vendredi 30 janvier 2015

"Levitation", le programme secret canadien qui vous (nous) espionne

Source : Le Nouvel Obs

Ce sont pas moins de 102 sites de partage de fichiers et des millions de vidéos, sons et documents que le Renseignement passe dans ses filets selon les dernières révélations d'Edward Snowden.
C'est un sondage qui tombe à pic. Selon une étude rendue publique mercredi, 9 Canadiens sur 10 se disent préoccupés par la protection de leur vie privée. Et les derniers documents secrets révélés par Edward Snowden leurs donnent amplement raison.
Après la NSA américaine, c'est en effet le Renseignement canadien, le CSE, qui est pointé du doigt. Il aurait mis en place un vaste système de surveillance mondial, destiné à filtrer plusieurs millions de téléchargements quotidiens de fichiers sur quelque 102 sites de partage, tels que Rapidshare, Sendspace ou Megaupload (fermé depuis), ont révélé CBC News et "The Intercept". Le tout, dans le but d'identifier les activités liées au terrorisme.
Le document qui fait foi, un powerpoint d'une présentation officielle du programme nommé "Levitation", date de la mi-2012. Il promeut la façon dont le CSE surveille les téléchargements, non seulement sur le continent américain, mais également en Europe, au Moyen-Orient ou en Afrique du Nord, indiquent les documents secrets consultés par les journalistes des deux médias.
Ces documents viennent heurter la communication officielle canadienne, au moment où le gouvernement tente d'obtenir justement plus de moyens en terme de développement des outils sécuritaires après les attaques de l'année dernière à Ottawa et Québec.
Surveillance à grande échelle
Ce système fonctionne comme une sorte de filet dérivant en mer. Il collecte, archive et analyse tous les fichiers – vidéo, son, document… - uploadés ou téléchargés, ainsi que les données concernant les personnes qui manient ces fichiers.
Interrogé par "The Intercept", David Christopher, porte-parole d'OpenMedia.ca, a dénoncé là "une surveillance sans mandat judiciaire, à grande échelle, des activités privées en ligne".
Raison avancée : la lutte contre le terrorisme. Ce système de surveillance traque en effet tout contenu faisant référence à ce genre d'activité, comme les guides de fabrication de bombes ou les vidéos de promotion du terrorisme comme celles d'otages.
Mais "Levitation" permet également de remonter aux personnes ayant téléchargé ces contenus, de les localiser, de tracer leur activité sur internet en général et sur les réseaux sociaux en particulier, grâce aux adresses IP qui sont alors croisées avec d'autres fichiers.
Or cette activité, aujourd'hui mise en place dans le cadre de l'antiterrorisme, peut être élargie à tout domaine, le système stockant tous azimuts les données passées dans ses filets, fichant l'activité de centaines de milliers de personnes.
Selon "The Intercept", depuis 2012, date à laquelle la présentation a été rédigée, certains sites ont renforcé leur sécurité en chiffrant les connexions des utilisateurs, ce qui pourrait avoir en partie contrecarré la surveillance de "Levitation". Mais beaucoup d'autres sites de partage n'ont pas mis en place ces mesures de précaution, les rendant vulnérables à l'espionnage.
Le CSE a refusé de confirmer ou infirmer si le programme était toujours actif ou non. Tout comme de révéler combien de temps les données étaient conservées.
Céline Lussato

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