Source : fédération des travailleurs de l'industrie du livre CGT
LIBÉRATION
Les gendarmes échappent-ils au droit commun ?
Décryptage d’un point juridique au
cœur de l’actualité. Aujourd’hui, retour sur le dessaisissement du
procureur d’Albi au profit de celui de Toulouse dans l’enquête sur la
mort de Rémi Fraisse, à Sivens.
Mardi, le procureur d’Albi révélait lors d’une
conférence de presse que des traces de TNT avaient été retrouvées sur
les vêtements de Rémi Fraisse, le jeune manifestant tué à Sivens, dans
le Tarn.
« Ces résultats même partiels orientent l’enquête de
façon significative puisque la mise en œuvre d’un explosif militaire de
type grenade offensive semble acquise », ajoutait-il avant de se
dessaisir du dossier au profit du parquet de Toulouse, expliquant : « On
est sur le critère d’une infraction commise par un militaire. »
Le proc d’Albi a-t-il fait preuve
d’une grande modestie, considérant l’affaire de Sivens trop grosse pour
lui ? Ou bien les gendarmes ont-ils un régime juridique particulier et
des juges qui leur sont réservés ?
JURIDICTION SPÉCIALISÉE
En réalité seules quelques juridictions sont habilitées à
enquêter sur les infractions commises par des militaires dans
l’exercice de leur service (une par cour d’appel, c’est-à-dire chaque
grande « région judiciaire »). Les gendarmes étant des militaires, ce
sont ces juridictions spécialisées qui jugent les crimes ou les délits
qu’ils commettent « dans le service du maintien de l’ordre » (les
articles 697 et 697-1 du code de procédure pénale organisent cette
particularité militaire).
Dans l’affaire du décès de Rémi
Fraisse, c’est le tribunal de grande instance de Toulouse, dont dépend
Albi, qui abrite la juridiction spécialisée en matière de justice pénale
militaire. C’est elle qui a ouvert, mercredi, une information
judiciaire contre X du chef de « violences volontaires ayant entraîné la
mort sans intention de la donner, faits commis par une personne
dépositaire de l’autorité publique dans l’exercice de ses fonctions ».
Les magistrats de ces juridictions
spécialisées sont des juges et des procureurs ordinaires, qui ne se
bornent pas à traiter les seuls dossiers militaires. Ils ne reçoivent
pas de formation particulière.
« L’idée, c’est plutôt de permettre à ces collègues de
se spécialiser petit à petit sur ces dossiers : il faut qu’ils
connaissent les spécificités de ce droit, qu’ils aient les bons
réflexes », commente Richard Samas, membre de l’Union syndicale des
magistrats (USM).
Rassembler les dossiers militaires similaires permet
aussi d’organiser les services de manières plus efficaces et
d’harmoniser les décisions et jurisprudences. « Mais spécialisation ne
veut pas dire justice d’exception, insiste Richard Samas. Ces magistrats
jugent les militaires comme ils jugent n’importe quel citoyen lors de
leurs autres audiences. »
Depuis plusieurs décennies au contraire, la justice
militaire s’est progressivement éloignée des juridictions d’exception,
pour se rapprocher du droit commun:en 1981, Robert Badinter a ainsi
supprimé la Cour de sûreté de l’Etat et les tribunaux des forces armées.
TEMPS DE PAIX ET TEMPS DE GUERRE
Les militaires sont soumis depuis 1966 à un code de la
justice militaire. Il définit les peines en cas de désertion,
d’insoumission, de capitulation (passible de la réclusion criminelle à
perpétuité), de mutilation volontaire, d’outrage à un supérieur ou à un
subordonné…
I
l repose d’abord sur une distinction entre le « temps de paix » et le
« temps de guerre », qui permet beaucoup plus de dérogations au droit
commun. Pour les infractions commises en « temps de paix », le droit
militaire fait une seconde distinction, cette fois entre les délits
intervenus sur le territoire national – jugés, donc, par une juridiction
spécialisée dans chaque cour d’appel – et ceux commis par des
militaires à l’étranger.
Ces derniers sont aujourd’hui traités par une chambre
spécialisée du tribunal de grande instance de Paris. C’est une évolution
très symbolique et récente : jusqu’en 2011, c’était le « tribunal aux
armées de Paris » qui en était chargé. Les magistrats professionnels
siégeaient alors dans la caserne de Reuilly… Aujourd’hui, les audiences
se tiennent au palais de justice, comme pour n’importe quel autre
citoyen.
Revenons aux crimes et délits survenus en France.
Pourquoi donc les gendarmes – contrairement aux policiers – ont-ils
droit à une justice spécialisée ? « Ça peut se comprendre puisque les
militaires ont une mission spécifique soumise à un cadre particulier,
comme le prouve l’existence d’un Code de justice militaire ou le fait
que les militaires français n’ont pas le droit de grève dans les faits –
même si la Cour européenne des droits de l’homme le leur garantit. »,
estime Richard Samas.
Autre exemple de cette spécificité gendarmesque : les règles de la légitime défense ne sont pas les mêmes pour les policiers,
logés à la même enseigne que n’importe quel quidam (en l’occurrence le
code pénal), et pour les gendarmes qui peuvent utiliser leurs armes
après sommation (article L2338-3 du Code de la défense).
La distinction entre justice militaire et justice de droit commun, entre droit du gendarme et droit du policier, est avant tout une résurgence du passé.
« C’est ce qui reste de la justice militaire qui pour
l’essentiel a été abrogée, note le sénateur du Loiret Jean-Pierre Sueur,
vice-Président de la commission des lois. A mon sens, elle pourrait
encore évoluer, et se passer de juridictions spécialisées pour les
infractions commises lors de missions de maintien de l’ordre. »
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Le Monde.fr - AFP
la thèse de la grenade offensive confirmée par les analyses
Le campement des opposants au barrage de Sivens (Tarn),
le 28 octobre, 3 jours aprés la mort du jeune opposant Rémi Fraisse au
barrage de Sivens.
Les analyses du sac à dos que portait le manifestant Rémi Fraisse au
moment de sa mort dimanche 26 octobre au barrage de Sivens (Tarn)
confirment la thèse d’un décès causé par une grenade offensive des
gendarmes, selon des informations de l’Agence France-Presse.
« Les examens réalisés sur le sac à dos de Rémi Fraisse
ne mettent en évidence aucune substance, sinon le TNT présent dans la
grenade utilisée par la gendarmerie », a indiqué une source proche du
dossier à l’agence de presse. « C’est donc bien l’explosion de la
grenade qui a causé la mort de Rémi Fraisse », conclut cette source.
