Suite au dossier de Valeurs actuelles intitulé « Les assistés : comment ils ruinent la France », paru le 29 août 2016, ATD Quart Monde a envoyé une lettre ouverte au directeur de la rédaction du magazine afin de corriger les préjugés.
Montreuil, le 1er septembre 2016M. Yves de Kerdrel
Directeur de la rédaction – Valeurs actuelles
24, rue Georges Bizet, 75116, Paris
Monsieur le directeur de la rédaction,
Je
découvre avec consternation les articles que vous venez de publier sur
papier et sur Internet, intitulés « Profession: assisté! » et « Voyage
au pays des 1 001 allocs ». Les propos tenus sont presque tous erronés.
Ils alimentent des discours anciens et trompeurs sur les personnes
confrontées à la pauvreté.
Votre
comparatif SMIC-RSA qui veut montrer que « les bénéficiaires de
prestations sociales sont souvent bien mieux traités que ceux qui
travaillent chaque jour » est faux. C’est le contraire qui est vrai :
une famille qui travaille perçoit au moins 500 euros mensuels de plus
qu’une famille sans emploi.
Vous
écrivez que la CMU-C est « fréquemment piratée ». Savez-vous que la
fraude à la CMU-C s’élève à 700 000 euros par an selon le Fonds CMU,
pour environ 5 millions de bénéficiaires ? Cela équivaut à une fraude
annuelle moyenne de 14 centimes par bénéficiaire. Vous parlez de fraude
« massive »…
Vous écrivez que « le
RSA est l’aide sociale la plus fraudée (70 % des cas) ». La fraude au
RSA concerne en réalité moins de 1% des allocataires et s’élève à moins
de 40 euros par foyer et par an, pour un total de 100 millions d’euros
en 2014. La fraude fiscale atteint 3,18 milliards d’euros.
Des
allégations telles que « la France est devenue la patrie mondiale de
l’assistanat », « les prestations sociales encouragent à gagner plus en
travaillant moins », « la France, championne du monde de la création
d’impôts et de taxes », « les bénéficiaires ont des droits mais aucun
devoir », « un assisté peut dissimuler un fraudeur », « une telle
générosité attire les plus démunis de la planète », « les demandeurs
d’asile sont choyés » et « des étrangers qui n’ont jamais travaillé en
France touchent des retraites plus élevées que des millions de petits
retraités » sont des discours erronés que nous décortiquons en détail,
aux côtés de 109 autres, dans notre livre En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté, dont je me permettrai de vous adresser la troisième édition à la fin de ce mois.
La
question est de savoir si les pauvres sont victimes ou coupables de
leur situation ? La réalité est qu’ils sont doublement victimes : ils
sont confrontés à une vie très difficile et en plus ils sont jugés par
les autres. Les propos que vous tenez aggravent leur exclusion.
Je vous prie de recevoir, Monsieur le directeur de la rédaction, mes meilleures salutations.
Claire Hédon, présidente
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