Source : Reporterre
La Fête de l’Humanité a tenu sa 81e édition. Mais avec une affluence en baisse. Le rendez-vous politique de la gauche a illustré la division de celle-ci.
Fête de l’Humanité, La Courneuve (Seine-Saint-Denis), reportage
Le temps passe, la gauche vacille ; mais la Fête de l’Humanité reste en place. Elle a tenu sa nouvelle édition de vendredi 9 septembre à dimanche 11. Avec son ambiance inimitable, à la fois festival de musique et congrès politique : au stand de la section PC de Miramas, pendant que la merguez rôtit grassement sous vos yeux, une sono éraillée crache la chanson de Keny Arkana : « Y’a de l’espoir dans l’air / les indignés arrivent ». La chanson de la rappeuse marseillaise résume l’humeur générale : Indignados.
Dans le labyrinthe des allées du parc de la Courneuve, les débats qui s’enchaînent portent le désir de révolte. Au village du monde, on défend les droits de l’Homme et la cause sahraouie, victime du régime marocain, avec la journaliste Zineb El Rhazoui et l’avocate Ingrid Metton. Au village du livre, on s’interroge sur la place du théâtre en banlieue. Et partout, on fustige la loi travail et on honnit le Parti Socialiste, avec « ce gouvernement qui s’assoit sur tout notre socle de valeurs » comme remarque une jeune militante au stand « Vladimir Y liche » (jeu de mots sur Vladimir Illitch, nom de Lénine).
Pourtant, l’affluence globale était cette année en nette baisse : "Il y a quelques jours, moins 25 % des ventes par rapport à l’année dernière", indique un membre du conseil national du Parti Communiste à Reporterre, pour un événement habitué à dépasser le demi-million de visiteurs.
C’est à l’Agora que le public s’est fait le plus nombreux : le chapiteau central a vu défiler plusieurs candidats de gauche à la magistrature suprême.
A l’applaudimètre, Jean-Luc Mélenchon finit loin devant : premier à entrer en piste, samedi, à 13h, le candidat de la « France insoumise » a déroulé son programme, liant écologie et emploi : « Il faut 400.000 paysans de plus pour faire une agriculture relocalisée. 400.000 qu’il faut former, car être aujourd’hui un bon agriculteur, c’est avoir un haut niveau de compétences scientifiques. Quant à la sortie du nucléaire, c’est 900.000 emplois supplémentaires, et l’économie de la mer, 300.000. »
De leur côté, Benoît Hamon et Arnaud Montebourg ont essuyé quelques sifflets, en raison notamment de leur étiquette socialiste. Benoît Hamon a tenu un discours volontariste, insistant sur sa volonté d’ouvrir un débat à gauche au sujet du revenu universel et appelant à une primaire pour désigner un candidat commun à la gauche de Hollande – « Si Jean-Luc [Mélenchon] ou Cécile [Duflot] sont devant, j’appellerai à voter pour eux dans la seconde ». Arnaud Montebourg est resté vague sur cette question des primaires ; son propos s’est orienté sur les enjeux économiques et industriels du pays, plaidant par exemple pour la nationalisation d’une grande banque française.
Pierre Laurent, secrétaire national du PCF et hôte de ce rendez-vous politique, s’est posé en rassembleur et a évoqué des « convergences » possibles. Une posture qui a fait long feu : l’absence remarquée de Jean-Luc Mélenchon au discours de Pierre Laurent a crûment rappelé l’échec du Front de Gauche. Pour la première fois, il n’y avait même pas un seul stand estampillé au couleur de ce rassemblement, le Parti de Gauche semblant s’y être opposé. 2011 est loin : la Fête de l’Huma avait alors lancé la dynamique d’une campagne unie autour de Mélenchon…
Quant à l’alliance avec les écologistes évoquée par Pierre Laurent dans son entretien avec Reporterre, elle reste à la marge : si elle est une possibilité pour les législatives, elle ne semble pas envisagée à court terme : « Est-ce qu’on pourrait soutenir Cécile Duflot ? Non ! », nous indique catégoriquement un cadre du parti communiste.
Entre les stratégies individuelles et l’absence d’un cadre commun de candidature, la Fête de l’Huma reflétait donc la fragmentation de la gauche : « C’est flou car on ne sait pas où on va, analyse David Cormand, secrétaire national d’EELV. Le Front de Gauche n’est pas seul à se décomposer, c’est également le cas des écolos et du PS. » Pour EELV, le calendrier est connu : une primaire désignera en octobre son représentant à l’élection présidentielle.