Une autre source a confirmé à l’AFP que ces analyses
n’avaient pas fait apparaître d’éléments chimiques entrant dans la
composition des engins pyrotechniques artisanaux fabriqués par une
partie des opposants au barrage sur le site et utilisés contre les
forces de l’ordre.
En clair, cela signifie que Rémi Fraisse ne portait pas
au moment de sa mort de cocktail Molotov artisanal, comme cela avait été
soupçonné au début de l’enquête. La plupart des experts estimaient en
effet qu’une grenade offensive seule ne pouvait provoquer la mort, mais
qu’elle pouvait avoir été associée avec un autre agent explosif.
ANALYSE SUR LES RESTES DU SAC À DOS
Interviewé sur cette possibilité, un gendarme expliquait ainsi cette semaine au site de l’Obs :
« Si ce
manifestant avait dans son sac à dos un fumigène, un réchaud à gaz, un
explosif maison, genre bombe agricole ou même peut-être un aérosol,
alors là, il est possible que la combinaison avec une grenade entraîne
une blessure mortelle. Mais il faudrait dans ce cas que la grenade tombe
dans son sac. Ce serait vraiment un scénario improbable. »
Anna, l’amie de Rémi Fraisse, présente sur place, a
assuré au site Reporterre que le jour de sa mort, « il avait juste une
bouteille de vin et des gâteaux apéritifs dans son sac à dos ».
Les techniciens de la police scientifique ne possèdent
cependant pas l’intégralité du sac à dos que portait Rémi Fraisse au
moment où il est mort dans la nuit de samedi à dimanche. Les analyses
ont ainsi été menées sur les restes du bagage — le dos du sac et les
bretelles.
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LES INROCKUPTIBLES
les gendarmes ont livré trois versions différentes des faits
RTL a révélé que les gendarmes avaient donné trois
versions différentes des faits sur les circonstances de la mort de Rémi
Fraisse.
Que s’est-il passé dans la nuit du 25 au 26 octobre sur
le lieu du conflit autour du barrage de Sivens ? Une chose est sûre,
vers 2h du matin, Rémi Fraisse est mort, suite à l’explosion d’une
grenade tirée par les gendarmes mobiles. Mais quelle a été l’attitude
des forces de l’ordre ? Alors qu’une enquête est en cours pour établir
les responsabilités du décès, les gendarmes ont donné successivement
trois versions différentes des faits, a révélé hier RTL.
Le dimanche soir, le procureur de la République d’Albi ,
Claude Dérens, en charge de l’enquête, a déclaré lors d’une conférence
de presse : “Les gendarmes ont repéré un corps gisant au sol, ils ont fait une sortie pour rapatrier la personne et la soigner”. Il s’agissait de la première version, qui laissait planer l’idée que la police n’était pas impliquée dans le décès.
La préfecture a ensuite avancé un autre scénario, selon
lequel les gendarmes auraient tiré avant de voir une personne s’écrouler
à une cinquantaine de mètres. Ils auraient alors pris le temps de
prévenir leur hiérarchie. La nuance est de taille. Ils auraient ensuite “porté
secours au jeune homme victime d’une plaie de dix à dix huit
centimètres entre les omoplates. Le décès aurait été rapidement
constaté”, rapporte RTL.
Selon la dernière version, celle qui a été
officiellement retenue, les gendarmes mobiles auraient immédiatement
porté secours à la victime après avoir tiré, “et ce sous les projectiles, afin d’emporter son corps et lui donner les premiers secours”, en vain.
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ALENCONTRE
Les « forces de l’ordre » du gouvernement « socialiste », partisan de la « transition énergétique »
Par Sybille Vincendon, Gilbert Laval et Lilian Allemagna
« Projet suspendu »,« travaux stoppés ». Des cercles
gouvernementaux à Paris, jusqu’au conseil général du Tarn, qui souhaite
depuis plus de vingt ans réaliser le barrage de Sivens, il n’est plus
question que de remise « à plat » d’un projet controversé et qui semble
désormais compromis. Certes le sénateur Thierry Carcenac, président (PS)
du conseil général du Tarn depuis vingt-trois ans, continue à défendre
la pérennité de son barrage. Il envisage juste de « suspendre les
travaux, en aucun cas sine die », mais l’Etat veut reprendre la main.
Une réunion de « l’ensemble des parties prenantes » est prévue au
ministère de l’Ecologie mardi. « Mon rôle est de trouver des solutions.
C’est la raison pour laquelle j’avais diligenté un rapport
d’inspection », a souligné mercredi 29 octobre la ministre Ségolène
Royal.
L’origine du projet
A la fin des années 1980, quand le barrage commence à
être envisagé, le problème est simple : comment disposer en été de l’eau
que l’on aura stockée en hiver ? Mais à une bonne question, il arrive
qu’on apporte de mauvaises réponses…
En deux mois sur place, Nicolas Forray et Pierre
Rathouis, ingénieurs des Eaux et forêts, experts mandatés par Royal, ont
réuni des éléments accablants : du constat des besoins aux impacts
environnementaux en passant par le financement, tout était bancal. Dans
ce bassin-versant de la rivière Tescou, 324 km2 entre Tarn et
Tarn-et-Garonne, le territoire est très rural. Mais depuis les premières
réflexions sur la possibilité d’un barrage, il a changé.
« L’agriculture occupe encore 88% de ce territoire », mais elle est « en
net recul », lit-on dans ce rapport. La surface agricole utile est
passée de 3000 hectares en 2000 à 28’700 en 2010 et le nombre
d’exploitations chutait de 1038 à 738.
De plus, « la nature des cultures a aussi changé », avec
des « cultures sèches ou faiblement irriguées (céréales à paille,
sorgho, tournesol) [qui] ont progressé », tandis que le maïs, très
gourmand en eau, « est en nette régression », disent les experts. Dans
la période récente, entre 2000 et 2010, « les surfaces irriguées ont
diminué d’un tiers », passant de 18,5% des terres cultivées en 2000 à
12,5% en 2010.
Dans ces conditions, pour combien d’agriculteurs est-on
en train de construire Sivens ? 81 dit le conseil général du Tarn, 19
affirment les opposants. Les rapporteurs s’en tiennent à 30. Mais ils
observent qu’au fil des années, les exploitants ont créé des « retenues
collinaires individuelles », des réservoirs dont le potentiel « est
aujourd’hui largement sous-utilisé ». Alors, besoin d’eau ou pas ? « La
pénurie d’eau est une réalité incontestable », admettent les deux
experts. Mais quelle pénurie ? Evalués au doigt mouillé, les besoins ont
été surévalués et logiquement, Sivens a été surdimensionné. Selon le
rapport, 448’000 m3 auraient suffi au lieu des 1,5 million de m3 prévus
par le barrage. En 2008, le conseil général du Tarn a décidé de passer
une convention publique d’aménagement pour construire Sivens. Le texte
de la convention signalait que « dès 1989 », les reconnaissances de
terrain s’étaient heurtées « à des oppositions locales ». Il faudra
attendre 2004 pour le choix d’une solution technique, trop grande et
avec trop d’impact sur l’environnement.
