Pas une visite de courtoisie
« On ne comprend pas ni la manière ni la méthode. » Assis à la terrasse d’un café du quartier Arnaud Bernard, dans le centre de Toulouse, Jean-Marc Izrine, un habitant, reste songeur. Une réunion du comité de quartier auquel il appartient, prévue de longue date, a vu son ordre du jour largement submergé par une spectaculaire opération de police menée quelques jours plus tôt.Jeudi 3 octobre à l’heure de l’apéro, des policiers investissent la place Arnaud Bernard et ses rues adjacentes. Sur les terrasses, les consommateurs imaginent que ce déploiement est destiné à la lutte contre le commerce parallèle, bien connu dans le quartier.
Mais, vers 20 heures, le quartier comprend qu’il s’agit d’autre chose. « Ils contrôlent tous les passants, ceux qui veulent entrer ou sortir du secteur», relate un témoin. Puis, la place des Tiercerettes voit arriver un cortège d’uniformes bleus et de policiers en civils, certains accompagnés par des chiens. A leur tête, le commissaire divisionnaire du commissariat central qui entreprend de visiter tous les établissements ouverts.
Bars, hôtel, restaurants, locaux associatifs, les visites s’enchaînent, accompagnées du même discours : « les nuisances sonores sont insupportables pour les voisins, votre établissement n’est d’ailleurs pas aux normes et c’est votre responsabilité de réguler l’ensemble« . Avec un ton que peu de témoins ont qualifié de courtois. Pourtant, les noctambules d’Arnaud Bernard ont l’habitude de voir des patrouilles. Mais face à la méthode, nombreux sont ceux qui sortent leur smartphone pour filmer.
Parti de la place des Tiercerettes, le cortège met une petite heure à remonter deux petites rues. Dans le sillage, des policiers en profitent pour dénicher quelques grammes de cannabis, contrôler l’identité de 270 passants et procèdent aux interpellations : cinq pour stupéfiants et un pour port d’arme illégal selon la Dépêche du Midi.
Tarif spécial Arnaud B
Parmi la centaine de témoins, personne n’est dupe. Il ne s’agit pas ici d’une descente anti-drogue mais bien d’un coup de semonce des pouvoirs publics face au déroulement des nuits du quartier Arnaud Bernard. D’autant que nous sommes jeudi.>> Notre débat sur la vie nocturne à Toulouse
Dans le collimateur, les débits de boissons notamment : « S’il y avait un message pédagogique c’est raté », constate Yannick Grabot, gérant du Breughel. Cet établissement est régulièrement pointé du doigt par les autorités pour son activité nocturne et l’influence que cette dernière aurait sur les débordements que connaît la place des Tiercerettes. A tort selon le patron qui dit avoir multiplié les actions pour gérer sa clientèle. « Le collectif Culture Bars-Bars va solliciter la préfecture pour un établir un vrai dialogue. Car quand on dit à mon portier que pour gérer les fumeurs, il faut les faire sortir un par un, c’est inenvisageable. Si le commissaire veut nous apprendre notre métier, on peut lui aussi l’aider à lui montrer où sont les vrais méchants.» Un dialogue brouillé qui a donné l’envie à certains patrons de lancer les élections symboliques à Toulouse d’un maire de la nuit.
Fausse route
« La police se trompe de cible. » Ce constat est largement partagé par les habitués du quartier. En sirotant son café, Jean-Marc Izrine détaille : « Il y a un consensus pour dire que la police n’est pas là où les gens l’attendent. Elle est présente dans la journée mais il y a un sentiment d’abandon à partir de six heures le soir. Alors qu’ils savent où taper! Mais aujourd’hui, on a davantage l’impression qu’ils en veulent plus à la vie de quartier qu’au commerce parallèle ». Membre du conseil d’administration du comité de quartier, Jean-Marc Izrine revient sur les discussions qui ont animé la dernière réunion : « On se pose la question des motifs d’une telle opération : embêter le passant? Tout le monde est remonté sur la façon de faire ; c’était agressif et discourtois».>> Lire aussi: notre reportage avec les habitants sur la violence à Arnaud Bernard
Sollicitée, la préfecture s’est engagée à fournir des réponses sur cette opération (à venir dans la journée NDLR). La mairie, de son côté a donné son feu vert pour la descente par l’intermédiaire de son adjoint à la sécurité, Jean-Pierre Havrin. Des policiers municipaux ont d’ailleurs prêté main forte ce jeudi là. Depuis environ deux ans, une convention de coordination entre police nationale et police municipale amène les différents services à se réunir une fois par semaine pour mener des opérations conjointes. A la mairie, l’on reconnaît être « extrêmement vigilants suite aux plaintes régulières. L’aspect sécuritaire fait partie d’une politique générale sur ce quartier« .
Une réunion « sécurité » a été organisée en juillet dernier spécifiquement sur Arnaud Bernard. Car « il y a un sentiment d’insécurité qui est lié au commerce informel parmi les riverains du quartier », reconnaît Jean-Marc. Face à ce sentiment d’abandon ou d’erreur de ciblage, les habitants ont évoqué des solutions : « de la médiation via des groupes d’habitants, certains le font déjà à titre individuel. Il y a également la question du déplacement du deal. On ne peut pas l’éradiquer alors rendons-le invisible sur des lieux de passage comme au abords des métros. Et concernant les nuisances sonores la médiation pourrait être encore une fois être employée mais accompagnée d’une présence policière».
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