L’Humanité,
le 2 octobre 2013
Marc Bonnefis, secrétaire du Syndicat CGT de l’ex-ministère de l’immigration, relève dans sa tribune que le ministre de l'intérieur (et de la police) prend très précisément ce mercredi 2 octobre le contrôle total et formalisé de la politique d'intégration des étrangers, via la création de la Direction Générale des Etrangers en France (DGEF).
Nous publions sa tribune:
Ces derniers jours, le monde politique et la société civile sont fortement agités par les remous provoqués par la prise de position – réitérée – de M. Valls sur l’incapacité de la majorité des Roms à s’intégrer dans notre pays.
Cependant, au-delà de l’indignation légitime face à la stigmatisation inacceptable d’un groupe ethnique et de la dénonciation d’un discours xénophobe qui ne fait qu’alimenter le fonds de commerce du Front national, force est de relever qu’un aspect fondamental de la problématique semble avoir échappé aux commentateurs. Leurs analyses ciblent toujours le ministre de l’intérieur, en sa qualité de gardien de la sécurité publique, et omettent de relever que le locataire de la Place Beauvau est, plus que jamais, le ministre qui régit l’ensemble de la politique d’immigration et…d’intégration.
Il faut savoir, en effet, que cette polémique survient précisément à la veille de la transformation officielle du Secrétariat Général à l’Immigration et à l’Intégration (placé sous la tutelle du ministère de l’intérieur en 2011, après la suppression du ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale) en simple «Direction Générale des Etrangers en France» de l’administration centrale du ministère de l’intérieur (application du décret du 12 août 2013).
"La consécration d’un processus remontant à plus de 10 ans"
Cette énième restructuration politico-administrative des services chargés de mettre en œuvre la politique menée en direction des étrangers constitue, malheureusement, la consécration d’un processus remontant à plus de 10 ans (cf. premier passage de N. Sarkozy au ministère de l’intérieur). Depuis 2002, non content d'être le grand ordonnateur des cinq lois relatives aux étrangers qui ont été successivement publiées, le ministère de l'intérieur n'a cessé de peser, dans un sens restrictif, sur la politique et les compétences des ministères qui ont eu parallèlement en charge les questions relatives au droit d’asile, à l’intégration et à l'accès à la nationalité française (Affaires Etrangères, Affaires Sociales).
Après l’élection de Nicolas Sarkozy et la création, fin 2007, du funeste ministère de l'Immigration et de «l’identité nationale», la CGT, tout en étant au premier rang de ceux qui ont dénoncé cet odieux amalgame politique, a souligné que le chiffon rouge de «l’identité nationale» risquait d’occulter un fait majeur dans l’histoire administrative de notre pays : le regroupement, au sein d’un même portefeuille gouvernemental, de services ministériels aux missions, aux modes de fonctionnement et à la philosophie foncièrement différents, voire contradictoires.
Avec la suppression, fin 2010, du ministère de M.M Hortefeux et Besson, et la création du Secrétariat Général à l’Immigration et à l’Intégration (SGII), placé sous la tutelle du ministère de l’intérieur, le hochet électoraliste de Nicolas Sarkozy a vite montré qu’il avait également constitué un «sas politique» vers la prise de contrôle par le ministère de l’intérieur de l’ensemble de la politique menée en direction des Etrangers.
"Cette nouvelle direction voisinera avec la direction générale de la Police et celle de la Gendarmerie nationale"
Après l’élection de F. Hollande, le SMI-Cgt n’a pu empêcher malgré ses nombreuses prises de position que, sur le plan structurel, le changement ne rime, là aussi, avec continuité…et même pire puisqu’avec la création de la DGEF, on aboutit à l’absorption formelle, totale, des missions relatives aux étrangers par le ministère de l’intérieur. Quand on sait que cette nouvelle direction voisinera avec la direction générale de la Police et celle de la Gendarmerie nationale, le signal émis est on ne peut plus clair : c’est la logique «sécuritaire» de la gestion des Etrangers, impulsée par N. Sarkozy, qui se trouve ainsi définitivement consacrée !
Au-delà de la polémique actuelle sur l’intégration des Roms, et même si, sur certains plans, la politique menée par le gouvernement diffère heureusement de sa devancière (cf. notamment le retour à une politique équilibrée et cohérente en matière de naturalisations), on est donc en droit de s’inquiéter, plus globalement, du devenir de la politique d’intégration des Etrangers. Alors qu’en la matière, la nécessité de conduire une politique interministérielle semble enfin, théoriquement, reconnue (cf. rapport TUOT), comment peut-on sérieusement croire -qui plus est dans le contexte d’austérité budgétaire actuel- qu’une simple direction, a fortiori du ministère de «l’intérieur», va être en mesure de l’impulser et de la coordonner?
Enfin, comment ne pas être préoccupé, pour l’avenir, de l’usage que pourrait faire un «autre pouvoir» d’un tel outil politico-administratif..!