L’aval du gouvernement
Arrivée en juin 2012 au ministère de l’Ecologie,
Delphine Batho [relevée de ses fonctions le 2 juillet 2013 par
Hollande—Valls] tente de bloquer ce projet. « Dès octobre 2012, je
rédige une circulaire qui met fin au financement public des retenues de
substitution comme c’est le cas pour le projet de barrage à Sivens »,
explique-t-elle à Libération. La ministre déchire deux circulaires
prises sous la droite : l’une autorisant les agences de l’eau à financer
ce type de projet et une autre permettant de se passer d’enquête
publique. Le projet est alors « rhabillé », dit-elle, par les élus
locaux en « soutien au débit d’étiage » pour contourner son moratoire.
Par la suite, l’enquête publique se déclare favorable au
projet, « sous réserve » de l’avis du conseil national de la protection
de la nature (CNPN). Lequel sera… défavorable. « Le 5 juin 2013, je dis
alors au préfet du Tarn que je ne l’autorise pas à signer les
arrêtés », poursuit Batho. Le projet est bloqué. Mais la ministre est
limogée le 2 juillet. Début septembre, le CNPN, à nouveau sollicité, se
redit « défavorable ». Peu importe : un mois plus tard, la préfète du
Tarn signe deux arrêtés qui ont valeur de feu vert pour les travaux. Une
nouvelle circulaire autorise le financement par l’Etat d’un projet de
ce type. « Or il y a 4,25 millions d’euros d’argent public dans ce
projet, affirme Batho. Si l’Etat décide de ne pas mettre 1 euro, le
projet tombe. »
Le nouveau ministre de l’Ecologie Philippe Martin a-t-il
été moins sourcilleux que sa prédécesseure ? Parmi les dirigeants
écologistes, on estime qu’entre Batho et Royal, c’est Martin, président
PS du conseil général du Gers, voisin du Tarn qui a laissé filer les
autorisations. « Ce sont des intérêts bien compris entre territoires,
fait valoir un poids lourd d’EE-LV [Europe-Ecologie-Les Verts] Martin
voulait à ce moment-là être président de la région Midi-Pyrénées ! » Et
donc ne pas se fâcher avec ses camarades du Tarn. L’ex-ministre se
défend auprès de Libération : « Pendant les neuf mois où j’ai été
ministre de l’Ecologie, je n’ai pas eu à traiter, de quelque façon que
ce soit, ce dossier. Pas plus que tout autre dossier concernant une
retenue d’eau d’ailleurs. »
Des élus locaux quasi unanimes
Ils ont été 43 conseillers généraux sur 46 à voter en
mai 2013 les délibérations autorisant le lancement du barrage dans la
forêt de Sivens. Un seul a voté contre, un élu de « sensibilité
écologique ». Deux conseillers généraux Front de Gauche se sont
abstenus. Les élus de droite ont voté avec les socialistes. Ce qui n’a
pas empêché mercredi, le président départemental de l’UMP, maire de
Lavaur et ex-député de la Droite Populaire, Bernard Carayon, de
demander, au nom du « respect de la victime et de sa famille […] l’arrêt
de ce désastre humain et politique ».
Pour le coup, le président (FDSEA – Fédération nationale
des syndicats des exploitants agricoles, membre des organisations
patronales françaises] de la Chambre d’agriculture, Jean-Claude Huc,
s’en étouffe : « Il demande l’arrêt du barrage et c’est le maire de ma
commune. Il va falloir qu’il me reçoive et me donne quelques
explications. » Il n’y a pas un maire d’une commune riveraine des lieux
qui ait jamais protesté contre ce projet. Les agriculteurs de la vallée
eux-mêmes à l’exception des rares partiellement expropriés, n’ont jamais
moufté. « Ce projet est depuis au moins quinze ans dans les tuyaux et
n’a jamais suscité de révolte populaire, analyse le député PS Valax.
Tout a été fait dans les règles, il est temps que les règles de la
République l’emportent ».
Localement, le premier projet de barrage à Sivens date
de 1989, à la demande du département voisin en aval, le Tarn-et-Garonne.
« J’ai toujours entendu parler d’un éventuel barrage dans la forêt de
Sivens, reprend Huc. Il faut savoir que cette vallée est la plus pauvre
de tout le département. L’irrigation aurait permis à des exploitations
familiales d’y vivre un peu plus correctement. » [1] Ainsi, il se
félicite d’avoir toujours travaillé, « main dans la main avec le conseil
général ». En particulier à partir de 2004 : « Il s’agissait alors pour
nous de mesurer les possibilités nouvelles, dans le respect des
territoires, qu’offrait un stockage de l’eau sur le Tescou. » Il concède
que le projet était déjà « un peu surdimensionné », mais « la sagesse
paysanne, s’amuse-t-il, indique qu’il faut toujours un peu plus que de
besoin en prévision des mauvais jours… »
[1] « Philippe Maffre, membre du comité départemental de
la Confédération paysanne, a son idée sur la question. Le syndicaliste
reconnaît l’existence de « problèmes de sécheresse » dans la vallée du
Tescou. « Ma grand-mère vient de là, et déjà gamin, j’entendais parler
de cette guerre de l’eau. » Mais il estime qu’un réservoir pouvant
stocker 1,5 million de m3 est surdimensionné et, surtout, trop coûteux.
« Ces huit millions d’euros, pourquoi on les mettrait là et pas
ailleurs ? Les problèmes de sécheresse, il y en a partout en France. »
Pour lui, d’autres solutions auraient pu être envisagées, comme celle
des « retenues collinaires », des réservoirs de taille plus modeste que
les agriculteurs « pourraient partager ». « Au lieu de ça, on a choisi
de confier les travaux à la Compagnie d’aménagement des coteaux de
Gascogne, s’inquiète-t-il. Les paysans vont se retrouver aux mains de
cette technostructure. » Maffre fustige aussi le flou entourant le
nombre de bénéficiaires potentiels de la retenue d’eau. Les autorités
parlent de 81 exploitations, les opposants de 19. Les experts mandatés
par Ségolène Royal ont, dans leur rapport publié lundi, tapé au milieu :
entre 30 et 40 exploitants. « Huit millions d’euros pour aussi peu de
monde, c’est beaucoup », dénonce Maffre ». (publié dans le quotidien
Libération du 30 septembre 2014)
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Agrobusiness, conflits d’intérêts, mauvaise gestion
Par Nicolas Bérard
Elle est enfin sortie de son silence. Ségolène Royal,
ministre de l’écologie, a annoncé mercredi 29 octobre, à la sortie du
conseil des ministres, avoir convoqué une réunion « entre les parties
prenantes » mardi prochain 4 novembre, sans préciser si les opposants
qui ont occupé la zone du Testet seront invités. « Il faut que l’on
trouve une solution qui justifie l’engagement des fonds publics et
européens sur des ouvrages comme ceux-là », a déclaré la ministre. De
son côté, Thierry Carcenac, président socialiste du conseil général du
Tarn, a annoncé la suspension sine die des travaux du barrage. Mais
mercredi, dans un entretien, l’élu socialiste explique ne pas vouloir
renoncer pour autant à ce projet.
