Articles d'Indépendance des Chercheurs :
Le 8 novembre 2014, Le Devoir relève « Fronde catalane, malgré tout » à propos de la consultation sur la possible indépendance de le Catalogne qui doit avoir lieu ce dimanche. Mais globalement, le ton des médias espagnols comme français met clairement en évidence à quel point cette consultation dérange les milieux dominants. En Espagne, la montée du rejet populaire du gouvernement Rajoy encourage la revendication d'une république que la consultation catalane met directement en avant. En France, la question des « langues régionales » menacées de disparition est un sujet particulièrement gênant, comme déjà évoqué dans nos articles « La Catalogne, pays de langue d'Oc » (I), (II) et (III), « La Catalogne et l'espagnolisme chauvin post-franquiste » et « Catalogne, langues menacées en France, période coloniale... ». Ou dans « Catalogne, Europe et droit à l'autodétermination (I) », diffusé cette semaine. En février dernier, l'article de France Info « Les langues menacées de disparition », faisant état des déclarations de la linguiste Colette Grinwald, soulignait encore le rôle récurrent du pouvoir politique et sa « pression directe pour que les habitants parlent la langue officielle ». Il rappelait « C'est ce qui s'est passé en France au 20e siècle. Le gouvernement français a réprimé les langues régionales en interdisant qu'elles soient parlées à l'école ». Mais osera-t-on rappeler le contexte de la mise en place de cette politique d'embrigadement culturel et de chauvinisation de la population ? A savoir, la « grande expansion coloniale » lancée par Léon Gambetta, Jules Ferry et leurs alliés politiques de la future Union des Gauches ensemble avec la préparation annoncée de la « revanche » (en clair, la future Première Guerre Mondiale). Et l'Espagne n'est-elle pas à son tour une ancienne puissance impériale et coloniale ? Sans oublier l'historique dans ce domaine des autres Etats de l'Europe occidentale. Confronté au désastre européen de la Première Guerre Mondiale, Lénine écrira en 1917 « L'impérialisme contemporain, qui renforce la tendance à la subordination des peuples faibles, est un nouveau facteur d'aggravation de l'oppression nationale ». Quelques années plus tard (1921-26), les lobbies coloniaux espagnol et français seront des alliés directs dans la guerre du Rif, avec l'aide des Etats britannique et allemand, contre la république mise en place par Abd el-Krim. En Espagne, la dictature de Miguel Primo de Rivera verra le jour en 1923 et durera jusqu'en 1930. C'est de la guerre contre Abd el-Krim que date la carrière militaire de Franco, alors que Pétain dirigeait l'intervention française. Sous le franquisme, la Catalogne était reconnue par l'opposition en tant que nationalité historique. En réalité, le mouvement pour l'indépendance de la Catalogne remet sur le tapis tout un passé européen, à un moment où la montée des pays dits « émergents » bouscule l'hégémonie historique des Etats-Unis et de l'Europe occidentale. Que peut apporter l'immobilisme stratégique dans une telle situation ?