Trois des quatre candidats étaient d’ailleurs présents, Cécile Duflot, Yannick Jadot et Karima Delli – seule manquait Michèle Rivasi. Mais la Fête de l’Huma ne plaçait pas cette année l’écologie au cœur de ses réflexions. « C’est vrai qu’il y a une petite rechute, comparée à l’année dernière, souligne David Cormand. Mais c’est à interpréter dans un contexte politique plus large, qui s’est considérablement refermé à la suite des attentats terroristes, et où l’écologie est mise au second plan. »
Ingrid, qui travaille dans l’édition, note que « les thèmes de l’écologie sont largement absents des tables des éditeurs ». Un sentiment partagé par Vincent, un militant d’EELV : « Ce n’est pas toujours facile de parler d’environnement, ici. » A l’Huma, le temps des végétariens n’est pas encore venu, ni celui de la consigne pour les liquides. La journée avançant, certains coins des allées se transformaient en amoncellements de déchets.
Il y avait pourtant quelques nouveautés, cette année : un stand naturiste, la présence du secrétaire général de Force Ouvrière, ou bien encore ces questionnaires, « Que demande le peuple ? », disposés un peu partout sur le site. Sorte d’outil de consultation à la disposition de chacun, sur les grands thèmes de la politique, l’Europe, la démocratie, le travail, etc.
« C’est trop rare qu’on nous demande notre avis » note Sylviane, 30 ans, qui s’est arrêtée pour remplir le document. A côté, Matthias corrobore : « Les questions directes aux gens, cela manque beaucoup dans la vie politique française. » C’est d’ailleurs de ce constat qu’est né Nuit debout, autre nouvel invité au rayon des stands, et qui organisait sa propre série de débats. Nuit debout incarne ce besoin urgent d’un renouveau du politique en France : « En province, cela a très bien marché, parfois mieux qu’à Paris, raconte Margaux, venue d’Orléans. Mais où en est-on aujourd’hui ? Que va-t-on faire des commissions, des discussions et des décisions ? »
Son compagnon, qui travaille dans des zones à risque à l’étranger pour mieux « voir le monde à travers les yeux de ceux qui souffrent », se montre désabusé de la politique, « ce grand mot ». S’il est d’abord venu pour « décompresser » grâce à l’affiche musicale, il dit : « On n’est jamais là tout à fait par hasard. » Sur le fronton de la grande scène, le message s’affiche en grand : « Parce que le monde a besoin d’une nouvelle humanité. »
A la nuit tombante, la foule se met debout. Michel Polnareff – l’artiste aurait empoché un cachet proche de 300.000 Euros pour sa prestation samedi soir – entonne « Grand-maman » : « Le bulldozer a tué grand-maman / Et changé ses fleurs en marteaux-piqueurs /
Les oiseaux pour chanter ne trouvent que des chantiers / Est-ce pour cela que l’on te pleure ? Qui a tué grand-maman, est-ce le temps ou les hommes qui n’ont plus l’temps de passer le temps ?... »
Le temps passe, la gauche vacille ; mais la Fête de l’Humanité reste en place. Elle a tenu sa nouvelle édition de vendredi 9 septembre à dimanche 11. Avec son ambiance inimitable, à la fois festival de musique et congrès politique : au stand de la section PC de Miramas, pendant que la merguez rôtit grassement sous vos yeux, une sono éraillée crache la chanson de Keny Arkana : « Y’a de l’espoir dans l’air / les indignés arrivent ». La chanson de la rappeuse marseillaise résume l’humeur générale : Indignados.
Dans le labyrinthe des allées du parc de la Courneuve, les débats qui s’enchaînent portent le désir de révolte. Au village du monde, on défend les droits de l’Homme et la cause sahraouie, victime du régime marocain, avec la journaliste Zineb El Rhazoui et l’avocate Ingrid Metton. Au village du livre, on s’interroge sur la place du théâtre en banlieue. Et partout, on fustige la loi travail et on honnit le Parti Socialiste, avec « ce gouvernement qui s’assoit sur tout notre socle de valeurs » comme remarque une jeune militante au stand « Vladimir Y liche » (jeu de mots sur Vladimir Illitch, nom de Lénine).
Pourtant, l’affluence globale était cette année en nette baisse : "Il y a quelques jours, moins 25 % des ventes par rapport à l’année dernière", indique un membre du conseil national du Parti Communiste à Reporterre, pour un événement habitué à dépasser le demi-million de visiteurs.
C’est à l’Agora que le public s’est fait le plus nombreux : le chapiteau central a vu défiler plusieurs candidats de gauche à la magistrature suprême.
A l’applaudimètre, Jean-Luc Mélenchon finit loin devant : premier à entrer en piste, samedi, à 13h, le candidat de la « France insoumise » a déroulé son programme, liant écologie et emploi : « Il faut 400.000 paysans de plus pour faire une agriculture relocalisée. 400.000 qu’il faut former, car être aujourd’hui un bon agriculteur, c’est avoir un haut niveau de compétences scientifiques. Quant à la sortie du nucléaire, c’est 900.000 emplois supplémentaires, et l’économie de la mer, 300.000. »
De leur côté, Benoît Hamon et Arnaud Montebourg ont essuyé quelques sifflets, en raison notamment de leur étiquette socialiste. Benoît Hamon a tenu un discours volontariste, insistant sur sa volonté d’ouvrir un débat à gauche au sujet du revenu universel et appelant à une primaire pour désigner un candidat commun à la gauche de Hollande – « Si Jean-Luc [Mélenchon] ou Cécile [Duflot] sont devant, j’appellerai à voter pour eux dans la seconde ». Arnaud Montebourg est resté vague sur cette question des primaires ; son propos s’est orienté sur les enjeux économiques et industriels du pays, plaidant par exemple pour la nationalisation d’une grande banque française.
