En juin dernier, le Brésil a
connu une vague de manifestations et de mobilisations. L’augmentation de
20 centimes du prix des tarifs dans les transports en commun a été
l’élément déclencheur de la contestation au point de faire de cette
somme le symbole de la révolte.
D’autres revendications se sont
rapidement fait entendre notamment contre les sommes colossales
investies dans la Coupe du monde de football. Ce qui rend si particulier
ce mouvement qui a fait descendre plus d’un million de personnes dans
la rue, c’est que pour la première fois, on assiste à un mouvement non
plus organisé par les partis politiques, mais par les réseaux sociaux.
L’information a circulé via Facebook. L’association Passe Livre
(« Laissez-passer »), qui lutte pour la gratuité des transports en
commun, a appelé à manifester. 15 000 personnes se sont retrouvées à São
Paulo, le reste du pays a suivi. Un seul moyen d’organisation, un seul
moyen d’information : les réseaux sociaux. Ceux qui veulent se joindre
aux manifestants n’ont pas d’autres solutions que de suivre les pages
Facebook de Passe Livre ou des Anonymous brésiliens.
Lors des premières manifestations, la
police a fait preuve d’une grande violence, attaquant la foule à coups
de matraques, de tirs de balle en caoutchouc et de gaz lacrymogène. Si
la presse brésilienne ne fait pas alors échos des échauffourées, les
images circulent rapidement sur les réseaux sociaux. La photo d’un jeune
tenant une pancarte avec la phrase « Quitte ton Facebook et descend
dans la rue », publiée sur le réseau Instagram, résume bien l’esprit du
mouvement et met en évidence le rôle des réseaux sociaux dans la volonté
d’instaurer le débat et de relayer les abus commis par la police.
Dans un pays où Facebook compte 54
millions d’utilisateurs, le site a nourri l’insatisfaction et les
débats, et a relayé tout ce qu’il s’est passé autour des manifestations
au Brésil : vidéos, photos, documents. Ainsi, les Anonymous dévoilent
une liste des biens de la présidente Dilma Rousseff et d’autres
personnages politiques. Une journaliste a publié sur YouTube une vidéo
où elle raconte comment un policier lui a tiré sur le visage avec une
balle en caoutchouc. Pour relayer les événements, les manifestants
demandent à leurs voisins d’ouvrir leurs réseaux wifi.
Les protestataires décident de prendre
le pouvoir sur l’information. Désormais, les images circulent sur les
réseaux sociaux et en temps réel. Ce sont les médias NINJA (pour
« Narrations indépendantes, journalisme et action »). Leurs images sont
accessibles sur des téléphones portables dans un pays où on vend en
moyenne trente smartphones chaque minute. La chaîne de télévision Globo
est obligée de revoir la manière dont elle traite ces événements. Leur
partialité apparaît en effet clairement quand on confronte les deux
traitements de l’actualité.
La presse internationale s’est
rapidement détournée des événements au Brésil. La mobilisation n’a
pourtant pas pris fin. Elle est moins importante qu’en juin mais en
septembre des dizaines de milliers de personnes se sont organisées,
toujours via les réseaux sociaux, pour manifester le jour de la fête
nationale. 172 manifestations ont eu lieu à travers le pays. Les
Brésiliens ont entendu le message, ils ont quitté leur Facebook pour
descendre dans la rue.
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*Après
avoir écrit pour la presse écrite, Noémie Toledano se spécialise dans
le web et les réseaux sociaux. Elle anime aujourd’hui des communautés en
ligne mais écrit toujours sur les sujets qui la passionne : la culture
et les mouvements citoyens
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