[la suite, sur le lien http://science21.blogs.courrierinternational.com/archive/2014/11/08/catalogne-un-vote-qui-derange-i-50389.html ]
http://blogs.mediapart.fr/blog/scientia/061114/catalogne-europe-et-droit-lautodetermination-i
Catalogne, Europe et droit à l'autodétermination (I)
La Catalogne maintient à ce jour son projet de vote du 9 novembre, malgré une nouvelle tentative de Mariano Rajoy de faire interdire ce scrutin par le Tribunal Constitutionnel. 7 sur 7 écrit « La Catalogne lance un appel à la communauté internationale », à propos de l'appel en cours de signature par des élus et adressé à l'ONU, au Parlement Européen, à la Commission Européenne, au Conseil de l'Europe et à l'OSCE. En même temps, un appel intitulé Laissez voter les catalans a été lancé par Desmond Tutu, Adolfo Pérez Esquivel, Ken Loach... Des démarches particulièrement dérangeantes pour les institutions européennes, si on pense à l'historique des Etats de l'Europe Occidentale, colonialisme et guerres mondiales compris, et à l'inquiétante relation des « langues régionales » menacées de disparition dans ces Etats. A commencer par la France, d'ailleurs. Les antécédents de la crise actuelle ont été rappelés dans nos articles « La Catalogne, pays de langue d'Oc » (I), (II) et (III), « La Catalogne et l'espagnolisme chauvin post-franquiste » et « Catalogne, langues menacées en France, période coloniale... » . Mais comment l'Europe occidentale, qui se proclame berceau des droits de l'homme, a-t-elle pu en arriver à cette situation ? L'évolution des positions du mouvement ouvrier de la Russie des années 1910, confronté à la réalité de l'impérialisme et de ses conséquences, est à cet égard parlante. D'après Lénine (1913), le prolétariat était « loin de vouloir défendre le développement national de toute nation » et « met au contraire les masses en garde contre de telles illusions, préconise la liberté la plus complète des échanges capitalistes et salue toute assimilation des nations, excepté l'assimilation par la contrainte ou celle qui s'appuie sur des privilèges ». On peut aisément comprendre les conséquences, aujourd'hui, d'une politique qui préconiserait « la liberté la plus complète des échanges capitalistes » et qui, pour l'essentiel, saluerait toute assimilation des nations. La libre circulation des capitaux et des marchandises n'est rien d'autre que la politique de l'Union Européenne et de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Si on suivait la logique exposée par Lénine en 1913, la marginalisation de la langue française au bénéfice de l'anglais risquerait même de devenir légitime. Mais en 1917, confronté à la débâcle européenne de la Première Guerre Mondiale, Lénine écrira « L'impérialisme contemporain, qui renforce la tendance à la subordination des peuples faibles, est un nouveau facteur d'aggravation de l'oppression nationale », et conclura notamment « A toutes les nations composant la Russie doit être reconnu le droit de se séparer librement et de se constituer en Etats indépendants ». Une inflexion fort significative. Sous le franquisme, les mouvements d'opposition ont toujours reconnu la Catalogne en tant que nationalité historique.
[la suite, sur le lien http://blogs.mediapart.fr/blog/scientia/061114/catalogne-europe-et-droit-lautodetermination-i ]
Le 8 novembre 2014, Le Devoir relève « Fronde catalane, malgré tout » à propos de la consultation sur la possible indépendance de le Catalogne qui doit avoir lieu ce dimanche. Mais globalement, le ton des médias espagnols comme français met clairement en évidence à quel point cette consultation dérange les milieux dominants. En Espagne, la montée du rejet populaire du gouvernement Rajoy encourage la revendication d'une république que la consultation catalane met directement en avant. En France, la question des « langues régionales » menacées de disparition est un sujet particulièrement gênant, comme déjà évoqué dans nos articles « La Catalogne, pays de langue d'Oc » (I), (II) et (III), « La Catalogne et l'espagnolisme chauvin post-franquiste » et « Catalogne, langues menacées en France, période coloniale... ». Ou dans « Catalogne, Europe et droit à l'autodétermination (I) », diffusé cette semaine. En février dernier, l'article de France Info « Les langues menacées de disparition », faisant état des déclarations de la linguiste Colette Grinwald, soulignait encore le rôle récurrent du pouvoir politique et sa « pression directe pour que les habitants parlent la langue officielle ». Il rappelait « C'est ce qui s'est passé en France au 20e siècle. Le gouvernement français a réprimé les langues régionales en interdisant qu'elles soient parlées à l'école ». Mais osera-t-on rappeler le contexte de la mise en place de cette politique d'embrigadement culturel et de chauvinisation de la population ? A savoir, la « grande expansion coloniale » lancée par Léon Gambetta, Jules Ferry et leurs alliés politiques de la future Union des Gauches ensemble avec la préparation annoncée de la « revanche » (en clair, la future Première Guerre Mondiale). Et l'Espagne n'est-elle pas à son tour une ancienne puissance impériale et coloniale ? Sans oublier l'historique dans ce domaine des autres Etats de l'Europe occidentale. Confronté au désastre européen de la Première Guerre Mondiale, Lénine écrira en 1917 « L'impérialisme contemporain, qui renforce la tendance à la subordination des peuples faibles, est un nouveau facteur d'aggravation de l'oppression nationale ». Quelques années plus tard (1921-26), les lobbies coloniaux espagnol et français seront des alliés directs dans la guerre du Rif, avec l'aide des Etats britannique et allemand, contre la république mise en place par Abd el-Krim. En Espagne, la dictature de Miguel Primo de Rivera verra le jour en 1923 et durera jusqu'en 1930. C'est de la guerre contre Abd el-Krim que date la carrière militaire de Franco, alors que Pétain dirigeait l'intervention française. Sous le franquisme, la Catalogne était reconnue par l'opposition en tant que nationalité historique. En réalité, le mouvement pour l'indépendance de la Catalogne remet sur le tapis tout un passé européen, à un moment où la montée des pays dits « émergents » bouscule l'hégémonie historique des Etats-Unis et de l'Europe occidentale. Que peut apporter l'immobilisme stratégique dans une telle situation ?
