Source : Le Monde
Motif de cette décision de tout stopper : l'absence d'autorisation du gouvernement pour la poursuite de ces travaux scientifiques. "Eu égard aux délais d'instruction de la demande de renouvellement de l'essai, aux contraintes climatiques particulières du printemps 2013 et à leur influence sur l'expérimentation, et en l'absence de l'autorisation attendue, l'INRA a dû décider le vendredi 12 juillet de dévitaliser définitivement les peupliers génétiquement modifiés", précise l'institut dans un communiqué de presse.
DÉPÔT DE DOSSIER TARDIF
Que s'est-il donc passé pour que l'INRA n'obtienne pas le renouvellement d'une autorisation d'expérimentation qui courait sur cinq ans, de 2007 à 2012 ? Premier souci : l'organisme a déposé sa demande le 20 décembre, soit 11 jours avant l'expiration de l'autorisation courante. Or, le dossier doit être soumis à avis, à la fois par le Comité scientifique et le Comité économique, éthique et social (CEES) du Haut conseil des biotechnologies (HCB), avant une enquête publique, puis la décision finale et conjointe des ministres de l'environnement et de l'agriculture. Un processus long, de 90 jours minimum.
"On a déposé le dossier trop tard, avoue Olivier Le Gall, directeur général délégué de l'INRA. Mais on pensait avoir un peu de temps car les peupliers, coupés à ras en novembre, n'ont pas poussé pendant le printemps en raison du mauvais temps. La question du renouvellement de l'essai ne s'est donc véritablement posée qu'au début de l'été, quand les arbres ont entamé leur pousse."
DIVISIONS DES EXPERTS
Parallèlement, le dossier prend encore du retard. Il divise au sein du HCB : alors que son comité scientifique conclut à une absence de danger pour la santé humaine ou pour l'environnement, le CEES, lui, estime que la recherche ne devrait pas être reconduite et dénonce "des objectifs mal définis, un argumentaire flou, et une utilité collective limitée".
Le CEES s'interroge notamment sur les débouchés économiques de ces essais. De fait, en dix-huit ans, les recherches de l'INRA ont fait l'objet d'une quinzaine de publications scientifiques mais n'ont jamais abouti à aucune application industrielle, aucun partenaire économique ne se montrant intéressé pour l'instant.
"On était en amont, rétorque Gilles Pilate, directeur de l'unité Amélioration génétique et physiologie forestière et responsable de l'essai en champ. On a fait de la recherche fondamentale sur la lignocellulose, pour comprendre comment séparer la lignine de la cellulose en vue d'applications. Mais ces dernières n'étaient pas de notre ressort." "L'expérimentation commençait à produire des résultats. Mais il nous aurait fallu quinze ans de plus, les arbres de l'essai ayant été renouvelés en 2007. Il fallait attendre que la souche grossisse", précise Olivier Le Gall.
ABSENCE DE DÉCISION POLITIQUE
Finalement, vendredi 12 juillet, le dossier se retrouve dans l'impasse alors que les ministères de l'agriculture et de l'écologie ne parviennent pas à s'entendre – le premier souhaitant la poursuite de la recherche, tandis que le second demande son arrêt. Face à l'absence de décision, l'INRA a décidé de son propre chef la destruction de l'essai.
"Cela arrangeait le gouvernement, en lui évitant de prendre une décision sur ce sujet polémique", décrypte Gil Kressmann, porte-parole de l'Association française des biotechnologies végétales (AFBV), pro-OGM, qui regrette la fin de l'expérimentation.
POURSUITE DE LA RECHERCHE À L'ÉTRANGER
La filière des semenciers dénonce alors "la mort annoncée" de la recherche sur les OGM en France. IBV, Initiatives biotechnologies végétales (qui fédère l'interprofession), "déplore" dans un communiqué mardi que Paris, "pourtant précurseur dans la recherche sur les OGM dans les années 1990, soit désormais absente de la course à l'innovation permise par cette technologie", notant qu'on comptait dans les années 2000 "plus de 170 essais, publics et privés, de cultures OGM".
"Les essais en champ ont chuté en flèche depuis quinze ans en France, à l'image du reste de l'Europe où ils diminuent aussi, confirme Christophe Noisette, chargé de mission à l'association Inf'OGM, qui a rencensé les expérimentations depuis 1995. Il y a une opposition de la population, un manque d'intérêt des agriculteurs et surtout une quasi absence d'autorisations de mise en culture à des fins commerciales qui démotive les semenciers."
Reste que la recherche française persiste toujours... à l'étranger. L'entreprise Limagrain, le 4e semencier mondial, conduit ainsi six essais en champs en Espagne, concernant tous du maïs tolérant des herbicides à base de glyphosate ou produisant des insecticides, ainsi que d'autres sur du blé en Australie, au sein d'une joint-venture. Vilmorin, une filiale de Limagrain, avait également annoncé en 2010 qu'elle mettrait au point sa propre variété de blé génétiquement modifié en 2016, avec des essais en champs à l'horizon.
Audrey Garric
Journaliste au Monde
La dernière culture expérimentale d'OGM en plein champ en France vient d'être arrêtée. L'Institut national de recherche agronomique (INRA) a mis fin à son essai, samedi 13 juillet, en détruisant les 1 000 peupliers génétiquement modifiés qui poussaient depuis 1995 à Saint-Cyr-en-Val, près d'Orléans (Loiret), sur un site de recherche de 1 300 mètres carrés.