Le ministère de l'Intérieur prend la main sur l'Intégration
Marc Bonnefis, secrétaire du Syndicat CGT de l’ex-ministère de l’immigration, relève dans sa tribune que le ministre de l'intérieur (et de la police) prend très précisément ce mercredi 2 octobre le contrôle total et formalisé de la politique d'intégration des étrangers, via la création de la Direction Générale des Etrangers en France (DGEF).
Nous publions sa tribune:
Ministère de l’intérieur
et…intégration:
ça ne peut pas faire bon
ménage!
Ces derniers jours, le monde politique et la société civile sont fortement agités par les remous provoqués par la prise de position – réitérée – de M. Valls sur l’incapacité de la majorité des Roms à s’intégrer dans notre pays.
Cependant, au-delà de l’indignation légitime face à la stigmatisation inacceptable d’un groupe ethnique et de la dénonciation d’un discours xénophobe qui ne fait qu’alimenter le fonds de commerce du Front national, force est de relever qu’un aspect fondamental de la problématique semble avoir échappé aux commentateurs. Leurs analyses ciblent toujours le ministre de l’intérieur, en sa qualité de gardien de la sécurité publique, et omettent de relever que le locataire de la Place Beauvau est, plus que jamais, le ministre qui régit l’ensemble de la politique d’immigration et…d’intégration.
Il faut savoir, en effet, que cette polémique survient précisément à la veille de la transformation officielle du Secrétariat Général à l’Immigration et à l’Intégration (placé sous la tutelle du ministère de l’intérieur en 2011, après la suppression du ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale) en simple «Direction Générale des Etrangers en France» de l’administration centrale du ministère de l’intérieur (application du décret du 12 août 2013).
"La consécration d’un processus remontant à plus de 10 ans"
Cette énième restructuration politico-administrative des services chargés de mettre en œuvre la politique menée en direction des étrangers constitue, malheureusement, la consécration d’un processus remontant à plus de 10 ans (cf. premier passage de N. Sarkozy au ministère de l’intérieur). Depuis 2002, non content d'être le grand ordonnateur des cinq lois relatives aux étrangers qui ont été successivement publiées, le ministère de l'intérieur n'a cessé de peser, dans un sens restrictif, sur la politique et les compétences des ministères qui ont eu parallèlement en charge les questions relatives au droit d’asile, à l’intégration et à l'accès à la nationalité française (Affaires Etrangères, Affaires Sociales).
Après l’élection de Nicolas Sarkozy et la création, fin 2007, du funeste ministère de l'Immigration et de «l’identité nationale», la CGT, tout en étant au premier rang de ceux qui ont dénoncé cet odieux amalgame politique, a souligné que le chiffon rouge de «l’identité nationale» risquait d’occulter un fait majeur dans l’histoire administrative de notre pays : le regroupement, au sein d’un même portefeuille gouvernemental, de services ministériels aux missions, aux modes de fonctionnement et à la philosophie foncièrement différents, voire contradictoires.
Avec la suppression, fin 2010, du ministère de M.M Hortefeux et Besson, et la création du Secrétariat Général à l’Immigration et à l’Intégration (SGII), placé sous la tutelle du ministère de l’intérieur, le hochet électoraliste de Nicolas Sarkozy a vite montré qu’il avait également constitué un «sas politique» vers la prise de contrôle par le ministère de l’intérieur de l’ensemble de la politique menée en direction des Etrangers.
"Cette nouvelle direction voisinera avec la direction générale de la Police et celle de la Gendarmerie nationale"
Après l’élection de F. Hollande, le SMI-Cgt n’a pu empêcher malgré ses nombreuses prises de position que, sur le plan structurel, le changement ne rime, là aussi, avec continuité…et même pire puisqu’avec la création de la DGEF, on aboutit à l’absorption formelle, totale, des missions relatives aux étrangers par le ministère de l’intérieur. Quand on sait que cette nouvelle direction voisinera avec la direction générale de la Police et celle de la Gendarmerie nationale, le signal émis est on ne peut plus clair : c’est la logique «sécuritaire» de la gestion des Etrangers, impulsée par N. Sarkozy, qui se trouve ainsi définitivement consacrée !
Au-delà de la polémique actuelle sur l’intégration des Roms, et même si, sur certains plans, la politique menée par le gouvernement diffère heureusement de sa devancière (cf. notamment le retour à une politique équilibrée et cohérente en matière de naturalisations), on est donc en droit de s’inquiéter, plus globalement, du devenir de la politique d’intégration des Etrangers. Alors qu’en la matière, la nécessité de conduire une politique interministérielle semble enfin, théoriquement, reconnue (cf. rapport TUOT), comment peut-on sérieusement croire -qui plus est dans le contexte d’austérité budgétaire actuel- qu’une simple direction, a fortiori du ministère de «l’intérieur», va être en mesure de l’impulser et de la coordonner?
Enfin, comment ne pas être préoccupé, pour l’avenir, de l’usage que pourrait faire un «autre pouvoir» d’un tel outil politico-administratif..!
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