Le pouvoir et les élus locaux tentent ainsi de
désamorcer la crise grandissante que provoque la mort de Rémi Fraisse,
ce jeune militant de 21 ans tué le 26 octobre lors d’affrontements avec
les forces de l’ordre sur le chantier du barrage de Sivens. « On sentait
que ça allait arriver… » Julie, zadiste [de zone à défendre] de 37 ans,
n’est guère étonnée par le drame qui a eu lieu au Testet. De nombreux
manifestants avaient déjà été blessés et chacun, sur place, s’attendait à
ce que les affrontements virent à la tragédie. Le décès de Rémi
Fraisse, qui selon toute vraisemblance a été tué par une grenade
offensive, n’est donc pas une réelle surprise pour nombre d’opposants :
plutôt la confirmation qu’ils ont à faire face, depuis plusieurs
semaines, à une réplique totalement disproportionnée des forces de
l’ordre.
Pourquoi les autorités ont-elles déployé un dispositif
aussi impressionnant de forces de l’ordre et pourquoi celles-ci
semblaient bénéficier d’une telle liberté d’action ? Le tout pour un
projet qui, selon les termes employés par les deux experts missionnés
par le ministère de l’écologie, est tout simplement « médiocre »… La
réponse se trouve dans un savant cocktail fait de conflits d’intérêts,
d’alliances politiciennes et d’agrobusiness.
Si les opposants, notamment le Collectif Testet, se sont
aussi rapidement méfiés du projet du barrage de Sivens, c’est que les
méthodes employées par le conseil général du Tarn, maître d’ouvrage, et
la CACG (compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne), maître
d’ouvrage délégué, ne sont pas nouvelles. L’étude du barrage de
Fourogue, construit à la fin des années 1990, apporte un éclairage
saisissant sur les abus constatés, ou à venir, concernant la retenue de
Sivens. Car les deux ouvrages ont été construits sur un schéma tout à
fait similaire.
La zone humide de Testet déboisée. Or, les zones humides
filtrent les polluants et agissent comme une station d’épuration
naturelle de l’eau potable. On est là dans les services dits
« écosystémiques » rendus gratuitement par la nature. Comme c’est un
milieu de rétention d’eau, elles jouent aussi un rôle dans la prévention
des crues. Elles participent aussi à la captation de CO2 et donc à la
lutte contre le dérèglement climatique.
Premier enseignement à tirer de ce barrage de Fourogue
de 1,3 million de m3 mis en service en 1998 : il est beaucoup trop grand
par rapport aux besoins réels des agriculteurs. Mediapart a pu se
procurer un mail, daté du 18 octobre 2013, envoyé par le directeur des
opérations de la CACG au directeur de l’eau et de l’environnement du
conseil général du Tarn, aujourd’hui en charge du dossier de Sivens. Il y
fait part de « la faible souscription des irrigations [ :] à ce jour
269 ha au lieu des 400 prévus par la chambre d’agriculture ».
Ce surdimensionnement n’est pas sans rappeler celui
dénoncé dans le cadre du projet de Sivens. Le Collectif Testet n’a
dénombré que vingt exploitants susceptibles d’utiliser le réservoir de
1,5 million de m3 qui a été prévu sur la zone du Testet. Le rapport des
experts, sévère dans son constat général mais néanmoins modéré dans son
approche globale, estime pour sa part que le nombre de bénéficiaires est
« de l’ordre de trente, et les préleveurs nouveaux environ dix ». On
est loin des quatre-vingt-un exploitants annoncés par les promoteurs du
projet. Cette surestimation du nombre de bénéficiaires n’est pas
financièrement indolore. Non seulement elle conduit à mener des travaux
plus importants et donc plus chers que ce que réclame la situation,
mais, en plus, elle engendre des déficits chroniques dans la gestion des
ouvrages. C’est ce que vient de nouveau démontrer le précédent de
Fourogue : dans son courrier, le directeur des opérations de la CACG
explique que l’exploitation du barrage souffre d’« un déséquilibre
d’exploitation important ».
Alors que les recettes nécessaires à l’équilibre de
cette retenue sont estimées à 35’000 euros par an, les recettes
effectives annuelles ne sont que de 7000 euros. Résultat : après quinze
années d’exploitation, la CACG déplore à Fourogue un déficit global de
420’000 euros. Pas d’inquiétude, néanmoins : la CACG et le conseil
général se sont mis d’accord pour partager la note. S’adressant toujours
à son collègue du conseil général, le directeur des opérations de la
compagnie écrit dans un mail du 22 novembre 2013 : « Faisant suite à nos
échanges en préfecture, je te propose de mettre un poste de
rémunération de 50 % de la somme (…), soit 210 k€ correspondant à la
prestation suivante : « Grosses réparations (15 ans) ». »
La faiblesse des recettes s’explique aussi par un autre
facteur : l’ouvrage de Fourogue n’a plus de véritable cadre juridique.
En cause : l’annulation de la DIG (déclaration d’intérêt général), que
les opposants ont obtenue en justice en 2005 suite à une longue
procédure débutée avant le lancement des travaux. En l’absence de cette
DIG, la CACG, qui a construit l’ouvrage, n’a pas pu le rétrocéder au
conseil général comme cela était initialement prévu.
Pas de mise en concurrence
Le conseil général et la CACG ont-ils cherché à
régulariser cette situation ? Une fois de plus, ils ont plutôt décidé de
laver leur linge sale en famille. Le département a ainsi signé une
petite vingtaine d’avenants successifs pour confier la gestion du
barrage à la compagnie. Ce qui n’est pas franchement légal. Un rapport
d’audit accablant sur la situation du barrage, daté de mars 2014, note
par exemple que la signature de l’un de ces avenants « doit être
regardée comme la conclusion d’un nouveau contrat entre le conseil
général et la CACG. Ce nouveau contrat s’apparente à une délégation de
service public devant être soumise à une obligation de mise en
concurrence ».
