La réalité du travail de fonctionnaire dans le
contexte actuel de réduction des effectifs, ses conséquences en termes
de souffrance, est décrite dans un livre blanc publié jeudi 22 novembre
2012 par la Fédération générale autonome des fonctionnaires (FGAF).
Yolande Restouin, secrétaire générale nationale du SAFPT, en commente
les enseignements.
Cet article est paru dans
Le Club Ressources Humaines
Le Club Ressources Humaines
En couverture, la « Nef des fous » de Jérôme Bosch. A
l’intérieur, une somme de références sur le sujet et des témoignages
recueillis sur le terrain. Le livre blanc sur la souffrance au travail
des fonctionnaires et des agents publics, publié par la Fédération
générale autonome des fonctionnaires (FGAF) a été écrit par José
Razafindranaly, commissaire de police à la retraite et Hervé Garlert,
professeur agrégé d’allemand.
Il a été remis mercredi 21 novembre à Marylise Lebranchu, la ministre de
la Fonction publique. La décision de le réaliser a été prise en juin
2011, parce que la situation devenait préoccupante dans les différents
corps et métiers de fonctionnaires représentés par la FGAF.
A comme accident à V comme violence -
La première partie se présente comme un abécédaire des mots de la
souffrance au travail, de A comme accident à V comme violence. La
seconde partie compile les études, rapports, textes réglementaires,
législatifs, directives, accords, plans d’action et autres guides qui
disent le droit ou l’intention dans ce domaine.
Le troisième volet s’attaque aux maux à travers des récits
d’adhérents de la FGAF et des analyses de cas repris dans la presse. Les
premiers cités, en collèges et lycées, témoignent de l’absence de
soutien de la hiérarchie.
En administration centrale, c’est la surcharge de travail, en partie due
à la réduction d’effectifs, le stress et la difficulté à se faire
entendre de sa hiérarchie qui sont à la source de la souffrance.
Dans la pénitentiaire, « à bout de souffle », c’est le manque de
personnel, le fait de travailler 8 à 10 jours d’affilée, sans repos
hebdomadaire, qui empêche par exemple d’organiser sa vie familiale et
personnelle et de rentrer chez soi et l’absence de soutien et de
solidarité entre collègues, qui est dénoncée.
Quand le travail réel porte atteinte à l’intégrité des agents -
A propos des agents territoriaux, c’est l’absence d’indépendance de la
médecine de prévention et les mises aux placards qui sont soulignées.
Chez les commissaires de police, le harcèlement d’un cadre supérieur par
un autre cadre supérieur est décrit. Dans la police scientifique, le
cumul d’astreintes et d’heures supplémentaires non récupérées par défaut
de remplacements, la charge mentale qui s’accumule du fait là encore de
manquer d’effectifs et la récente politique du chiffre qui font des
dégâts.
« La souffrance arrive par le surplus de travail et la non
reconnaissance » décrivait Nicole Helies, secrétaire générale du
Syndicat National des Personnels de Police Scientifique (SNPPS). Au vu
des cas recensés par son organisation membre de la FGAF, un policier
scientifique sur six serait en souffrance dans ce métier.
L’omerta des fonctionnaires - «
Les situations se dégradent, sans que rien ne soit dit. Les gens ont
peur. C’est l’omerta », décrivaient les représentants de différents
métiers de la fonction publique, lors de la présentation de l’ouvrage,
destiné à être diffusé largement et à porter les revendications de cette
fédération minoritaire en nombre mais représentant différents niveaux
hiérarchiques et des métiers souvent exposés.
Réunis, tous reconnaissaient des vertus à la parole. « Les gens qui
acceptent de parler se libèrent. Ils le font dans la souffrance, mais
ils se libèrent. C’est le silence qui tue» assurait Hervé Garlert qui a
recueilli les témoignages. « On ne prend pas la mesure des difficultés
rencontrées par les agents sur le terrain. Il y a une volonté de ne pas
voir, notamment à l’Education nationale », décrivait en écho François
Portzer, secrétaire général de la FGAF.
Si dans les services de l’Etat, c’est la révision générale des
politiques publiques (RGPP) qui est pointée comme source de la
souffrance, dans la territoriale, c’est la pression des élus et les
alternances d’équipes politiques qui paraissent le plus néfastes,
entrainant la rétrogradation de taches ou la relégation de
fonctionnaires, autrement appelée « mise au placard ».
« Dans la territoriale, les élus font pression sur la hiérarchie qui met
la pression sur les agents au bas de l’échelle. Leur travail n’est pas
reconnu. Ils se sentent rejetés et cela ouvre une souffrance. La
hiérarchie demande toujours plus avec moins de moyens. Si quelqu’un
parle, l’avancement ne se fait plus » exprimait de son côté Yolande
Restouin, secrétaire générale du Syndicat autonome de la fonction
publique territoriale qui suggérait de rechercher les causes réelles de
l’absentéisme et des longues maladies coûteuses pour les collectivités.
Des pistes d’action - Pour sortir
de ce constat, la FGAF propose dans son livre blanc 8 mesures et 71
recommandations « pas forcément coûteuses, mais qualitatives » selon ses
membres. Reste à attendre que la direction générale de l’administration
et de la fonction publique DGAFP se saisisse de ce très instructif
livre blanc.
Lire aussi : Secteur social et souffrance au travail l'omerta des fonctionnaires
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