Médiapart - 30 décembre 2014
Dès l’annonce des élections, le FMI a annoncé la suspension de ses aides en attente d'un nouveau gouvernement. La Troïka comme les milieux financiers ont commencé à rappeler leurs règles à Syriza : la Grèce n’a d’autre alternative que la soumission ou le chaos.
« Troisième scénario : le pire des cas. » Dans une note réalisée à la mi-décembre, Goldman Sachs analysait longuement la situation politique et économique ggrecque. Pour la banque américaine, si le gouvernement d’Antonis Samaras ne parvenait pas à trouver une majorité parlementaire pour élire son candidat à la présidentielle, et était obligé de provoquer des élections parlementaires anticipées, ce serait la pire des situations. Syriza, devenu la hantise du monde financier, serait alors aux portes du pouvoir, et rouvrirait les négociations avec les créanciers internationaux de la Grèce, au risque de relancer la crise, prédisait la banque américaine. Dans son scénario catastrophe, tout se termine par une panique bancaire, et un écroulement financier sur le modèle chypriote.
Dès l’annonce des élections, le FMI a annoncé la suspension de ses aides en attente d'un nouveau gouvernement. La Troïka comme les milieux financiers ont commencé à rappeler leurs règles à Syriza : la Grèce n’a d’autre alternative que la soumission ou le chaos.
« Troisième scénario : le pire des cas. » Dans une note réalisée à la mi-décembre, Goldman Sachs analysait longuement la situation politique et économique ggrecque. Pour la banque américaine, si le gouvernement d’Antonis Samaras ne parvenait pas à trouver une majorité parlementaire pour élire son candidat à la présidentielle, et était obligé de provoquer des élections parlementaires anticipées, ce serait la pire des situations. Syriza, devenu la hantise du monde financier, serait alors aux portes du pouvoir, et rouvrirait les négociations avec les créanciers internationaux de la Grèce, au risque de relancer la crise, prédisait la banque américaine. Dans son scénario catastrophe, tout se termine par une panique bancaire, et un écroulement financier sur le modèle chypriote.
Lundi 29 décembre, les premières craintes de Goldman Sachs se
sont matérialisées (voir En
Grèce, Syriza part favori pour les législatives du 25
janvier). La coalition gouvernementale a échoué et le
processus électoral est relancé. En dépit de la peur panique
des milieux financiers de voir Syriza remporter les élections,
les premières réactions ont été plus modérées que prévu. Il
est vrai que les financiers avaient déjà largement anticipé
les résultats. Si la Bourse d’Athènes a perdu plus de 11 %,
tout de suite après l’annonce de la fin du gouvernement
Samaras, elle s’est reprise par la suite pour terminer à
-3,36 %. Une chute presque modeste. Depuis neuf mois, l’indice
a perdu 40 % de sa valeur. De même, les obligations d’État à
dix ans ont franchi le seuil hautement symbolique des 9 %
lundi contre 8,86 % la semaine dernière. Mais là encore, le
décrochage avait eu lieu bien avant. En septembre, les taux
grecs à dix ans étaient encore à 5,57 %.
Signaux rassurants, selon les milieux financiers : la chute de la Bourse d’Athènes n’a pas entraîné à sa suite les autres marchés financiers européens. Les Bourses de Madrid et de Milan ont perdu respectivement 0,84 % et 1,15 %. Les obligations allemandes, servant encore une fois de valeur refuge, ont vu à nouveau leurs taux diminuer pour tomber à 0,56 %. Ils n’ont jamais été aussi bas. Mais ces mouvements n’ont pas l’ampleur des dévissages qu’ont connus les marchés européens ces dernières semaines, notamment lors de l’écroulement du rouble.
Sans attendre, le FMI a donné le ton des prochaines semaines. L’organisation internationale, qui est devenue un des principaux créanciers de la Grèce désormais, a annoncé qu’elle suspendait son aide, dans l’attente de la formation du prochain gouvernement. Un porte-parole du FMI a assuré que cette décision ne porterait aucun préjudice au pays, le gouvernement ayant assez de liquidités pour faire face. Dans les faits, l’aide du FMI a déjà été suspendue dans l’attente du nouveau plan d’aide.
Mais même si cette annonce n’a aucune conséquence immédiate sur la situation financière de la Grèce, elle en dit long sur la stratégie de tension que comptent mettre en place la Troïka (BCE, FMI, Union européenne) et les créanciers internationaux face aux électeurs. Le résumé est simple : poursuivre le régime d’austérité imposé depuis quatre ans qui a mis le pays à genoux, ou c’est le chaos.
