plus importantes : le Tarn et l'Aveyron.
  • La première usine, qui alimente 40 000 habitants du centre-ville, est située à Planques, environ 3 kilomètres en amont de l'endroit où le Tescou se jette dans le Tarn.
  • La seconde, l'usine de Fonneuve, récupère l'eau d'une autre rivière, l'Aveyron, qui n'a pas le Tescou pour affluent, mais rejoint lui aussi le Tarn.
Les deux usines produisent entre 12 500 et 18 000 mètres cubes d'eau potable par jour, toute l'année. Soit plus de 5 millions de mètres cubes d'eau par an, près de quatre fois le volume d'eau prévu dans le barrage de Sivens, qui se situe à 36 kilomètres de là.
Bref, l'eau du Tescou n'est pas celle que boivent les 56 500 habitants de Montauban. Et le barrage de Sivens n'a jamais eu pour but de fournir de l'eau potable aux habitants, mais bien de permettre à des agriculteurs de bénéficier de réserves d'irrigation en été. L'argument d'un projet de barrage destiné aux habitants de la ville paraît donc pour le moins douteux. 
Le seul élément qu'on pourrait évoquer serait le fait que 30 % du volume du barrage permettrait en théorie d'assurer un soutien au débit du cours d'eau, ce qui diluerait la pollution de ce dernier. Mais il s'agit ici de bien autre chose que de «fournir de l'eau  aux habitants ». 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire