vendredi 15 novembre 2013

Les passantes de la route 66

Planète CRA n°35 /

Sortie de Planète CRA n°35 - automne 2013. L'actualité du centre de rétention de Cornebarrieu par l'équpe de La Cimade. Au sommaire : les passantes de la route 66, un dossier sur les interpellations à la frontière franco-espagnole.

Les reconduites de la route 66 à la frontière de la légalité

Chaque mois, nous rencontrons de nombreuses femmes interpellées à la frontière franco-espagnole. La préfecture des Pyrénées Orientales les place en rétention au centre de Cornebarrieu car le centre de Perpignan n'est pas habilité à accueillir des femmes. Nous les appelons entre nous les passantes de la route 66. Ce pourrait être le nom d'un film.

À chaque fois, la situation est sensiblement la même. Ces femmes résident en Espagne ou en Italie depuis souvent de nombreuses années. Elles sont souvent interpellées à bord d'un bus Eurolines, plus rarement dans le train alors qu'elles s’apprêtaient à franchir la frontière franco-espagnole au niveau du poste de péage du Perthus ou de la gare de Cerbère.

Lors de leur interpellation, elles ne peuvent justifier d'un titre de séjour en cours de validité dans le pays de l'espace Schengen dans lequel elles résident. Au lieu de leur interdire l'accès sur le territoire français, ou bien de les laisser quitter la France, quand c'est ce qu'elles s'apprêtaient à faire, des policiers zélés les interpellent. Elles sont placées en garde à vue, puis conduites au centre de rétention.

Deux choix s'offrent alors à l'administration.
1° Solliciter une réadmission vers l'État Schengen de provenance directe de la personne, ce que les accords binationaux permettent dans tous les cas.
2° Notifier une OQTF et entreprendre de reconduire ces femmes dans leur pays d'origine : l'Iran, le Maroc, la Russie ou encore la Bolivie, pays qu'elles ont quitté parfois depuis de nombreuses années.

C'est, on s'en doute, ce deuxième choix qui est privilégié. Pourtant, elles n'ont aucune intention de demeurer en France, soit parce qu'elles rentrent chez elles en Espagne, là juste derrière le péage, soit parce qu'elles se trouvent dans un bus à destination directe de l'Italie ou d'un autre État de l'Espace Schengen. Elles peuvent d'ailleurs démontrer qu'elles résident habituellement dans cet État, mais elles ne disposent pas de titre de séjour en cours de validité.

Ces pratiques qui ont largement servi les quotas d'expulsion pour alimenter la politique du chiffre sous l'aire Sarkozy sont loin d'avoir disparu.

Ces pratiques se font très souvent à la frontière de la légalité, puisque les accords Schengen entrés en vigueur en 1995 ont aboli les frontières intérieures. Nous verrons pourtant que le législateur et les préfectures s'adaptent en permanence pour contourner les textes.

Ces pratiques sont extrêmement onéreuses et absurdes puisqu'elles consistent à arrêter des personnes en transit qui n'avaient aucune intention de résider en France. Ces pratiques sont surtout extrêmement brutales et dégradantes notamment pour des femmes souvent isolées qui n'ont jamais été confrontées de près ni de loin à la police ou à la justice.

Elles sont femmes de ménage, artistes, professeurs ou étudiantes. En quelques jours, leur vie bascule et pour elles, cela n'a rien d'un film, c'est un cauchemar bien réel. Nous avons décidé de raconter leur histoire, de leur donner la parole en essayant de décrire les drames que représentent ces pratiques qui sont emblématiques de l'absurdité de la gestion des flux migratoires de l'Europe.
> L'équipe du CRA

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