Mais de mise en concurrence, il n’y a point eu… En
outre, grâce à ces avenants, la compagnie d’aménagement gère le barrage
depuis désormais quinze ans. Et, prévient encore le rapport, « une durée
trop longue peut être considérée comme une atteinte au droit de la
concurrence ».
Lorsqu’il s’agit de la gestion de l’eau, la CACG devient
vite, non pas l’interlocuteur privilégié du conseil général, mais
plutôt son interlocuteur exclusif. Le rapport d’audit explique ainsi que
« le contrat de concession d’aménagement a été signé entre le conseil
général du Tarn et la CACG en l’absence de procédure de mise en
concurrence conformément aux textes applicables aux concessions
d’aménagement alors en vigueur. […] Or, la réalisation de la retenue
d’eau constituait une opération de construction et ne pouvait donc pas
faire l’objet d’une concession d’aménagement. Contrairement aux
concessions d’aménagement, les opérations de construction pour le compte
d’un pouvoir adjudicateur devaient déjà être soumises à une procédure
de mise en concurrence. »
Grâce à ces « concessions d’aménagement », comme cela
est encore le cas pour le barrage de Sivens, la CACG n’a pas à se
soucier des concurrents. Il lui suffit de se mettre d’accord sur un prix
avec les élus du département. Pourquoi la CACG bénéficie-t-elle d’un
tel favoritisme alors que sa gestion est contestée ? Une inspection
réalisée en janvier 2014 par les services préfectoraux préconisait par
exemple certaines rénovations à effectuer sur la retenue de Fourogue.
Par courrier, il a été signifié à la CACG que « le système d’évacuation
des crues présente des signes de désordre laissant un doute sur la
sécurité de l’ouvrage en crue exceptionnelle et nécessite des travaux à
effectuer rapidement ». N’ayant reçu aucune réponse de la compagnie dans
les deux mois qui lui étaient impartis, les services d’État ont perdu
patience et lui ont adressé un nouveau courrier le 15 avril. Ils exigent
alors qu’elle se décide enfin à « réaliser rapidement un diagnostic de
l’ouvrage déterminant l’origine de ces désordres (…) et [à] mettre en
place des mesures compensatoires de surveillance et de sécurité sans
délai », ces deux derniers mots étant soulignés pour marquer l’urgence.
La solution finalement adoptée sera d’abaisser le niveau
d’eau retenue. Ce qui ne pose aucun problème technique, puisque le
barrage est beaucoup trop grand, comme l’explique en creux le courrier
du responsable de la CACG : « Le volume consommé en année moyenne pour
[l’irrigation] oscille plutôt autour de 200 000 m3. » Ils avaient prévu
900 000 m3… Pour comprendre les liens étroits qui unissent le conseil
général et la CACG, il faut se tourner vers le fonctionnement de cette
dernière. Société anonyme d’économie mixte, son conseil d’administration
est principalement composé d’élus départementaux et régionaux, pour la
plupart des barons du PS local ou du parti radical de gauche. Le
président de ce conseil, par exemple, n’est autre que Francis Daguzan,
vice-président du conseil général du Tarn. À ses côtés, on trouve André
Cabot, lui aussi vice-président du conseil général du Tarn, mais aussi
membre du conseil d’administration de l’Agence de l’eau, qui finance la
moitié du projet de barrage de Sivens (dans le montage financier,
l’Europe doit ensuite en financer 30 %, les conseils généraux du Tarn et
du Tarn-et-Garonne se partageant équitablement les 20 % restants).
On trouve ensuite des représentants des chambres
d’agricultures, tous adhérents à la FNSEA, syndicat fer de lance de
l’agriculture intensive. Aucun représentant de la Confédération paysanne
dans ce conseil d’administration. Seule la Coordination rurale a obtenu
un strapontin, mais ce syndicat se dit favorable au barrage. Pour
compléter le tableau, siègent un administrateur salarié et des
représentants de grandes banques. Des élus juges et parties, des
partisans de l’agriculture intensive et des banquiers, chacun, ici, a
intérêt à favoriser des ouvrages grands et onéreux.
Un chantier à marche forcée
Pour y parvenir, ce n’est pas très compliqué : les
études préalables à la construction d’une retenue sont confiées à… la
CACG, qui se base, pour (sur)estimer les besoins en eau du territoire,
sur les chiffres de… la chambre d’agriculture, tenue par la FNSEA. Le
conseil général, soucieux de la bonne santé financière de sa société
d’économie mixte, n’a plus qu’à approuver, sans trop regarder à la
dépense. Un fonctionnement en vase clos qui laisse beaucoup de place aux
abus, et bien peu à l’intérêt général.
Exemple, à Sivens : compte tenu du fait que « la
quantité de matériaux utilisables pour constituer une digue est
insuffisante sur le site et, d’autre part, le coût des mesures
compensatoires (…) et du déplacement d’une route et d’une route
électrique », le conseil général explique dans sa délibération actant la
construction du barrage que « le coût de l’ouvrage est relativement
onéreux » – et encore, l’ouvrage était alors estimé à 6 millions, contre
plus de 8 aujourd’hui. Pourtant, comme l’ont regretté les experts
dépêchés par Ségolène Royal, aucune alternative n’a sérieusement été
recherchée, et le projet a été voté en l’état par les élus. Pourquoi la
CACG se serait-elle décarcassée à trouver un projet moins cher, alors
qu’elle savait déjà qu’elle se verrait confier la construction de cette
retenue ? Il ne reste plus, ensuite, qu’à lancer les travaux, et vite.
L’exemple de Fourogue a montré aux élus que, quels que soient les
recours en justice, l’important était de finir le chantier avant que les
délibérés ne soient rendus. Aujourd’hui, le barrage baigne certes dans
l’illégalité, mais il existe…
Le 14 septembre, les manifestants ont eu un aperçu de
l’empressement des promoteurs à boucler les travaux du Testet. Ce
dimanche-là, ils s’attendaient tous à une mobilisation très importante
de forces de l’ordre dès le lendemain. La raison : deux jours plus tard,
le tribunal administratif de Toulouse allait rendre son délibéré sur la
légalité du déboisement. Grâce à de solides arguments en leur faveur,
ils avaient bon espoir que le juge leur donne raison. « Ils vont tout
faire pour finir le déboisement avant le délibéré », estimait alors
Fabien, un jeune zadiste de 25 ans, qui se préparait à voir débarquer en
nombre les gendarmes mobiles au petit matin.
