dimanche 16 novembre 2014

Lettre ouverte Aux chefs d’État africains

De Calixte Baniafouna à

Denis SASSOU NGUESSO du Congo Brazzaville
Boni YAYI du Bénin
Joseph KABILA KABANGE de la République démocratique du Congo
Pierre NKURUNZIZA du Burundi
Paul KAGAME du Rwanda
Paul BIYA du Cameroun
Idriss DEBY ITNO du Tchad
Faure GNASSINGBÉ du Togo
Ali BONGO du Gabon


Blaise COMPAORÉ aurait pu occuper une place prestigieuse sur la liste mais premier a-t-il été à
avoir défié Barack OBAMA sur la justice et la liberté en Afrique qui seraient spécifiques à
l’Afrique, premier il a été chassé du pouvoir par le soulèvement du peuple de son pays qui lui a
rappelé que la justice et la liberté sous toutes les formes sont universelles, celles du Burkina
Faso comprises.


Cette lettre vous est particulièrement destinée.

 
Vous, Monsieur Denis SASSOU NGUESSO. Vous êtes à la tête du pays depuis 30 ans. Les articles
57 limitant le mandat présidentiel à 7 ans renouvelable une fois, 58 fixant à 70 ans la
limitation d’âge pour les candidats à l’élection présidentielle (vous en aurez 74 en 2016) et
185 interdisant de modifier les dispositions concernant la limitation d’âge et du nombre de
mandats sont les trois articles de la Constitution en vigueur depuis 2002 qui vous
empêchent de vous porter candidat à votre propre succession à la présidentielle de 2016.
Opposition, jeunesse et société civile de votre pays vous prêtent l’intention de chercher à
faire sauter ces trois verrous en vous voyant multiplier, ces derniers temps, les rencontres
au sommet avec vos homologues africains qui sont dans le même cas que vous, à savoir,
modifier la Constitution pour s’accrocher au pouvoir. Vous n’êtes pas en manque
d’expérience pour ignorer ce que humiliation populaire signifie. Quand on a déjà connu
l’humiliation populaire, comme quand on a connu l’honneur de se retirer sans effusion de
sang (vous y êtes déjà parvenu), la sagesse voudrait que l’on évitât de gravir la marche audessus,
à savoir, l’imparable colère du peuple. Il ne m’appartient pas de vous rappeler de
quel bois se chauffe la société civile de votre pays, plus grave quand celle-ci a déjà pris trop
de coups, qui soient des vôtres ou non.
Vous, Monsieur Boni YAYI. Vous êtes au pouvoir depuis 8 ans. La Constitution de votre pays
promulguée le 11 décembre 1990 fixe le mandat du président de la République à 5 ans,
renouvelable une fois. Votre mandat arrive à échéance en 2016. En 2013, vous avez soumis
au parlement un projet de révision constitutionnelle que la Commission des lois du
Parlement de votre pays a rejeté. Déterminée à sauvegarder les acquis de la démocratie
des années 1990 qui ont fait de votre pays un modèle de démocratie en Afrique et grâce
auxquels vous avez accédé au pouvoir, votre opposition est descendue dans la rue pour
mettre fin à vos velléités de réforme constitutionnelle qu’elle estima être une manoeuvre
de votre part pour vous positionner pour la prochaine élection présidentielle. À plus d’une
fois, vous avez promis, juré, craché de quitter le pouvoir au terme de votre dernier mandat
en 2016. La sagesse vous le commande vivement. Le peuple béninois a pris acte !

