mercredi 9 mars 2016

Grève du 9 mars: les étudiants de Paris-VIII veulent «faire peur aux bourgeois !»


Source : le Figaro
«La lutte contre cette loi est une nécessité: faisons mordre la poussière au gouvernement!»
Quelque 250 étudiants ont voté la grève, ce mardi, contre la loi El Khomri lors d’une assemblée générale à l’université de Saint-Denis, dans le nord de Paris. Les débats ont mêlé critiques de la loi et discussions sur le féminisme ou l’état d’urgence.
Vote pour la grève à main levée, interrogations sur les dates optimales du blocage de leur «fac»: ils étaient 250 à 300 étudiants, professeurs et administratifs selon nos comptes, 600 selon les organisateurs, réunis en assemblée générale dans l’amphithéâtre X de l’Université Paris-VIII, ce mardi. Avec sa tradition frondeuse, l’université de Saint-Denis était logiquement la première à organiser une assemblée générale (AG) en région parisienne. Lille et Toulouse-II l’ont précédée la semaine dernière et lundi. Grenoble, Rennes-II ont organisé des AG ce mardi. Mais la plupart des réunions sont surtout programmées le jour de la grève, mercredi 9 mars.
En plus de trois heures, les débats se sont parfois perdus dans des discussions oiseuses, comme toujours dans une AG. Trônant face à l’amphi X avec trois autres «camarades», Marine, étudiante en licence de sciences politiques et encartée au nouveau parti anticapitaliste (NPA) insiste sur la nécessité de donner prioritairement la parole aux femmes lors de l’AG. Il faut d’emblée «neutraliser les comportements virilistes dans la prise de parole» et encourager les femmes à s’exprimer, elles qui parlent «deux fois mois que les hommes», indique une jeune fille. Des propos qui suscitent un certain remous dans la salle et un départ d’étudiant furieux.

«Ne pas personnaliser les manifs sur le nom d’El-Khomri»

C’est une femme d’une cinquantaine d’année, professeur à Paris-VIII - on en compte quelques dizaines dans les travées parmi les étudiants - qui prend la première la parole, en décortiquant la loi à sa façon, très énergiquement. «Il s’agit de travailler plus, gagner moins et se faire virer facilement», résume-t-elle. Bientôt, on «fera bosser à temps plein les mineurs de 14 ans» et on «supprimera les jours de vacances pour aller enterrer sa grand-mère. La lutte contre cette loi est une nécessité: faisons mordre la poussière au gouvernement!», s’enflamme-t-elle. Pour Jean-Charles, étudiant en «psycho», «on va pas se faire avoir par une nana qui ne fait même pas la différence entre les CDD et les CDI». Une phrase trop machiste au goût d’Anissa, très applaudie: «Il faut arrêter de dire nana et de personnaliser les manifs sur le nom d’El-Khomri, comme on l’a vu dans le passé pour la loi Taubira et Vallaud-Belkacem.» La question du genre préoccupe décidemment beaucoup les étudiantes qui saisissent le micro.

«Un départ plus fort que pour le CPE»

Militants du parti de gauche et autres jeunes communistes s’enflamment sur le «scandale du plafonnement des indemnités prud’homales»... Un professeur «depuis trente ans à Paris-VIII» renchérit: «Cette loi, c’est à peu près la même approche de précarisation du travail que le contrat première embauche (CPE) en 2006. Au tout début du CPE, il y avait de toutes petites réunions syndicales. Aujourd’hui, dans cette AG, avec ce nombre, on part beaucoup plus fort pour démarrer», dit-il très convaincu. Pour motiver les troupes?
La lutte anti-CPE est la référence permanente qui plane sur l’amphi X. Combien de personnes s’étaient mobilisées pour bloquer la fac en 2006? Faut-il organiser une occupation permanente en dormant à l’intérieur? Et bien entendu, des causes annexes se greffent encore et toujours aux discussions, comme Tania, du NPA qui affirme qu’il faut «aussi se battre pour le droit des femmes».

«L’Unef, ce social traitre»

On évoque la question de l’état d’urgence forcément abusif ou de Notre-Dames-Des-Landes car il «faut faire la jonction» avec d’autres mouvements pour faire boule de neige. Les membres de l’Unef, principal syndicat étudiant, pourtant bien présents dans la salle sont très discrets. Ils laissent patiemment la parole aux mouvements d’extrême gauche - extrêmement actifs - pendant plus d’une heure et demi avant de s’exprimer. Il s’agit pour eux d’être stratégiques et de ne pas laisser dire aux étudiants - comme à chaque manifestation - que l’Unef, ce syndicat «social traître» vendu aux socialistes, a récupéré le «mouvement spontané».

«Qu’est-ce qu’on attend pour mettre le feu? «

Un blocage de l’université? L’Unef est contre, estime que c’est trop tôt. Ce serait «contre-productif et catastrophique. Il faut d’abord informer tout le monde sur la loi» lance une étudiante alors qu’une minorité dans la salle, aimerait en découdre au plus vite. Un jeune barbu affirme qu’il «faut faire peur au bourgeois, au gouvernement. Qu’est-ce qu’on attend pour mettre le feu?» lance-t-il, citant «Nique ta mère». «On n’a pas eu de victoire pour les travailleurs depuis 1936.» «Le blocage permet d’en finir avec le comportement autoritaire de l’université!», lance un autre. Un rêveur, étudiant en arts, se lance dans une longue diatribe d’une voix douce. Il ne sait plus comment s’informer, se sent déphasé et a déprimé le matin, croit-on comprendre. Son intervention est vivement applaudie. Comme un air de déjà-vu, un éternel air d’AG d’étudiants.

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