[la suite, sur le lien http://science21.blogs.courrierinternational.com/archive/2014/11/08/catalogne-un-vote-qui-derange-i-50389.html ]
http://blogs.mediapart.fr/blog/scientia/061114/catalogne-europe-et-droit-lautodetermination-i
Catalogne, Europe et droit à l'autodétermination (I)
La Catalogne maintient à ce jour son projet de vote du 9 novembre, malgré une nouvelle tentative de Mariano Rajoy de faire interdire ce scrutin par le Tribunal Constitutionnel. 7 sur 7 écrit « La Catalogne lance un appel à la communauté internationale », à propos de l'appel en cours de signature par des élus et adressé à l'ONU, au Parlement Européen, à la Commission Européenne, au Conseil de l'Europe et à l'OSCE. En même temps, un appel intitulé Laissez voter les catalans a été lancé par Desmond Tutu, Adolfo Pérez Esquivel, Ken Loach... Des démarches particulièrement dérangeantes pour les institutions européennes, si on pense à l'historique des Etats de l'Europe Occidentale, colonialisme et guerres mondiales compris, et à l'inquiétante relation des « langues régionales » menacées de disparition dans ces Etats. A commencer par la France, d'ailleurs. Les antécédents de la crise actuelle ont été rappelés dans nos articles « La Catalogne, pays de langue d'Oc » (I), (II) et (III), « La Catalogne et l'espagnolisme chauvin post-franquiste » et « Catalogne, langues menacées en France, période coloniale... » . Mais comment l'Europe occidentale, qui se proclame berceau des droits de l'homme, a-t-elle pu en arriver à cette situation ? L'évolution des positions du mouvement ouvrier de la Russie des années 1910, confronté à la réalité de l'impérialisme et de ses conséquences, est à cet égard parlante. D'après Lénine (1913), le prolétariat était « loin de vouloir défendre le développement national de toute nation » et « met au contraire les masses en garde contre de telles illusions, préconise la liberté la plus complète des échanges capitalistes et salue toute assimilation des nations, excepté l'assimilation par la contrainte ou celle qui s'appuie sur des privilèges ». On peut aisément comprendre les conséquences, aujourd'hui, d'une politique qui préconiserait « la liberté la plus complète des échanges capitalistes » et qui, pour l'essentiel, saluerait toute assimilation des nations. La libre circulation des capitaux et des marchandises n'est rien d'autre que la politique de l'Union Européenne et de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Si on suivait la logique exposée par Lénine en 1913, la marginalisation de la langue française au bénéfice de l'anglais risquerait même de devenir légitime. Mais en 1917, confronté à la débâcle européenne de la Première Guerre Mondiale, Lénine écrira « L'impérialisme contemporain, qui renforce la tendance à la subordination des peuples faibles, est un nouveau facteur d'aggravation de l'oppression nationale », et conclura notamment « A toutes les nations composant la Russie doit être reconnu le droit de se séparer librement et de se constituer en Etats indépendants ». Une inflexion fort significative. Sous le franquisme, les mouvements d'opposition ont toujours reconnu la Catalogne en tant que nationalité historique.
[la suite, sur le lien http://blogs.mediapart.fr/blog/scientia/061114/catalogne-europe-et-droit-lautodetermination-i ]
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