Publié dans Rue 89
le 29 octobre 2014
par Simon Barthélémy
le 29 octobre 2014
par Simon Barthélémy
Dépolluer de l’eau coûte 27 fois plus cher que de soutenir l’agriculture bio sur les aires de captage. Un réseau encourage la conversion bio d’exploitations agricoles, avec des résultats probants sur l’emploi et l’environnement, présentés ce mardi à Bordeaux.
La France engloutit 54 milliards d’euros par an pour dépolluer l’eau souillée par les rejets de l’agriculture et de l’élevage – engrais, pesticides… C’est à dire une somme équivalente au budget européen de la PAC (politique agricole commune).Il faut dire que l’état des nappes phréatiques est autres réserves d’eau douce n’est pas fameux : 400 captages sont abandonnés chaque année pour cause de pollution d’origine agricole, et on retrouve la présence des pesticides dans la majorité des points d’observation. Si bien que la France, 1erutilisateur de pesticides d’Europe, est régulièrement condamnée par l’Union pour non respect de la directive-cadre eau.L’enjeu est sanitaire, mais aussi économique, en particulier dans les zones côtières comme l’Aquitaine, où la mauvaise qualité des eaux a des conséquences immédiates sur la pêche, l’ostréiculture ou le tourisme (interdictions de baignades liées à des pollutions bactériologiques sur les plages basques, par exemple).Pour combattre la contamination de la ressource, mais aussi préserver la santé des agriculteurs qui manipulent ces produits chimiques, il existe une solution simple : convertir les surfaces agricoles des zones de captage en bio, un mode de culture qui prohibe tout pesticides ou intrants azotés. Cet objectif défini par le Grenelle de l’environnement, est inspiré d’expériences comme celle de la ville de Munich, qui a contractualisé le passage au bio des agriculteurs des environs.Des petits Munich en France
Le modèle s’avère très économique, affirme le réseau Bio d’Aquitaine, co-organisateur ce mardi à la Communauté urbaine de Bordeaux d’une journée de débats sur « l’agriculture biologique, levier d’action pour un développement territorial durable » :« Cela revient 27 fois moins cher de soutenir l’agriculture bio que d’engager des actions de dénitrification de l’eau – l’équivalent d’un centime d’euro le m3 d’eau distribuée, contre 27 centimes pour dépolluer », estime Sylvie Dulong, viticultrice et présidente d’Agrobio Gironde, membre de Bio d’Aquitaine.Pour prouver la pertinence du modèle, « on essaie de faire des petits Munich partout en France », lance Sylvain Roumeau, chargé de mission à la FNAB. La Fédération nationale de l’agriculture biologique coordonne depuis 2007 un groupe de travail, le réseau Eau&Bio, qui associe notamment les agences de l’eau.Ce réseau compte 12 sites pilotes – dont les sources de la vallée de la Vanne, qui fournissent 15% à 20% de l’eau consommée par les Parisiens, où la bio est passée de 1% à 6% de la surface agricole utile (SAU), soit 1494 hectares labellisés AB, avec 22 agriculteurs bio.Parmi ces 12 territoires, un seul se trouve en Aquitaine : dans la vallée de la Dordogne, sept agriculteurs sont passés en bio sur l’aire de captage du Puits de la Prade de Gardonne, dont les nappes souterraines sont affectées par les pesticides pulvérisés sur les vignes voisines.Des résultats rapides
Quelle est l’efficacité de telles mesures ? Pour Françoise Vernier, ingénieur-chercheur à l’Irstea de Bordeaux (institut de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture), elles ne marchent que si elles sont économiquement viables. Or selon ses travaux sur l’évolution de l’agriculture en Poitou-Charentes, le passage en bio est beaucoup plus rentable pour les agriculteurs, et efficace pour l’environnement, que d’autres mesures type agriculture raisonnée.A Coulonges et Saint-Hyppolite, des coins où la bio ne pèse que quelques % de la SAU, la présence des pesticides dans l’eau est massive (55% des stations superficielle et les ¾ des nappes souterraines contaminées), les effets d’un changement de pratiques agricoles sont spectaculaires : selon la scientifique bordelaise, la conversion en bio de seulement 20% des vignes présentes sur les zones de captage « a permis d’obtenir en 6 ans une réduction de 44% de la pression en herbicides, insecticides et fongicides », calculée en IFT (indice de fréquence de traitement). Cela s’est traduit par une baisse mesurée de la présence des molécules chimiques dans les cours d’eau.Peut-on revenir à une situation normale ? Oui : une étude réalisée sur l’aquifère Brie-Beauce prévoit un dépassement des normes d’eau potable (50 milligrammes de nitrate par litre) en cas de scénario « business as usual », une stagnation à un niveau de pollution élevée en cas d’évolution vers une agriculture « intégrée » ou « raisonnée » (c’est à dire utilisant un peu moins de produits chimiques), et un retour en 20 ans à la situation des années 1950, en cas de conversion bio.Aux sources du Thil
Des résultats sont donc possibles, à condition que l’agriculture biologique se développe plus rapidement qu’aujourd’hui : en France un peu moins de 4% de la SAU est en bio ou en cours de conversion, très loin des objectifs du Grenelle (6% en 2012, 20% en 2020), et il est même improbable qu’elle parvienne à atteindre l’Ambition Bio, revue à la baisse, à savoir le doublement des surfaces d’ici 2017.Aussi, la FNAB salue les initiatives des collectivités type repas bio dans les cantines ou encouragement des circuits courts, à l’image de la cartographie très pratique réalisée par la CUB. La métropole bordelaise affiche ainsi son ambition de maintenir ses 176 paysans sur son territoire en rachetant des terrains. Objectifs : préserver la vocation agricole des terres (6000 hectares cultivés) face à l’urbanisation galopante, favoriser l’installation des jeunes, et contribuer à l’amélioration de la qualité des eaux. 40% de l’eau de Bordeaux vient des sources du Thil, dans la vallée des Jalles, où la CUB veut favoriser l’agriculture bio. Même si les problèmes de pollution de l’eau sont davantage liés au perchlorate relargué par la poudrerie de Saint-Médard…
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