Considérant désormais comme normal de s’immiscer dans les processus électoraux européens, le ministre allemand des finances, Wolfgang Schäuble, s’est d’ailleurs empressé de le rappeler : il n’y a pas d’autre choix. « Les réformes très dures sont en train de porter leurs fruits. Il n’y a pas d’alternative à celles-ci. Nous continuerons à aider la Grèce sur son chemin des réformes. Si la Grèce prend un autre chemin, ce sera difficile. Les nouvelles élections ne changeront pas les accords que nous avons passés avec le gouvernement grec. Tout nouveau gouvernement sera tenu par les engagements pris par ses prédécesseurs », a-t-il prévenu. À la suite, Pierre Moscovici, dans ses nouveaux habits de commissaire européen à l’économie, a répété l’avertissement : « La Grèce doit respecter les engagements pris et mettre en place les réformes qui s’imposent. »
Bien que l’échec de ses plans de sauvetage passés soit désormais manifeste – le PIB du pays a chuté de 25 % depuis 2008, le chômage est à 26,5 %, la pauvreté touche le tiers de la population –, la Troïka n’entend pas changer de préceptes. Elle a un nouveau programme, censé accompagner la Grèce vers la sortie du programme d’aide. Celui-ci passe par un plan massif de privatisations, de nouvelles coupes budgétaires, de nouvelles réductions dans la fonction publique, de nouvelles économies dans les retraites, la santé, l’éducation.
Même la coalition gouvernementale d’Antonis Samaras, pourtant très attentive à répondre aux exigences de la Troïka, s’est sentie dans l’incapacité de porter politiquement ses nouvelles mesures, après cinq années d’austérité. « Samaras a fait un calcul politique. Si son gouvernement faisait adopter par le parlement le dernier paquet de mesures exigées par la Troïka, il n’avait aucune chance de faire élire le président en février. Il serait alors obligé d’aller aux élections générales juste après avoir fait voter de nouvelles mesures impopulaires. Dans ce contexte, avancer les élections donnait une petite chance de succès à la coalition, et en cas d’élections anticipées, laisserait à Syriza ou à un gouvernement emmené par Syriza, la tâche de clore les négociations avec la Troïka », raconte le chroniqueur grec Nick Malkoutzis.
Bien décidée à ne pas lâcher d’un pouce, l’Europe entend imposer les mêmes exigences – voire plus, au gouvernement sorti des urnes. Tout a été fait pour le mettre d’emblée dos au mur : le nouveau plan d’aide doit être signé à la fin février, si la Grèce veut avoir accès à de nouvelles lignes de crédit, indispensables pour assurer sa survie. Syriza, s’il mène le gouvernement, acceptera-t-il de se laisser prendre dans cet étau mortel, au nom de la raison d’État ? Ou sera-t-il prêt à aller jusqu’à l’épreuve de force ? C’est une des grandes inconnues qui terrorisent le monde financier et les responsables européens et qui les amènent à surenchérir dans la stratégie du chaos.
Pourtant, certains financiers finissent parfois par concéder qu’il a raison : la Grèce, tout comme l’Europe, ne peut poursuivre cette politique mortifère, d’une déflation interne sans fin. Un analyste de la Barclays résume ainsi l’alternative devant laquelle se trouvent Athènes et l’Europe : « Ou c’est l’union fiscale avec l’abandon d’une partie des dettes, ou c’est la sortie de la Grèce de l’euro (Grexit) », avec le risque de voir la zone euro éclater. En d’autres termes, l’Europe se retrouve devant la même alternative qu’il y a trois ans. Le temps gagné, surtout grâce à l’intervention de la Banque centrale européenne, affirmant sa détermination à faire tout pour sauver l’euro, n’aura servi qu’à pousser les problèmes sous le tapis.
Renégocier la dette grecque, en annuler une partie, figure en tête des propositions de Syriza. Sur ce point, quand ils pensent à froid, les financiers souscrivent à l’analyse. Pour eux, l’endettement de la Grèce est insoutenable. Les plans de la Troïka qui visaient à stabiliser puis à diminuer la dette du pays ont lamentablement échoué. Rien ne s’est passé comme prévu. Même si la Grèce affiche désormais, à coups de coupes budgétaires, un excédent primaire, sa dette a explosé en raison de l’effondrement de l’économie. Son taux d’endettement s’élevait à 120 % du PIB en 2007, il est désormais de 172 %. « La Grèce aura réussi cette première historique en économie d’être plus endettée après qu’avant son plan de défaut partiel de 2012 », ironise l’économiste Yanis Varoufakis.
