Médiapart - 28 OCTOBRE 2014
Il y a quelque chose de
pourri au royaume de France. Quelque chose d’odieux qui
monte insidieusement. Quelque chose de malsain qui
ressemble au fascisme sans en endosser le nom.
L’autoritarisme d’une meute de mâles dominants.
Arc-boutés sur leurs mensonges, phagocytés par leurs
trahisons et leur coercition d’éternels « obligés ».
Il y a quelque chose de pourri au royaume de
France quand, pendant trois ans, un collectif de
sauvegarde demande la discussion sur le sujet controversé
d’un projet de barrage qui pue la magouille, sans jamais
obtenir la moindre audience.
Quelque chose de pourri quand, au royaume de
France, un conseil général flanqué de l’État décrète le
lancement de travaux alors que des décisions de justice
sont en instance. Pourri quand ces institutions continuent
d’ignorer l’appel de citoyens éclairés dont les
démonstrations seront confirmés, trois ans plus tard,
après l’étude qu’une ministre aura enfin diligentée.
Quelque chose de pourri au royaume de France
quand les ordres sont donnés à des escouades de gendarmes,
CRS, sections d’intervention, de gazer, d’humilier, de
tabasser des opposant.es en nombre systématiquement
inférieur, ni équipé.es ni entraîné.es, si peu protégé.es,
évitant l'asphyxie à la lacrymo en protégeant leur visage
d'une écharpe, d'une cagoule.
Quelque chose de pourri quand des hommes qui
mettent leur vie en danger en se privant des jours durant
de nourriture, pour être enfin écoutés, sont moqués par le
président du conseil général qui les tient à distance
médiatique.
Quelque chose de pourri quand, alors que le
mouvement d’opposition perdure et se renforce, le même
président use d’argent public pour le diffamer
massivement, à l’aide de communiqués et de
publi-reportages qui évitent systématiquement les
questions de fond.
Quelque chose de pourri quand, probablement
renseigné sur l’ampleur du rassemblement national du 25
octobre, l’État-conseil général organise la discorde en
laissant sur le site, d’abord du matériel de travaux, puis
des gardes mobiles, alors qu’il en avait été convenu
autrement.
Quelque chose d’ignoble, dès le lendemain de
l’assassinat de Rémi, quand, au fil des dépêches matinales
se profile le camouflage d’une « bavure » policière.
Pourri quand on essaie de faire passer un mort pour un
criminel, répandant le doute et la rumeur pour tenter de
couvrir un dossier véreux, des agissements hors-la-loi,
des violences avec usage d’armes non réglementaire répété
sans fin.
Il y a quelque chose d’indécent au royaume de
France quand le meurtre d’un étudiant vient réveiller les
consciences, attiser la haine contre les opposants,
attirer enfin massivement les médias.
Quelque chose de scandaleux quand le mouvement
des opposants est accusé de tous les maux, alors qu’il
manifeste sa colère et dénonce les violences policières.
Quelque chose du deux-poids deux-mesures quand les
agriculteurs en colère saccagent Albi et que des
protecteurs de la planète dénoncent l’arbitraire à Gaillac
- deux villes tarnaises.
Il y a quelque chose de d’ignoble au royaume de
France, quand un chef de l’État, un gouvernement tout
entier tombent dans l’aphasie, omettent de transmettre
condoléances et signes d’empathie aux parents d’une jeune
homme tué à 21 ans.
Quelque chose de pourri au royaume de France
quand un politique en délicatesse avec la justice aboie à
la vindicte et se trompe sciemment de coupables. Quand
d’autres rejettent la faute sur une femme courageuse qui
a, elle, visité le site du barrage de Sivens, discuté avec
les opposants, constaté les dégâts et les outrages,
dénoncé l’absurde : merci Madame !
Quelque chose de pourri au royaume de France
quand le président Carcenac ironise, face caméra, grossier
et indécent, sur le fait qu’il est bête de mourir pour ses
convictions, vraiment.
Il y a quelque chose de pourri quand au lieu
d’étudier les dossiers pour se faire une opinion, de
fouiller le net pour y étudier des images, des reportages,
d’aucuns prennent position sur un sujet qu’ils ignorent,
pensant asséner leur leçon comme la seule qui vaille.
Pourri quand, au lieu de s’exprimer sur le fond, ils
réagissent sans réfléchir, évitant de considérer le sujet
de l’utilisation de l’argent public, de la construction de
grands projets inutiles, des conflits d’intérêt, du mirage
de la transition énergétique dont on parle à tout va sans
jamais l’instaurer. Quand, suivant le mode politique en
vogue, ils grognent, ils dénigrent, ne sachant pas de quoi
ils parlent.
Il y a quelque chose de pourri au royaume de
France quand les chiens aboient en meute pour couvrir
l’ordure d’un système parfaitement inacceptable.
Pour Rémi.
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