Pierre Laurent, secrétaire national du PCF et hôte de ce rendez-vous politique, s’est posé en rassembleur et a évoqué des « convergences » possibles. Une posture qui a fait long feu : l’absence remarquée de Jean-Luc Mélenchon au discours de Pierre Laurent a crûment rappelé l’échec du Front de Gauche. Pour la première fois, il n’y avait même pas un seul stand estampillé au couleur de ce rassemblement, le Parti de Gauche semblant s’y être opposé. 2011 est loin : la Fête de l’Huma avait alors lancé la dynamique d’une campagne unie autour de Mélenchon…
Quant à l’alliance avec les écologistes évoquée par Pierre Laurent dans son entretien avec Reporterre, elle reste à la marge : si elle est une possibilité pour les législatives, elle ne semble pas envisagée à court terme : « Est-ce qu’on pourrait soutenir Cécile Duflot ? Non ! », nous indique catégoriquement un cadre du parti communiste.
Entre les stratégies individuelles et l’absence d’un cadre commun de candidature, la Fête de l’Huma reflétait donc la fragmentation de la gauche : « C’est flou car on ne sait pas où on va, analyse David Cormand, secrétaire national d’EELV. Le Front de Gauche n’est pas seul à se décomposer, c’est également le cas des écolos et du PS. » Pour EELV, le calendrier est connu : une primaire désignera en octobre son représentant à l’élection présidentielle.
Trois des quatre candidats étaient d’ailleurs présents, Cécile Duflot, Yannick Jadot et Karima Delli – seule manquait Michèle Rivasi. Mais la Fête de l’Huma ne plaçait pas cette année l’écologie au cœur de ses réflexions. « C’est vrai qu’il y a une petite rechute, comparée à l’année dernière, souligne David Cormand. Mais c’est à interpréter dans un contexte politique plus large, qui s’est considérablement refermé à la suite des attentats terroristes, et où l’écologie est mise au second plan. »
Ingrid, qui travaille dans l’édition, note que « les thèmes de l’écologie sont largement absents des tables des éditeurs ». Un sentiment partagé par Vincent, un militant d’EELV : « Ce n’est pas toujours facile de parler d’environnement, ici. » A l’Huma, le temps des végétariens n’est pas encore venu, ni celui de la consigne pour les liquides. La journée avançant, certains coins des allées se transformaient en amoncellements de déchets.
Il y avait pourtant quelques nouveautés, cette année : un stand naturiste, la présence du secrétaire général de Force Ouvrière, ou bien encore ces questionnaires, « Que demande le peuple ? », disposés un peu partout sur le site. Sorte d’outil de consultation à la disposition de chacun, sur les grands thèmes de la politique, l’Europe, la démocratie, le travail, etc.
« C’est trop rare qu’on nous demande notre avis » note Sylviane, 30 ans, qui s’est arrêtée pour remplir le document. A côté, Matthias corrobore : « Les questions directes aux gens, cela manque beaucoup dans la vie politique française. » C’est d’ailleurs de ce constat qu’est né Nuit debout, autre nouvel invité au rayon des stands, et qui organisait sa propre série de débats. Nuit debout incarne ce besoin urgent d’un renouveau du politique en France : « En province, cela a très bien marché, parfois mieux qu’à Paris, raconte Margaux, venue d’Orléans. Mais où en est-on aujourd’hui ? Que va-t-on faire des commissions, des discussions et des décisions ? »
Son compagnon, qui travaille dans des zones à risque à l’étranger pour mieux « voir le monde à travers les yeux de ceux qui souffrent », se montre désabusé de la politique, « ce grand mot ». S’il est d’abord venu pour « décompresser » grâce à l’affiche musicale, il dit : « On n’est jamais là tout à fait par hasard. » Sur le fronton de la grande scène, le message s’affiche en grand : « Parce que le monde a besoin d’une nouvelle humanité. »
A la nuit tombante, la foule se met debout. Michel Polnareff – l’artiste aurait empoché un cachet proche de 300.000 Euros pour sa prestation samedi soir – entonne « Grand-maman » : « Le bulldozer a tué grand-maman / Et changé ses fleurs en marteaux-piqueurs /
Les oiseaux pour chanter ne trouvent que des chantiers / Est-ce pour cela que l’on te pleure ? Qui a tué grand-maman, est-ce le temps ou les hommes qui n’ont plus l’temps de passer le temps ?... »
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Lire aussi : Pierre Laurent : « L’écologie est LA question du XXIe siècle »
Source : Barnabé Binctin pour Reporterre
Photos : © Barnabé Binctin/Reporterre
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