Ce fut finalement encore plus rapide : les escadrons
sont arrivés dès le dimanche soir afin que les machines puissent
s’installer sur la zone, et commencer à couper les arbres restants à la
première heure. Le mardi, le tribunal administratif n’a finalement pas
donné raison à France Nature Environnement, à l’origine du recours en
référé : il s’est déclaré incompétent, tout en condamnant l’association à
4’000 euros d’amende pour « saisine abusive ». Mais, de toute façon, le
déboisement avait été achevé quelques heures plus tôt. On n’est jamais
trop prudents… À marche forcée, le conseil général et la CACG entendent
donc finir le plus rapidement possible le chantier de Sivens. Ainsi, les
opposants n’ont jamais obtenu ce qu’ils souhaitaient : un débat
contradictoire avec le président du conseil général du Tarn. Droit dans
ses bottes, Thierry Carcenac (PS) n’a jamais pris le temps de les
recevoir. Le premier ministre Manuel Valls a clairement exprimé son
soutien au projet, ce qui n’a sans doute pas déplu à Jean-Michel Baylet
[membre du Parti radical et d’une dynastie politique dans le
Tarn-et-Garonne] , président du département du Tarn-et-Garonne mais
aussi président des radicaux de gauche aujourd’hui si précieux à la
majorité socialiste.
Pour que les travaux avancent, les promoteurs ont ainsi
pu compter sur le soutien sans faille de l’État et de la préfecture, qui
a mobilisé durant des semaines d’importantes forces de l’ordre. Les
zadistes, organisés en « automédias », ont fait tourner sur les réseaux
sociaux des vidéos prouvant les abus de certains gendarmes mobiles.
Lorsqu’il s’est exprimé après le drame, le dimanche 26 octobre, le
ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve s’est pourtant surtout attaché
à défendre le travail des forces de l’ordre et à rejeter la faute sur
« un groupe [de manifestants] extrémistes de 200 personnes environ ».
Cette course effrénée a déjà eu raison des experts du
ministère, qui estiment que, « compte tenu de l’état d’avancement des
travaux et des engagements locaux et régionaux pris avec la profession
agricole », « il semble difficile » d’arrêter le chantier. La mort de
Rémi Fraisse a mis un coup d’arrêt aux travaux. Mais pour combien de
temps ? Deux jours plus tard, Thierry Carcenac n’avait pas du tout
l’intention d’abandonner le projet : « L’arrêt total du projet de
barrage à Sivens aurait des conséquences sur l’indemnisation aux
entreprises. »
Son empressement à reprendre les travaux n’est pas
anodin : rien ne dit que, comme pour Fourogue, la déclaration d’intérêt
public du barrage de Sivens ne sera pas annulée en justice. Cette
question fait l’objet de l’un des nombreux recours déposés par le
Collectif Testet et d’autres associations. Et les délibérés pourraient
ne pas être rendus avant deux ans. (publié sur le site Médiapart, le 29
octobre 2015)
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Rémi : « Ni oubli ni pardon »
Le décès de Rémi Fraisse, ce week-end à Sivens dans le
Tarn, n’est pas un accident. C’est le résultat de deux mois de violences
policières croissantes envers les opposantEs à un barrage que les
experts de Ségolène Royal viennent de disqualifier sur de nombreux
points du dossier.
Rémi, jeune toulousain de 21 ans et militant investi au
sein de Nature Midi-Pyrénées, a été victime de l’explosion d’une
grenade offensive dans le dos. De nombreux témoignages mettent en cause
la responsabilité policière dans un contexte où les tirs de
lacrymogènes, de grenades assourdissantes et de flash-balls ont duré une
partie de la nuit. Durant la nuit où Rémi a trouvé la mort, au moins
dix personnes ont été évacuées à l’hôpital, dont trois avec des
blessures graves. De peur de voir se multiplier les résistances comme à
Notre-Dame-des-Landes, l’État cherche à briser par la violence et la
criminalisation un mouvement qui s’étend et s’approfondit.
Un rassemblement réussi
Environ 4000 manifestantEs, beaucoup de jeunes, ont fait
le déplacement dans une ambiance d’abord festive. La solidarité est
venue de toute la France, y compris des représentantEs d’autres luttes
contre des grands projets inutiles imposés, Notre-Dame-des-Landes par
exemple. Un week-end très réussi et bien organisé : parking, navettes,
aire de campement, chapiteaux avec activités ludiques, stand
d’information des associations et des politiques, lieux de débats,
restauration, etc. Débats et témoignages se sont succédés. Un bon
millier de personnes ont écouté avec attention toutes les interventions,
pour la plupart convergentes dans les grandes lignes.
Changer de société
Bien présent, le NPA a montré l’engagement de notre
parti pour le maintien d’une agriculture solidaire, écologique et
non-productiviste. Prenant la parole au nom du NPA, François Favre a
fait le parallèle entre le barrage de Sivens, le barrage de la Barne
dans le Gers et d’autres projets similaires dans tout le Sud-Ouest.
Chiffres à l’appui, il a montré le coût exorbitant de cette production
d’eau pour irriguer des cultures de maïs intensives. Il a aussi démonté
le mécanisme des conflits d’intérêts dans des montages financiers faits
en dehors de toute consultation et de toute participation de la
population. C’est bien le système capitaliste qui génère ce genre de
projet, où les profits à venir pour quelques-uns motivent une offensive
contre l’intérêt de tous. Pas d’autres solutions que de changer de
modèle de société. Bien accueilli, Philippe Poutou est arrivé samedi en
fin d’après-midi, où il a pu échanger avec de nombreux acteurs de la
lutte et participer à diverses activités.
La lutte doit s’amplifier
Commandé par le ministère de l’Écologie, le rapport
d’expertise critique fortement le projet, donnant ainsi raison aux
opposantEs, mais « juge difficile d’arrêter le chantier » ! Les travaux
sont suspendus jusqu’à mercredi 29 octobre. La décision de reprise est
entre les mains du gouvernement et du conseil général. La mort de Rémi
ne doit pas rester impunie. Comme l’ont revendiqué des milliers de
manifestantEs un peu partout en France, « ni oubli ni pardon » ! Ainsi
lundi 28 octobre à Albi, 500 personnes se sont rassemblées devant la
préfecture avant de converger vers le tribunal de grande instance. Le
cortège s’est vu bloqué par les gardes mobiles, le centre-ville encerclé
et les gazages ont commencé, comme la veille à Gaillac. La journée
s’est soldée par une dizaine d’arrestations. Depuis lundi, des contrôles
routiers, avec gendarmes en tenue militaire, ont été mis en place dans
le département, notamment sur les routes d’accès à la ZAD du Testet… Le
NPA condamne cette situation de violence policière provoquée par
l’obstination du conseil général et de l’État, une obstination qui vient
de conduire à l’irréparable. Des rassemblements ont lieu dans les jours
qui viennent : soyons y nombreuses et nombreux ! Rien n’arrêtera le
mouvement. (CorrespondantEs du NPA 81)
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LE FIGARO
Sivens : le tireur de grenade ne sera pas suspendu, assure le patron des gendarmes
Le directeur général de la gendarmerie Denis Favier a
apporté mercredi soir sur BFMTV son soutien à l’escadron de gendarmerie
qui se trouvait sur place quand le jeune opposant au barrage de Sivens
est mort. Des vidéos tournées par les forces de l’ordre à ce moment-là
ont été ajoutées au dossier de l’enquête.