Les propriétés de ce bois transgénique y étaient étudiées pour améliorer la fabrication de pâte à papier et, depuis 2007, pour tenter de produire, à partir de la biomasse des peupliers, des biocarburants de 2e génération comme du bioéthanol.Motif de cette décision de tout stopper : l'absence d'autorisation du gouvernement pour la poursuite de ces travaux scientifiques. "Eu égard aux délais d'instruction de la demande de renouvellement de l'essai, aux contraintes climatiques particulières du printemps 2013 et à leur influence sur l'expérimentation, et en l'absence de l'autorisation attendue, l'INRA a dû décider le vendredi 12 juillet de dévitaliser définitivement les peupliers génétiquement modifiés", précise l'institut dans un communiqué de presse.
DÉPÔT DE DOSSIER TARDIF
Que s'est-il donc passé pour que l'INRA n'obtienne pas le renouvellement d'une autorisation d'expérimentation qui courait sur cinq ans, de 2007 à 2012 ? Premier souci : l'organisme a déposé sa demande le 20 décembre, soit 11 jours avant l'expiration de l'autorisation courante. Or, le dossier doit être soumis à avis, à la fois par le Comité scientifique et le Comité économique, éthique et social (CEES) du Haut conseil des biotechnologies (HCB), avant une enquête publique, puis la décision finale et conjointe des ministres de l'environnement et de l'agriculture. Un processus long, de 90 jours minimum.
"On a déposé le dossier trop tard, avoue Olivier Le Gall, directeur général délégué de l'INRA. Mais on pensait avoir un peu de temps car les peupliers, coupés à ras en novembre, n'ont pas poussé pendant le printemps en raison du mauvais temps. La question du renouvellement de l'essai ne s'est donc véritablement posée qu'au début de l'été, quand les arbres ont entamé leur pousse."
DIVISIONS DES EXPERTS
Parallèlement, le dossier prend encore du retard. Il divise au sein du HCB : alors que son comité scientifique conclut à une absence de danger pour la santé humaine ou pour l'environnement, le CEES, lui, estime que la recherche ne devrait pas être reconduite et dénonce "des objectifs mal définis, un argumentaire flou, et une utilité collective limitée".
Le CEES s'interroge notamment sur les débouchés économiques de ces essais. De fait, en dix-huit ans, les recherches de l'INRA ont fait l'objet d'une quinzaine de publications scientifiques mais n'ont jamais abouti à aucune application industrielle, aucun partenaire économique ne se montrant intéressé pour l'instant.
"On était en amont, rétorque Gilles Pilate, directeur de l'unité Amélioration génétique et physiologie forestière et responsable de l'essai en champ. On a fait de la recherche fondamentale sur la lignocellulose, pour comprendre comment séparer la lignine de la cellulose en vue d'applications. Mais ces dernières n'étaient pas de notre ressort." "L'expérimentation commençait à produire des résultats. Mais il nous aurait fallu quinze ans de plus, les arbres de l'essai ayant été renouvelés en 2007. Il fallait attendre que la souche grossisse", précise Olivier Le Gall.
ABSENCE DE DÉCISION POLITIQUE
Finalement, vendredi 12 juillet, le dossier se retrouve dans l'impasse alors que les ministères de l'agriculture et de l'écologie ne parviennent pas à s'entendre – le premier souhaitant la poursuite de la recherche, tandis que le second demande son arrêt. Face à l'absence de décision, l'INRA a décidé de son propre chef la destruction de l'essai.
"Cela arrangeait le gouvernement, en lui évitant de prendre une décision sur ce sujet polémique", décrypte Gil Kressmann, porte-parole de l'Association française des biotechnologies végétales (AFBV), pro-OGM, qui regrette la fin de l'expérimentation.
POURSUITE DE LA RECHERCHE À L'ÉTRANGER
La filière des semenciers dénonce alors "la mort annoncée" de la recherche sur les OGM en France. IBV, Initiatives biotechnologies végétales (qui fédère l'interprofession), "déplore" dans un communiqué mardi que Paris, "pourtant précurseur dans la recherche sur les OGM dans les années 1990, soit désormais absente de la course à l'innovation permise par cette technologie", notant qu'on comptait dans les années 2000 "plus de 170 essais, publics et privés, de cultures OGM".
"Les essais en champ ont chuté en flèche depuis quinze ans en France, à l'image du reste de l'Europe où ils diminuent aussi, confirme Christophe Noisette, chargé de mission à l'association Inf'OGM, qui a rencensé les expérimentations depuis 1995. Il y a une opposition de la population, un manque d'intérêt des agriculteurs et surtout une quasi absence d'autorisations de mise en culture à des fins commerciales qui démotive les semenciers."
Reste que la recherche française persiste toujours... à l'étranger. L'entreprise Limagrain, le 4e semencier mondial, conduit ainsi six essais en champs en Espagne, concernant tous du maïs tolérant des herbicides à base de glyphosate ou produisant des insecticides, ainsi que d'autres sur du blé en Australie, au sein d'une joint-venture. Vilmorin, une filiale de Limagrain, avait également annoncé en 2010 qu'elle mettrait au point sa propre variété de blé génétiquement modifié en 2016, avec des essais en champs à l'horizon.
Journaliste au Monde
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