Dans une note publiée en octobre, l’agence de notation Standard & Poor’s écrivait que si rien n’était fait, la Grèce ne pourrait faire face à ses besoins financiers et serait en faillite dans les 15 mois à venir. Une nouvelle restructuration de la dette grecque semble donc inévitable pour les milieux financiers. Et ils y sont d’autant plus favorables qu’ils ne sont plus directement concernés : plus de 80 % de la dette grecque est désormais dans des mains publiques.
C’est un des grands tours de magie qu’avait pointés un
rapport interne du FMI, très critique sur le sauvetage de la
Grèce. « Une restructuration plus rapide de la dette
aurait diminué le fardeau de l’ajustement en Grèce et permis
de diminuer les effets dramatiques de la récession. Le
report a donné une fenêtre aux créanciers privés pour
réduire leurs expositions et placer la dette dans des mains
publiques. Ce transfert a été réalisé à une échelle
impressionnante et a laissé le secteur public en risque »,
insistait alors le rapport (voir Les
aveux calculés du FMI).
Le fait que la dette grecque soit désormais essentiellement portée par les autres États européens devrait normalement faciliter les discussions en vue d’un abandon partiel. Mais justement non. L’Allemagne, et d’autres pays européens du Nord, veulent bien à la limite accepter un allongement de la durée de leurs créances, un abaissement des taux, toutes sortes d’accommodements dans les remboursements, à condition que ces aménagements soient accompagnés d’un strict plan de réformes et d’une tutelle de fait sur la gestion de la Grèce. Mais elle refuse toute annulation même partielle de la dette.
Annuler la dette grecque serait avouer que l’Europe, emmenée par l’Allemagne, a fait fausse route dans sa gestion passée. Ce serait reconnaître que les plans de sauvetage grecs ont d’abord servi à sauver les banques et à transférer leurs risques auprès des contribuables qui eux, désormais, doivent payer l’addition. Ce serait aussi prendre le contre-pied du discours politique d’Angela Merkel qui, depuis le début de la crise, a érigé les Allemands en exemple, et les Grecs en fauteurs de trouble, en tricheurs. Ce serait enfin envoyer, aux yeux de Berlin, un mauvais signal aux autres pays, qui seraient tentés de relâcher les efforts de réforme : en particulier l’Italie et la France, les nouveaux « pécheurs », comme le dit Mme Merkel. Tant que tous les autres pays européens ne seront pas passés sous la toise allemande, il ne saurait y avoir d’union fiscale.
Comme ces arguments ne sont pas tous présentables, une autre ligne de défense est en train d’être organisée : concéder un abandon de la dette grecque créerait un précédent dangereux, doublé d’une injustice. « Si l'on acceptait d’annuler une partie de la dette grecque, il faudrait aussi le faire pour le Portugal, l’Irlande, qui eux aussi ont eu des plans de sauvetage. Il faudrait y inclure aussi l’Italie, qui a un endettement insoutenable (135 % du PIB) », expliquait en substance un conseiller européen cité par la BBC. En un mot, la charge serait insupportable, mieux vaut donc abandonner cette voie tout de suite.
Mais alors, que faire de la Grèce ? Attendre qu’elle explose ? L’Europe n’a pas de réponse, sauf celle de rajouter de la dette à la dette, de l’austérité à l’austérité. Cinq ans après le début de la crise de l’euro, l’Europe se retrouve au point de départ. Elle est face aux mêmes questions, aux mêmes impasses, refusant en plus aujourd’hui de reconnaître les erreurs de sa gestion passée. Cette situation est intenable. D’une façon ou d'une autre, des changements s’imposent. La Grèce vient de donner le premier signal du mouvement.
Signaux rassurants, selon les milieux financiers : la chute de la Bourse d’Athènes n’a pas entraîné à sa suite les autres marchés financiers européens. Les Bourses de Madrid et de Milan ont perdu respectivement 0,84 % et 1,15 %. Les obligations allemandes, servant encore une fois de valeur refuge, ont vu à nouveau leurs taux diminuer pour tomber à 0,56 %. Ils n’ont jamais été aussi bas. Mais ces mouvements n’ont pas l’ampleur des dévissages qu’ont connus les marchés européens ces dernières semaines, notamment lors de l’écroulement du rouble.