Vous, Monsieur Joseph KABILA KABANGE. Vous êtes au pouvoir depuis 13 ans. Jeune, vous êtes
un symbole à double titre. D’abord, à la tête d’un pays particulièrement révélateur du
débat qui nous occupe : l’exigence de la jeunesse à ne pas toucher à la Constitution dans
l’espoir de vous maintenir au pouvoir. Vous êtes ensuite l’homonyme de vos deux
prédécesseurs, dont l’un par le prénom, l’autre par le nom. Le premier, jeté dans la
poubelle de l’histoire, le deuxième, élevé au rang d’héros national. Il vous revient de choisir
entre la poubelle de l’histoire et l’honneur dû à votre père.
Vous, Monsieur Pierre NKURUNZIZA. Vous êtes au pouvoir depuis 9 ans. Selon la Constitution de
votre pays, le président de la République est élu au suffrage universel direct pour un
mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. Votre mandat prend fin en 2015. En mars
2014, l’Assemblée nationale a rejeté votre projet de révision de l’article 302 de la
Constitution qui vous empêche de briguer un troisième mandat. Opposition, société civile
et jeunesse burundaises sont inquiètes du manque de lisibilité de votre volonté de sortir la
tête haute à la fin proche de votre deuxième et dernier mandat. Sagesse, sagesse, sagesse !
Vous, Monsieur Paul KAGAME. Vous êtes au pouvoir depuis 11 ans. Selon la Constitution en
vigueur depuis 2003, le président du Rwanda est élu pour un mandat de 7 ans,
renouvelable une fois. Vous avez atteint la limite constitutionnelle et ne pourriez vous
présenter à votre propre succession pour un troisième mandat en 2017. À la question de
savoir si vous envisagiez la modification de la Constitution, vous laissez planer le doute en
déclarant que le temps venu, les Rwandais feront leur choix. Pour les opposants à votre
régime, cela signifie que vous voudrez vous présenter pour un troisième mandat après
avoir changé la Constitution par voie référendaire. Pensez à la poubelle de l’histoire.
Vous, Monsieur Paul BIYA. Vous êtes au pouvoir depuis 32 ans. Aïiiie ! La longévité à elle seule
suffit pour que le bon sens vous aide à écarter tout débat notamment constitutionnel sur la
limitation ou non des mandats vous concernant. Les idées reçues de certains de vos
proches, partisans, courtisans de la cour et de la périphérie, selon lesquelles la perpétuité
du règne serait une émanation des traditions africaines qui ne prévoiraient pas l’éviction du
chef de son vivant, n’ont fait qu’envoyer dans la poubelle de l’histoire tout chef d’État dit
moderne qui aurait appliqué ces mauvais conseils. Ce serait à votre honneur que la
limitation des mandats présidentiels au Cameroun devienne un idéal démocratique.
Vous, Monsieur Idriss DEBY ITNO. Vous avez pris le pouvoir il y a 24 ans et depuis, vous en
rempilez à l’issue d’une transition élastique dite « transition à la tchadienne ». Du soldat
que vous étiez, vous avez fait usage de la Constitution de 1996 qui se devait démocratique
pour vous muer définitivement en politicien. La révision de la Constitution a fait sauter
depuis les barrières de la limitation des mandats et vous a permis de vous asseoir
confortablement dans le fauteuil des régimes à durée indéterminée. Attention à la poubelle
de l’histoire.
Vous, Monsieur Faure GNASSINGBÉ. Vous êtes à la tête du Togo depuis 9 ans.
Vous, Monsieur Ali BONGO. Vous êtes à la tête du Gabon depuis 9 ans.
Vous avez de commun d’avoir hérité du pouvoir de votre père dont 41 ans de règne pour
Bongo père et 38 ans pour Eyadema père. Vos Constitutions sont taillées de telle sorte que
vous vous représentiez indéfiniment à la fin de chaque mandat. Le refus par les Gabonais et
les Togolais de faire de vos pays respectifs des monarchies vous oblige de mettre en place
des Constitutions avec limitation des mandats, ce que réclament à cor et à cri vos
oppositions, sociétés civiles et jeunesses respectives. Pensez à la colère du peuple et ses
conséquences.
Messieurs les chefs d’État africains ci-dessus interpellés :
- Soit vous êtes restés trop longtemps au pouvoir sans partage, soit vous êtes en fin de votre
second mandat et on vous prête l’intention de rempiler mais vous ne pouvez briguer un
nouveau mandat sans amender la Constitution, soit enfin vous êtes tout cela à la fois ;
- Vos populations sont restées dans la misère et la pauvreté malgré votre enlisement au
pouvoir ;
- Vous êtes comptables de la si calamiteuse situation socio-économique de vos pays
respectifs ainsi que du chômage durable, endémique et rampant des jeunes.
- Votre entourage, vos partisans, vos courtisans de la cour et de la périphérie qui profitent de
votre règne et souhaitent vous voir régner à vie vous poussent à aller de l’avant, alors que
la société civile, fatiguée et frustrée, est dans la rue pour vous en empêcher ;
Il y a un temps pour tout, Messieurs les chefs d’État africains : la terre tourne et elle ne tourne pas
que pour les autres.
Hier, la plupart d’entre vous étiez installés au pouvoir par des méthodes pour le moins
critiquables et souvent douloureuses pour vos populations majoritaires (coups d’État militaire
ou de succession monarchique, guerres de conquête ou de reconquête, etc.).
Aujourd’hui, les populations de votre pays, que vous croyez être différentes d’autres
populations de la planète, assoiffées de justice et de liberté, aspirent au changement qui leur
apporte l’infime minimum de justice et de liberté que vous avez confisquées, vous
particulièrement, Messieurs les chefs d’État africains.
Que vous reste-t-il encore à prouver à la tête de votre pays que vous n’ayez pu faire tout ce
temps qu’a duré votre règne ?
Faites honneur à l’Afrique, pensez à vos progénitures, épargnez
pour une fois vos populations d’une souffrance supplémentaire :
sortez la tête haute pour éviter la poubelle de l’histoire !
Avec tous mes respects et pour l’amour commun de notre chère Afrique.
Afrique, le 11 novembre 2014
Le Président du Mouvement pour une autre Afrique (MOPAF)
Calixte BANIAFOUNA

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