« J’estime qu’il n’y a pas de faute intentionnelle
volontaire et il n’est pas envisageable de suspendre quelqu’un ». Ne
voulant « laisser personne au bord du chemin », le directeur général de
la gendarmerie nationale (DGGN) Denis Favier a exclu mercredi soir de
suspendre le gendarme qui a tiré la grenade provoquant la mort de Rémi
Fraisse sur le site du barrage controversé de Sivens.
« L’ensemble de la gendarmerie exprime sa compassion »
pour la famille du jeune manifestant, a déclaré Denis Favier, interrogé
sur BFM TV. « Nous avons tous besoin de savoir ce qui s’est passé ». Il a
affirmé être allé à la rencontre des gendarmes qui se trouvaient sur
place dans la nuit de samedi à dimanche. Un « escadron meurtri,
profondément touché par cette opération et conscient du drame qui s’est
produit », selon lui.
« J’ai trouvé des hommes qui pendant des heures ont été
harcelés, ont fait l’objet de tirs de pierres, de tirs de boulons, de
cocktails Molotov, et ont été malmenés par des gens qui avaient très
clairement la volonté d’en découdre », a-t-il assuré dans sa première
réaction après la mort du jeune homme.
Concernant la victime, décrite comme pacifique par ses
proches, le DGGN n’a pas su dire s’il se trouvait face aux gendarmes ce
soir-là pour « en découdre ». Le patron des gendarmes est en tout cas
formel : « Ceux qui étaient au contact à 2h du matin » étaient là « pour
en découdre ».
« J’assume ma part de responsabilité »
Denis Favier assure avoir rencontré le tireur, et
rappelle que le lancement d’une grenade fait l’objet d’un protocole, que
ce n’est pas « une réaction d’initiative ». Il a précisé que la grenade
avait été lancée à la main, un tir courbe « à une distance de 10 à 15
mètres ».
Selon lui, le gendarme qui a tiré n’a pas vu Rémi
Fraisse tomber, mais d’autres dans le peloton sont allés récupérer la
victime pour lui prodiguer des soins, tout en étant « harcelés par les
manifestants ». Il a rappelé aussi que deux gendarmes avaient été
blessés. Des vidéos tournées par les forces de l’ordre à ce moment-là
ont été ajoutées au dossier de l’enquête.
« J’assume ma part de responsabilité », a affirmé le
directeur général de la gendarmerie nationale, ajoutant qu’il n’avait
pas « l’intention de demissionner ». « C’est un drame que je qualifie
d’accidentel, il n’y a pas d’intention coupable de la part de la
gendarmerie ».
Le parquet de Toulouse a ouvert mercredi une information
judiciaire pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans
intention de la donner ». L’emploi des grenades offensives utilisées par
les forces de l’ordre a été suspendu mardi par le ministre de
l’Intérieur.
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Le Monde.fr
Barrage de Sivens : ouverture d’une information judiciaire après la mort de Rémi Fraisse
Trois jours après la mort de Rémi Fraisse, jeune
opposant au barrage de Sivens, le parquet de Toulouse a ouvert, mercredi
29 octobre, une information judiciaire pour « violences ayant entraîné
la mort sans intention de la donner ».
Cette enquête, ouverte contre X, vise des « faits commis
par une personne dépositaire de l’autorité publique dans l’exercice de
ses fonctions », a annoncé le parquet dans un communiqué, précisant que
deux juges d’instruction ont été désignés pour mener les investigations
et que l’inspection générale de la gendarmerie nationale a été saisie.
Le corps de l’étudiant de 21 ans avait été retrouvé dans
la nuit de samedi à dimanche par les forces de l’ordre sur le site du
projet de barrage contesté après des affrontements entre ces dernières
et les opposants au barrage. Mardi, de nouvelles analyses ont permis de
préciser les causes de sa mort.
Qu’ont révélé les analyses ?
Les premières analyses, rendues publiques lundi, avaient
révélé l’existence d’une « plaie importante située en haut du dos » de
la victime, selon le procureur d’Albi, Claude Derens, une brûlure
profonde, selon nos informations. Cette plaie a « été causée, selon
toute vraisemblance, par une explosion », affirmait lundi M. Derens.
Mardi, le magistrat a annoncé que des traces de TNT,
l’explosif utilisé dans les grenades offensives des gendarmes, avaient
été retrouvées sur les vêtements de la victime.
Quelle piste est désormais privilégiée ?
Après ces révélations, la thèse d’une mort due à un
projectile lancé par les forces de l’ordre est privilégiée. En effet, la
présence de TNT sur les effets vestimentaires de Rémi Fraisse « ne peut
donc aujourd’hui exclure le rôle de la grenade offensive jetée depuis
la redoute où s’étaient retranchés les gendarmes », d’après les propres
termes de Claude Derens, mardi.
Ces analyses accréditent donc la thèse défendue
jusqu’ici par les proches de la victime. L’avocat de la famille avait
annoncé lundi avoir déposé deux plaintes : l’une pour « homicide
volontaire » et la seconde pour « violences ayant entraîné la mort sans
intention de la donner » commises « par une ou plusieurs personnes
dépositaires de l’autorité publique ».
L’avocat s’était d’ailleurs avancé mardi matin, avant
même les résultats des analyses : « Je m’oriente plutôt vers un tir
d’arme, un projectile, Flash-Ball, grenade, à tir tendu, assez proche,
pendant une charge des gendarmes mobiles. »
Le premier ministre, Manuel Valls, est revenu sur
l’affaire, mercredi. Interrogé sur RTL, il a affirmé qu’en plus d’une
enquête interne, une « enquête administrative sera également menée par
l’inspection générale de la police nationale et de la gendarmerie ».
« Nous n’avons rien à cacher (...), rien à craindre », a-t-il lancé.
Le directeur général de la gendarmerie nationale, Denis
Favier, a pour sa part exclu de suspendre le gendarme qui a tiré la
grenade. Après avoir exprimé « une pensée de compassion » pour la
famille du jeune homme, le patron des gendarmes a expliqué à BFM-TV
accorder son « soutien total » à l’escadron.
Quelles grenades ont été utilisées ?
Les interrogations autour de la dangerosité des grenades
offensives ont été soulevées mardi. Outre les grenades lacrymogènes,
les forces de l’ordre, gendarmes et policiers, emploient deux types de
grenades lors de manifestations qui dégénèrent : celles dites de
« désencerclement » ou « assourdissantes », et celles dites
« offensives ».