Alexis Tsipras, leader de Syriza © Reuters
Ces premières réactions de marché, en pleine période de trêve
des confiseurs, n’ont toutefois aucune signification. Personne
ne doute que les pressions, les intimidations, les injonctions
vont fuser de toutes parts dans les prochains jours pour
inciter les Grecs à « bien voter ».Sans attendre, le FMI a donné le ton des prochaines semaines. L’organisation internationale, qui est devenue un des principaux créanciers de la Grèce désormais, a annoncé qu’elle suspendait son aide, dans l’attente de la formation du prochain gouvernement. Un porte-parole du FMI a assuré que cette décision ne porterait aucun préjudice au pays, le gouvernement ayant assez de liquidités pour faire face. Dans les faits, l’aide du FMI a déjà été suspendue dans l’attente du nouveau plan d’aide.
Mais même si cette annonce n’a aucune conséquence immédiate sur la situation financière de la Grèce, elle en dit long sur la stratégie de tension que comptent mettre en place la Troïka (BCE, FMI, Union européenne) et les créanciers internationaux face aux électeurs. Le résumé est simple : poursuivre le régime d’austérité imposé depuis quatre ans qui a mis le pays à genoux, ou c’est le chaos.
Considérant désormais comme normal de s’immiscer dans les processus électoraux européens, le ministre allemand des finances, Wolfgang Schäuble, s’est d’ailleurs empressé de le rappeler : il n’y a pas d’autre choix. « Les réformes très dures sont en train de porter leurs fruits. Il n’y a pas d’alternative à celles-ci. Nous continuerons à aider la Grèce sur son chemin des réformes. Si la Grèce prend un autre chemin, ce sera difficile. Les nouvelles élections ne changeront pas les accords que nous avons passés avec le gouvernement grec. Tout nouveau gouvernement sera tenu par les engagements pris par ses prédécesseurs », a-t-il prévenu. À la suite, Pierre Moscovici, dans ses nouveaux habits de commissaire européen à l’économie, a répété l’avertissement : « La Grèce doit respecter les engagements pris et mettre en place les réformes qui s’imposent. »
Bien que l’échec de ses plans de sauvetage passés soit désormais manifeste – le PIB du pays a chuté de 25 % depuis 2008, le chômage est à 26,5 %, la pauvreté touche le tiers de la population –, la Troïka n’entend pas changer de préceptes. Elle a un nouveau programme, censé accompagner la Grèce vers la sortie du programme d’aide. Celui-ci passe par un plan massif de privatisations, de nouvelles coupes budgétaires, de nouvelles réductions dans la fonction publique, de nouvelles économies dans les retraites, la santé, l’éducation.
Même la coalition gouvernementale d’Antonis Samaras, pourtant très attentive à répondre aux exigences de la Troïka, s’est sentie dans l’incapacité de porter politiquement ses nouvelles mesures, après cinq années d’austérité. « Samaras a fait un calcul politique. Si son gouvernement faisait adopter par le parlement le dernier paquet de mesures exigées par la Troïka, il n’avait aucune chance de faire élire le président en février. Il serait alors obligé d’aller aux élections générales juste après avoir fait voter de nouvelles mesures impopulaires. Dans ce contexte, avancer les élections donnait une petite chance de succès à la coalition, et en cas d’élections anticipées, laisserait à Syriza ou à un gouvernement emmené par Syriza, la tâche de clore les négociations avec la Troïka », raconte le chroniqueur grec Nick Malkoutzis.
Bien décidée à ne pas lâcher d’un pouce, l’Europe entend imposer les mêmes exigences – voire plus, au gouvernement sorti des urnes. Tout a été fait pour le mettre d’emblée dos au mur : le nouveau plan d’aide doit être signé à la fin février, si la Grèce veut avoir accès à de nouvelles lignes de crédit, indispensables pour assurer sa survie. Syriza, s’il mène le gouvernement, acceptera-t-il de se laisser prendre dans cet étau mortel, au nom de la raison d’État ? Ou sera-t-il prêt à aller jusqu’à l’épreuve de force ? C’est une des grandes inconnues qui terrorisent le monde financier et les responsables européens et qui les amènent à surenchérir dans la stratégie du chaos.
Annuler la dette
Ces dernières semaines, les responsables de Syriza se sont pourtant beaucoup déplacés en Europe pour rencontrer les financiers et tenter de les rassurer. De longs exposés ont été faits aux principaux responsables de la City pour leur expliquer la situation de la Grèce et les solutions qu’ils envisageaient pour sortir le pays de l’impasse. Tout se voulait raisonnable, négocié. Mais le seul fait de bouger les lignes a paru insupportable à un monde financier qui ne veut pas céder une once du pouvoir exorbitant qu’il a obtenu. Pour la City, Alexis Tsipras, le chef de Syriza, est quasiment une réincarnation de Lénine.Pourtant, certains financiers finissent parfois par concéder qu’il a raison : la Grèce, tout comme l’Europe, ne peut poursuivre cette politique mortifère, d’une déflation interne sans fin. Un analyste de la Barclays résume ainsi l’alternative devant laquelle se trouvent Athènes et l’Europe : « Ou c’est l’union fiscale avec l’abandon d’une partie des dettes, ou c’est la sortie de la Grèce de l’euro (Grexit) », avec le risque de voir la zone euro éclater. En d’autres termes, l’Europe se retrouve devant la même alternative qu’il y a trois ans. Le temps gagné, surtout grâce à l’intervention de la Banque centrale européenne, affirmant sa détermination à faire tout pour sauver l’euro, n’aura servi qu’à pousser les problèmes sous le tapis.