Les premières contiennent de petites billes en plastique
qui éclatent lors de l’explosion, et « peuvent éventuellement blesser
très légèrement, mais c’est très rare », selon une source policière
travaillant dans le maintien de l’ordre. Les secondes sont en revanche
plus puissantes. « Cela provoque un bon effet de souffle et pas mal de
bruit », précise une source sécuritaire. Les forces de l’ordre, lorsque
cela est possible, doivent prévenir les manifestants que des grenades
vont être tirées.
Si la grenade offensive peut provoquer parfois de graves
blessures, les spécialistes se montrent catégoriques : elles ne peuvent
tuer, sauf improbable concours de circonstances. Dans l’hypothèse où
l’une de ces grenades aurait provoqué la mort de Rémi Fraisse, tous les
experts évoquent une combinaison avec un autre élément comme un
fumigène, une cartouche de gaz ou même peut-être un aérosol.
« Sans attendre les résultats » de l’enquête
administrative sur les conditions d’utilisation des grenades offensives,
qui devraient être connus d’ici à quinze jours, le ministre de
l’intérieur, Bernard Cazeneuve, a annoncé mardi soir la suspension de
l’utilisation de ces projectiles par la gendarmerie.
Qui est chargé de l’affaire ?
La révélation des traces de TNT sur les vêtements de
Rémi Fraisse modifie également la gestion de l’enquête. C’est désormais
du ressort du pôle criminel de Toulouse d’instruire des faits commis par
des militaires de la gendarmerie dans le Tarn. Le procureur d’Albi a
donc déclaré mardi qu’il se dessaisissait du dossier au profit du
parquet de Toulouse, qui a ouvert une information judiciaire pour
« violences ayant entrainé la mort sans intention de la donner »,
mercredi.
Dans la soirée, le défenseur des droits, Jacques Toubon, a également annoncé se « saisir d’office » du dossier :
« Le fait que je me saisisse d’office ne signifie en
aucune façon que nous avons une idée préconçue des responsabilités des
uns ou des autres (…). Nous allons saisir le procureur de Toulouse pour
demander l’autorisation d’ouvrir une enquête (…). Nos procédures nous
permettrons ensuite, si besoin, de demander au ministre de l’intérieur
des sanctions disciplinaires. »
**********************************************************
LE MONDE
Bernard Cazeneuve : « Il ne s’agit pas d’une bavure »
Alors que l’enquête sur la mort du manifestant Rémi
Fraisse au barrage de Sivens progresse, la thèse d’une grenade offensive
des gendarmes à l’origine de l’explosion mortelle se renforce. Après
l’annonce par le procureur d’Albi de la découverte de traces de TNT –
l’explosif utilisé dans ces projectiles de la gendarmerie – sur les
vêtements de Rémi Fraisse, le ministre de l’intérieur, Bernard
Cazeneuve, a annoncé mardi 28 octobre la suspension de l’utilisation des
grenades offensives.
« Il ne s’agit pas d’une bavure », a toutefois asséné le
ministre, invité de l’émission « Preuves par 3 » Public
Sénat-AFP-Dailymotion. « On ne peut pas présenter les choses ainsi »,
a-t-il répété. En parallèle de l’enquête menée sur la mort de Rémi
Fraisse, Bernard Cazeneuve a toutefois annoncé qu’une enquête
administrative avait été demandée par son ministère sur les conditions
d’utilisation de ces grenades offensives, dont les conclusions devraient
être connues d’ici à quinze jours.
« UN BON EFFET DE SOUFFLE »
Dans des affrontements avec les manifestants comme ce
fut le cas ce week-end dans le Tarn, les gendarmes et policiers
emploient – outre les grenades lacrymogènes – deux types de grenades :
celles dites de « désencerclement » ou « assourdissantes », et celles
dites « offensives ».
Les premières contiennent de petites billes en plastique
qui éclatent de façon fragmentée au moment de l’explosion, et « peuvent
éventuellement blesser très légèrement, mais c’est très rare », selon
une source policière travaillant au maintien de l’ordre. Les secondes
sont en revanche plus puissantes. « Cela provoque un bon effet de
souffle et pas mal de bruit », explique une source sécuritaire.
Ce genre de grenade peut provoquer parfois de graves
blessures. « Il suffit qu’un manifestant prenne à la main une grenade
offensive au moment où elle explose et il peut avoir la main arrachée,
c’est déjà arrivé », a expliqué cette source. L’utilisation de l’une ou
l’autre de ces grenades dépend de la situation et de l’appréciation des
forces de l’ordre qui, lorsque cela est possible, doivent prévenir les
manifestants que des grenades vont être tirées.
Mais les spécialistes se montrent catégoriques : ces
deux types de grenades ne peuvent tuer, sauf improbable concours de
circonstances. Dans l’hypothèse où l’une de ces grenades aurait
provoqué la mort de Rémi Fraisse, tous les experts évoquent une
combinaison avec un autre élément comme un fumigène, une cartouche de
gaz ou même peut-être un aérosol.
LE GOUVERNEMENT DOIT « ASSUMER SA RESPONSABILITÉ »
Pour désamorcer la polémique, le ministre de l’intérieur
a donc préféré prendre les devants. Après les annonces du procureur
mardi, les voix s’étaient rapidement élevées pour mettre en avant la
responsabilité du ministère. Le Parti de gauche (PG) de Jean-Luc
Mélenchon a ainsi réclamé la démission de Bernard Cazeneuve : « C’est
aux responsables politiques du maintien de l’ordre d’être sanctionnés.
En République, la démission du ministre Cazeneuve est la seule façon
pour le gouvernement d’assumer sa responsabilité », écrit le PG dans un
communiqué.
L’écologiste Noël Mamère avait pour sa part estimé que
« la commission d’enquête parlementaire s’impose pour savoir si les
forces de l’ordre ont été contrôlées ». « On ne peut pas construire un
barrage sur un cadavre ; pour des raisons morales et éthiques, ce projet
ne peut être poursuivi. Nous sommes confrontés à une affaire d’Etat »
a-t-il encore expliqué.
Après avoir témoigné de sa « compassion pour la douleur
de sa famille », le premier ministre, Manuel Valls, a, lui, tenu à
défendre son ministre de l’intérieur et les forces de l’ordre. « Je
n’accepterai pas les mises en cause, les accusations qui ont été portées
en dehors de l’Hémicycle à l’encontre du ministre de l’intérieur »,
a-t-il affirmé avant d’évoquer le « travail extrêmement difficile » des
forces de l’ordre « confrontées souvent à une violence extrême », a-t-il
déclaré mardi lors de la séance de questions au gouvernement, à
l’Assemblée nationale.
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