Renégocier la dette grecque, en annuler une partie, figure en tête des propositions de Syriza. Sur ce point, quand ils pensent à froid, les financiers souscrivent à l’analyse. Pour eux, l’endettement de la Grèce est insoutenable. Les plans de la Troïka qui visaient à stabiliser puis à diminuer la dette du pays ont lamentablement échoué. Rien ne s’est passé comme prévu. Même si la Grèce affiche désormais, à coups de coupes budgétaires, un excédent primaire, sa dette a explosé en raison de l’effondrement de l’économie. Son taux d’endettement s’élevait à 120 % du PIB en 2007, il est désormais de 172 %. « La Grèce aura réussi cette première historique en économie d’être plus endettée après qu’avant son plan de défaut partiel de 2012 », ironise l’économiste Yanis Varoufakis.
Dans une note publiée en octobre, l’agence de notation Standard & Poor’s écrivait que si rien n’était fait, la Grèce ne pourrait faire face à ses besoins financiers et serait en faillite dans les 15 mois à venir. Une nouvelle restructuration de la dette grecque semble donc inévitable pour les milieux financiers. Et ils y sont d’autant plus favorables qu’ils ne sont plus directement concernés : plus de 80 % de la dette grecque est désormais dans des mains publiques.
Le fait que la dette grecque soit désormais essentiellement portée par les autres États européens devrait normalement faciliter les discussions en vue d’un abandon partiel. Mais justement non. L’Allemagne, et d’autres pays européens du Nord, veulent bien à la limite accepter un allongement de la durée de leurs créances, un abaissement des taux, toutes sortes d’accommodements dans les remboursements, à condition que ces aménagements soient accompagnés d’un strict plan de réformes et d’une tutelle de fait sur la gestion de la Grèce. Mais elle refuse toute annulation même partielle de la dette.
Annuler la dette grecque serait avouer que l’Europe, emmenée par l’Allemagne, a fait fausse route dans sa gestion passée. Ce serait reconnaître que les plans de sauvetage grecs ont d’abord servi à sauver les banques et à transférer leurs risques auprès des contribuables qui eux, désormais, doivent payer l’addition. Ce serait aussi prendre le contre-pied du discours politique d’Angela Merkel qui, depuis le début de la crise, a érigé les Allemands en exemple, et les Grecs en fauteurs de trouble, en tricheurs. Ce serait enfin envoyer, aux yeux de Berlin, un mauvais signal aux autres pays, qui seraient tentés de relâcher les efforts de réforme : en particulier l’Italie et la France, les nouveaux « pécheurs », comme le dit Mme Merkel. Tant que tous les autres pays européens ne seront pas passés sous la toise allemande, il ne saurait y avoir d’union fiscale.
Comme ces arguments ne sont pas tous présentables, une autre ligne de défense est en train d’être organisée : concéder un abandon de la dette grecque créerait un précédent dangereux, doublé d’une injustice. « Si l'on acceptait d’annuler une partie de la dette grecque, il faudrait aussi le faire pour le Portugal, l’Irlande, qui eux aussi ont eu des plans de sauvetage. Il faudrait y inclure aussi l’Italie, qui a un endettement insoutenable (135 % du PIB) », expliquait en substance un conseiller européen cité par la BBC. En un mot, la charge serait insupportable, mieux vaut donc abandonner cette voie tout de suite.
Mais alors, que faire de la Grèce ? Attendre qu’elle explose ? L’Europe n’a pas de réponse, sauf celle de rajouter de la dette à la dette, de l’austérité à l’austérité. Cinq ans après le début de la crise de l’euro, l’Europe se retrouve au point de départ. Elle est face aux mêmes questions, aux mêmes impasses, refusant en plus aujourd’hui de reconnaître les erreurs de sa gestion passée. Cette situation est intenable. D’une façon ou d'une autre, des changements s’imposent. La Grèce vient de donner le premier signal du mouvement.
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